Texte intégral
PHILIPPE CORBE
Notre invité ce matin, c'est le porte-parole du gouvernement. Bonjour Olivier VERAN.
OLIVIER VERAN
Bonjour Philippe CORBE.
PHILIPPE CORBE
Nous sommes peut-être à la veille d’une journée historique, en tout cas c’est ce que nous disait hier soir sur BFM TV, Jean-Luc MELENCHON, à propos de la mobilisation de demain contre la réforme des retraites. On va l’écouter, il pense qu’il y aura beaucoup, mais beaucoup de monde dans la rue.
JEAN-LUC MELENCHON, ANCIEN CANDIDAT LFI A L’ELECTION PRESIDENTIELLE
Ça sera sûrement la plus grande mobilisation sociale de ce pays depuis un demi-siècle. Le plus grand risque, il est pour le président de la République et pour nous tous. S’il n’entend pas raison, pourquoi ça sera le plus important ? Il est évident qu’aujourd’hui c'est une situation exceptionnelle. On n’avait pas vu une telle unité syndicale depuis je ne sais combien de temps. Donc un très grand entraînement à l’action. Quel est mon rôle dans cette affaire, et celui des Insoumis. C’est d’élargir.
PHILIPPE CORBE
Jean-Luc MELENCHON annonce la plus grande mobilisation sociale depuis un demi-siècle. Si demain soir les chiffres de la police et les chiffres des syndicats confirment qu’effectivement que c'est au-delà de 95, au-delà de 2010, que c'est la plus grande mobilisation depuis mai 68 et même peut-être au-delà, que va-t-il se passer ?
OLIVIER VERAN
Eh bien je serai surtout attentif à ce que les manifestations se déroulent bien, c’est-à-dire dans le calme, sans violence, sans blocage…
PHILIPPE CORBE
C’était le cas pour l’instant.
OLIVIER VERAN
Ça a été le cas justement pour l'instant, et on peut reconnaître cela, c'est que les syndicats ont cette capacité non seulement de mobiliser, mais de mobiliser dans le calme, avec des services d'ordre, parfaitement opérationnels. Je crois que ça c'est important. Ensuite que la vitalité démocratique puisse s'exprimer dans la rue est une chose, qu'elle puisse s'exprimer aussi dans la maison du peuple qu'est le Parlement, en est une autre…
PHILIPPE CORBE
On va en parler.
OLIVIER VERAN
… et nous sommes actuellement dans le débat parlementaire.
PHILIPPE CORBE
Mais si demain soir on est vraiment à un niveau historique, à un niveau historique, ça ne change rien ?
OLIVIER VERAN
J'ai compris que vous vouliez que je commente par avance les chiffres d'une manifestation qui n'a pas eu lieu, je ne le ferai pas.
PHILIPPE CORBE
Alors, à l'inverse, s’il y a moins de monde que ce que n'annoncent les syndicats, ça changerait pas pour vous non plus, vous ne commenterez pas ? Vous ne soulignerez pas qu'il y a peut-être un début de reflux ou de démobilisation ?
OLIVIER VERAN
En fait, je ne fais pas de politique-fiction. Si vous aimez les chiffres, et moi aussi, ce que je regarde en termes de chiffres, c’est les 254 amendements qui ont pu être seulement examinés dans l'hémicycle depuis le début de la semaine, alors que près de 20 000 amendements ont été déposés, ce qui veut dire qu'il y a une obstruction parlementaire. Et un deuxième chiffre auquel j'ai été très attentif, c'est de 292, Philippe CORBE, c'est un peu plus de 100 de plus que le compteur BFM sur le vote prévisible des députés du projet de loi sur les retraites, c'est la majorité absolue de députés de la majorité et des LR qui ont rejeté la motion NUPES, visant à empêcher d'examiner le texte des retraites.
PHILIPPE CORBE
On va parler du Parlement, mais juste sur la rue. Il y a des syndicats qui se disent : si demain ça ne change pas, si le gouvernement ne nous entend pas, il faudra passer à une étape supérieure. Et des syndicats, peut-être pas tous, mais certains syndicats envisagent, à partir de mars, des grèves reconductibles, des blocages. Et en fait ils se disent : mais le gouvernement ne nous entend pas il va falloir qu'on crie plus fort.
