Texte intégral
M. Claude Raynal, président. - Compte tenu de l'importance du secteur du logement dans les débats cette année autour du projet de loi de finances (PLF), nous avons souhaité entendre M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
Monsieur le ministre, vous serez le seul ministre invité par notre commission, en dehors des ministères financiers, c'est dire l'importance que nous attachons à cette audition. C'est la première fois que vous venez devant notre commission et je vous souhaite donc la bienvenue.
Votre tâche n'est pas facile, alors que le secteur de la construction neuve fait face à la chute des ventes et que la hausse des taux oblige les candidats au logement à différer leurs projets. Le logement social n'est guère en meilleure forme ; les délais d'attente sont toujours pointés du doigt, tandis que le nombre de logements neufs s'est sensiblement réduit au cours des dernières années.
Le PLF contient quelques mesures ; vous nous expliquerez ce que vous en attendez. Certaines de ces mesures ont été récemment ajoutées dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité ; aussi, nous manquons d'éléments pour en apprécier l'impact. Autant dire que nous vous écouterons avec la plus grande attention, et nous ne serons pas les seuls puisque cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires chargé du logement. - Monsieur le président, merci pour votre invitation. Je suis ravi d'être le seul ministre auditionné, tant le sujet du logement me semble, en effet, primordial aujourd'hui.
Je vous rappelle rapidement les quatre grands objectifs de la politique du logement dans notre pays. Le premier est d'ordre économique, avec beaucoup d'emplois en jeu, notamment dans le bâtiment ; à cela s'ajoute l'enjeu du logement abordable, c'est-à-dire la capacité pour chacun de pouvoir accéder à un logement. Le deuxième s'attache à la dimension environnementale ; il s'agit de veiller à ce que chacun des logements puisse contribuer à la transition énergétique. Le troisième objectif relève de la question sociale, avec des enjeux liés à l'hébergement d'urgence, ainsi que la capacité d'accorder à chacun un logement digne et décent. Enfin, le quatrième et dernier objectif concerne la dimension territoriale, c'est-à-dire la capacité pour une politique du logement de s'adapter à la réalité des territoires.
Ces objectifs naturels de la politique du logement sont aujourd'hui contrariés par une crise multifactorielle. Il y a d'abord, au niveau économique, une crise de la production liée à la hausse des prix immobiliers, à la spécialisation du secteur vers la construction de maisons individuelles en zone détendue et vers les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement dans les grandes villes, ainsi qu'à la forte hausse des taux d'intérêt - passés de 1,2 à 4,2%. Ainsi, le nombre de crédits immobiliers accordés a chuté de 38%, les mises en chantier ont connu une baisse de 16% et les logements autorisés de 28%.
À cette crise de la production s'ajoutent une crise environnementale avec des besoins d'accélération des rénovations énergétiques des logements, une crise sociale avec la croissance de l'hébergement d'urgence - passé de 93 000 à 203 000 places - et une crise démographique avec le vieillissement de la population qui oblige à des adaptations des logements.
Face à cette crise particulièrement aiguë et multifactorielle, le modèle ancien de politique du logement bute sur la réalité et sur les réponses qu'il convient désormais d'apporter à la transition écologique et au vieillissement de la population. De nouvelles réponses sont nécessaires afin de soutenir l'ensemble des besoins et de surmonter les différentes crises. Il s'agit de mettre en oeuvre une politique du logement plus adaptée à la ville du XXIe siècle ; et pour cela, tous les outils sont à repenser.
Aujourd'hui, l'urgence est d'abord économique. Dans ce PLF, on trouve un certain nombre de premières mesures à caractère financier et fiscal. Concernant l'accession à la propriété, le prêt à taux zéro (PTZ) est à la fois géographiquement recentré et stimulé ; l'idée est de jouer sur les quotités, les plafonds et les publics éligibles. À ce renforcement du PTZ dans les zones les plus tendues s'ajoute une volonté d'affiner les zonages. Un premier décret a permis à de nouveaux territoires d'intégrer la zone tendue, l'objectif étant de renforcer le PTZ dans les zones où il y en a le plus besoin, en mettant l'accent sur la rénovation des logements anciens, dans les secteurs où la vacance est la plus élevée.
Avec le ministre de l'économie et des finances, nous travaillons sur la question de l'accès au crédit immobilier. L'idée est d'échanger avec le gouverneur de la Banque de France. Sans remettre en cause le ratio de 35% entre les mensualités et les revenus ou la durée maximale des prêts de 25 ans, le Gouvernement s'interroge sur l'utilisation de la marge de 20% accordée aux banques ; seulement 13% sont utilisés, du fait de certains sous-critères. Par exemple, dans ces 20% de marge, on trouve 70% de primo-accédants.
Nous soutenons également le bail réel solidaire (BRS) et la vente HLM ; des annonces ont été faites lors du Congrès HLM pour essayer de doper les ventes.
