Texte intégral
Mme la présidente.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (nos 760, 814, 771, 819). (Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. (Mmes et MM. les députés du groupe RE ainsi que quelques députés des groupes Dem et HOR se lèvent et applaudissent.)
M. Olivier Dussopt, ministre.
Madame la présidente, messieurs les ministres – cher Gabriel, cher Franck – (Les protestations continuent et s’amplifient), madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames les rapporteures pour avis…
M. Ugo Bernalicis.
Réunissez la conférence des présidents !
Mme la présidente.
Mes chers collègues, seul le ministre a la parole ! (Les protestations se poursuivent.) Pensez-vous que nous allons passer les quinze prochains jours dans cette ambiance ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ne croyez-vous pas que nos compatriotes méritent mieux que ça ? (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Fabien Di Filippo.
Votez-la, la motion, on n’en parlera plus !
Mme la présidente.
Allez-y, monsieur le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre.
Quand même vous ne le voudriez pas, nous y sommes ; nous sommes là, après des années de débat, des mois de concertation nourrie, des engagements présidentiels clairs. (« Conférence des présidents ! » sur de nombreux bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme la présidente.
Mes chers collègues, nous ne sommes ici ni dans un amphithéâtre, ni dans une manifestation, mais dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ! (Les députés des groupes RE et RN ainsi que plusieurs députés des groupes Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Plusieurs députés du groupe GDR-NUPES désignent les députés des groupes RE, RN, Dem et HOR qui continuent d’applaudir.)
Un député du groupe GDR-NUPES.
Collusion !
M. Laurent Croizier.
Vous n’êtes pas sur les bancs de la maternelle, quand même !
Mme la présidente.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je fais de mon mieux, madame la présidente ! (Sourires. – Brouhaha continu.) Je le répète, nous évoquons la question des retraites depuis des années ; nous avons lancé une concertation il y a des mois ; des engagements présidentiels ont été pris.
M. Marc Le Fur.
Et l’eau de la Saur, elle est bonne ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
Nous nous apprêtons désormais à réformer les retraites, et je suis très fier de présenter au nom du Gouvernement ce projet de loi visant à assurer l’avenir du système de retraite, ainsi qu’à contribuer à atteindre notre objectif de plein emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
M. Pierre Dharréville.
Ce projet de loi est une honte !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Mesdames et messieurs les députés, cette réforme concrétise les engagements du Président de la République :…
M. Matthias Tavel.
C’est faux !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…nous tenons la promesse qu’il avait faite d’entamer ce chantier aussi difficile que nécessaire. Je crois profondément en cette réforme, car je crois profondément à la légitimité des urnes, celle du Président comme des députés (Mêmes mouvements) ,…
M. Fabien Roussel.
Nous, nous croyons à la légitimité du peuple !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…même si je sais que ceux qui ont contribué à l’élection d’Emmanuel Macron ne l’ont pas tous fait en raison de cette promesse. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Reste que cet engagement clair, l’un des axes de l’action du Gouvernement qui manifeste à nouveau (« Oui, manifestez ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) son esprit de responsabilité, témoigne qu’il n’y a pas eu dissimulation, tromperie : le Président de la République a annoncé, assumé son projet, et nous avec lui.
M. Ugo Bernalicis.
Nous aussi, nous assumons notre opposition !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Cette réforme, y compris ses principes de progressivité et de différenciation, figurait au cœur de la déclaration de politique générale que la Première ministre vous a adressée cet été, et je suis convaincu que, comme toutes celles que nous avons élaborées depuis cinq ans, elle contribuera à poursuivre la transformation du pays, l’amélioration de notre modèle social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Brouhaha continu.) Vous le savez aussi bien que nous : nous avons été élus pour débarrasser les Français des contraintes obsolètes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES) , du corporatisme, pour fluidifier la société, assécher les rentes, continuer de battre en brèche les déterminismes, mettre un terme aux assignations à résidence.
M. Louis Boyard.
Corrompu !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Or la majorité obéit à la conviction, d’ailleurs commune à tous les bancs, que le travail constitue la meilleure arme, le meilleur outil, le meilleur levier en vue d’accroître la dignité et l’autonomie, de lutter contre la pauvreté, de financer notre modèle social. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
Je crois au dépassement des clivages, qui permet de surmonter les épreuves, d’œuvrer en faveur du progrès et de la justice. Tel est le sens de notre action, de mon action depuis que je me suis mis au service du Gouvernement, de ce que le Président de la République a construit, réforme après réforme, depuis 2017.
M. Ugo Bernalicis.
Vous croyez vraiment à ce que vous dites ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
Cette réforme ne fait pas exception, bien au contraire. Vous connaissez ce système de retraite hirsute (Murmures sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES) ,…
M. Jérôme Guedj.
Hirsute ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
…dont les modifications, jusqu’à présent, n’ont eu d’autre résultat que d’accroître l’opacité, dont chaque détail recouvre une imperfection, dont la réforme constitue une gageure, car elle nécessite de concilier nos priorités et sa complexité croissante – pour ne rien dire des inégalités qu’il suscite.
M. François Ruffin.
Vous faites du favoritisme pour les riches !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Face à ce défi, « à l’heure difficile où nous sommes, que puis-je désirer d’autre que de ne rien exclure, et d’apprendre à tresser de fil blanc et de fil noir, une corde tendue à se rompre » ? Ce sont là les mots d’Albert Camus dans « Retour à Tipasa ». (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Cette corde tendue à se rompre, c’est celle de nos discussions,…
M. Fabien Roussel.
Celle des premiers de cordée ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
…qui devraient rester imprégnées d’un esprit de dialogue républicain et de progrès, d’un peu de décence, de dignité, de respect pour cette institution, pour l’hémicycle, les parlementaires et les électeurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.) C’est ce que nous voulons faire avec toutes les forces politiques, comme nous l’avons fait avec les partenaires sociaux, et c’est cette corde tendue qui rend la réforme aussi sensible. Au fond, quand nous parlons de retraites, de quoi parlons-nous ?
Un député du groupe LFI-NUPES.
Des Français que vous volez !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je pose cette question car, comme le reste du Gouvernement, je mesure la mobilisation, j’entends les interrogations et les inquiétudes qui, encore une fois, font de cette réforme une entreprise difficile. (Exclamations continues.)
Mme Sabrina Sebaihi.
Elle est injuste !
Mme Sophie Taillé-Polian.
Retirez-la !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je ne me réfugierai pas derrière l’argument de la pédagogie : comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ce n’est pas à un défaut de pédagogie que peuvent être attribués les doutes et les oppositions. En revanche, je crois aux vertus de l’explication, du débat contradictoire, de l’argumentation sincère, et bien que chacune de vos paroles tende à m’en dissuader, j’espère que nos débats seront à la hauteur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) J’espère que nous serons en mesure d’aborder la question, de mesurer la complexité des sujets, de confronter les projets, d’examiner les solutions alternatives.
M. Loïc Prud’homme.
Vous êtes un corrompu !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Mesdames et messieurs les députés, lorsque nous demandons un effort – car il s’agit bien d’un effort – en faveur de notre système de retraite, nous touchons au rapport au travail des Français, à leur vie, à nos vies. (Exclamations continues.) Nous parlons de ce qui en forme le cœur. Je sais que le travail constitue parfois une souffrance qui fait de la retraite une délivrance.