OLIVIER VERAN
Ce qui est intéressant dans le, je crois que c'est le sondage que vous avez vous-même présenté…
PHILIPPE CORBE
Elabe, oui.
OLIVIER VERAN
C'était qu'une majorité de Français ont conscience que le gouvernement a évolué dans ses positions et dans ces propositions depuis le début.
PHILIPPE CORBE
Le soutien augmente de 6 points en une semaine dans ce sondage Elabe.
OLIVIER VERAN
Au-delà de la manière de soutien, au-delà du soutien plus ou moins 6 points, ce qui est important à mes yeux c'est que les Français ont conscience, en majorité, que nous ne sommes pas sourds aux appels des groupes politiques, des syndicats et des Français, et que nous avons été capables d'évoluer. La Première ministre dimanche a présenté deux nouvelles évolutions majeures du texte, vous savez, ce qui permet de sanctionner les entreprises qui se débarrassent trop facilement des seniors, parce qu'on veut favoriser l'emploi des seniors, et aussi une mesure de justice pour les jeunes qui ont commencé entre 20 et 21 ans, qui bénéficieront du dispositif de carrières longues. Donc ça montre qu'on est à l'écoute en fait, qu'on évolue, et c'est aussi au sein du Parlement que les choses doivent pouvoir continuer à évoluer.
PHILIPPE CORBE
Je vous promets, on va parler du Parlement, mais puisque vous citez ce sondage, effectivement le nombre de Français qui soutiennent cette réforme augmente, de + 6 points en une semaine, ça reste néanmoins seulement un tiers des Français qui soutiennent la réforme. Mais ce qui monte aussi dans cette nouvelle étude, c'est que 68 % des Français, soit plus des 2 tiers, disent soutenir la mobilisation. Et je vous dis ça, parce que Laurent BERGER a souligné une sorte d'ambiguïté ou de risque démocratique, sur ce plateau en début de semaine, il a dit qu'il y avait peut-être une faute démocratique que risque de payer le gouvernement. Il rappelait les Gilets jaunes. Les Gilets jaunes, beaucoup moins de monde dans la rue, de la violence, le gouvernement avait dû céder et faire des gestes. Là, beaucoup de monde dans la rue, pas de violence, et le gouvernement ne bougerait pas ou pas suffisamment à leurs yeux. Il dit, là il y a, au fond, un risque de d'incitation à la violence, un risque de violence politique dans notre pays, et c'est pour ça qu'il parle de faute démocratique du gouvernement.
OLIVIER VERAN
Alors, on est dans deux contextes totalement différents, si vous comparez avec les Gilets jaunes. Les Gilets jaunes, c'est une partie de la population qui a fait émerger des problématiques, des attentes, et qui nous ont conduits à traiter ces problématiques et ces attentes. Là on est dans la revendication…
PHILIPPE CORBE
Ils ont été entendus.
OLIVIER VERAN
… d’une partie de la population qui conteste, et ils sont légitimes pour le faire, un projet de loi que nous assumons, qui consiste à demander aux Français de travailler progressivement un peu plus longtemps.
PHILIPPE CORBE
Et eux, ils ne sont pas entendus.
OLIVIER VERAN
Là où il y a, là où je suis très sensible à certains, à ce que j'entends aussi à travers les manifestations, c'est cette volonté des Français de nous dire : attention, notre rapport au travail il a changé. On ne travaille plus aujourd'hui comme on travaillait il y a 30 ans. On n’organise plus notre vie familiale avec notre vie professionnelle comme il y a 20 ou 30 ans.
PHILIPPE CORBE
C’est ce que vous dit la CFDT, il fallait commencer par ça.