De même que l'accession à la propriété, nous souhaitons renforcer le logement locatif intermédiaire. Nous avons, là aussi, décidé d'adapter le zonage afin que davantage de territoires puissent en bénéficier. Dans ce PLF, le bénéfice du logement locatif intermédiaire est étendu à l'ensemble des catégories de fonds d'investissement ; par ce biais, les particuliers pourront en tirer profit.
Concernant le logement locatif social, l'accord trouvé avec le mouvement HLM doit permettre de tenir l'ambitieux objectif de rénovation énergétique du parc social. Pour rappel, le parc social comprend encore 9,5% de passoires thermiques, un pourcentage nettement inférieur à celui du parc privé mais encore trop élevé. Le Gouvernement a annoncé la création d'un fonds, doté de 1,2 milliard d'euros répartis sur trois ans, pour accompagner la rénovation énergétique des logements sociaux, auquel s'ajoute un certain nombre de prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui équivalent à environ 650 millions d'euros d'économies de charge d'intérêts pour les bailleurs.
À cela s'ajoutent le maintien du taux du livret A à 3% pendant encore un an et demi et le suivi de l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) alors qu'intervient le moment du bilan triennal. Par ailleurs, nous engageons des contrats de mixité sociale avec les communes carencées, de manière à développer la production de logements sociaux.
Un plan dédié au logement étudiant est également en préparation. L'idée est de travailler sur les fonciers universitaires disponibles et sur la transformation de bureaux en résidences étudiantes ; j'aurai l'occasion d'y revenir.
Dans ce PLF, on trouve des dispositions concernant le foncier, notamment un dispositif visant à renforcer l'abattement de plus-values de cessions foncières. Au sujet des questions foncières, je rappelle l'existence du fonds vert pour le climat, qui permet d'accompagner le recyclage urbain. Je signale également le travail effectué avec Mme Olivia Grégoire et M. Christophe Béchu sur la transformation des entrées de villes, notamment les zones commerciales ; nous discutons actuellement avec les foncières commerciales pour la transformation de ces terrains, avec la volonté d'y ajouter des logements.
Parmi les autres aides engagées, il y a ce plan de rachat de logements à des promoteurs. Au total, 47 000 logements seront rachetés à des promoteurs - 30 000 par Action Logement et 17 000 par CDC Habitat.
Une mission parlementaire vient d'être mobilisée sur la réforme de la fiscalité locative. L'idée est d'évaluer la question de la justice fiscale et celle de l'incitation pour les particuliers. Cela signifie de travailler à la fois sur les meublés touristiques et la promotion de l'investissement locatif.
Le plan gouvernemental de lutte contre la vacance se poursuit également. Vous n'ignorez pas la possibilité pour les communes d'identifier les propriétaires concernés par les logements vacants. À cela s'ajoutent la prime de sortie de vacance de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), la taxe sur les logements vacants et le prêt à taux zéro pour la rénovation de logements anciens.
En matière de rénovation énergétique, on trouve dans ce PLF une dotation de l'Anah calibrée à 5 milliards d'euros, avec 400 millions d'euros prévus pour le logement locatif social, ce qui correspond au fonds de 1,2 milliard d'euros sur trois ans. L'objectif est d'atteindre les 200 000 rénovations d'ampleur, dont 80 000 en copropriété. Le dispositif MaPrimeRénov' doit permettre de réussir la transition entre financement de changement de vecteurs énergétiques et financement de rénovation globale. Cela suppose un meilleur accompagnement des particuliers et des propriétaires pour atteindre l'objectif fixé.
Dans ce PLF, un certain nombre de mesures visent à renforcer l'aide de l'État. Pour certains ménages très modestes, le montant des aides peut s'élever jusqu'à 90% du financement des travaux. On peut également évoquer la prolongation de l'éco-prêt à taux zéro, la simplification du vote en copropriété, la création du dispositif MaPrimeAdapt' qui a vocation à mobiliser 1,5 milliard d'euros d'ici à la fin du quinquennat ; 250 millions d'euros ont déjà été engagés pour 2024, afin de permettre aux particuliers d'adapter leur logement aux contraintes du vieillissement et du handicap.
Le nombre de places d'hébergement d'urgence se maintient à un très haut niveau, avec un record historique de 203 000 places et des possibilités supplémentaires pour les femmes victimes de violences.
Ce PLF n'est qu'une étape dans la transformation de la politique du logement que nous avons engagée. Nous avions demandé à Mme Michèle Lutz et M. Mathieu Hanotin un rapport sur les copropriétés dégradées et l'habitat indigne ; ce rapport vient d'être rendu et il a vocation, d'ici à la fin de l'année, à donner des mesures à caractère réglementaire et financier de la part du Gouvernement ; les mesures à caractère législatif, quant à elles, seront intégrées dans un projet de loi lors du premier trimestre 2024.
Enfin, comme l'a annoncé le Président de la République, une grande loi dédiée au logement verra le jour au printemps 2024. Elle aura plusieurs objets : la décentralisation de la politique du logement, avec l'objectif de décupler la capacité d'agir des acteurs de terrain ; et l'avenir du logement social, notamment la question des modalités d'attribution, avec cette nécessité d'arbitrer entre un modèle généraliste, vecteur de mixité sociale, et un modèle résiduel concentré sur les plus démunis. La loi pourra également aborder les rapports locatifs et d'autres sujets encore.