Un député du groupe LFI-NUPES.
Qu’est-ce que vous y connaissez, à la souffrance ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je sais que certains aspects de la réforme sont susceptibles de remettre en cause des projets, des plans pour les mois, l’année, les deux ans qui viennent, des horizons personnels. Je sais que le départ à la retraite oblige à concevoir un avenir, inquiétant lorsque plane l’ombre de la maladie ou de la dépendance, mais aussi à se retourner sur le passé pour reconstituer une carrière, en réalité un parcours de vie. C’est pourquoi la retraite constitue un sujet intime, fondamental, personnel, et qui le devient d’autant plus que nos concitoyens attendent davantage du travail, que la question du sens du travail est plus urgente que jamais.
M. Éric Bothorel.
Il a raison !
M. Olivier Dussopt, ministre.
C’est en tant que ministre du travail, bien conscient de cette dimension existentielle, que je m’adresse à vous. Il convient de renoncer au cloisonnement et de se concentrer sur les enjeux essentiels. Tout d’abord, ayant été il y a peu ministre délégué chargé des comptes publics, je peux témoigner de ma certitude que le système entier repose sur les équilibres budgétaires, dont Gabriel Attal et moi serons les garants : sans eux, aucune promesse n’est fondée. Certains d’entre vous voudraient faire passer cette réforme pour une simple réforme comptable ;…
M. Sébastien Jumel.
C’est le cas !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…elle constitue en réalité une première étape en vue de pouvoir penser sereinement notre rapport au travail, le sens du travail, dans les décennies qui viennent (Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES) , une condition de ce retour à l’équilibre qui peut seul permettre de nouvelles avancées, de nouveaux progrès, tout en assurant la survie du système.
Une députée du groupe LFI-NUPES.
Bla bla bla !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Peut-être est-ce avant tout cela que nous devons dire à nos concitoyens ! Par ailleurs, cette réforme suit un fil rouge : celui des chantiers que nous avons ouverts au printemps, qui ont donné lieu aux textes consacrés au pouvoir d’achat, au marché du travail, et d’ici peu au plein emploi, à l’emploi et au travail, à la formation. De fait, toutes ces réformes ont un objectif commun : le plein emploi.
M. Matthias Tavel.
Vos réformes, ce sont des cadeaux aux riches !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Les Français nous ont élus pour agir et construire ; c’est ce que nous faisons. Encore une fois, cette réforme est difficile (Nouvelles exclamations. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) ,…
M. Sylvain Maillard.
Bravo !
Mme Farida Amrani.
Cette réforme est injuste !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…mais en la menant à bien, nous ferons preuve du courage que d’autres, avant nous, n’ont pas eu. (Les exclamations s’intensifient.)
Mme Clémence Guetté.
Vous êtes un menteur, un tricheur et un lâche !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Aucune malice, aucune contre-vérité ne viendra à bout de ce constat sans nuance ni équivoque : notre système est structurellement déficitaire. Nous n’avons plus le luxe de pouvoir nous voiler la face ; l’immobilisme n’est plus permis. Je vous invite, au lieu d’essayer de couvrir ma voix, à relire le dernier rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié en septembre 2022 : « Sur les 25 prochaines années, le système de retraite serait en moyenne déficitaire, quels que soient la convention et le scénario retenus. » L’hypothèse centrale retient dès 2023 un déficit de 1,8 milliard, qui se creuse rapidement : 12,4 milliards en 2027, autant dire demain, 13,5 milliards en 2030, 25 milliards en 2040. Autrement dit, rester passif, c’est se préparer à accumuler en dix ans 150 milliards de déficit, que devront gérer les générations futures ! (M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.)
Mme Clémence Guetté.
Il y a une autre solution !
Mme Mathilde Panot.
Arrêtez avec vos sornettes !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Ces chiffres sont parfois contestés, discutés. Je le dis clairement et aussi posément que possible : interpréter le rapport au lieu d’en respecter les conclusions, cela s’appelle le déni (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également) ;…
Mme Sandra Regol.
C’est vous qui l’interprétez !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…encourager des dépenses sans se préoccuper du poids des déficits, cela s’appelle l’incurie financière !
M. Jean-Paul Mattei.
Absolument ! Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Soyons pragmatiques : demandez à un ménage, à un indépendant, à une entreprise, quelles seraient leurs conclusions s’ils constataient que leurs dépenses n’explosent pas, mais que leurs revenus diminuent. Ce sens commun vaut également pour les politiques publiques, a fortiori en matière de retraites, à plus forte raison encore quand les comptes sont dans le rouge, quand la démographie nous incite à agir.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Le sens commun, ce sont les 70 % des Français qui s’opposent à votre réforme !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Les chiffres sont simples : dans les années 1970, il y avait 3 cotisants par retraité, contre 1,7 aujourd’hui et 1,4 demain. (Exclamations continues.) Chaque majorité s’est efforcée de remédier à ce déséquilibre : citons la réforme de 1993, conduite par Simone Veil, celle de 2003, celle de 2010, jusqu’à celle de Marisol Touraine en 2013. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
M. Hadrien Clouet.
Traître ! Vendu !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Notre système de retraite nous appartient et l’impératif de sa solidité nous engage : nous agissons pour nous, mais aussi pour les générations montantes qui n’ont pas encore voix au chapitre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Louis Boyard.
Elles vous détestent, les générations montantes !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je ne forme pour elles qu’un vœu : que nous ne les enfermions pas dans une alternative mortifère – plus d’endettement ou moins de pouvoir d’achat. Les chiffres ne mentent pas ; or, je le répète, si nous ne faisons rien, le déficit atteindra 13,5 milliards en 2030, ce qui ne nous laisserait que trois options : faire payer les générations futures, demander aux actifs de payer chaque année près de 450 euros supplémentaires de cotisations, ou diminuer de 720 euros par an les pensions de retraite. Aucune de ces options, aucune option conduisant à restreindre le pouvoir d’achat des Français ou à augmenter la charge de la dette, n’est acceptable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également.) Nous laisser gagner par le déni reviendrait à prendre un risque que je refuse : celui de sacrifier le système par répartition, qui protège les plus fragiles, réduit les inégalités entre retraités, garantit la solidarité entre générations. Je ne me lasserai pas de le redire, ma ligne de conduite se résume en deux termes : améliorer et équilibrer.
M. Matthias Tavel.
Améliorer les dividendes, oui !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Améliorer sans équilibrer serait irresponsable, équilibrer sans améliorer serait injuste ; c’est pourquoi nous attaquons ces deux chantiers. (Brouhaha continu.) Cela dit, quelles sont les options qui se présentent à nous ?
M. Stéphane Peu.
Retirer le texte ! C’est la seule option qui vaille.