OLIVIER VERAN
Mais, attendez, on est en train de traiter cela aussi, c'est moins visible, parce que la notion d'âge écrase tout dans le débat public, ce n’est pas la première fois. Alors, je ne crois pas que ce soit un problème de communication, je pense que… parce que la mesure d'âge c’est quelque chose qui est mis comme un objet politique très fort. Ça ne nous empêche pas au contraire d'aborder l'organisation du travail, télétravail pour ceux qui le peuvent, organisation du temps pourquoi pas sur 4 jours pour ceux qui le peuvent. Ça ne nous empêche pas, au contraire, d'aborder la qualité de vie au travail, de penser l'aménagement du territoire, pour que ceux qui font aujourd'hui 40 bornes pour aller bosser ne soient plus obligés de les faire demain. Et donc tout cela fait partie aussi des discussions que nous avons, y compris d'ailleurs avec les leaders, les principaux leaders syndicaux.
PHILIPPE CORBE
Olivier VERAN, puisque vous parliez du Parlement, donc il faut bien expliquer pour ceux qui nous écoutent et nous regardent : la discussion reprend aujourd'hui, pour 24 heures, enfin jusqu'à minuit. Il n’y a pas de session ce week-end, donc à partir de lundi il ne restera plus que 5 jours, 5 jours plus aujourd'hui donc ça fait 6 jours, pour arriver au bout de ce texte, alors que les députés en sont toujours à l'article 1 et au fond il y a un vrai enjeu autour de l'article 7. J'explique pour ceux qui nous écoutent, c'est l'article qui fait passer l'âge légal de 62 à 64 ans. Est-ce que vous souhaitez, est-ce que pour vous c'est important que la discussion ait lieu sur l'article 7 et qu’il y ait éventuellement un vote avant vendredi prochain ?
OLIVIER VERAN
Eh bien l'obstruction n'est pas de notre fait.
PHILIPPE CORBE
Non, et c'est le fait notamment de la gauche et notamment des Insoumis qui assument avoir déposé 13 000 amendements.
OLIVIER VERAN
Oui, enfin je ne voudrais pas donner le sentiment que la NUPES serait le seul parti d'opposition à ne pas s'intéresser au fond à ce qui intéresse et mobilise les Français qui descendent dans la rue. Depuis le début de cette première semaine de débats sur la loi retraites, la NUPES et le RN, et le RN, se succèdent au micro pour défendre quoi ? Les régimes spéciaux. Et on a eu des amendements pour défendre les régimes gaziers, les régimes miniers, les régimes de la RATP, les régimes d'EDF, et donc c'est une succession d'interventions, je vous l'ai dit, seulement 254 amendements examinés, du fait de la NUPES et du RN, qui utilisent absolument tout le temps consacré au débat, depuis le début de la semaine, à défendre les régimes spéciaux. Ça veut dire que la question…
PHILIPPE CORBE
Qu’est-ce que vous voulez dire, qu’il y a une collusion entre le RN et la NUPES, dans une opposition à cette réforme des retraites ?
OLIVIER VERAN
Le vent des extrêmes souffle fort à l'Assemblée nationale, c'est un fait.
PHILIPPE CORBE
C’est le résultat du votre français aux législative.
OLIVIER VERAN
Et je vous invite à regarder ce qui n'est pas anecdotique. Je voyais hier une députée de la France Insoumise, alors ce n'est pas sur le texte retraite, c'était sur un autre texte…
PHILIPPE CORBE
La niche parlementaire socialiste.
OLIVIER VERAN
Mais vous aviez une responsable du groupe de la France insoumise, qui applaudit debout au micro, et qui dans son intervention regarde des députés du Rassemblement national, la majorité avait quitté l'hémicycle et pour cause, il n'y avait donc le RN et la NUPES, et la députée de la France insoumise regarde le RN et dit : « Regardez comme nous travaillons bien ensemble ».
PHILIPPE CORBE
C’était Clémence GUETTE, qui est une proche de Jean-Luc MELENCHON. On va vérifier, parce que je n’ai pas en tête exactement la séquence…
OLIVIER VERAN
Vous regarderez, ça dure 7 secondes, ça va assez vite.
PHILIPPE CORBE
Mais, qu'est-ce que vous voulez dire ? Qu’il y a une sorte de cristallisation d'une alliance implicite entre la France insoumise et le RN, c’est ça que vous avez en tête ? C’est-à-dire vous contre le reste du monde ?
OLIVIER VERAN
Vous savez, Philippe CORBE, je me suis engagé en politique, parce que j’aime les gens. J’aime les gens.
