Déclaration de Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture, sur le thème : "Hyperconcentration des dépenses du ministère de la culture en Île-de-France : une fatalité ?", le 27 février 2023.

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Circonstance : Débat sur le thème : "Hyperconcentration des dépenses du ministère de la culture en Île-de-France : une fatalité ?", Assemblée nationale le 27 février 2023

Texte intégral

M. le président
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Hyperconcentration des dépenses du ministère de la culture en Île-de-France : une fatalité ? »
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séance de questions-réponses.

(…)

M. le président
La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture
Je me réjouis que nous puissions dans cet hémicycle parler de culture et je remercie vivement le groupe LIOT d’avoir choisi de mettre à l’ordre du jour ce débat passionnant. Je ne partage toutefois pas totalement le constat qui a été dressé, j’y reviendrai.

Vous avez tous déjà fait des citations de mes illustres prédécesseurs, je me dispenserai donc de vous lire celles que j’avais prévues. Vous avez souligné aussi la richesse de notre tissu culturel, avec nos multiples festivals, nos scènes nationales, nos trente-huit CDN, nos centres d’art, nos bibliothèques, nos cinémas. Je ne reviendrai pas sur les détails.

Des données statistiques ont été évoquées. Les chiffres bruts, madame la présidente Rabault, recouvrent des réalités beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. Certes, en 2022, 58,7 % des crédits du ministère sont affichés comme ayant été dépensés en Île-de-France, contre 41,3 % dans les autres régions, mais ce taux ne reflète pas les actions menées réellement. Les sommes allouées aux établissements ayant leur siège à Paris leur permettent de mener des projets dans tout le territoire. Par ailleurs, cette répartition ne résulte pas d’un choix de ce gouvernement, elle s’inscrit dans une histoire longue : la Comédie française existe depuis 1680, le Louvre depuis 1793, l’Opéra Garnier depuis 1869 et les galeries du château de Versailles sont ouvertes au public depuis 1837. Il incombe à tout ministre de la culture, quel que soit son bord politique, la responsabilité d’entretenir ce patrimoine à la fois matériel et immatériel pour le transmettre aux générations futures. Voudriez-vous que nous arrêtions les nécessaires travaux de rénovation de ces lieux, que nous nous abstenions de restaurer le Centre Pompidou, le Grand Palais ou le château de Versailles, que nous laissions ces bâtiments se délabrer au fil des ans ?

Comme Jérémie Patrier-Leitus l’a souligné, ces lieux alimentent le tourisme, part importante de notre PIB et vecteur de notre force culturelle à travers le monde. Les touristes viennent à Paris aussi pour les monuments et les salles de spectacles, ce qui rejaillit sur notre économie. En 2019, l’Île-de-France a ainsi concentré un tiers des nuitées d’hôtel passées en France. Ne simplifions pas le débat.

Notons aussi que ces institutions culturelles sont fréquentées par un public venu de toute la France. En 2022, la proportion de visiteurs français non franciliens était de 41 % pour le musée d’Orsay, 44 % pour le Louvre et 52 % pour le château de Versailles. Toute la France se rend dans ces grands établissements qui font partie de l’histoire de notre pays et de notre âme culturelle.

Plus important encore, les missions de ces établissements culturels basés à Paris ont un caractère pleinement territorial. Depuis 2017, nous n’avons cessé de renforcer cette dimension dans leurs cahiers des charges, dans leurs missions, dans leurs projets. Il faut savoir, par exemple, que 89 % des 293 millions d’euros dont dispose l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) pour son budget servent à financer des actions de diagnostic archéologique déployées hors de l’Île-de-France alors même que l’Institut a son siège à Paris et que l’affichage des crédits peut laisser supposer qu’ils ne sont destinés qu’à la capitale.

Prenons encore l’exemple du pass culture dont 2,5 millions de jeunes bénéficient partout en France. Il y a eu autant de jeunes ayant utilisé leur pass dans les QPV que partout ailleurs en France. Une grande majorité des 20 000 acteurs culturels participant à ce dispositif se situent bien évidemment hors de Paris et 79 % des dépenses faites par les jeunes dans ce cadre sont localisées hors de l’Île-de-France.

Depuis 2017, le budget consacré à l’EAC hors pass culture a doublé et vous vous doutez bien que nos priorités ne sont pas réservées à l’Île-de-France. Nous visons un déploiement dans les zones rurales et dans les quartiers défavorisés. Je remercie Philippe Lottiaux et Soumya Bourouaha d’avoir évoqué cette politique qui me tient particulièrement à cœur.

Mme Anthoine a cité les opérateurs parisiens du patrimoine mais il faut bien voir que ceux-ci gèrent des monuments partout en France. Le Centre des monuments nationaux (CMN) a la responsabilité de 100 monuments répartis sur l’ensemble du territoire, de la Villa Cavrois, dans le département du Nord, au cloître de la cathédrale de Fréjus dans le Var en passant par l’abbaye de Cluny, en Saône-et-Loire. La Réunion des musées nationaux (RMN), dont le siège est également à Paris, anime un réseau de musées dans toute la France, du musée national de la voiture à Compiègne au musée national Marc Chagall à Nice. Elle produit des expositions présentées partout dans notre pays : celle consacrée aux arts de l’Islam, élaborée avec le Louvre, a ainsi circulé dans dix-huit villes et le projet Muse, développé en collaboration avec le Grand Palais, a permis le déploiement d’expositions immersives à Saint-Dizier et Maubeuge et bientôt dans d’autres villes.

Quant à l’établissement public de La Villette, si son budget est bien localisé à Paris, il coordonne depuis 2017 le magnifique projet des Micro-Folies partout en France : 370 sont déjà implantées et le cahier des charges prévoit d’en ouvrir beaucoup d’autres. Ces plateformes permettent de décentraliser nos collections, même s’il est bon aussi que les œuvres elles-mêmes circulent. Je citerai celle installée au musée de Nevers, gratuit pour les étudiants comme beaucoup d’autres musées de nos régions, celle du Carladès, première à avoir été mise en place dans le Cantal, celles de Corse, de Guadeloupe, de Mayotte, de La Réunion qui en compte deux.

Venons-en à la Bibliothèque nationale de France (BNF), qui a la mission magnifique, depuis que le dépôt légal a été instauré par François Ier en 1537, de préserver les documents de toute nature édités ou diffusés dans toute la France, presse comprise. Le portail Gallica, où sont présentés les documents qu’elle conserve sous forme numérisée, permet à quiconque sur notre territoire et même dans le monde d’accéder à ses trésors. Je mentionnerai aussi l’ouverture à Amiens de l’un de ses nouveaux pôles pour un investissement de plus de 100 millions d’euros.

De nombreuses pièces montées à la Comédie française partent en tournée. Chaque saison, 100 à 150 représentations sont ainsi données en région. L’itinérance est une part importante de son cahier des charges comme de celui de toutes les scènes subventionnées par le ministère de la culture – je rejoins Violette Spillebout sur ce point. L’Opéra national de Paris vient de lancer le projet L’Opéra en Guyane, projet auquel je tiens beaucoup, orienté vers la détection de nouveaux talents afin de les préparer à intégrer l’école de danse et l’Académie et vers le développement d’ateliers sur l’ensemble des territoires ultramarins. Je pourrais continuer ainsi pendant longtemps. Vous voyez bien que les actions menées par les grands établissements publics du ministère ne s’arrêtent pas aux frontières de l’Île-de-France mais se diffusent sur l’ensemble de nos territoires pour l’ensemble des publics.