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je tiens à le souligner, la réforme n’est jamais plus convaincante que lorsque l’on considère les propositions qui lui sont opposées, et qui se heurtent toutes à un mur de contradictions. Certains, dont la nostalgie ne trompera personne, souhaitent revenir à la retraite à 60 ans (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE)…
M. Rodrigo Arenas.
C’était votre projet il n’y a pas longtemps !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…sans toucher aux quarante-trois annuités nécessaires au taux plein : c’est à n’y rien comprendre, à moins de les soupçonner de vouloir mettre les Français au travail le plus tôt possible ou transformer le système en distributeur de décotes, en machine à petites pensions, à pauvreté. Ceux qui promeuvent cette solution sont du reste qualifiés de farfelus jusque dans leur propre camp. (Exclamations continues.) D’autres veulent retourner vingt ans en arrière, sans dire aux Français qu’il faudrait pour cela trouver chaque année 85 milliards afin de financer le système : bonne chance à vous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Vincent Descoeur s’exclame. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Là encore, à moins de vouloir ruiner un quinquennat consacré à la restauration de notre compétitivité, à moins de vouloir peser sur le pouvoir d’achat des Français, à moins de vouloir asseoir notre système sur l’imposition de profits aléatoires, ce contre-projet n’a raisonnablement aucun avenir.
Ces prétendues solutions de rechange ne révèlent que l’immense réseau de contradictions dans lequel se sont enfermés en tête à tête la NUPES et le Rassemblement national (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RE) :…
Mme Maud Bregeon.
Il a raison !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…nier la réalité des déficits tout en prévoyant pour les combler des dizaines de milliards de recettes supplémentaires, témoigner de leur attachement au système par répartition tout en souhaitant le mettre sous perfusion du capital, défendre le principe d’égalité et vouloir préserver les inégalités qui résultent de l’existence de régimes spéciaux.
M. Stéphane Peu.
C’est faux !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Tout cela est avancé, sans aucun sérieux (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Frédéric Petit applaudit également) , au nom du débat. Soit ! Que constatons-nous : 18 000 amendements de la NUPES, beaucoup de bruit, beaucoup d’indignation, et en réalité, rien que du mépris – pour nos débats, pour la démocratie, pour ceux que vous prétendez servir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Pierre Dharréville.
Vous parlez de mépris après ce qui vient de se passer ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
Dans cette masse d’amendements de l’opposition, nous trouvons ici une ode à la paresse – qui se traduit en réalité par la paresse de dépasser l’obstruction et de proposer des améliorations crédibles ; ailleurs un appel à la tendresse, mais avec la brutalité comme seul langage, comme seule méthode, comme seule proposition, et avec en réalité l’obstruction comme seule perspective. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Sandra Regol.
La brutalité, c’est vous !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Quand on est attaché, comme vous dites l’être, au système par répartition, on en débat, on le renforce, on l’améliore, on ne le bloque pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
M. Pierre Cordier.
Vous disiez le contraire il y a six ans !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Pour ce qui nous concerne, nous voulons améliorer et sauver le système par répartition, et nous proposons une solution. Oui, nous allons travailler plus longtemps. Oui, tous ceux qui le peuvent vont progressivement travailler plus longtemps. L’âge légal de départ sera relevé progressivement pour atteindre 63 ans et 3 mois à la fin du quinquennat et 64 ans en 2030. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Raquel Garrido.
Nous ne vous laisserons pas faire !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Nous accélérons aussi la mise en œuvre de la réforme Touraine afin d’atteindre une durée de quarante-trois ans de cotisation à la fin du quinquennat tout en précisant – et c’est important – que l’âge d’annulation de la décote reste à 67 ans.
Mme Mathilde Panot.
Nous ne vous laisserons pas faire !
Un député.
Vendu !
M. Olivier Dussopt, ministre.
J’insiste sur le fait que nous ne prenons pas une décision inédite. Des majorités de droite comme de gauche ont pris avant nous la même décision de demander aux Français de travailler plus longtemps. Vous l’avez fait avant nous et aucune alternance n’a jamais remis en cause ces réformes passées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) En revanche, ce que nous faisons de nouveau, de neuf, c’est que nous améliorons le système et finançons des droits nouveaux à un niveau sans précédent.
M. Matthias Tavel.
Vous faites pire que Sarkozy !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Nous le faisons par le travail, par la production et par la croissance. Nous le faisons parce que nous croyons au travail comme outil d’émancipation et comme facteur de solidarité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce travail, cet effort demandé à tous, nous y croyons, et plus encore à un moment de notre histoire où le taux de chômage ne cesse de baisser et où le taux d’emploi bat des records. Ce travail crée de la richesse et de la valeur, il donne des recettes qui sont essentielles tant pour le retour à l’équilibre que pour financer des mesures nouvelles. (Les exclamations se poursuivent.)
Mme Christine Arrighi.
Le bénévolat aussi crée des richesses !
Mme Ségolène Amiot.
Les retraités ne sont pas des fainéants !
M. Olivier Dussopt, ministre.
En effet, un tiers des 18 milliards d’euros qu’engendre la réforme – soit 6 milliards – seront consacrés à des mesures de justice et de solidarité. Cela n’avait jamais été le cas auparavant dans de telles proportions. Je vous le dis, mesdames et messieurs les députés, et je vous le répète : c’est avec fierté qu’au nom du Gouvernement, au nom de la Première ministre, je vous présente aujourd’hui une réforme d’équité et de progrès qui répartit l’effort que nous demandons de manière juste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Un député du groupe GDR-NUPES.
Vous n’avez pas honte ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
Cette réforme demande un effort, mais celui-ci est réparti justement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Elle est le fruit de la concertation menée depuis plusieurs mois – concertation à laquelle ont participé tous les partenaires sociaux et qui a permis de construire point par point des convergences. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme Sophie Taillé-Polian.
Vous avez fait semblant de les consulter !
M. Davy Rimane.
Elle est belle, la concertation !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Mais, nous le savons et vous le savez aussi, ces convergences n’ont pas effacé les désaccords et n’ont pas permis de trouver un accord global avec les organisations syndicales. Sur l’âge, la divergence est évidemment manifeste. (Les exclamations se poursuivent.) Malgré ce désaccord persistant, nous avons veillé, avec Mme la Première ministre, à prendre en compte et à intégrer un maximum de demandes des partenaires sociaux comme des groupes politiques dans le projet de loi que nous vous présentons.
M. Davy Rimane.
C’est faux !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Nous avons veillé à inclure des propositions des groupes de la majorité présidentielle, bien sûr : plusieurs attentes des groupes Renaissance, Démocrate et Horizons ont été ou seront intégrées dans ce texte.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Avec la même attention, nous avons regardé les propositions de tous les groupes politiques qui se sont inscrits dans une logique de proposition – je pense notamment au groupe Les Républicains.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Nous tenons compte aussi des travaux des parlementaires, et parfois de travaux individuels ; je pense notamment à un sujet sur lequel la députée Lebon a appelé mon attention, concernant la question si douloureuse du décès des enfants en bas âge.
Finalement, cette concertation avec les partenaires sociaux et avec les groupes politiques nous aura permis de construire une réforme…
M. Inaki Echaniz.
Inutile !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…dont je veux souligner trois aspects. D’abord, la réforme que nous présentons est une réforme soucieuse de justice. (« Oh non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Travailler plus longtemps, oui, mais pas pour tout le monde et pas de la même manière. Nous allons donc conserver et améliorer le dispositif des carrières longues (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES) en le rendant plus juste et plus lisible et en l’élargissant aux périodes de congé parental. Nous allons aussi apporter une réponse sur le sujet des carrières très longues, en permettant aux travailleurs qui ont commencé avant 18 ans de partir quatre ans avant l’âge légal.
M. Perceval Gaillard.
C’est faux !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Et nous allons le faire en préservant les dispositifs déjà prévus pour ceux qui ont débuté entre 18 et 20 ans.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Perceval Gaillard.