PHILIPPE CORBE
Mais eux aussi peut-être.
OLIVIER VERAN
J'aime mon pays.
PHILIPPE CORBE
Eux aussi peut-être.
OLIVIER VERAN
Et vous savez, aimer les gens, c'est les respecter. Ça veut dire ne pas leur mentir, ça veut dire être capable d'assumer avec eux en leur expliquant que des décisions qui peuvent être difficiles à assumer quand on est responsable public, mais parce qu'elles vont dans le bon sens. Aimer les gens à les respecter, c'est respecter nos institutions, ce n'est pas shooter dans un ballon qui porte, qui est à l'effigie d'un ministre ou de la Première ministre.
PHILIPPE CORBE
On va préciser pour ceux qui n'ont pas en tête cette image. C'est une image qui a beaucoup été commentée sur les réseaux sociaux depuis 24 heures : on voit le député Insoumis Thomas PORTES, avec son écharpe tricolore, c'est lui-même qui a posté cette photo sur son compte Twitter. Il pose fièrement, avec sous le pied un ballon à l'effigie du ministre du Travail Olivier DUSSOPT. Qu'est-ce que vous voyez, quelle est la leçon que vous tirez de cette photo ? Jean-Luc MELENCHON hier soir nous disait : mais c'est grotesque cette histoire, c'est comme dans les foires où on lance des balles contre des boîtes de conserve avec des têtes de responsables politiques. Il n’y a pas de sens, de violence dans cette image disait-il.
OLIVIER VERAN
Je note et je les en remercie, que beaucoup de députés de la NUPES, notamment du camp socialiste, ont condamné avec force ces images. Nos institutions, ce n’est pas une téléréalité Philippe CORBE, et quand on s'engage à servir son pays, quand on est parlementaire, quand on porte l'écharpe tricolore devant la maison du peuple, on est responsable devant le peuple des messages que nous envoyons. Lorsque vous avez un député de la France insoumise hier, qui commence à tweeter nominativement tous les députés qui n'ont pas voté dans le sens qu'il souhaitait, sur un texte de loi…
PHILIPPE CORBE
Ça, les votes sont publics.
OLIVIER VERAN
Mais attendez, comment est-ce qu'on appelle cela ? C’est une différence que les soient publics sur le site de l'Assemblée nationale, et c'est une différence d'avoir un député, un représentant de la Nation qui dit : « Regardez, voilà la liste de tous ceux qui ne sont pas d'accord avec moi ».
PHILIPPE CORBE
D’accord, mais…
OLIVIER VERAN
Philippe CORBE, respecter nos institutions, moi vous savez, j'ai 10 ans…
PHILIPPE CORBE
Il pourrait vous dires : regardez, vous ne respectez pas les Institutions en passant avec cette procédure parlementaire qui limite le débat.
OLIVIER VERAN
On peut être d'accord ou pas d'accord avec ce que nous faisons, avec Emmanuel MACRON et notre majorité. Comment on peut ne pas être d'accord ou être d'accord avec ce que faisaient les socialistes sous HOLLANDE ou encore avec les Républicains…
PHILIPPE CORBE
… socialiste à l’époque.
OLIVIER VERAN
.. ou avec Les Républicains sous SARKOZY. D'accord, nous ne faisions pas la même politique, et nous l’assumons, nos divergences. Mais il y avait un point qui était un point constant : nous respections nos institutions et la République. La République, elle est fragile, elle est forte mais elle est fragile. Et ceux qui la représentent doivent être à la hauteur.
PHILIPPE CORBE
Pour bien comprendre ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que, en parlant des Insoumis, du Rassemblement national, il y a un risque de débouché politique vers des extrêmes, après cette séquence politique autour des retraites, beaucoup de mobilisation dans la rue, un grand soutien de l'opinion, le gouvernement qui reste ferme. Le risque c'est de faire, allez, de laisser Marine LE PEN engranger et de se respectabiliser et d'être en situation d'être élue présidente de la République dans 4 ans, c’est ça ?
OLIVIER VERAN
Là vous extrapolez à ma place…
PHILIPPE CORBE
Non, j’essaie de comprendre ce que vous voulez dire en faire.