Bien sûr, nous devons aller encore plus loin, conformément aux engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement depuis 2017. L’exemple le plus emblématique est la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Pour en prendre véritablement la mesure, il faut rappeler que les projets lancés par les précédents présidents de la République étaient tous situés à Paris : Georges Pompidou avec son centre éponyme, Valéry Giscard d’Estaing avec la transformation de la gare d’Orsay en musée, François Mitterrand avec le Grand Louvre, le parc de La Villette, l’opéra Bastille, le site Tolbiac de la BNF, Jacques Chirac avec la création du musée du quai Branly et du musée de l’histoire de l’immigration. Emmanuel Macron fait la différence : l’État a investi près de 200 millions dans la restauration du château, abandonné depuis des décennies, de Villers-Cotterêts, commune rurale de 10 000 habitants du département de l’Aisne dans les Hauts-de France. La Cité s’appuie sur une ambition forte : présenter la langue française dans un dialogue avec les langues régionales et les langues qui l’influencent dans le monde. Il s’agit d’un projet d’ouverture et d’attractivité pleinement ancré dans un territoire.

Quant aux Drac, je ne peux pas laisser dire qu’elles sont asphyxiées. Leur budget n’a jamais été aussi élevé : nous avons dépassé pour la première fois en 2023 le milliard. Et je suis heureuse que certains d’entre vous aient souligné le travail extraordinaire que mènent leurs équipes.

En matière de patrimoine, 92 % des crédits du plan de relance ont été dépensés hors Île-de-France – je viens de faire la synthèse de toutes les dépenses après sa clôture à la fin de l’année 2022. Dans le budget 2023, j’ai décidé de donner la priorité en matière d’investissement aux projets situés hors de Paris : chantier de l’abbaye de Clairvaux, rénovation d’écoles d’art ou d’architecture – école d’art de Limoges, école d’architecture de Lille notamment –, et du château de Gaillon dans l’Eure, pour ne citer que quelques exemples.

Toutefois, nous n’allons pas renoncer aux responsabilités qui sont les nôtres s’agissant de l’entretien de monuments parisiens. C’est ainsi que nous allons aussi rénover le musée d’Orsay et le théâtre de Chaillot dans un objectif d’amélioration de leurs performances énergétiques pour qu’à terme, les coûts de fonctionnement soient réduits, ce qui permettra à mes successeurs d’avoir moins à en parler.

Pour les années qui viennent, j’aimerais insister sur quelques dispositifs importants. Nous allons poursuivre le plan Cathédrales : 80 millions issus du plan de relance ont permis de sécuriser et de restaurer quatre-vingt-neuf édifices du culte appartenant à l’État répartis sur tout le territoire, de la cathédrale de Sens à celles de Rodez et d’Albi, en passant par celles de Chartres et Clermont-Ferrand. Le FIP, que vous avez été quelques-uns à citer et auquel je tiens beaucoup, a bénéficié de 2022 à 2023 d’une augmentation de 20 % de ses dotations : 600 opérations ont déjà été financées depuis 2018, dont les travaux de l’église Saint-Martin de Villers-sur-Mer, en Normandie, et de l’hôtel de ville de Châtillon-en-Diois dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans le cadre du plan France 2030, nous avons insisté sur l’importance de nouveaux pôles territoriaux. Je citerai deux appels à projets : l’un pour la grande fabrique de l’image qui va favoriser le développement des infrastructures de tournage, des studios d’animation et de postproduction d’effets visuels dans différentes régions de France, pour un budget total de 350 millions d’euros ; l’autre pour les pôles territoriaux d’industries culturelles et créatives, avec une priorité donnée aux métiers d’art dans la perspective de créer des pôles en région et de redynamiser les savoir-faire, pour un budget de 46 millions.

Je mentionnerai aussi la commande artistique Mondes nouveaux. Il s’agit d’ouvrir un acte II pour ce programme, doté de 30 millions d’euros, qui a permis d’ancrer la création dans l’ensemble des territoires, avec une priorité donnée aux monuments du CMN et aux zones préservées par le Conservatoire du littoral, y compris en outre-mer. Très peu des 264 projets retenus, même en dehors du CMN et du Conservatoire, étaient implantés en Île-de-France.

Je remercie Violette Spillebout d’avoir mentionné le plan Fanfare qui a permis d’aider 500 projets, dont 48 % en zone rurale.

Ceux qui ont pu venir aux vœux au ministère ou qui ont lu mes interviews connaissent peut-être déjà le projet que j’ai autour de la relève. Je tiens à revivifier le tissu des professionnels de la culture qui dirigent et animent nos institutions. Il s’agit de repérer 101 jeunes, un par département, destinés à incarner le visage culturel de la France de demain.

J’espère qu’ils apporteront avec eux la force de chacun de ces territoires et que, demain, nous pourrons les nommer à la tête des grandes institutions qui viennent d’être mentionnées et dont ils prendront les rênes petit à petit, afin que les directeurs des scènes nationales ne soient pas uniquement des personnes formées à Paris ou des Parisiens envoyés un peu partout en France.

Vous le constatez, la culture n’a pas de frontières ; elle se partage sur l’ensemble du territoire. J’aurais pu mentionner également les aides à la presse : je remercie Mme Sophie Taillé-Polian de les avoir évoquées. Nous faisons beaucoup en faveur de la presse quotidienne régionale, des radios locales, sans oublier le rôle de l’audiovisuel public avec France 3 ou France bleu. C’est cette proximité que nous soutenons lorsque nous défendons leurs budgets, tout comme d’ailleurs celui du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). J’aurais en effet pu parler aussi du cinéma et des tournages : chaque euro investi dans un film génère, d’après les études du CNC, 7,60 euros de retombées économiques directes ou indirectes dans les territoires. Certes, le budget du CNC apparaît parmi les crédits alloués à Paris, mais il faut imaginer que tous les cinémas irrigués par les aides aux exploitants sont répartis dans l’ensemble du territoire ; de même, tous les tournages favorisent l’activité économique et l’attractivité des territoires. Ainsi, vous avez pu voir lors de la cérémonie des Césars le sacre du film de Dominik Moll, La Nuit du 12 , qui a été tourné à Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie et à Grenoble. Voilà un exemple, parmi d’autres, de tournages qui font aussi du bien aux territoires.

Ne soyons donc pas caricaturaux. Oui, la France est riche de sa diversité, cher Paul Molac. Ma mission sera toujours de faire le maximum pour rapprocher les Français de la culture, là où ils sont, et favoriser l’égalité d’accès à la culture. Je veux tout faire pour les impliquer, leur donner la parole et toute leur place afin de redynamiser notre vie culturelle. Il n’y a aucune fatalité : notre responsabilité est de toujours renouveler cette ambition d’égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.)

M. le président
Merci, madame la ministre. Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour la première question.

M. Paul-André Colombani (LIOT)
Comme vous le savez, la Corse est un cas à part puisqu’elle bénéficie depuis 2002 de la décentralisation culturelle. La collectivité de Corse conduit la politique culturelle à travers les compétences qui lui ont été transférées, l’État continuant à exercer les compétences régaliennes dans les domaines patrimoniaux. Le financement est également partagé : hors bloc communal, il est de 71 euros par habitant pour la collectivité de Corse et de 13 euros par habitant pour le ministère de la culture, soit au total 84 euros. C’est moins de la moitié des 195 euros par habitant dépensés par le ministère de la culture en Île-de-France.