Vos députés eux-mêmes n’y croient pas !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Nous allons encore améliorer le système et, à la demande du groupe Les Républicains et en écho aux demandes de très nombreux députés des trois groupes de la majorité, nous allons, comme l’a dit Élisabeth Borne, inclure dans ce dispositif de carrières longues ceux qui ont commencé avant 21 ans, de manière à les protéger eux aussi. Nous ouvrirons par ailleurs la possibilité de comptabiliser jusqu’à quatre trimestres validés au titre du congé parental pour devenir éligible aux carrières longues ; c’est évidemment une mesure particulièrement favorable aux femmes.
Une députée du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Un système plus juste, c’est aussi un système qui prend mieux en compte les travailleurs fragiles, les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, les travailleurs handicapés qui pourront toujours partir à la retraite à 55 ans dans des conditions facilitées et selon des critères simplifiés, les travailleurs invalides ou inaptes qui percevront comme aujourd’hui une retraite à taux plein à 62 ans, et les travailleurs exposés à l’amiante qui continueront comme aujourd’hui à pouvoir partir à 50 ans.
M. Jean-François Coulomme.
Ils seront déjà morts !
M. Olivier Dussopt, ministre.
S’agissant des aidants, nous irons plus loin : parce que cette situation concerne de plus en plus de nos concitoyens, nous allons créer une assurance vieillesse pour les aidants, qui compensera les interruptions de carrière par l’attribution de droits nouveaux. C’est un progrès attendu ; c’est aussi le fruit des travaux des parlementaires.
Et puis, une réforme…
M. Inaki Echaniz.
Injuste !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…juste doit évidemment s’intéresser à la situation des seniors. Leur accompagnement est une condition nécessaire de la réforme, mais aussi de notre stratégie du plein emploi ; j’y reviendrai dans un instant.
J’en viens au deuxième aspect que je tiens à souligner : cette réforme est aussi une réforme de progrès, qui ouvre de nouveaux droits. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Nous entendons ainsi améliorer la prise en compte de la pénibilité, notamment de l’usure liée aux conditions d’exercice de certains métiers. (Les exclamations redoublent d’intensité.) L’accès au compte professionnel de la prévention – C2P – et les droits acquis à ce titre seront considérablement renforcés et facilités. Nous allons notamment créer un congé de reconversion, comme un nouveau droit, sans perte de rémunération, pour éviter l’enfermement dans des métiers difficiles. (Les exclamations se poursuivent.) Nous allons demander aux branches de négocier des accords de prévention de l’usure professionnelle pour les métiers identifiés comme difficiles par les instances de la sécurité sociale, et pour tenir compte de l’exposition aux critères ergonomiques de port de charges lourdes, de postures pénibles ou de vibrations.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Vous les avez retirés !
M. Davy Rimane.
Vous n’y croyez pas vous-même !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Pour accompagner ce suivi et financer ces mesures, nous créons un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, doté de 1 milliard d’euros pour les cinq prochaines années, qui va permettre de multiplier par cinq l’effort fait par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) pour la prévention de l’usure professionnelle. Nous allons renforcer le suivi médical des travailleurs exposés à cette pénibilité, avec une visite obligatoire à partir de 45 ans pour garantir la possibilité de départs anticipés dès que nécessaire, et chaque fois que cela le sera. (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Cette réforme, c’est la promesse faite à celles et ceux qui ont des métiers difficiles de partir en meilleure santé.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Enfin, conformément à l’engagement du Président de la République, nous revaloriserons de 100 euros la retraite minimale de nos compatriotes qui ont eu une carrière complète au niveau du Smic, qu’ils soient retraités de demain ou d’aujourd’hui. Plus de 200 000 nouveaux retraités en bénéficieront chaque année, ce qui représente près d’un départ sur quatre. Là aussi, nous allons intégrer les trimestres cotisés au titre de l’assurance vieillesse par les parents au foyer pour faciliter l’accès des femmes les plus fragiles à ce nouveau droit.
M. Matthias Tavel.
Vous allez leur voler deux ans !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Beaucoup en avaient parlé depuis vingt ans sans jamais concrétiser cette possibilité ; c’est avec ce texte que nous pourrons le faire. Cette revalorisation des petites pensions va aussi concerner 1,8 million de retraités actuels ; cela répond, une nouvelle fois, à une demande commune des groupes de la majorité et du groupe Les Républicains, soucieux de protéger les retraités actuels et de revaloriser les plus petites pensions.
Enfin, je veux insister sur une troisième caractéristique de cette réforme : c’est une réforme d’équité. (« Non, menteur ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Les régimes spéciaux ont leur histoire et ils ont eu leur raison d’être, mais la plupart d’entre eux ne se justifient plus. Mettre un terme aux différences dont notre système a hérité au fil du temps, c’est avoir le courage que personne n’avait eu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) C’est effacer des différences devenues incompréhensibles et c’est faire preuve de responsabilité financière.
M. Davy Rimane.
Niveler par le bas, c’est cela le progrès ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
Personne ne comprend plus pourquoi des agents de conduite de métro ou d’autobus, ici à Paris et en région parisienne, partiraient six ans plus tôt que celles et ceux qui exercent le même métier à Lyon, à Bordeaux, à Marseille ou dans d’autres villes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) C’est donc l’équité que nous allons rétablir, tout en veillant à le faire de façon soutenable et, naturellement, à accompagner financièrement les régimes fermés. Je le dis très clairement : nous assurerons la soutenabilité des caisses de retraite comme nous l’avons déjà fait pour la SNCF, de la même manière que nous respecterons le contrat social en appliquant la fameuse « clause du grand-père ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Sylvain Maillard.
Très bien !
M. Louis Boyard.
Vous n’êtes pas équitable avec tous les favoritismes !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Place est désormais faite au débat parlementaire, proposition contre proposition, projet contre projet.
M. Rodrigo Arenas.
Classe contre classe !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Vous le savez, je l’ai dit, cette réforme n’aurait pas été la même sans la concertation de longue haleine qui nous a permis de passer tous les sujets en revue.
Un député du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Cette concertation, ce sont plusieurs dizaines de réunions avec les organisations syndicales et patronales, ainsi qu’avec les forces politiques du pays. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Maxime Minot s’exclame également.) C’est la raison pour laquelle, je l’ai dit et je le répète, le projet de loi que je vous présente comporte d’ores et déjà des avancées issues des demandes parlementaires.
Un député du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je pense à la prise en compte des périodes travaillées en travaux d’utilité collective (TUC). Je pense aux améliorations que nous allons apporter, aux propositions de lois qui ont été votées à l’initiative du président Chassaigne pour intégrer dans le dispositif 45 000 retraités dont la carrière n’était pas complète pour cause d’invalidité, et qu’ainsi nous allons mieux protéger. Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples et je ne doute pas que le débat nous permettra de le faire. Mais il faut aller plus loin, dans le sens des discussions qui ont eu lieu en commission des affaires sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il faut aller plus loin au sujet de l’emploi des seniors, en intégrant de nouvelles mesures pour assurer le maintien en emploi et en demandant aux entreprises de prendre toute leur part. Cela passe par un renforcement de l’index pour l’étendre à plus d’entreprises et l’accompagner de nouvelles obligations à l’encontre de celles, tout particulièrement les plus grandes, qui ne joueront pas le jeu et ne mettront pas en œuvre d’actions correctrices. Il nous faut aussi avancer sur d’autres mesures, pour certaines dans un projet de loi à venir, ou à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 : je pense à la réforme de l’assiette de cotisations des indépendants ainsi qu’aux mesures fiscales et sociales permettant de maintenir davantage les seniors dans l’emploi en encadrant les ruptures conventionnelles collectives. Il nous faut aussi aller plus loin s’agissant de l’acquisition de droits nouveaux pour les femmes, pour les stagiaires, pour les étudiants et pour les apprentis, dans ce texte et au-delà, en favorisant notamment le rachat de trimestres.