OLIVIER VERAN
… vous avez le droit, mais ce n’est pas ce que je suis en train de vous dire. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que j'ai connu un Parlement où il y avait des oppositions, et elles pouvaient être farouches. Et on pouvait s'engueuler, et on pouvait discuter, débattre, et ne pas tomber d'accord sur des sujets de fond. Mais on ne faisait avec le sérieux et la rigueur qui étaient liés à notre mandat, et avec nos convictions et nos idées. Là aujourd'hui vous êtes en train de débattre avec des parlementaires des extrêmes, qui vous expliquent qu'on va raser gratis, qu'on peut passer la retraite à 60 ans. D’ailleurs c’était intéressant, hier Jean-Luc MELENCHON, un homme de 71 ans, qui fait partie des riches, qui explique que tous les Français doivent être pauvres et s'arrêter de travailler à 60 ans. C’est-à-dire qu’ils ne sont même pas en en cohérence avec, dans ce qu'ils font, avec ce qu'ils disent et ce qu'ils vivent. Il est très difficile aujourd'hui d'avoir un débat idées contre idées. Et moi je souhaite, pour répondre à votre première question, que dans l'hémicycle ce débat entre parlementaires, sur ce fameux article 7, sur la question de l'âge projet contre projet, puisse avoir lieu.
PHILIPPE CORBE
Vous êtes sûr que vous aurez la majorité s’il y a un vote sur cet article ?
OLIVIER VERAN
Ce que je note, c'est que, une majorité absolue de députés ont rejeté la motion de rejet, ce qui est plutôt encourageant, mais je ne vends pas la charrue avant les boeufs, et il faut justement que ce débat ait lieu. Et puis les Français y ont droit. Les Français ils aiment la politique, ils ont envie de nous voir débattre, ils ont envie qu’il y ait du clivage sur les idées, mais ils ne veulent pas le clivage qu’aujourd'hui la NUPES ou le RN nous montrent.
PHILIPPE CORBE
Vous diriez que c’est une sorte de bordélisation, c'est l’expression qu'utilisait Laurent BERGER l'autre jour sur ce plateau ? C'est une bordélisation depuis le début de la semaine ?
OLIVIER VERAN
Je vous redis que l'hémicycle n'est pas une téléréalité. Voilà. Et c'est quelque chose de sérieux. Et ne croyez pas que le RN soit en reste, parce qu'on parle beaucoup des députés de la NUPES, parce que ce sont les plus bruyants, mais je vous redis que les députés du RN aujourd'hui ils défendent bec et ongles les régimes spéciaux. Ils n'ont rien à dire sur les mesures de pénibilité, d'ailleurs ils n'ont pas envie qu'on aille jusqu'à cet article, parce qu'ils n'ont rien à dire. Ils n'ont rien à proposer sur l'équilibre financier de leur contre-réforme, qui augmenterait dès facto de 50 % les impôts sur les revenus des Français. C'est ça si vous voulez qui me gêne dans le débat actuel, c'est que, que quelqu'un ne soit pas d'accord avec nous, et qu'il assume, et qu'il assume les conséquences de son contreprojet, c'est une chose, mais aller mentir aux gens, en leur faisant croire qu’en leur promettant des vieilles lunes et en noyant tout ça sous du cirque et des ribambelles de faits qui n'ont rien à voir avec l'action d'un parlementaire ça me gêne. Ça me gêne et ça devrait gêner les Français.
PHILIPPE CORBE
Olivier VERAN, je voudrais qu'on parle de l'Ukraine, puisque le président ZELENSKY est reparti vers Kiev, il a terminé sa tournée européenne à Bruxelles après Londres et Paris. A Londres, à Paris, devant le Parlement européen, devant le Conseil européen, il a dit la même chose, il plaidait, il souhaite, il aimerait pouvoir obtenir des avions rapidement pour renforcer sa défense face à une nouvelle offensive russe. Et voici ce que disait cette nuit à Bruxelles le président de la République devant les journalistes qui lui demandaient s'il excluait de livrer des avions de combat.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Il est essentiel que les alliés privilégient les matériels qui sont les plus utiles par rapport à l'effet final recherché par les troupes ukrainiennes, et les plus rapides. Dans aucun cas, des avions de Chasse ne peuvent être livrés dans les semaines qui viennent, parce qu'il y a des délais de formation, de livraison, et formation incompressible pour des avions qui ne sont pas connus des pilotes ukrainiens. Et donc je ne l'exclu absolument pas, mais ça ne correspond pas aujourd'hui aux besoins.