Les chances de survie d’une culture ne sont pas simplement proportionnelles à l’argent investi pour la défendre. Mais il est indéniable que le soutien et la valorisation de productions artistiques inscrites dans la culture corse sont des atouts majeurs. Il est donc temps, vingt ans après la création de ce statut hybride, d’en faire le bilan et d’envisager les moyens à mobiliser pour valoriser le patrimoine culturel de la Corse et faire vivre sa langue, plus que jamais menacée.

Pour mener une politique culturelle ambitieuse, portée notamment par la candidature de la ville de Bastia au label Capitale européenne de la culture en 2028, il est nécessaire d’envisager les deux aspects suivants : premièrement, l’opportunité de parachever le transfert des compétences culturelles vers la collectivité de Corse, en lui attribuant les dernières missions qui relèvent encore de la Drac. Y êtes-vous favorable, madame la ministre ? Deuxièmement, s’engager conjointement en faveur de la préservation de la langue corse. Dans le contrat de plan État-région (CPER) 2015-2020, l’État et la collectivité cofinançaient le volet « langue corse » à hauteur de 8 millions d’euros chacun. La collectivité de Corse a fait le choix d’augmenter de 50 % les crédits alloués à ce volet dans le CPER 2021-2027. Êtes-vous prête à faire un effort similaire ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Ce n’est pas à vous que j’apprendrai qu’en vertu de la loi de 2002, la Corse bénéficie, cas particulier, d’une pleine compétence en matière de politique culturelle. L’État a toutefois fait le choix d’accompagner des investissements culturels patrimoniaux en Corse : ainsi, 130 millions d’euros permettent à ce jour de financer quatre-vingt-dix projets, que je ne détaillerai pas ici. Les discussions du CPER 2021-2027 sont effectivement en cours, dans le cadre duquel nous serons prêts à faire un effort particulier envers la Corse : il nous faut au préalable déterminer les projets, les calibrages et les financements, mais sachez que l’État sera au rendez-vous.

M. le président
La parole est à Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez (RE)
Si la concentration des moyens du ministère de la culture en Île-de-France est une réalité sans doute partielle, elle n’est pas une fatalité, car nous avons clairement des leviers pour la combattre. Si près de 60 % des crédits du ministère de la culture ont été dépensés en Île-de-France en 2022, c’est majoritairement parce que cette région concentre historiquement, et encore actuellement, des infrastructures culturelles majeures. Ainsi, la région francilienne dispose de près des deux tiers des soixante-six musées nationaux. En miroir, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, reconnaissons que l’Île-de-France est une source d’attractivité culturelle internationale majeure, et que les ressources de ce tourisme bénéficient aussi indirectement à l’ensemble des régions de France.

Depuis 2017, nous avons eu à cœur de concrétiser une meilleure répartition des moyens, afin d’aller vers ceux qui sont dits éloignés de la culture, grâce à des dispositifs innovants tels que le pass culture dont 79 % des dépenses sont effectuées hors Île-de-France, démontrant une répartition proportionnée à la population et une véritable source de rééquilibrage vis-à-vis des jeunes Français ou encore les Micro-Folies, ces 300 musées numériques modulables déployés dans l’ensemble du territoire.

Plus globalement, oui, le numérique constitue un puissant vecteur culturel partout dans le territoire. À ce titre, Mme Macron appelait hier à la création d’une plateforme numérique culturelle gratuite pour tous. Bonne nouvelle, nous disposons en France déjà de multiples plateformes gratuites : celle de la BNF, celles des musées ainsi que des acteurs de l’audiovisuel public. Ces ressources, créées ou redécouvertes lors des confinements, souffrent encore peut-être d’un manque de visibilité et de fréquentation. Aussi envisagez-vous d’éventuelles mesures afin de permettre une meilleure adoption de ces ressources numériques par les Français ?

Par ailleurs, à 521 jours des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, je ne résiste pas à vous demander comment s’annoncent, dans le territoire, les événements artistiques et culturels de l’Olympiade culturelle, formidable occasion de répartir sur tout le trajet de la flamme olympique, en Île-de-France et hors Île-de-France, des rendez-vous culturels exceptionnels ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Je vous remercie d’évoquer le numérique et ses nombreuses potentialités, même si nous souhaitons aussi lutter contre l’addiction aux écrans. Nous pouvons en effet encourager le numérique lorsque celui-ci sert à montrer des expériences culturelles ou à inciter à vivre la culture en vrai, dans les lieux physiques où elle se trouve. À ce titre, non seulement les Micro-Folies se développent en nombre sur le territoire, mais elles renouvellent aussi leur contenu. Nous avons conclu par exemple un partenariat avec l’opéra de Paris afin de diffuser des opéras captés – ce qui est nouveau puisque jusqu’à présent les Micro-Folies ne diffusaient pas de spectacles vivants. Elles développent également la médiation ou encore des projets participatifs, avec les jeunes bénéficiaires du pass culture par exemple. Les Micro-Folies sont ainsi en train de se transformer et de s’enrichir, ce qui est formidable. Cela permettra aussi à des jeunes d’avoir accès, partout dans le territoire, à une plateforme comme celle mentionnée par Mme Macron, en plus de celles préexistantes.

Par ailleurs, je vous remercie d’avoir évoqué l’Olympiade culturelle. Elle donnera une magnifique occasion d’allier sport et culture partout en France. Un budget de 3 millions d’euros en 2023 et de 4 millions en 2024 est prévu, à côté des dispositifs du Fonds d’innovation territoriale et autres crédits alloués à l’Été culturel ou aux vacances apprenantes, afin d’accompagner des projets à destination des jeunes notamment, mais pas uniquement, permettant de croiser le sport et la culture.

M. le président
La parole est à M. Christophe Marion.

M. Christophe Marion (RE)
La concentration des dépenses du ministère de la culture en Île-de-France est un sujet dont nous avons parfaitement conscience. Le ministère de la culture, lui-même, a évalué ces inégalités entre territoires dans un rapport rendu par son inspection générale en avril 2014. Depuis ce constat, il fait d’une politique de rééquilibrage budgétaire sa priorité et les Drac l’appuient quotidiennement dans cette mission. Des financements ont ainsi été spécifiquement affectés aux territoires, grâce au Fonds d’innovation territoriale ou au Fonds incitatif pour le patrimoine par exemple. Des projets innovants à destination des territoires ont aussi été soutenus, tels que les Micro-Folies dont nous avons déjà parlé.

Enfin, les labels et réseaux territoriaux ont été densifiés pour soutenir et valoriser la diversité culturelle et patrimoniale de notre territoire. Je pense, en particulier, au dernier label créé l’an dernier, celui des centres nationaux de la marionnette (CNMA) : six structures bénéficient de ce label depuis septembre, dont cinq sont situées hors d’Île-de-France. Dans ma circonscription, L’Hectare-Territoires vendômois est labellisé et a vu son travail reconnu ; c’est un éclairage plus que bienvenu sur cet art de la scène et sur un département comme le Loir-et-Cher, qui ne disposait d’aucune labellisation en dehors de sa préfecture.