Je pense aussi aux différentes propositions émises par beaucoup d’entre vous pour soutenir la natalité et améliorer la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. (M. Marc Le Fur s’exclame.) La démographie est précieuse pour nos retraites, nous le savons : nous devons veiller à la soutenir, au travers de mesures en faveur du pouvoir d’achat des familles, au travers du déploiement d’un service public de la petite enfance visant à améliorer les solutions de garde des jeunes enfants, mais aussi en ayant un vrai débat sur la réforme de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), dont les plafonds écartent aujourd’hui toute une partie de la classe moyenne ; nous devons apporter une correction à ce dispositif. (Mme Michèle Peyron applaudit.) Sur chacun de ces sujets, le Gouvernement soutiendra les avancées issues de nombreuses initiatives parlementaires.
Vous le savez, nous souhaitons ouvrir dans les semaines qui viennent un débat sur les droits familiaux. C’est un sujet complexe, car sensible, et marqué par des inégalités entre les secteurs privé et public. Le système est pensé pour compenser les trimestres non cotisés alors que l’évolution heureuse, la progression bénéfique du taux d’emploi des femmes, a changé la nature de ces trimestres qui s’ajoutent désormais à ceux cotisés à la même période – en tout cas pour celles qui ont les carrières les plus longues. Ce sujet rejoint aussi celui des pensions de réversion ; les treize régimes existants sont autant de sources d’inégalités. Nous sommes convaincus que, sur les questions de maternité, d’éducation, de parentalité, de pensions de réversion, de solidarité au sein des familles, le débat sur les droits familiaux doit nous éclairer et nous permettre d’aller vers plus d’efficacité, un soutien renforcé à la démographie et à la natalité et, surtout, une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
Pour conclure (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES) , avec ce projet comme avec l’ensemble des réformes en faveur du plein emploi, c’est finalement une nouvelle société du travail que nous souhaitons construire.
Mme Sandra Regol.
Une société de l’injustice !
M. Matthias Tavel.
Une société de la précarité et de la pauvreté !
M. Hadrien Clouet.
Arriviste ! Vendu !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Cette nouvelle société du travail, c’est le projet que je porte depuis mon arrivée rue de Grenelle. J’en suis persuadé, vous aussi je crois : la volonté réformatrice de cette majorité passe par le travail, qui est d’abord et avant tout le levier le plus puissant d’émancipation. Nous avons lancé les assises du travail en décembre pour organiser une réflexion sur l’évolution du sens qu’il a pour nous, et la présente réforme s’inscrit bien évidemment dans cette démarche. Nous allons par exemple faciliter l’aménagement du temps de travail à l’échelle de toute une carrière, en convoquant une négociation sur la mise en place du compte épargne temps universel. Le futur projet de loi sur le travail, l’emploi et la formation sera l’occasion de donner suite à ces travaux et de poursuivre ce chantier.
Jacques Delors disait (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) que la retraite est une institution de plus dans la longue révolution du temps choisi, celle qui a commencé avec la réduction du temps de travail et les congés payés, permettant de se libérer du travail et de mieux concilier celui-ci avec la vie personnelle.
M. Benjamin Lucas.
Et Olivier Dussopt, il dit quoi ?
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je crois qu’il nous faut garder cette perspective en tête. Pour cela, il faut préserver notre système par répartition. Nous nous en faisons les garants avec cette réforme.
Un député du groupe LFI-NUPES.
Menteur !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Voilà la réforme que je vous propose ; voilà la réforme que le Gouvernement vous propose ; voilà comment elle s’inscrit dans notre projet. Vous savez où nous voulons aller ; vous savez comment nous voulons y aller. Avec la Première ministre…
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Elle n’est pas là ! Elle est où ?
Mme Sophie Taillé-Polian.
Vous êtes tout seul !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…nous savons les désaccords qui persistent, mais nous savons aussi que les mesures que je vous présente répondent à bien des attentes tant de nos interlocuteurs que des travailleurs. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Le débat va s’ouvrir et nous voulons, comme l’a aussi dit la Première ministre, rester ouverts aux améliorations. Nous l’avons montré en intégrant la revalorisation des petites pensions des retraités actuels ou en avançant plus récemment sur la question des carrières longues et sur celle des seniors. Nous le ferons aussi sur d’autres amendements. Je sais que c’est attendu,…
Un député.
Attendu par qui ?
M. Thomas Portes.
C’est le retrait de votre texte qui est attendu !
M. Olivier Dussopt, ministre.
…le président Mattei l’a souligné à plusieurs reprises : nous voulons aussi que les parlementaires puissent suivre pas à pas la mise en œuvre de cette réforme et qu’un bilan d’étape soit clairement prévu en 2027. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Certains parlent de clause de revoyure, soit. Pour moi, l’essentiel est que le Parlement soit parfaitement informé et capable de prendre souverainement les décisions les plus éclairées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Pierre Cordier.
C’est la base de la démocratie !
M. Olivier Dussopt, ministre.
En restaurant l’équilibre de ce système, sans le faire dépendre de financements extérieurs, nous allons au bout de la politique de souveraineté menée par le Président de la République. Si notre système de retraite est notre patrimoine commun, donnons-lui les clefs de son indépendance et de sa longévité !
Je connais le procès en impuissance que l’on fait à la politique. Il n’est pas neuf, ce sentiment d’immobilisme, l’idée que tout se joue et se décide ailleurs. C’est tout l’inverse que nous faisons avec cette réforme : nous choisissons d’agir pour ne pas avoir à agir par défaut plus tard.
M. Hadrien Clouet.
Plus tard, vous ne serez plus là !
M. Matthias Tavel.
Profitez, ça ne va pas durer !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Je pense, et c’est la dernière conviction que je veux partager avec vous, qu’il nous faut, au-delà de cette réforme, aller vers une nouvelle société du travail qui rende au travail sa place, son sens, qui permette à tous de conjuguer travail et vie personnelle. Avoir du temps pour soi, prendre du plaisir, trouver du sens à son quotidien, être davantage associé à la valeur qu’on crée, penser l’avenir de ses enfants comme un progrès, c’est à tout cela qu’il faut œuvrer. Et c’est tout cela que permet le travail. ( Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Loïc Prud’homme.
Vous êtes en boucle !
M. Olivier Dussopt, ministre.
Chacun doit avoir un travail – personne n’est inemployable ; chacun doit avoir accès à l’emploi. Retrouvons cette capacité, que nous avons parfois perdue, à conjuguer mérite et égalité républicaine, pour lutter contre les déterminismes sociaux sans sombrer dans une idéologie du nivellement et de l’absence d’effort. Par le travail, chacun participe, à sa mesure et selon ses moyens, à la solidarité avec les plus fragiles ; partant, chacun doit pouvoir en bénéficier quand le temps du repos est arrivé.