PHILIPPE CORBE
Pourquoi la France, enfin, est-ce que la France a peur de livrer des avions à l'Ukraine ? C'est le cas aussi du Royaume-Uni et des autres pays européens, pourquoi est-ce que les Européens ont peur d'aller trop loin en livrant des avions ?
OLIVIER VERAN
Le président de la République a tout expliqué. Livrer un avion ce n’est pas comme livrer un canon. Nous allons livrer 12 canons César supplémentaires aux Ukrainiens. Nous leur livrons des armes défensives avec des batteries antiaériennes, et nous sommes en coopération européenne, ceux qui envoient de quoi permettre aux Ukrainiens de se défendre. L'avion est quelque chose de différent. D'abord, ça peut être un moyen d'attaque, et pas que de défense…
PHILIPPE CORBE
C’est ça le risque en fait …
OLIVIER VERAN
Non non…
PHILIPPE CORBE
… escalade, que la Russie se sente agressée ?
OLIVIER VERAN
Il faut des pilotes. Ce que le président explique, c'est qu'il faut des pilotes qui soient formés, il faut une utilisation très particulière, et là on est dans une période où on sent des velléités d'offensive et d'avancées de la part des troupes russes, qui nécessitent d'avoir au sol les capacités de faire face et de se défendre pour tenir les positions voire pour pouvoir progresser dans l'autre sens. Et donc ce sont vraiment ces besoins-là qui sont en priorité traités, et le président de la République l'a dit, il n'y a rien qui est exclu à date, mais dans la période que nous connaissons, c'est surtout l'envoi de chars et de batteries anti-aériennes.
PHILIPPE CORBE
Alors, Olivier VERAN, mercredi je crois, à l’issue du Conseil des ministres …
OLIVIER VERAN
De canons.
PHILIPPE CORBE
Pardon ?
OLIVIER VERAN
De canons, j’ai dit chars.
PHILIPPE CORBE
Ah oui, pardon. Mercredi, après le Conseil des ministres, vous avez été interrogé sur les bénéfices record de TotalEnergies, 19 milliards d'euros, et vous avez dit que le gouvernement accueille favorablement la réflexion de TOTAL, qui envisage de mettre en place une nouvelle ristourne à la pompe. Le patron de TOTAL avait même fixé un seuil psychologique, c'est son expression, à 2 € le litre. Quand vous regardez les stations un peu partout en France, notamment dans les grandes villes et particulièrement en région parisienne, on est nettement largement au-delà de 2 € le litre dans la plupart des stations. Est-ce que vous demandez, puisque TOTAL envisage une ristourne, de la faire maintenant, quand les Français sont en vacances, et ont peut-être envisagé des déplacements plus longs pour aller voir de la famille ? Là il y a la plupart des Français qui vont être en vacances dans les prochains jours.
OLIVIER VERAN
Croyez-moi, c'est en discussion avec eux.
PHILIPPE CORBE
Mais, c'est une histoire de jours ?
OLIVIER VERAN
C'est en discussion avec eux. Et je ne vais pas vous faire, je n’ai pas d’annonce à vous faire ce matin…
PHILIPPE CORBE
En fait, je vais vous poser la question différemment : est-ce que…
OLIVIER VERAN
Quand c’est une annonce gouvernementale de ristourne, je vous la fais très volontiers sur votre plateau, et je l'ai fait à plusieurs reprises, et je veux bien reproposer d'ailleurs aux millions de Français qui ne l'ont pas encore fait, d'aller sur le site des impôts pour pouvoir bénéficier de l'indemnité carburant travailleurs, c'est quand même 100 €.
PHILIPPE CORBE
Pour l’instant, un peu moins de 5 millions.