Ces labels du spectacle vivant résultent, de surcroît, d’une démarche des collectivités territoriales elles-mêmes. Cette procédure a l’avantage d’associer les élus locaux et de leur laisser la possibilité de mettre en valeur les structures et projets culturels de leurs territoires. Mais comment garantir que ces demandes seront réparties de manière égale dans notre pays ?

Notre collègue Alexandre Holroyd, rapporteur spécial de la mission Culture , alertait en octobre dernier sur la nécessité de mettre en place une planification de l’action culturelle pour une maîtrise des dépenses et, j’ajouterais, pour garantir une répartition géographique de ces labels. Madame la ministre, avez-vous commencé ce travail de planification et pouvez-vous nous en préciser les contours ? Une coconstruction de celle-ci avec les collectivités territoriales est-elle envisagée ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Effectivement, la politique des labels mérite une revue précise à l’aune des enjeux d’une meilleure diffusion au plus près des habitants, sachant qu’en matière d’implantation sur le territoire, ces labels créent un maillage déjà relativement complet. Malgré tout, même si dans leurs cahiers des charges, la nécessité d’itinérance et de travail hors les murs est clairement indiquée, nous sommes en train d’évaluer ceux qui remplissent le mieux cette mission et sur quel plan leur action fonctionne ou non. J’ai d’ailleurs demandé à l’inspection générale des affaires culturelles de rédiger un rapport spécifique sur la politique des labels dans les zones rurales, afin de mieux évaluer leur action dans les territoires et de déterminer s’il reste d’éventuelles zones blanches.

Néanmoins, au fil de mes déplacements, j’ai pu constater l’énorme travail réalisé par l’ensemble des équipes des scènes nationales, des centres dramatiques nationaux, des Frac, des centres d’art, des orchestres labellisés ou encore des opéras. Le terme « itinérance » se retrouve dans quasiment tous leurs programmes : le CDN de Montluçon propose par exemple un programme très ambitieux partout dans les zones rurales ; la Scène nationale de Châteauvallon également, avec le programme « Châteauvallon en itinérance » ; c’est le cas aussi du CDN Drôme-Ardèche de Valence, appelé La Comédie itinérante , qui constitue un réel outil de décentralisation dans les villages aux alentours.

Il convient désormais d’évaluer plus précisément leurs actions et de définir s’il est nécessaire de faire évoluer les cahiers des charges afin d’équilibrer les enjeux de création et de production par rapport à ceux de diffusion, c’est-à-dire mieux produire pour mieux diffuser. Peut-être faut-il décélérer ou, en tout cas, désintensifier le rythme de création de spectacles pour, s’agissant notamment du spectacle vivant, mieux les jouer ? Peut-être faut-il faire circuler davantage les œuvres des collections issues des Frac ou des musées ? Nous réalisons actuellement une cartographie précise, qui associera évidemment les collectivités, puisqu’un label ne peut exister que parce qu’il existe un croisement de financements entre l’État et les collectivités. Ces discussions seront menées à un niveau local, dans le cadre des conseils des territoires pour la culture qui ont déjà été cités, avec les Drac.

J’ajoute que, parfois, de nouvelles demandes de labels sont prises en compte : à l’inverse, il peut y avoir des demandes visant à délabelliser des programmes qui ne correspondent plus à un label donné. Nous travaillons au cas par cas et je vous tiendrai bien sûr informé en la matière.

M. le président
La parole est à Mme Graziella Melchior.

Mme Graziella Melchior (RE)
Le débat souhaité aujourd’hui par le groupe LIOT s’intitule « Hyperconcentration des dépenses du ministère de la culture en Île-de-France : une fatalité ? » À cette question un brin simpliste, je voudrais répondre aussi simplement, non !

Bien sûr, nous constatons depuis bien longtemps que nos concitoyens ressentent une véritable fracture culturelle entre les métropoles et les petites communes. C’est pourquoi notre majorité a placé l’accès à la culture pour tous et dans tous les territoires au cœur des dispositifs qu’elle défend depuis 2017 : le pass culture, dont bénéficient 2 millions de jeunes et qui permet aux jeunes bretons par exemple – la Bretagne a été parmi les premières régions d’expérimentation et fait partie des plus dynamiques aujourd’hui – d’assister aux festivals qui sont chers au cœur des habitants de la région, tels que le festival des Vieilles Charrues ou la Fête du Bruit de Landerneau, ou encore de s’acheter des livres et ainsi faire vivre les librairies indépendantes de nos communes. Autres mesures phares : le Loto du patrimoine qui a permis de sauver 745 sites qui étaient menacés dans les territoires ; ou encore l’éducation artistique et culturelle qui permet à 75 % des enfants de s’impliquer dans des projets culturels, grâce au doublement de ses crédits voté lors de la précédente législature. Je voudrais enfin évoquer l’instauration du quart d’heure de lecture à l’école, initiative qui se déploie à grande échelle, particulièrement dans l’académie de Bretagne.

Je suis convaincue que nous devons adopter une logique d’accompagnement des projets culturels issus des territoires, appuyés par les Drac, plutôt qu’une politique décidée depuis Paris et appliquée à l’identique dans toute la France. À cette fin, vous avez récemment créé le Fonds d’innovation territoriale qui permet d’expérimenter de nouvelles initiatives culturelles, notamment en milieu rural, en lien avec les élus locaux. Pourriez-vous nous dire ce qui est réalisé en ce sens, et de quelle manière les collectivités locales peuvent se saisir de ce fonds ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Je vous remercie d’avoir mentionné le Fonds d’innovation territoriale, qui soutient des projets qui n’entrent dans aucune case des dispositifs habituels du ministère de la culture. Ce fonds ouvre des espaces d’expérimentation et offre de la souplesse pour inventer de nouvelles manières de travailler en lien avec les collectivités. En 2022, 65 % des projets qu’il soutenait étaient situés en zone rurale, le reste touchant essentiellement les quartiers prioritaires de la politique de la ville – nous avons en effet donné la priorité à ces deux catégories de territoires. L’objectif est non pas d’attribuer des subventions supplémentaires à des structures existantes et déjà soutenues par ailleurs, mais d’expérimenter de nouvelles modalités de travail. En Bretagne – en particulier dans le Finistère –, ces projets sont développés par des acteurs très inventifs et engagés.

La Bretagne affiche d’ailleurs les meilleurs indicateurs en matière d’éducation artistique et culturelle, de déploiement du pass culture et d’implication des acteurs culturels à tous les échelons. Il s’agit d’une région modèle. Ce n’est pas sans raison que nous avons décidé d’implanter à Guingamp le premier Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (Inseac), destiné à devenir le vaisseau amiral de la formation dans ce domaine. Il est installé dans une ancienne prison – beau symbole. Nous vous enverrons des exemples de projets soutenus par le Fonds d’innovation territoriale dans le Finistère – j’en ai repéré quelques-uns, mais je ne voudrais pas être trop longue. Quoi qu’il en soit, vive la Bretagne !

M. Jérémie Patrier-Leitus
Et vive la Normandie !

M. le président
Ainsi que la Drôme !
La parole est à Mme Lisette Pollet.

Mme Lisette Pollet (RN)
Du fait de son histoire et du nombre d’habitants qu’elle abrite, la région Île-de-France concentre une grande part des lieux de spectacle vivant, des monuments, des musées et des crédits d’action culturelle. Les budgets culturels des autres régions s’en trouvent amoindris : selon la Drac, le soutien du ministère de la culture représentait 22 euros par habitant en 2019 dans ma région, l’Auvergne-Rhône-Alpes, contre 168 euros par habitant en Île-de-France.