Le ministère du travail, dont j’ai l’immense honneur d’avoir la responsabilité, est le ministère du droit et de l’espoir : le droit, qui doit être respecté pour garantir la justice et l’équité, et modernisé pour suivre l’évolution de notre société ; l’espoir, celui d’une vie meilleure, autonome et digne, pour soi-même et ses enfants. C’est autour de ces deux priorités que, dans chacun des textes, chacune des actions, à chaque instant et partout, nous pouvons construire cette nouvelle société du travail. ( Mêmes mouvements.)
M. Antoine Léaument.
Ça suffit, l’obstruction !
M. Olivier Dussopt, ministre.
En vérité, la politique, c’est prendre ses responsabilités, pour soi et les autres. C’est donner une direction à l’action collective, dans un cadre républicain. ( Mêmes mouvements.) C’est ce que nous faisons avec ce texte. Je compte sur vous : ensemble, soyons à la hauteur de l’enjeu ! ( Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
Nous voilà à l’heure des choix. Nous voilà à cet instant où vous avez à vous saisir d’un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale…
Mme Raquel Garrido.
Ce n’est pas un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…qui vise à garantir l’équilibre, donc la viabilité, de notre système de retraite. Nous voilà à l’heure où, sur l’intérêt électoral, il faudra faire primer l’intérêt général. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Fabien Di Filippo.
Et votre politique du chéquier, elle est d’intérêt général ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Il s’agit de défendre les Français, d’agir et d’œuvrer pour eux. Et parfois, il faut le faire en allant contre son propre intérêt politique ou partisan du moment, contre sa popularité de l’instant, en privilégiant l’action et le mouvement plutôt que le surplace et la facilité. ( Mêmes mouvements.)
Mme Sophie Taillé-Polian.
Faites plutôt marche arrière !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Nous voilà à l’heure des choix : le choix entre l’intérêt général et l’intérêt électoral ; entre le courage et la facilité ; entre la vérité et la dissimulation. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Pierre Dharréville.
Entre progrès et régression sociale !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Eh bien, le choix que font la majorité et le Gouvernement, c’est celui de dire la vérité…
Plusieurs députés du groupe LFI.
Menteurs !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
… et d’agir pour permettre à bientôt 20 millions de Français de pouvoir compter sur une pension de retraite financée par la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Tel est notre choix, à propos duquel nous vous proposons de débattre.
Je ne doute pas que chacun d’entre vous aura à cœur d’exposer ses interrogations, sa vision, ou son projet ; c’est le sens du débat. Avec Olivier Dussopt, nous aurons à cœur de vous répondre avec le plus de transparence et de sincérité possible. Nous sommes prêts à débattre des projets, mais nous devons la vérité aux Français sur les faits. Et ceux-là sont implacables : si on ne fait rien, les pensions de retraite ne seront bientôt plus financées et baisseront mécaniquement ! (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Nicolas Sansu.
C’est faux !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
C’est factuel. On comptait 12 millions de retraités il y a vingt ans ; quoi que nous fassions, il y aura 20 millions de retraités dans les années à venir – un quasi-doublement en une génération –, donc 20 millions de retraites à payer tous les mois ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme Julie Laernoes.
Augmentez donc les salaires des femmes !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Aucun pays ne pourrait absorber un tel choc sans rien faire, aucun ! D’ailleurs, aucun pays, en Europe, ne se laisse aller à l’inaction : tous, ou presque, ont fait le choix de reculer l’âge de départ à la retraite.
Je m’étonne d’entendre des formations politiques nier cette réalité. Cela s’appelle la démographie ! (Protestations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Julie Laernoes.
Et la productivité ?
M. Emmanuel Fernandes.
Partagez les richesses !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Permettez-moi de citer quelqu’un pour qui j’ai du respect, de l’admiration ; quelqu’un qui est probablement contre cette réforme mais qui n’a jamais nié la réalité des faits ni la démographie : « Il est du devoir du Gouvernement d’attirer l’attention […] de l’ensemble des citoyens sur le caractère brutal du choc démographique inéluctable, et de les appeler à débattre des conséquences de cette évolution pour nos régimes de retraite. Ne pas l’anticiper conduirait à prendre, dans l’urgence, des mesures douloureuses. » Ces mots sont ceux de Lionel Jospin. (Exclamations et rires sur quelques bancs du groupe LR. – Protestations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) C’était le temps où la gauche ne fuyait pas ses responsabilités, où elle ne niait pas la réalité, où elle n’était pas soumise à l’extrême gauche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Dans ce contexte, le ministre des comptes publics que je suis manquerait à son devoir s’il ne portait pas à la connaissance de la représentation nationale l’état précis des finances de notre régime de retraite. Si nous ne faisons rien, notre système de retraite cumulera 150 milliards d’euros de déficits dans les douze prochaines années. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Emeric Salmon.
C’est faux !
Mme Sophie Taillé-Polian.
Vous versez chaque année 154 milliards aux entreprises !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Si nous ne faisons rien, il faudra dans quelques années, pour éviter une rupture de trésorerie, baisser le niveau des pensions, comme cela s’est passé dans d’autres pays européens. Si nous faisons cette réforme, c’est bien pour que chaque Français ait la garantie qu’il pourra compter sur sa retraite. N’ayons pas peur de le dire : en matière de retraites, c’est une réforme ou la faillite ! Voilà la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Mme Sophie Taillé-Polian.
Quelle argumentation subtile ! Vous faites dans la dentelle !
M. Nicolas Sansu.
Gare à la onzième plaie d’Égypte !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Être à la hauteur des promesses de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance : voilà une cause qui mérite que l’on y consacre du temps et de l’énergie, une cause qui devrait nous unir !
Vous l’aurez compris, le Gouvernement et la majorité se sont lancés dans cette bataille avec la volonté ferme d’agir pour que chaque Français puisse, le temps venu, profiter sereinement d’une retraite digne et méritée. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Cette volonté, nous l’avons chevillée au corps, car nous savons précisément pourquoi nous nous sommes engagés, députés de la majorité ou membres du Gouvernement. Nous nous sommes engagés car nous croyons dans les valeurs que sont le mérite, l’effort, le travail ; nous nous sommes engagés car nous voulons agir pour ces Français qui travaillent, le plus souvent sans rien dire et sans rien demander. ( Mêmes mouvements.) Ces Français qui travaillent seraient les premières victimes d’un affaiblissement, d’un effritement, voire d’un effondrement de notre système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Oui, nous croyons au travail ! Nous n’avons pas peur de parler de la valeur travail, de la quantité de travail, de la durée de travail. Le travail n’est pas une abstraction ! Nous savons que, derrière le travail, il y a ceux qui le font, des hommes et des femmes qui aiment leur travail, et parfois en souffrent. Nous sommes à leurs côtés, nous connaissons leur quotidien. (Mêmes mouvements.)
Enfin, il y a ces Français, de cette classe moyenne que j’appellerai la « classe courageuse », qui, à force de matins fatigués et de journées bien chargées, n’ont eu, le temps de leur vie active, que leur travail pour nourrir leur famille et faire tourner le pays.
Mme Raquel Garrido.
Quel cynisme !