Il s'agit d'adapter la politique du logement à ce que doit être le modèle de développement territorial du XXIe siècle. Les bouleversements provoqués par le covid-19, la nécessité de s'adapter à la transition écologique, le lien entre emploi et logement tel qu'il s'éprouve désormais dans les territoires nous obligent à repenser notre modèle de développement territorial, ce qui implique de nouveaux outils pour la politique du logement ; et la prochaine grande loi sur le logement incarnera ce changement de modèle.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - En vous écoutant, j'ai l'impression que la cheffe du Gouvernement a bien fait de changer de ministre du logement. Votre propos témoigne d'un grand volontarisme, mais les perspectives que vous tracez me semblent quelque peu idylliques ; celles-ci, en effet, butent sur la réalité actuelle. Ainsi, le nombre de constructions de logements neufs cumulé sur douze mois, que ce soit les logements autorisés ou les logements commencés, atteint l'un des plus bas niveaux depuis dix ans. Alors, comme j'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire au ministre de l'économie et des finances, j'ai envie de vous dire : au travail !
Vous avez évoqué un phénomène nouveau : le lien entre emploi et logement. Il apparaît nouveau dans un contexte de pénurie d'emplois et, de manière concomitante, de besoin de mobilité professionnelle de nos concitoyens.
Le logement est aujourd'hui englué dans une crise structurelle, et il faudra du temps pour en sortir. Prenons garde, dans nos responsabilités respectives, de ne pas promettre un printemps trop rapide.
Il y a un peu plus d'un an, l'inspection générale des finances (IGF) avait remis au Gouvernement un rapport qui recommandait de supprimer l'avantage fiscal des meublés touristiques classés ; le Gouvernement, par voie d'amendement, a proposé cette année une mesure allant dans ce sens. Peut-on avoir connaissance du rendement attendu ? Quel sera le coût pour les propriétaires concernés? Des questions se posent également sur le choix de s'appuyer sur la classification des zones A, B et C et la manière dont cela va se traduire, notamment dans les stations de haute montagne ?
J'ai bien noté que le PTZ serait recentré et stimulé, et qu'il servirait également pour la rénovation, notamment le recyclage urbain. Pouvez-vous nous indiquer, plus précisément, les territoires qui seront concernés ? Disposez-vous d'une carte nous permettant de mieux apprécier les choses, sachant que la Fédération bancaire française (FBF) a estimé que l'ouverture du dispositif n'engendrerait qu'une quinzaine de milliers de nouveaux bénéficiaires ? Pouvez-vous nous le confirmer?
Ma dernière interrogation porte sur le financement du logement social. Le cadre me semble peu clair. Le financement ne proviendrait désormais que du déblocage des crédits du Fonds national des aides à la pierre (Fnap). En 2025, si les contributions des bailleurs sociaux sont réduites au minimum, quelles seraient alors les modalités de financement prévues ?
M. Claude Raynal, président. - Sur cette problématique du logement, la difficulté est de passer d'un discours d'orientation politique à une succession de mesures, voire parfois de micromesures, en décalage avec les objectifs annoncés. Est-il possible de davantage raisonner en termes de réalisation d'objectifs, sans se focaliser sur les seules dépenses budgétaires ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Monsieur le rapporteur général, je partage votre analyse concernant le lien entre emploi et logement. Ces questions de mobilité, de proximité de l'emploi, supposent de repenser la politique du logement. D'autres éléments sont à prendre en compte désormais : les bouleversements liés au covid-19, la transition écologique, le vieillissement de la population. Tout cela doit nous aider à redéfinir le cadre et le contenu de la politique du logement. De nouveaux outils doivent émerger ; je pense, par exemple, à la question de l'attribution des logements sociaux, en lien notamment avec la proximité de l'emploi.
Concernant le régime des meublés touristiques classés, l'abattement passe de 71% à 50% dans ce PLF. Le sujet a suscité beaucoup de polémiques, je me suis moi-même exprimé dans un journal national. Avant de prendre une décision définitive sur la fiscalité locative, la Première ministre a demandé à une mission parlementaire d'identifier tous les effets de bord possibles ; vous avez évoqué notamment le cas des stations de haute montagne. L'idée est d'avoir une vision d'ensemble, en se demandant quelles mesures pourraient inciter nos concitoyens à investir davantage dans le locatif et en intégrant des notions de justice fiscale. Par exemple, qu'est-ce qui justifie d'avoir aujourd'hui un abattement plus important pour un meublé que pour un non-meublé ? Cette différence - 50% d'abattement pour un meublé, 30% pour un non-meublé - est maintenue dans le PLF pour 2024.
Le passage d'un abattement de 71% à 50% correspond à un premier pas, en attendant quelque chose de plus abouti au cours de l'année 2024. Cette mesure n'a pas vocation à clore l'évolution de la fiscalité locative.