Les régions et les grandes villes pallient le manque de crédits alloués par l’État à la culture, mais qu’en est-il des villes moyennes, qui subissent une perte d’activité ? Vous tentez de les sauver depuis 2018 avec le plan Action cœur de ville, et vous avez décidé d’implanter des Micro-Folies. Ces musées numériques de proximité ont certes l’avantage d’offrir un accès à l’art à tous les publics, mais ils laissent aussi penser que les œuvres originales et majeures sont destinées au public parisien – tandis que dans le reste du territoire, le public devra se contenter de leur reproduction numérique.

Les musées des villes moyennes françaises possèdent pourtant des collections remarquables, dont les œuvres sont propices à communiquer le goût de l’art et de la culture. Puisque les expositions temporaires contribuent largement à l’attractivité des musées – voire qu’elles en sont le moteur –, ne faudrait-il pas aider financièrement les musées des villes moyennes à monter régulièrement des expositions, plutôt que de financer des Micro-Folies ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Nous avons autant besoin de musées qui présentent des œuvres originales – en facilitant la circulation des tableaux et la coproduction d’expositions –, que des potentialités offertes par le numérique, grâce auquel nous découvrons les œuvres différemment – nous pouvons par exemple pénétrer dans La Joconde , tableau qui ne peut pas être déplacé. Mme Legrain a évoqué l’acquisition par le musée d’Orsay de La Partie de bateau de Gustave Caillebotte : j’ai tenu à ce que ce tableau circule dans plusieurs musées de France. Il fera sa première étape au musée des Beaux-Arts de Lyon. Tous les habitants de la région Rhône-Alpes pourront donc découvrir ce chef-d’œuvre.

À l’occasion de sa fermeture prochaine pour travaux, le centre Pompidou multipliera les collaborations avec des musées en région pour monter des expositions et faire voyager ses collections. Ce type de projet est désormais profondément inscrit dans l’ADN des musées, qu’il s’agisse du musée Guimet avec les collections d’art asiatique, du Louvre avec la RMN, ou du Mucem avec le musée Nicéphore-Niépce de Chalon-sur-Saône. Les musées collaborent aisément pour associer leurs forces et faire circuler leurs expositions – certaines sont d’ailleurs produites en région avant d’être présentées à Paris. De nombreux projets se croisent, et nous pouvons nous en réjouir. Nous sommes là pour les encourager.

M. le président
La parole est à Mme Sophie Blanc.

Mme Sophie Blanc (RN)
Les élus locaux ont le sentiment que le monde culturel est à plusieurs vitesses. Les conditions d’accès à la culture contribuent, entre autres facteurs, à l’égalité des chances entre tous les citoyens – je le constate quotidiennement dans mon département des Pyrénées-Orientales, le plus pauvre de France. Je sais pertinemment que Perpignan n’accueillera jamais d’exposition d’envergure internationale : je le regrette, mais je suis également lucide à l’égard d’un système où le volontarisme en matière culturelle consiste souvent, pour l’élu de province, à prendre un billet de train pour se rapprocher de Paris et y voir une exposition à ne pas manquer. Dans un autre domaine, le conservatoire de ma ville a des difficultés à recruter des professeurs de musique. Comment la culture peut-elle aller vers les gens ? Comment peut-elle être un moteur d’ascension sociale et comment la rendre accessible aux plus modestes ? Nous devons nous emparer de ces questions.

Madame la ministre, quelle est votre vision de la politique culturelle dans tous les territoires, sachant que le développement culturel est un facteur de cohésion et d’attractivité locale ? Quelle politique souhaitez-vous développer et quelles mesures entendez-vous prendre pour remettre l’équité au cœur de la politique culturelle ? Les mots « décentralisation » et « déconcentration » doivent non pas rester des vœux pieux, mais exprimer des volontés réelles et efficaces. Je n’attends pas un plaidoyer chiffré sur les missions dont nous avons débattu lors de l’examen du projet de loi de finances : je cherche à savoir ce que vous pensez véritablement. Quelle est votre vision de la culture dans l’ensemble du territoire national, au-delà du boulevard périphérique ? Nous, les élus des territoires, rêvons non seulement d’une culture pour tous, mais aussi de la culture pour chacun. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Il est dommage que vous ne participiez pas à la commission des affaires culturelles et de l’éducation : nous pourrions parler plus longuement et plus régulièrement de ces sujets. Cet engagement est toute ma vie. À mon arrivée en France, j’ai vécu à Caluire-et-Cuire, commune où Jean Moulin a été arrêté, près de Lyon : j’y ai découvert la culture grâce à un professeur de français qui nous emmenait au théâtre et nous faisait interpréter des pièces. Ce ne sont pas mes parents qui m’ont fait découvrir la richesse de l’offre culturelle française. C’est grâce à l’école que j’ai été touchée par la magie du spectacle et que j’ai compris tout ce que le théâtre pouvait apporter – cela a enrichi ma pratique de la langue française, mon attachement à ce pays et mon imaginaire.

Depuis, dans toutes les fonctions que j’ai occupées, je n’ai cessé de me battre pour porter la culture au plus près de chacun. Dans mon bref propos liminaire, j’ai tenté de vous présenter mes engagements en faveur de l’éducation artistique, du patrimoine, des musées, de la création artistique et du numérique, au plus près des habitants où qu’ils soient, ainsi qu’en faveur de l’égalité territoriale. Je n’ai pas le temps d’en dire davantage, mais venez à la commission des affaires culturelles et de l’éducation !

M. le président
La parole est à M. Sébastien Rome.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES)
En 2018, l’engagement de l’État dans la culture représentait 139 euros par habitant et par an en Île-de-France, contre 15 euros hors de cette région. Par ailleurs, 42 % des professionnels de la culture sont franciliens. Ces simples chiffres montrent combien le débat sur les investissements dans la culture en dehors de l’Île-de-France dépasse la politique culturelle : ils sont la trace d’un passé ultracentralisé qui ne passe pas ; ils révèlent aussi que l’égalité républicaine est mise à mal.

Quand il est difficile de se faire soigner en zone rurale, que les maternités ferment, que les choix de politique économique négligent l’emploi et le développement local, les inégalités d’investissement dans la culture accompagnent bien d’autres inégalités, que les collectivités peinent à compenser. Toutes ces données sont connues. À l’heure où le secteur culturel peine à se relever du covid, nous attendons du ministère de la culture qu’il s’engage à réduire les inégalités territoriales. Tous les ministres ont fait des annonces en ce sens, mais aucune politique réelle ne vient les concrétiser.

Quand les contrats de plan État-région comporteront-ils des volets culturels obligatoires, en investissement et en fonctionnement, avec des crédits nouveaux ? Quelles sont les perspectives d’évolution des crédits des Drac dans les années futures ? S’il n’est pas question de réduire les moyens des grandes institutions parisiennes, surtout lorsqu’elles se déploient ailleurs dans le territoire, quand verrons-nous de réelles incitations financières supplémentaires, ouvrant à une décentralisation des artistes, des compagnies et des ensembles musicaux, notamment dans les territoires ruraux ? Quels soutiens seront accordés aux musées régionaux qui ont été mis en difficulté par la période du covid-19, comme celui de Lodève ? À quelques heures de la présélection des villes françaises candidates au statut de capitale européenne de la culture en 2028, l’importance des investissements en dehors de Paris se fait plus que jamais ressentir. Quels engagements prend votre ministère pour soutenir la ville qui sera retenue ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
J’espère pouvoir répondre à ces très nombreuses questions ! Le budget des Drac a crû de 6 % de 2022 à 2023, preuve que la déconcentration se poursuit. J’ai pleinement confiance dans l’immense travail que réalisent les Drac au quotidien.