OLIVIER VERAN
Eh bien oui, c'est un peu moins de 5 millions. C'est-à-dire un peu moins de 50 %.
PHILIPPE CORBE
Alors que vous l’avez prévu pour 10 millions.
OLIVIER VERAN
Eh oui, c'est budgété. Alors là vraiment, pour le coup il n’y a pas d'entourloupe, on veut vraiment que tout le monde puisse avoir cette indemnité carburant. Il y a encore plus de 5 millions de Français qui n'en ont pas fait la demande, donc je leur dis, je vous regarde : impots.gouv.fr, c'est très simple à demander. Ensuite, il y a la ristourne carburant qui peut être proposées par TOTAL, c’est en discussion avec eux.
PHILIPPE CORBE
Mais il ne faut pas attendre la fin des vacances pour la mettre en place, quand même, donc c'est une histoire de jours.
OLIVIER VERAN
Nous verrons.
PHILIPPE CORBE
Ah… Vous n’avez pas dit non. Juste une dernière chose, Olivier VERAN, la chaîne C8 a été condamnée hier à une amende record : 3,5 milliards d'euros, lourdement condamnée par l'ARCOM, qui est l'Autorité de régulation, après des injures lancées en direct par Cyril HANOUNA au député Insoumis Louis BOYARD. En novembre, il l'avait traité je cite « d'abruti, de tocard, de merde ». C'était des mots de Cyril HANOUNA et donc C8 est condamnée à payer 3,5 millions et demi d'euros, le groupe Canal+, propriétaire de C8, va faire un recours en justice. 3,5 millions d’euros, est-ce que cette sanction, de votre point de vue, est justifiée ?
OLIVIER VERAN
Un, c’est une affaire qui est désormais en justice, donc je ne peux pas la commenter, deux, l’ARCOM est une autorité indépendante qui a vocation à…
PHILIPPE CORBE
3,5 millions c’est beaucoup.
OLIVIER VERAN
Trois, de manière générale, Philippe CORBE, parce que j’ai regardé un bout de votre émission hier soir, avec Jean-Luc MELENCHON, je trouve qu’il y a trop de violence en politique et il y a trop de violence exprimée sur l’ensemble des plateaux dès lors qu’on commence à parler de…
PHILIPPE CORBE
En l’occurrence là c’était l’animateur Cyril HANOUNA qui exerçait une violence sur un député Insoumis.
OLIVIER VERAN
Mais je vous dis juste qu’hier il y avait des choses qui étaient assez oppressantes, d’ailleurs il a fini par quitter le plateau, et la manière dont on s’interroge, la manière dont on s’interpelle…
PHILIPPE CORBE
Vous faites un parallèle entre ce qui s’est passé hier soir sur BFM TV et ce qui s’est passé à C8, c’est très différent en nature, là on posait des questions…
OLIVIER VERAN
Vous me refusez le droit de faire un parallèle ?
PHILIPPE CORBE
Non, je m’interroge sur ce parallèle.
OLIVIER VERAN
Dans ce cas-là je vous propose d’aller au bout de mon parallèle.
PHILIPPE CORBE
Allez-y.
OLIVIER VERAN
De plus en plus on va assez facilement à l’invective, à des mots qui sont durs, à des formules assez fortes, il en va de la politique, il en va d’autres sortes de plateaux, moi je considère que la télévision, la radio, les médias en général, ont vocation aussi à servir d’exemple pour la population, et donc le respect que les uns et les autres se doivent nous devons aussi le garantir, l’autorité publique doit le garantir, il y a eu manquement en matière de respect dans l’affaire que vous citez, et donc ce manquement a été sanctionné.
PHILIPPE CORBE
Olivier VERAN, je vous avais posé la question sur cette séquence quelques jours après, c’était en novembre, vous étiez l’invité de BFM, et vous aviez dit à peu près la même chose, « qu’on aime ou pas Louis BOYARD, qu’on partage ou non ses idées, il reste un élu, il a le droit de s’exprimer comme il l’entend et on n’a certainement pas à l’injurier ou l’insulter », vous aviez ajouté « il se trouve que par choix je ne suis jamais jamais dans une émission de Cyril HANOUNA. » Depuis, Olivier VERAN, vous êtes allé sur un plateau de Cyril HANOUNA…
OLIVIER VERAN
J’y suis allé, oui.