Concernant le PTZ, il y a une différence entre le nombre de personnes éligibles et le nombre de prêts. Avec les six millions de Français supplémentaires éligibles en 2024, on peut envisager 15 000 PTZ supplémentaires, ce qui permettrait d'atteindre un nombre total d'environ 45 000 prêts, équivalent à celui de 2023.
Vous avez évoqué le logement social et la question du devenir du Fnap. Nous aurons bien, en 2024, une contribution d'Action Logement. Le débat qui se tiendra dans le cadre de la grande loi sur le logement, et plus particulièrement concernant le sujet de la décentralisation, doit nous permettre de trancher cette question du financement. Les futures autorités organisatrices de l'habitat (AOH) devront-elles assurer l'aide à la pierre ? Avec quelles ressources ? Ces questions émergeront forcément au cours du débat sur la décentralisation et il est donc prématuré d'y répondre aujourd'hui.
Monsieur le président, je partage votre analyse. On ne voit pas toujours le lien entre une vision, un résultat, des tuyaux et des engagements de dépenses. Je souhaite faire évoluer cela et fonctionner davantage par objectifs de résultat. Les attributions de logements sociaux illustrent bien votre propos ; on a inventé des dispositifs législatifs exceptionnels, et pourtant la misère se concentre toujours dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En se restreignant à une logique purement procédurale, on finit par en oublier les objectifs.
M. Bruno Belin. - Monsieur le ministre, comme le rapporteur général, je ne doute pas de votre bonne volonté. Cependant, dans la liste des facteurs expliquant la crise de la politique du logement, vous avez oublié certains points que je me permets de vous rappeler. Vous n'avez pas évoqué le sujet du " zéro artificialisation nette " (ZAN), alors que la mise en oeuvre de ce dispositif ne fera qu'augmenter le coût du logement.
L'idée de retirer les logements énergivores du parc locatif aura également une incidence importante dans le milieu urbain paupérisé.
Vous n'avez pas non plus évoqué le sujet des plans locaux d'urbanisme intercommunal (PLUi). Un décalage va se créer entre ce qu'il sera possible de faire en milieu rural et ce qu'il sera nécessaire de faire en milieu urbain ; le milieu rural risque de se retrouver très frustré, avec des dizaines de milliers de collectivités qui ne pourront faire aboutir leurs projets.
Il va devenir complexe de se loger. Ce n'est pas avec un PTZ que l'on crée les conditions de l'accession à la propriété. Les 15 000 prêts supplémentaires envisagés correspondent à 0,5% de la population éligible.
D'autres sujets préoccupent les territoires : les lenteurs de l'Anah ; l'extension des zones tendues en raison de la mise en oeuvre du ZAN et du PLUi, ainsi que du coût du logement ; le manque de logement social. Sachant tout cela, peut-on espérer qu'après le dispositif Pinel, un " dispositif Vergriete ", porteur d'une politique du logement ambitieuse et efficace, voie le jour ?
M. Hervé Maurey. - Ma question porte sur les conséquences du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les petites surfaces. Les nouvelles règles pénalisent les petites surfaces, car les surfaces déperditives y sont proportionnellement beaucoup plus importantes que les surfaces habitables.
L'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) estime que 63% des surfaces de moins de 30 mètres carrés sont classées E, F ou G, contre 39% pour l'ensemble du parc. Souvent, les diagnostiqueurs préconisent des solutions inadaptées pour les petites surfaces, surtout en milieu urbain ; quand la seule solution envisagée est d'installer une pompe à chaleur dans un appartement au premier étage, cela pose à la fois des problèmes techniques, de coût, d'urbanisme et d'esthétique.
Le syndicat des diagnostiqueurs a suggéré l'application d'un coefficient de pondération pour les petites surfaces. Qu'en est-il de cette idée ?
Enfin, j'attire votre attention sur une situation. Un de mes amis a mis en location un studio en proche banlieue parisienne ; il a reçu 500 réponses, c'est dire combien la demande de logement est forte. Et à ce titre, il ne me paraît pas très opportun de continuer à retirer des logements du marché.
M. Vincent Capo-Canellas. - Nous sommes tous à la recherche de la mesure simple et efficace qui pourrait relancer la production de logements. Vous avez évoqué la hausse des taux d'intérêt et son impact sur les accédants potentiels à la propriété. Une mesure fiscale avait été mise en place en 2007 dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (loi Tepa) ; cette mesure, décriée et n'ayant pas forcément atteint sa cible à l'époque, visait à une déduction des intérêts d'emprunt pour les accédants. Peut-être faudrait-il recentrer cette mesure et mieux définir ses critères, mais elle me semble être une solution simple, visible et efficace.