La désignation de la future capitale européenne de la culture dépend d’un jury indépendant qui compte deux membres français sur une douzaine. L’annonce de la présélection sera faite le 3 mars. Au vu des projets et de leur ambition, une discussion s’engagera entre la ville lauréate et le ministère de la culture – mais pas seulement, car les capitales européennes de la culture nécessitent un accompagnement de l’État dans d’autres domaines. Il est donc prématuré d’en parler.

J’ai déjà expliqué combien la mission territoriale des établissements publics parisiens était importante – je ne reviendrai pas sur les exemples que j’ai évoqués. Plusieurs d’entre vous ont plaidé pour que les nouveaux projets soient implantés ailleurs qu’à Paris. Notez que c’est à Villers-Cotterêts qu’est créée la Cité internationale de la langue française, et à Guingamp qu’est implanté le nouvel Institut de l’éducation artistique et culturelle, tandis qu’un institut de la France et de l’Algérie pourrait voir le jour à Montpellier, et qu’Amiens accueillera le nouveau pôle de la BNF regroupant le Conservatoire national de la presse et le centre de conservation de ses collections – je pourrais citer d’autres exemples de même nature. Nous sommes pleinement mobilisés pour que tous les nouveaux projets se construisent en lien avec les collectivités, en dehors de Paris.

M. Sébastien Rome
Qu’en est-il des musées ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Notre mission prioritaire est d’aider les musées nationaux dont l’État est le seul soutien. Si nous ne soutenons pas le Mucem à Marseille ou le musée Picasso à Paris, qui le fera ? La répartition des compétences entre l’État et les collectivités détermine la politique culturelle : un tiers relève de l’État, et deux tiers des collectivités. Tel est le fruit de l’histoire. De même dans le patrimoine, une loi répartit les responsabilités depuis 2004 : l’État est chargé des monuments protégés, classés ou inscrits au titre des monuments historiques, tandis que le reste relève des collectivités. Nous ne pouvons pas nous substituer constamment aux collectivités s’agissant de leurs musées et du patrimoine placé sous leur responsabilité. Au cas par cas, nous parvenons à aider certains établissements qui sortent de notre champ de compétences, par l’intermédiaire du Loto du patrimoine ou du Fonds incitatif et partenarial pour les petites communes. Pour les musées territoriaux, cela passe par des échanges d’expositions, voire par l’aide à des projets plus spécifiques. Néanmoins, nous n’avons pas vocation à nous substituer aux collectivités en niant une répartition des compétences héritée de l’histoire, qui fait sens pour notre politique.

M. le président
Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Il faut dire que M. le député a posé une vingtaine de questions ! (Sourires.)

M. le président
La parole est à M. Pascal Lecamp.

M. Pascal Lecamp (Dem)
Pour ma part, je ne poserai qu’une question : je la garde pour la fin. Nous partageons largement le constat de l’hyperconcentration francilienne de la culture. Pour y remédier, je considère qu’il convient de renforcer deux tendances : la décentralisation de la culture et son mouvement vers la ruralité. En effet, le tiers des théâtres et les deux tiers des musées nationaux sont situés en Île-de-France. Les collectivités territoriales travaillent en ce sens : elles constituent le premier acteur culturel et représentent 72 % de la dépense culturelle publique. Toutefois, le ministère de la culture se doit d’être tête de proue grâce à son expertise, son réseau et ses ressources.

Étant élu dans une circonscription rurale dont la plus grande ville ne compte que 6 000 habitants, je peux vous citer plusieurs exemples significatifs. À Chauvigny, le château d’Harcourt accueille depuis un an une Micro-Folie ; ce dispositif constitue un excellent exemple d’une réussite du ministère sur laquelle peuvent s’appuyer les collectivités pour rehausser leur offre culturelle, en particulier celles qui sont éligibles au programme Petites Villes de demain. À Montmorillon se trouve la Cité de l’écrit et des métiers du livre, qui devrait être davantage soutenue, par exemple au moyen d’un programme Cités culturelles qui promouvrait conjointement l’ensemble des cités du territoire français, à l’image de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême. Enfin, la commune de Civray, dont j’ai été maire, organise le festival Au fil du son, qui, depuis plus de vingt ans, accueille chaque année plus de 30 000 personnes sur trois jours. Pour une commune de 3 000 habitants, c’est tout simplement énorme.

À la suite du covid-19, plusieurs compagnies en résidence dans nos Petites Villes de demain ont vu leurs subventions nationales ou régionales diminuer, voire disparaître. Je pense par exemple à la compagnie de La Trace, qui tourne dans le Sud-Ouest depuis trente ans et dont la subvention régionale a été suspendue depuis deux ans sans explication : son avenir est en jeu.

Ainsi, madame la ministre, quels sont vos projets pour répandre la culture dans tous les territoires – au-delà de ceux que vous nous avez déjà exposés – et pour assurer la visibilité ainsi que la viabilité des projets existants ? De nombreux acteurs de la culture en dépendent.

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Je crois avoir largement répondu à cette question, mais je vous remercie de m’avoir signalé quelques cas particuliers, sur lesquels je ne manquerai pas de me pencher. Si des subventions régionales ont diminué ou disparu, nous en rechercherons la raison.

Je rappelle que mon ministère vient de débloquer des aides exceptionnelles destinées à 150 structures qui peinent à faire face à la hausse des coûts de l’énergie. Nous avons pris en charge 30 % de leurs surcoûts, en sus des aides transversales octroyées par Bercy et accessibles aux structures culturelles, qui couvrent en moyenne environ 20 % des surcoûts. Pour ces 150 structures en grande difficulté, l’État prend donc en charge environ la moitié des surcoûts liés à la hausse des prix de l’énergie. C’est une des réponses que nous apportons à court terme, face à l’urgence. J’ai détaillé les dispositifs qui produiront des effets à plus long terme, comme les mesures d’éducation artistique, le pass culture, le plan Fanfare, l’été culturel, les Micro-Folies et l’ensemble des projets qui se déploient partout dans les territoires : ils répondent à l’ambition de rapprocher la culture des habitants sur toute l’étendue du territoire français.

M. le président
La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault (SOC)
Madame la ministre, j’ai attentivement écouté vos propos, qui emportent souvent mon adhésion. Toutefois, un point me chagrine : la décentralisation ne saurait se réduire à un mouvement de Paris vers les territoires, car ceux-ci sont également capables de création culturelle. Ainsi, dans mon département du Tarn-et-Garonne, l’abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, elle-même magnifiquement rénovée par le Centre des monuments nationaux, possède la deuxième collection de toiles de l’École de Paris, derrière Beaubourg. Cette dynamique doit donc aller dans les deux sens : loin de se limiter au déploiement des institutions parisiennes ailleurs en France, la décentralisation doit passer par un partage créatif.