M. Matthias Tavel.
Cette classe moyenne est contre votre réforme, contre vous !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Ce sont les mêmes qui, au moment de partir à la retraite, n’auront que le fruit de leur travail pour continuer à vivre dignement. Ceux-là ne possèdent pas un gros patrimoine, ils ne sont pas des héritiers. Ils n’ont pu compter, pendant plus de quarante ans, que sur eux-mêmes et leur courage pour continuer à bâtir la vie dont ils rêvaient. Eh bien, ce sont ceux-là qui doivent pouvoir s’appuyer sur la solidarité nationale le moment venu !
Mme Christine Arrighi.
Le moment qui viendra deux ans plus tard que ce qu’ils espéraient !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
C’est d’eux que je veux parler, eux que je veux valoriser ; c’est pour eux que nous devons agir, en équilibrant et en pérennisant le système de retraite !
M. Francis Dubois.
Non, vous voulez toujours faire payer les mêmes, la classe moyenne !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Voilà ce qui a conduit le Président de la République et la Première ministre à engager ce moment politique important et à proposer cette réforme des retraites. Je dis « cette » réforme car nous aurions pu faire un autre choix. Nous aurions pu, comme certains le souhaitent ici, faire le choix de l’impôt pour financer les déficits des retraites. Amendement après amendement, l’opposition NUPES a proposé de financer les retraites par 110 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, qui assommeraient les Français mais aussi leurs entreprises.
M. Jérôme Guedj.
C’est faux !
M. Emmanuel Fernandes.
Vous préservez vos amis les riches !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Voilà ce que ces parlementaires, et c’est leur droit, appellent une « réforme juste ». Est-ce une réforme juste, vraiment ? Les Français doivent savoir qu’avec ces propositions, un artisan, un boulanger, un petit commerçant, devra payer chaque mois 700 euros de cotisations de plus, pour chacun de ses salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme Anna Pic.
C’est faux !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
En somme, s’il emploie trois personnes au Smic, il devra en licencier une pour payer les charges supplémentaires des deux autres ! ( Mêmes mouvements.)
Mme Sandrine Rousseau.
Arrêtez de dire n’importe quoi !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Serait-ce une réforme juste ? Avec la majorité, nous disons : non ! Non, car c’est un boulet de canon fiscal qui serait ainsi tiré sur le pays, entraînant le retour du chômage de masse. Non, car ce serait, comme toujours, cette classe courageuse de Français, ceux qui bossent, qui trinquerait. Avec l’opposition NUPES, ils ne gagneraient qu’une chose : l’asphyxie fiscale ! (Mêmes mouvements.)
M. Matthias Tavel.
Vous allez leur voler deux ans de retraite !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Tant que nous serons aux responsabilités, avec les députés de la majorité, nous ne ferons pas payer aux Français un seul euro d’impôt supplémentaire ! C’est notre engagement, il sera tenu.
M. Jérôme Guedj.
Vous préférez prélever un impôt sur la vie !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Le choix que nous vous proposons, ce n’est pas l’impôt, mais le travail. Parce que le travail, c’est le cœur battant de l’économie. Il permet de produire, de créer de la richesse, donc de la redistribuer ; il permet, dans notre système de retraite par répartition, de financer les pensions des retraités actuels ; il permet aussi d’équilibrer les finances publiques. Si notre taux d’emploi était celui de l’Allemagne, j’aurais l’immense bonheur de venir chaque année à cette tribune pour vous présenter un budget quasiment à l’équilibre.
M. Emeric Salmon.
Améliorez donc le taux d’emploi !
M. Matthias Tavel.
Prenez aux riches, aux actionnaires, à Total !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Je disais tout à l’heure que nous étions à l’heure des choix. Le débat qui s’ouvre nous permettra de trancher démocratiquement. Du côté gauche de l’hémicycle, nous avons le camp de l’asphyxie fiscale et du blocage. À l’extrême gauche, tout est bon pour bloquer et éviter le débat. Des 20 000 amendements déposés, on retient deux choses : la volonté de bloquer ; l’obsession de taxer. Taxer tout le monde, taxer tout le temps, taxer toujours. Taxer, taxer, taxer : voilà leur vrai projet, leur seul projet ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Avant d’être un parti d’opposition, vous êtes un parti d’imposition ! (Mêmes mouvements.)
Vous dites, à longueur d’émissions de télévision, que vous voulez taxer les milliardaires.
Mme Julie Laernoes.
Oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Mais les deux tiers des impôts que vous proposez par amendement portent sur le travail et les salariés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Matthias Tavel.
C’est faux !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Vous proposez de taxer les heures supplémentaires, mais qui fait des heures supplémentaires ? Deux tiers des ouvriers, pas les milliardaires ! (Mêmes mouvements.) Vous proposez de renchérir massivement le coût du travail, mais qui seraient les premières victimes du retour du chômage de masse ? Les salariés, pas les milliardaires ! (Mêmes mouvements.) Vous proposez de surtaxer l’intéressement et la participation, mais qui en bénéficie ? Cinq millions de salariés, pas les milliardaires ! (Mêmes mouvements.) Votre projet mènerait à l’effondrement du système de retraite, et qui en souffrirait ? Les retraités modestes, certainement pas les milliardaires ! (Mêmes mouvements.)
Mme Sandra Regol.
C’est facile de manipuler ainsi les chiffres !
M. Alexis Corbière.
Et vous, que leur demandez-vous, aux milliardaires ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Le constat n’est guère plus réjouissant de l’autre côté de l’hémicycle. Au blocage de l’extrême gauche, l’extrême droite répond avec le mensonge. Le camp du blocage et de l’impôt fait face au camp du mensonge et des privilèges.
Vous savez, nous vivons dans la même France. Nous sommes confrontés aux mêmes réalités. Nous sommes aux côtés des mêmes Français. Mais la différence entre vous et nous, c’est que nous, nous leur disons la vérité quand, vous, vous leur mentez. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Permettez-moi de citer une personnalité politique que j’admire…
M. Jocelyn Dessigny.
Marine Le Pen !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…nécessairement moins que la précédente : « Il faut dire la vérité aux Français, c’est que tout à fait évidemment dans les années à venir, il faudra très probablement augmenter le temps de travail pour la simple et bonne raison que, sinon, les retraites ne seront pas payées. ». Cette personnalité politique, c’est Marine Le Pen. Oui, elle a bel et bien affirmé qu’il fallait travailler plus longtemps lorsqu’elle faisait campagne pour son père en 2007. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Mme Raquel Garrido.
Zemmour est d’accord !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Dire aux Français une chose et son contraire, c’est leur mentir et c’est ce que vous faites chaque jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Francis Dubois.
Les 35 heures, c’est Martine Aubry !
Mme la présidente.
Un peu de silence !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Vous représentez le camp du mensonge mais aussi des privilèges. Vous voulez tout à la fois supprimer le compte pénibilité et maintenir les régimes spéciaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Francis Dubois.
La suppression des heures supplémentaires, c’est François Hollande !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Avec vous, il est légitime qu’un chauffeur de bus parisien, parce qu’il est parisien, parte à la retraite cinq ou dix ans avant un chauffeur de bus toulousain, montpelliérain, angevin ou alsacien. C’est ça pour vous, l’égalité ? (Mêmes mouvements.) Je rappelle que 60 % des recettes du régime spécial de la RATP sont financées par les impôts des Français. Vous voulez donc maintenir un système où tous les Français, par leurs impôts, paient à certains le droit de partir cinq ou dix ans à la retraite sans que cela soit encore justifié ?