M. Didier Rambaud. - Si des logements sociaux ont pu se construire ces dernières années, c'est bien grâce à la loi SRU. Cependant, j'estime que pour certaines communes carencées les critères d'exemption sont très injustes. Je peux citer l'exemple de la commune de Vaulnaveys-le-Haut, qui a rejoint la métropole grenobloise en 2016 et appliqué le programme local de l'habitat (PLH) de l'agglomération. Entre 2020 et 2022, la commune a bénéficié des critères d'exemption ; aujourd'hui, après l'évolution de ces critères, elle se retrouve carencée et doit payer une amende de 70 000 euros. Avez-vous, monsieur le ministre, l'intention de revoir ces critères d'exemption ?
Ma deuxième question porte sur le logement étudiant. Le manque de logements explique pour une part l'échec scolaire de nos étudiants. Mais il est très difficile pour les collectivités locales d'investir dans le logement étudiant ; cela ne rapporte rien et cela crée des problèmes de voisinage. Les logements dédiés aux étudiants peuvent-ils rentrer dans les quotas fixés par la loi SRU ?
M. Jean-François Rapin. - On a pu lire récemment dans la presse l'inquiétude de certains promoteurs privés, notamment la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Concernant le parc privé, vous avez évoqué le traitement de la question fiscale par le biais d'une mission parlementaire. Nous aurions dû faire cela avant de transformer le dispositif Pinel en Pinel +. L'expertise aurait dû intervenir en amont, avant de prendre une mesure aussi radicale et décriée par les promoteurs. Quel est, aux yeux du Gouvernement, l'avenir de la promotion privée en France ?
Mme Christine Lavarde. - Mon interrogation porte sur la rénovation thermique des bâtiments. Début octobre, vous avez annoncé une enveloppe de 1,2 milliard d'euros destinée à favoriser les opérations de rénovation de logements. Comptez-vous nourrir cette enveloppe en rendant obligatoire l'exonération de taxe foncière pour les logements sociaux faisant l'objet de rénovation ? Vous laissez la possibilité aux communes opposées à cette exonération de délibérer, mais vous inversez la règle. Auparavant, on donnait le droit à la commune de délibérer pour accorder une exonération ; désormais, l'exonération s'impose de droit, et si la commune s'y oppose, elle pourra délibérer, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Par ailleurs, cette mesure n'a pas été pensée en concertation avec les associations de collectivités.
Au-delà de cette enveloppe de 1,2 milliard d'euros, d'autres crédits sont-ils envisagés ? Ou bien comptez-vous déposer des amendements pour en ajouter de nouveaux au cours de l'examen du PLF ?
M. Thierry Cozic. - Je souhaite revenir sur le financement du parc locatif social. Les difficultés rencontrées aujourd'hui sur le marché locatif privé viennent allonger la liste d'attente pour un logement social, alors même que 70 % de la population est aujourd'hui éligible. En un an, 100 000 nouvelles demandes ont été déposées, ce qui porte à 2,3 millions le nombre total de ménages en attente. Dans le même temps, la production de logements sociaux diminue, avec moins de 100 000 agréments recensés en 2022, alors que 120 000 étaient prévus.
La baisse des moyens des organismes HLM affecte la production de logements. La puissance publique a également une grande part de responsabilité ; la baisse des aides personnelles au logement (APL) a notamment obligé les bailleurs à réduire leur loyer et, de fait, leurs recettes, au détriment de leurs capacités d'investissement et de construction.
Pour pallier les carences de l'État, un certain nombre de collectivités territoriales se sont organisées. Dans le département de la Sarthe, Le Mans Métropole a ainsi débloqué un fonds d'aide exceptionnel, doté de 6 millions d'euros pour 2023 et 2024, afin que plus de 400 logements puissent sortir de terre.
Monsieur le ministre, comptez-vous présenter des mesures financières afin que les collectivités ne se retrouvent plus à pallier les carences de l'État en matière de logement social ?
M. Jean-Marie Mizzon. - Concernant le PTZ, vous avez évoqué le principe d'une zone géographique resserrée. Cela m'interpelle, car le critère est très discriminant. Que comptez-vous faire des zones frontalières ? Certaines sont voisines d'un pays où le PIB par habitant est parmi les plus élevés au monde - je pense en particulier au Luxembourg. Dans ces zones, cela pose de sérieuses difficultés pour les acquéreurs.
M. Stéphane Sautarel. - En préambule, je souhaite revenir sur plusieurs constats. Tout d'abord, les propriétaires fonciers sont victimes de la fiscalité et de l'accroissement des normes depuis six ans, et l'on ne peut aujourd'hui que constater leur désengagement. Autre point : si 70% de nos concitoyens peuvent accéder au logement social, on peut s'interroger sur la définition de celui-ci. Dernier point : le lien entre emploi et logement est évident en milieu rural, avec une proximité et peu de mobilité ; en outre, les mobilités enregistrées après le covid-19 ont redonné un peu d'espoir et d'attractivité à nos territoires.
Or, sachant cela, le dispositif du ZAN, au-delà des aspects financiers, pose un problème d'autorisation et d'urbanisme. Si l'on ajoute à cela le PLUi et la lecture extensive que certains peuvent faire de la loi Montagne, on s'interroge sur la réelle capacité à construire et accueillir sur nos territoires ruraux, ou même à garder la population.