PHILIPPE CORBE
Donc sur un plateau où, selon vous, il y a de la violence contre les élus, il y a quelque chose d’inacceptable, ce n’est pas incohérent ?
OLIVIER VERAN
Je ne dis pas que la violence est consubstantielle de l’émission d’HANOUNA, je dis qu’il y a des moments de dérapages, et j’ai eu l’occasion de lui dire. Je suis allé, je suis porte-parole du gouvernement, et j’ai beaucoup réfléchi à cette question, et c’est vrai que j’étais, je crois, le seul membre du gouvernement, dans le mandat précédent, à ne jamais être allé, d’ailleurs ni…
PHILIPPE CORBE
Par choix.
OLIVIER VERAN
Sur C8, ni sur Cnews.
PHILIPPE CORBE
Par choix.
OLIVIER VERAN
Oui, j’étais du mandat de ministre de la Santé et j’avais dit c’est ou…
PHILIPPE CORBE
En pleine crise sanitaire vous avez un choix de ne pas aller sur certaines antennes.
OLIVIER VERAN
C’est ou PERRONNE et RAOULT, ou moi, parce que j’estimais que la chose était trop sérieuse. Porte-parole il est important d’aller s’adresser à l’ensemble des Français qui regardent la télévision, écoutent la radio, il se trouve que je n’ai jamais eu autant de retours directs de gens, et notamment de jeunes, après une émission, qu’après celle que j’ai faite chez Cyril HANOUNA…
PHILIPPE CORBE
Mais vous voyez bien toute l’ambiguïté autour de cette émission, c’est-à-dire qu’à la fois certains pointent…
OLIVIER VERAN
Alors ce n’est pas la même…
PHILIPPE CORBE
Oui, enfin c’est Cyril HANOUNA, c’est le même esprit.
OLIVIER VERAN
Non, non, les conditions ne sont pas les mêmes, vous n’avez pas des chroniqueurs qui interpellent à tout bout de champ, etc., donc les choses étaient… je ne connaissais ni les intervenants, ni les thèmes, mais les choses étaient cadrées dans la mesure où il n’y avait pas 50 personnes pour commenter en permanence, donc les conditions du débat étaient davantage similaires à ce que nous connaissons ce matin, qu’à une foire d’empoigne comme on peut la voir dans des émissions de variété, donc il faut aussi choisir là où on intervient, mais ça a été une longue réflexion, oui, je l’assume.
PHILIPPE CORBE
Est-ce que Cyril HANOUNA est dangereux pour la démocratie ?
OLIVIER VERAN
Ce qui est dangereux pour la démocratie Philippe CORBE, c’est s’il y a de l’absence de régulation, s’il y a l’absence d’évaluation, l’absence de sanctionnement lorsque les choses vont trop loin, c’est lorsqu’il n’y a pas de « débunkage », lorsque des fake news sont sorties, c’est si on laisse tout dire sans aucun filtre. Ce qui est dangereux pour la démocratie c’est la montée de ces espèces de mouvements complotistes qui grossissent et qui ont parfois des communautés, sur les réseaux sociaux, supérieures à celles des chaînes d’information ou celles des grands quotidiens nationaux, et face à cela nous devons être forts. Le président de la République nous a demandé d’engager un travail sérieux, à travers des états généraux de l’information, pur renforcer à la fois toutes les questions qui sont en lien avec l’éthique, avec la capacité de présenter une information claire, loyale, appropriée, sans évidemment réguler à outrance les choses, mais faire en sorte que l’information ait une valeur peut être supérieure à la désinformation. C’est quelque chose qui traverse toutes les démocraties occidentales, personne n’est pas à l’abri, et je peux vous le dire, je l’ai constaté pendant le Covid, je le constate aujourd’hui encore, cet espèce de complotisme et cette capacité de s’organiser sur les réseaux, à mon avis nuit beaucoup plus au débat public que le reste.
PHILIPPE CORBE
Olivier VERAN, porte-parole du gouvernement.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 14 février 2023