Comme je le mentionnais, certains départements reçoivent moins de moyens de votre ministère, car ils ne disposent d’aucune scène conventionnée et d’aucun label. Je ne sais pas si vous serez d’accord avec mon approche, mais je crois pertinent d’accompagner les départements, comme le font les Drac, pour que chacun d’entre eux dispose au moins d’une Scin ou d’un label lui permettant de prétendre aux subventions du ministère de la culture. Sans cela, les difficultés seront toujours concentrées sur les mêmes départements, qui sont dépourvus de Scin ou dont la population perçoit des revenus plus faibles. Je souhaite donc que le soutien fourni par les Drac puisse être renforcé.

Je citerai l’exemple de la Scin Art, enfance et jeunesse dont nous solliciterons de votre ministère la reconnaissance. Le département du Tarn-et-Garonne a créé L’Étonnant Été, un événement dans le cadre duquel cinquante et un spectacles gratuits sont programmés dans cinquante et une communes, chaque spectacle regroupant en moyenne 150 personnes. S’y produisent des artistes professionnels, sélectionnés sur catalogue par l’agence Tarn-et-Garonne Arts & Culture. Je souhaiterais qu’on cesse de demander aux collectivités 50 000 ou 60 000 euros supplémentaires pour que cette opération puisse prétendre à la labellisation : il serait préférable que le ministère propose d’emblée un accompagnement.

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Puisque les intervenants ont tous mentionné les budgets des grands établissements parisiens, j’ai tenu à préciser que leurs missions se déploient également hors d’Île-de-France. Loin de moi l’idée de nier que la culture provienne de chacun des territoires : c’est d’ailleurs le sens du dispositif Mondes nouveaux, qui a permis de soutenir 264 projets présentés par des artistes venant des quatre coins du territoire, y compris d’outre-mer – ce dont je me réjouis, car nos précédents dispositifs de commandes ne les atteignaient pas efficacement. C’est également la logique du programme La Relève visant à vivifier le tissu professionnel des directeurs de labels.

L’obtention d’un label est conditionnée à un cahier des charges ambitieux. Ces exigences peuvent être assouplies selon les cas. En revanche, fixer une règle – par exemple, un label par département – est difficile, car l’histoire nous a légué des cas particuliers, comme Orléans, qui dispose à la fois d’un centre dramatique, d’une scène nationale et d’un centre chorégraphique. Il est très rare de trouver ces trois structures dans la même ville !

Mme Valérie Rabault
Parfois, il n’y a rien du tout.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Le maillage doit donc tenir compte des cas particuliers. En tout cas, j’ai bien reçu votre message concernant le Tarn-et-Garonne ; nous nous pencherons attentivement sur son cas, d’autant plus que le label Art, enfance et jeunesse des scènes conventionnées est à mes yeux prioritaire sur tous les autres, car il vise à construire les publics de demain et à sensibiliser les nouvelles généralisations à la culture.

M. le président
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR)
Puisque j’ai eu le privilège de travailler sur le chantier de la restauration de Notre-Dame de Paris, vous me permettrez de revenir sur les cathédrales françaises. Notre pays compte 154 cathédrales, parmi lesquelles 87 seulement appartiennent à l’État. Les 67 autres représentent une lourde charge pour les communes qui en sont propriétaires, en ce qui concerne tant la maîtrise d’ouvrage que le financement. Dans ma circonscription, la cathédrale Saint-Pierre de Lisieux appartient à la ville, qui peine à assurer la maîtrise d’ouvrage nécessaire à son entretien. Le financement, lui aussi, pose souvent problème, comme pour la cathédrale Notre-Dame de Laon. Ma question est simple : votre ministère envisagerait-il au cas par cas de reprendre la propriété de certaines cathédrales dont le caractère historique ou l’intérêt patrimonial le justifierait ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Une approche au cas par cas est toujours possible. Je ne suis toutefois pas en mesure de répondre précisément quant à vos deux exemples, mais nous étudierons la question.

M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Écolo-NUPES)
Je remercie le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires de nous permettre de débattre de ce bien essentiel qu’est la culture. Nous avons évoqué son hypercentralisation en région parisienne par comparaison avec d’autres grandes villes ou villes moyennes. Étant député de la quatrième circonscription de la Dordogne, qui dispose certes d’un riche patrimoine culturel attirant un tourisme important, mais dont la plus grande ville compte moins de 10 000 habitants, je considère comme essentielle la question du spectacle vivant. J’ai cru comprendre que cette forme d’art vous a été précieuse lors de votre propre parcours. En milieu rural, l’accès au spectacle vivant est difficile et les salles de cinéma – le cinéma n’est pas un spectacle vivant – constituent souvent le seul spectacle régulièrement accessible. Or le cinéma connaît actuellement une crise liée à la baisse de la fréquentation, qui met en péril de nombreuses salles. Que proposez-vous pour soutenir ces petites salles rurales de cinéma ?

Par ailleurs, les difficultés d’accès au spectacle vivant en milieu rural sont encore aggravées par la crise de l’énergie, qui constitue un obstacle à la mobilité – d’ailleurs, la crise climatique et la nécessité de décarboner l’économie française l’entraveront encore davantage. Menez-vous une réflexion à ce sujet pour préparer l’avenir ?

Enfin, je profite de votre présence pour vous poser une question qui sort du cadre de ce débat. De nombreux lieux culturels comportent des salles, ou a fortiori des scènes, inaccessibles aux personnes à mobilité réduite.

Mme Valérie Rabault
C’est vrai !

M. Sébastien Peytavie
Cela pose un grave problème. L’Assemblée nationale a dû effectuer des travaux pour me permettre d’y accéder, car je suis le premier député en fauteuil roulant. Il me semble important que les lieux culturels prennent des mesures similaires pour y remédier.

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Je vous remercie d’avoir mentionné l’accessibilité : ce chantier me tient à cœur. Le budget de mon ministère pour 2023 comprend plusieurs investissements en la matière. Certains sont relatifs à la numérisation, comme la création, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, de la première plateforme du livre accessible aux personnes malvoyantes et non-voyantes : ce projet de longue haleine sera pleinement effectif dans trois ou quatre ans. En concertation avec le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), nous lançons aussi des appels à projets dans le cadre de l’Olympiade culturelle, afin de relier danse, sport et inclusion, en proposant à des artistes et à des sportifs en situation de handicap de présenter leur projet. Par ce moyen, nous espérons les faire connaître davantage, les soutenir financièrement et inciter des salles de spectacle à les programmer. La France a du retard en la matière : nous devons poursuivre ce travail.

En ce qui concerne la transition écologique, nous réalisons plusieurs investissements destinés à améliorer la performance énergétique des bâtiments. Ainsi, nous avons conclu que les projecteurs de cinéma sont particulièrement énergivores et gagneraient à être remplacés par des projecteurs laser. Nous sommes donc en train d’élaborer avec le CNC un plan sur plusieurs années pour aider les salles de cinéma à s’équiper de projecteurs laser, ce qui pourrait diviser par trois ou quatre leurs dépenses d’énergie. Quant à la question de la mobilité des spectateurs, elle est plus vaste et dépasse le champ culturel : en milieu rural, lorsqu’on se déplace pour aller au cinéma, on en profite également pour faire ses courses.