Ma deuxième interrogation porte sur l'innovation, notamment sur la question du partage de logement pour favoriser l'accès à la propriété.
Enfin, que penseriez-vous d'une accélération de l'indivision successorale ? J'ai, pour ma part, déposé une proposition de loi sur le sujet qui me paraîtrait pouvoir régler un certain nombre de questions et libérer du foncier.
M. Grégory Blanc. - Ma première question porte sur les exonérations de taxe foncière. Avec le dispositif des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les communes de banlieues sont celles qui concentrent le plus souvent les précarités, à la fois dans le parc social et souvent également dans le parc privé adjacent. Dans ma commune, on trouve 42% de logements sociaux ; l'exonération de taxe foncière s'élève à 1,7 million d'euros, avec une compensation de seulement 68 000 euros pour un budget de fonctionnement de 18 millions d'euros. Or, pour rendre attractif un parc social, il revient à la puissance publique communale de créer un environnement favorable. Dans le cadre de ce PLF, comment comptez-vous négocier avec Bercy sur cette question des exonérations de taxe foncière ?
Dans le premier volet de la loi de finances, un débat portera sur la prolongation d'une exonération de 25 ans pour les bailleurs sociaux s'engageant dans la rénovation thermique. Quid de la compensation ?
Ma dernière question porte sur le ZAN. Vous avez évoqué le plan novateur pour les zones commerciales, avec de nombreuses expérimentations. Si l'on ne repense pas notre façon d'aménager le territoire, on ne pourra pas mettre en place le ZAN. Envisagez-vous également des expérimentations pour les zones économiques de nos territoires ?
M. Rémi Féraud. - Nous constatons une forme de procrastination du Gouvernement sur le sujet du logement. Monsieur le ministre, j'espère que nous pourrons vous aider à avancer dans la discussion budgétaire. La question de la fiscalité locative, qui concernait particulièrement le territoire parisien, touche aujourd'hui l'ensemble du territoire national, notamment certaines régions touristiques.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Avec la flat tax en 2018, le Gouvernement a bousculé la fiscalité relative aux revenus du capital et de l'investissement locatif. Envisagez-vous de revenir sur ce choix ?
Vivant dans une zone A bis à Paris, j'ai la chance de me trouver dans un quartier où s'applique le recentrage du prêt à taux zéro. Sauf que le prêt concerne uniquement le neuf, avec un plafond fixé à 150 000 euros ; dans l'ancien au-dessus de quinze mètres carrés, j'ai trouvé vingt appartements à Paris ; et dans le neuf, je n'ai rien trouvé. J'ignore donc à qui s'adresse cette mesure.
M. Jean-Raymond Hugonet. - On a pris l'habitude, à chaque problème majeur, d'entendre parler d'un grand plan et, généralement, nous sommes déçus ; ces grands plans accouchent de mesures techniques souvent critiquées par les professionnels.
Je ne partage pas la vision de mon collègue Didier Rambaud sur la loi SRU, mais le genre de situation kafkaïenne qu'il décrit est partagé dans de nombreux départements.
Jusqu'ici, le lien avec les collectivités concernant l'aide à la pierre s'établissait dans les contrats de mixité sociale. Début octobre, la Première ministre a évoqué des contrats territoriaux visant, cette fois, les intercommunalités. Or, les seules collectivités de plein exercice en France sont les communes, et non les intercommunalités. Certes, les intercommunalités peuvent lancer des PLUi, mais il ne s'agit pas encore de la norme dans notre pays. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces contrats territoriaux ?
M. Christian Klinger. - Quand comptez-vous revoir le statut fiscal des bailleurs privés ? Il s'agit du seul moyen pour faire revenir les investissements privés dans la construction. Si vous adaptez ce statut à celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), je suis certain que, dès le lendemain, la construction repartirait ; mais sans doute auriez-vous des problèmes avec votre collègue de Bercy...
Mme Frédérique Espagnac. - Monsieur le ministre, au lendemain de votre prise de fonction, vous étiez venu à Bunus au Pays basque. Vous vous étiez engagé, après la demande de la communauté d'agglomération, sur l'encadrement des loyers ; vous avez fait une annonce sur le sujet ces derniers jours, je tiens donc à vous remercier d'avoir tenu parole.
Je faisais partie de la commission mise en place par votre prédécesseur sur l'attrition des logements en zone tendue. Nous avions évoqué la question des littoraux et de la montagne, avec l'idée de favoriser l'activité économique tout en veillant au logement des autochtones. Aujourd'hui, l'urgence est de soutenir la proposition de loi de M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur.
Vous n'ignorez pas à quel point le littoral atlantique est aujourd'hui prisé, notamment la côte basque. Sur la sujet de la vente et des plus-values, on observe une transformation régulière des résidences secondaires en résidences principales afin d'éviter la taxation. Des mesures urgentes sont à prendre, tant les conséquences s'avèrent importantes pour les collectivités.