Mesdames, messieurs les députés, pour le Gouvernement et la majorité, le choix est clair : le cœur de cette réforme, et nous l’assumons, c’est bien le travail. Pour permettre de sauvegarder notre système de retraites par répartition, nous faisons le choix de travailler globalement un peu plus longtemps, progressivement et sur dix ans. Quand je dis globalement, c’est parce que nous n’avons pas tous la même vie au travail, parce que nous n’avons pas tous les mêmes parcours, les mêmes chances. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) C’est cela que nous disent les Français dans les cortèges, dans nos circonscriptions, dans nos départements. C’est un des messages qu’ils nous envoient : un message de doute, un message de crainte, un message de colère parfois, il faut bien le dire.
Mme Raquel Garrido.
Les Français veulent le retrait du texte !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s’était passé dans le pays. Nous n’avons pas le droit de fermer les yeux sur les craintes, les doutes, les angoisses de millions de Français ébranlés par ce qu’ils entendent de cette réforme : le vrai et, parfois, malheureusement, le faux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous ne restons pas de marbre face à ceux qui, usés par le travail, les mains abîmées, le dos cassé, le moral miné, affirment avec sincérité et parfois avec colère : « La retraite à 64 ans, pas pour moi » !
Mme Raquel Garrido.
Quel cynisme !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
À ces Français, nous apportons une réponse claire : quatre Français sur dix partiront avant 64 ans. Ce sont donc 40 % qui partiront deux, quatre, voire six ans avant l’âge légal. Ces 40 %, leur disons-nous, c’est vous. C’est vous, parce que vous avez eu un travail pénible ; c’est vous, parce que vous avez commencé à travailler tôt ; …
M. Alexis Corbière.
Arrêtez !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…c’est vous, parce que c’est une question de justice de vous permettre de partir plus tôt à la retraite et nous l’assumons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Cette logique des carrières longues, nous l’étendons, comme l’a annoncé hier la Première ministre. Ceux qui ont commencé entre 20 et 21 ans pourront eux aussi partir avant 64 ans. Et plus encore, nous faisons le choix de mettre au cœur du projet la prévention de la pénibilité :…
M. Matthias Tavel.
Menteur !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…fonds d’investissement pour de meilleures conditions de travail, visites médicales, reconversions, fonds spécifique pour les professions de santé, abaissement du seuil pour la prise en compte du travail de nuit et des trois-huit. Tout cela, c’est un enjeu de justice. Une réponse pour rassurer et prendre en compte la détresse de ce travailleur épuisé par le travail qui pensait, à tort, qu’il devrait attendre 64 ans pour partir à la retraite et à qui nous allons permettre de s’arrêter plus tôt. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Raquel Garrido.
Ne prenez pas les gens pour des jambons !
M. Alexis Corbière.
Madame la présidente, le ministre délégué ment, c’est grave !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Les mesures sociales sont nombreuses dans cette réforme, je le dis en tant que ministre chargé des comptes publics. La réforme de 2010 comprenait 1,6 milliard d’euros de mesures sociales ; la réforme de 2014, 4,1 milliards ; la réforme de 2023, elle, comporte 6 milliards d’euros de mesures sociales, soit plus que les deux réformes précédentes réunies. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Alexis Corbière.
Vous n’êtes pas applaudi par grand monde, même dans votre camp !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, nous écoutons et nous évoluons et nous le faisons depuis le début. Comme Olivier Dussopt l’a rappelé, de 65 ans dans le projet initial, nous sommes passés à 64 ans dans le projet qui vous est soumis. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Réservée aux nouveaux retraités, la revalorisation des petites retraites est dorénavant étendue aux retraités actuels, et je salue les députés LR ( « Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) et ceux de la majorité.
Nous écoutons, nous bougeons et nous continuerons à le faire sur bien des sujets :…
M. Benjamin Lucas.
Nous aussi, nous continuerons à bouger tant que vous ne retirerez pas votre projet !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…emploi des seniors, situation des femmes. Le débat parlementaire, et c’est toute sa force, permettra d’enrichir la proposition initiale.
Mme Raquel Garrido.
C’est un débat truqué !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Si nous sommes convaincus que le choix du travail plutôt que des impôts est le bon, nous sommes lucides : aucune réforme n’est parfaite et la force du compromis vaut toujours mieux que la brutalité du fait accompli. (Rires sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Benjamin Lucas.
Mais quel sens de l’humour !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Si le cœur de cette réforme est garanti, à savoir l’équilibre en 2030 grâce au travail et non pas aux impôts, nous sommes prêts à des ouvertures pour enrichir la réforme et emporter l’adhésion. Alors, dans ce contexte, je le dis solennellement à tous ceux qui, sur ces bancs, hésitent sincèrement : discutez, proposez, amendez cette réforme mais à la fin, votez-la ! Votez-la car votre voix, c’est l’assurance vie de la pension de bientôt 20 millions de retraités. Votez-la car c’est ce que vous proposiez aux Français qui vous ont élus. Votez-la car nous pouvons ensemble la faire évoluer pour mieux prendre en compte la vie des Français et leurs besoins. Votez-la car, à l’heure des choix, les Français attendent toujours de nous que nous fassions primer l’intérêt général sur l’intérêt électoral du moment. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) La voter, ce ne serait pas rallier nos idées mais être fidèle aux vôtres car au fond, la France, nous en sommes collectivement responsables.
Permettez-moi, avant de céder la parole, de rendre un hommage appuyé à notre majorité. Elle qui s’est engagée avec courage et exigence dans ces débats parlementaires, elle sait où elle habite et elle assume ses choix (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES) ; elle qui sait que, parfois, la vérité est difficile à dire mais qu’à la fin, c’est l’honneur de la politique que d’avoir le courage de la défendre ; elle qui, malgré les vents contraires, continue à s’engager pour la valeur que nous avons en commun, le travail ; elle qui saura, dans dix ans, que si les retraites des Français n’ont pas diminué d’un seul euro, ce sera grâce à elle et à son courage d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Cette majorité a été élue pour faire. Je le sais, j’ai fait campagne dans ma circonscription avec le même projet que vous, un projet de réforme et de travail, un projet d’action pour la France, un projet que l’on savait difficile mais qui nous rend fiers. Cette majorité solide, unie, fait bloc. Elle est derrière le Président de la République, lui qui regarde les Français les yeux dans les yeux, qui leur dit la vérité, qui ne se cache pas lorsque la mer est agitée et qui ne contourne pas les difficultés, lui qui n’a jamais menti aux Français (Rires et exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPS) , qui n’a jamais trahi les Français, qui n’a jamais oublié les Français contrairement aux responsables de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Cette majorité, comme ce gouvernement, est au service des Français.
M. Nicolas Sansu.
Écoutez-les donc !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Voter cette réforme des retraites, ce n’est pas appartenir à une majorité politique, c’est servir la majorité, la majorité des Français, la seule qui compte vraiment, celle qui travaille,…
M. Jocelyn Dessigny.
Celle qui rejette à 75 % votre réforme des retraites !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…celle qui espère un avenir meilleur et qui compte sur nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. De nombreux députés des groupes RE et Dem se lèvent pour applaudir.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 8 février 2023