En matière d’accès aux lieux culturels, nous menons une réflexion impliquant notamment les Scènes nationales, que j’ai réunies à l’occasion des trente ans du label, et les acteurs du pass culture pour les jeunes. Il s’agit d’encourager les déplacements écoresponsables et de faciliter l’accès du plus grand nombre en proposant des tarifs réduits pour les personnes venant en transports en commun ou en covoiturage, ou encore des navettes expérimentales. Nous faisons actuellement l’essai de tels dispositifs. Il s’agit également de donner au pass culture une dimension collective, au collège ou au lycée : un nombre grandissant de sorties scolaires, rendues possibles par ce dispositif, sont encore facilitées par la prise en charge partielle du coût des transports.

M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES)
La concentration des moyens financiers à Paris notamment est un fait. L’affirmer ne met pas en cause la nécessité de disposer d’institutions nationales qui font effectivement un travail extrêmement précieux, que vous avez évoqué. Le problème réside plutôt dans le sous-financement de politiques publiques culturelles qui sont pourtant nécessaires sur l’ensemble du territoire national. Peut-être ce sous-financement se reflète-t-il dans la répartition des investissements privés dans le patrimoine. Je n’ai pas de chiffres pour établir leur degré de concentration, mais je me pose cette question. Peut-être les avez-vous, madame la ministre.

L’enseignement supérieur artistique est également concentré. En effet, de nombreuses institutions nationales existent à Paris et en Île-de-France. Ailleurs, par exemple à Marseille, ces institutions d’enseignement supérieur sont financées par la ville.

Bref, un rééquilibrage est nécessaire. Nous proposons non pas de diminuer les crédits mais au contraire d’augmenter le budget de la culture. Une grande part de l’activité culturelle et du service public de la culture repose actuellement sur les collectivités locales : or celles-ci font face à des équations financières de plus en plus insolubles, ce dont pâtit souvent la culture, qui est en danger de disparition et de marchandisation accrue. De quelle façon envisagez-vous l’évolution du financement des activités culturelles par les collectivités ? Quelle vision en avez-vous ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur la fonction de soutien des Drac, en particulier en ingénierie car, au-delà de l’argent, les collectivités territoriales et les particuliers ont besoin d’expertise : ils ont besoin d’avoir accès aux architectes, aux ingénieurs et aux techniciens spécialisés. Or leur nombre dans les Drac semble insuffisant eu égard à l’ampleur de la tâche. Est-ce un problème que le ministère aurait identifié et, le cas échéant, quelles mesures prévoyez-vous pour y remédier ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
En fait, le budget de la culture a augmenté de 800 millions d’euros depuis 2017, donc on ne peut pas dire qu’il y ait un sous-financement.

M. Pierre Dharréville
Si !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Les nouveaux projets dont je vous ai donné de nombreux exemples sont situés dans les territoires et non à Paris. Le doublement du budget de l’éducation artistique est également dirigé vers les territoires. Il demeure que les grandes institutions à Paris ont besoin de travaux et doivent faire face à des coûts fixes qui augmentent automatiquement. Nous avons la responsabilité de ne pas les abandonner mais de les accompagner. En réalité, tous les nouveaux projets et les ambitions de la politique culturelle, notamment pour l’éducation artistique qui bénéficie du pass culture et du doublement des crédits de l’EAC, se déploient dans les différentes régions. Le budget le prouve.

En ce qui concerne les Drac et les architectes des bâtiments de France, le problème est plutôt de susciter des vocations que de créer des postes. Il n’y a aucune baisse d’effectif pour ces emplois. À l’occasion de mes visites dans les écoles d’architecture, par exemple, nous essayons de susciter des vocations chez les étudiants.

Par ailleurs, en ce qui concerne les financements privés dans le patrimoine, le Loto du patrimoine est un bon exemple de partenariat public-privé. Il n’a pas réduit l’engagement de l’État pour le patrimoine, bien au contraire : le budget du patrimoine pour 2023 dépasse 1 milliard d’euros. Cependant, cela permet de recueillir des dons et le financement apporté par la vente des tickets du Loto s’ajoute à l’aide du ministère de la culture pour sauver des sites en péril qui ne sont souvent ni inscrits ni classés et qui ne font pas partie des monuments historiques que l’État peut aider en temps normal. Le Loto permet de créer une adhésion des citoyens autour d’un chantier, par exemple dans le cadre de l’opération Une école, un chantier, que nous avons développée. Ce programme est donc beaucoup plus large qu’un don unique pour un chantier. C’est un exemple parmi d’autres de mobilisation des citoyens qui versent des dons pour compléter le financement de l’État.

M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard
« Sans la culture, et la liberté relative qu’elle suppose, la société, même parfaite, n’est qu’une jungle. » Je partage cette réflexion d’Albert Camus, que nous tâchons d’incarner concrètement à Béziers. Comme nos traditions, la culture constitue notre identité et fait notre fierté. Nous devons donc les promouvoir pour les faire nôtres et les transmettre.

Si l’État est chez nous un bon partenaire culturel, il n’en reste pas moins que des améliorations pourraient être apportées pour accroître son efficacité. Ainsi, il est nécessaire d’alléger les procédures administratives pour la restauration de notre patrimoine, notamment celles de la commission scientifique régionale de conservation et restauration, passage obligé pour les collectivités territoriales non seulement avant toute restauration, mais aussi pour espérer obtenir des aides de l’État. Avec seulement deux à trois commissions annuelles, des œuvres relevant du domaine public restent détériorées plusieurs mois, faute d’accord de l’État pour leur restauration. De nombreuses villes emploient pourtant du personnel à même de traiter directement avec des restaurateurs pour une intervention plus rapide.

Par ailleurs, les critères d’attribution des subventions sont définis par le ministère de la culture sans qu’il ait toujours une connaissance précise des réalités locales. Si, dans les grands musées parisiens les collections se suffisent souvent à elles-mêmes, c’est loin d’être le cas dans tous les musées de province, d’où la nécessité d’une approche culturelle plus populaire, c’est-à-dire plus accessible.

Dans le but de rendre la culture plus accessible, ne faudrait-il pas, d’une part, revoir le fonctionnement des commissions scientifiques régionales de conservation et restauration et, d’autre part, renforcer l’autonomie des villes en ouvrant les critères de subventionnement à une offre culturelle adaptée ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre
Nous nous sommes efforcés, à la suite à la crise du covid-19, d’élaborer des dispositifs plus souples pour accompagner les collectivités et les acteurs culturels dans de nouvelles manières de s’adresser au public. Lancé en 2020, L’Été culturel, qui a ensuite été reconduit, a permis de déployer de nouveaux projets un peu partout, notamment en zone rurale et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces projets estivaux ont ensuite été étendus à d’autres vacances scolaires.

Nous tâchons d’accroître la dimension artistique des colonies de vacances. Par exemple, le théâtre de Chaillot organise des colonies où les enfants apprennent à danser et découvrent d’autres expériences culturelles pendant une semaine. Le Fonds d’innovation territoriale que j’ai évoqué permet, avec quelques dizaines de milliers d’euros investis dans différents projets, d’expérimenter, de tester, et de faire émerger de nouveaux acteurs. Nous déployons donc de nouveaux dispositifs, beaucoup plus souples, pour être au plus près de l’innovation et de l’émergence des projets dans les territoires.

Pour ce qui concerne les commissions scientifiques régionales de conservation et restauration, j’avoue ne pas avoir assez de données pour expliquer pourquoi cela prend plus de temps dans certains territoires, mais je regarderai cela plus précisément.

Mme Emmanuelle Ménard
Merci.

M. le président
Le débat est clos. 


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 2 mars 2023