M. Laurent Somon. - L'année dernière, 150 000 postes étaient ouverts pour les saisonniers et, parmi eux, seulement 50% ont pu trouver un logement. Ce problème est corrélé à la régulation des logements touristiques. Quelles sont les pistes de réflexion du Gouvernement à la fois sur cette question de la régulation du logement touristique, sur les mesures envisagées pour atténuer les locations de courte durée qui rendent le logement plus cher, et sur la manière de résoudre le problème du logement des saisonniers ?
Autre point : dans les territoires, le financement des rénovations par l'Anah, notamment des rénovations lourdes pour les personnes précaires, s'avère compliqué. Quelles mesures comptez-vous prendre pour accélérer les circuits d'instruction et surtout de financement ?
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Vos interventions montrent la diversité des situations du logement dans les territoires, et prouvent à quel point la décentralisation, la différenciation de l'action de l'État en fonction des territoires, est un sujet vital. La vocation de la prochaine loi sur le logement est précisément de repenser cela.
Certes, la crise de la production doit nous préoccuper, mais on observe également une forte crise environnementale. Au cours des cinquante dernières années, la France a consommé son foncier de manière excessive. L'urgence environnementale nous impose aujourd'hui de repenser notre modèle de développement territorial. Les outils actuels de la politique du logement ne sont plus adaptés, ils correspondent à ce modèle de développement territorial ancien favorisant la consommation foncière. Par exemple, certains territoires connaissent de fortes vacances de logement, et nous ne disposons pas aujourd'hui d'outils adaptés pour aborder ce type de sujet.
Il ne s'agit pas d'opposer la ruralité à la ville, ou les petites villes aux métropoles ; ces réalités diverses nécessitent des outils divers. À certains endroits, il faudra mettre l'accent sur le recyclage foncier ; à d'autres, il faudra regagner de la vacance ; à d'autres encore, il faudra privilégier le neuf. À Paris, en effet, le prêt à taux zéro concerne le neuf, car c'est de cela que nous avons besoin. Agir en ce sens, c'est plus cher et plus complexe, cela demande une ingénierie qui aujourd'hui nous fait défaut. Les outils n'existent pas, il faut les inventer. Le fonds friches est un premier pas, il témoigne d'une nouvelle façon d'aborder le modèle de développement territorial.
S'agissant des passoires thermiques, 673 000 logements du parc locatif privé sont actuellement classés G, dont 133 000 classés G +. Ces derniers sont encore loués car le système prévoit non pas une interdiction de location, mais une évolution des critères de la décence permettant au locataire d'attaquer en justice le propriétaire. Personne ne souhaite la sortie de ces passoires thermiques du marché locatif, mais nous voulons, avec les professionnels de l'immobilier, que les travaux se fassent. A-t-on besoin de travaux de copropriété pour les logements classés G qui sont loués aujourd'hui ? Si tel est le cas, en effet, le calendrier du 1er janvier 2025 sera sans doute difficile à tenir. Mais les premiers chiffres établissent que 90% des logements concernés ne nécessitent pas de travaux de copropriété pour passer de G à F.
Des travaux ne nécessitant pas l'engagement de la copropriété peuvent tout à fait être lancés. Nous avons renforcé le dispositif MaPrimeRénov' qui s'adresse aux bailleurs ; la création du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' permet un accompagnement sur les dossiers administratifs. Certes, le système est encore complexe, notamment concernant les aides de l'Anah. Nous travaillons à la simplification de ces dispositifs, et nous souhaitons également renforcer le recrutement et la formation des accompagnateurs.
Essayons d'accompagner le mieux possible les propriétaires bailleurs d'un point de vue financier, technique et administratif, afin qu'ils puissent réaliser les travaux.
Si nous abandonnons l'objectif d'interdire à la location les passoires thermiques en 2025 en le repoussant à 2028, je parie que nous rencontrerons les mêmes problèmes qu'aujourd'hui en 2027 et que rien n'aura changé d'ici là. Pour résoudre le problème des passoires thermiques, notre méthode est de faire et d'inciter à faire, notamment en travaillant sur la question de l'accompagnement avec la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) et l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis).
Nous devons chercher à améliorer le dispositif du DPE quand il s'applique aux petites surfaces, car, j'en conviens, il y a un problème.
Je préciserai un point : il y a 6 millions de personnes supplémentaires éligibles au PTZ et 350 000 ventes de logements aujourd'hui, dont 120 000 en bloc. Sur les 230 000 ventes au détail, il y a 40 000 à 45 000 demandes de PTZ, soit 18% du total, ce qui est satisfaisant. À Paris, le PTZ favorise l'achat d'un logement à hauteur de 20 000 euros. Quoique plafonné, le PTZ peut être complété par un autre dispositif d'aide. Je rappelle que le PTZ n'a jamais été aussi incitatif qu'en cette période de taux d'intérêt élevés. Voilà pourquoi nous l'avons largement renforcé.
La mesure issue de la loi Tepa de 2007 est particulièrement onéreuse au regard de ses effets. Le dispositif a eu des effets positifs sur le pouvoir d'achat, mais il n'a pas favorisé la production de nouveaux logements, selon les premières études d'impact.
La moitié de logements sociaux produits aujourd'hui résulte des obligations de la loi SRU. Sans cette loi, nous aurions de grandes difficultés à produire des logements sociaux.
Vous le savez, je tiens beaucoup à cette loi - j'étais conseiller au cabinet de Claude Bartolone au moment où il en a rédigé l'article 55 -, même si, j'en conviens, elle n'est pas parfaite. Chacun d'entre nous aurait des raisons de la modifier, mais je défends cette loi car elle structure la politique du logement social aujourd'hui en France et le rééquilibrage de la production de logements sociaux. Si nous modifions ce texte, les conséquences seront très néfastes, surtout en période de crise de production de logements.
Je rappelle que les logements destinés aux étudiants peuvent être pris en compte dans le quota de logements sociaux imposé aux communes par la loi SRU.
Nous avons senti qu'une crise de la production de logements arriverait, puisque dans les métropoles près de 80 % des logements construits résultaient de dispositifs d'investissement locatif. Ces dispositifs d'aide fiscale dopent la demande et font donc augmenter artificiellement les prix. Certes, le dispositif Pinel a permis de retarder cette échéance, mais en ajoutant une couche de croissance des prix immobiliers et donc des prix fonciers il a rendu la crise encore plus importante !
On pourrait défendre la mise en place d'un tel dispositif pour faire augmenter les prix, l'accession étant rendue encore plus difficile sous l'effet de la hausse des taux d'intérêt, afin d'adopter une stratégie fiscale visant à doper artificiellement la demande, mais jusqu'où aller ?
Ne faudrait-il pas plutôt s'interroger sur l'opportunité de ces stimulateurs artificiels de la demande afin que la politique du logement repose sur des bases plus saines et plus stables ? Lorsque 80 % des constructions résultent de dispositifs d'aides fiscales, que la croissance des prix de l'immobilier est en moyenne de 178 %, voire de 200 %, dans le centre des grandes villes alors que le pouvoir d'achat des ménages s'est effondré, alors nous sommes bien plus vulnérables au risque de la remontée des taux d'intérêt.
Voilà pourquoi il faut retravailler sur l'ensemble des éléments de la demande - j'ai abordé la question de l'investissement locatif social et intermédiaire, de l'accession à la propriété, du foncier, etc. -, en imaginant de nouveaux dispositifs, sans doute provisoires. Nous ne pouvons pas accepter l'effondrement de l'appareil de production de logements, ce serait trop dangereux pour notre pays ; il faudrait dix ans pour le reconstruire ! En même temps, il faut assainir les prix absurdes de l'immobilier, qui ne correspondent plus au pouvoir d'achat des ménages et qui ont exclu de l'accession à la propriété une grande partie de nos concitoyens. Pour rééquilibrer les prix, n'utilisons pas les remèdes d'avant qui n'ont fait qu'amplifier la crise d'aujourd'hui !
L'État va verser 1,2 milliard d'euros aux bailleurs sociaux, au travers d'un fonds d'aide directe, pour accompagner la rénovation énergétique des logements locatifs sociaux.
Certes, nous avons inversé la charge de la preuve pour bénéficier de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), mais les communes ont toujours la possibilité de s'en extraire si elles le souhaitent.
Dans cette crise - et c'est nouveau -, le secteur du logement locatif social joue un rôle non plus contracyclique, mais procyclique. Autrement dit, quand le privé est en crise, le logement social l'est également, dynamique qui résulte de l'évolution de la production de logement social en France. Le secteur du logement locatif social n'étant désormais plus autonome du secteur privé, la diminution de production de logements sociaux et l'augmentation du nombre de demandeurs ne lui permettent pas de jouer son rôle contracyclique naturel.
J'attire votre attention sur un point : sur les 2,3 millions de demandeurs, 800 000 sont déjà dans le parc social, ce qui soulève la question désormais essentielle de la mobilité à l'intérieur du parc social et de la sous-occupation des grands logements - d'où l'enjeu de l'accompagnement à la mobilité. Certains bailleurs sont exemplaires ; d'autres le sont moins. Il est important que les bailleurs sociaux s'appuient sur les bonnes pratiques pour améliorer la mobilité à l'intérieur du parc pour diminuer le nombre de demandeurs ; un tiers des demandeurs sont déjà dans le parc social, c'est beaucoup ! Cela n'enlève rien à l'importance de l'enjeu de production de logements sociaux.
Les collectivités territoriales n'ont-elles pas aujourd'hui un rôle plus important à jouer en matière de production de logement social ? Cette question en soulève d'autres : quelles ressources donner aux collectivités territoriales pour assurer une nouvelle compétence décentralisée ? Quelle part de la production du logement social devraient-elles assumer ?
Oui, les territoires transfrontaliers sont intégrés dans le calcul des zones tendues, qui définit le plafond du PTZ. On connaît, entre autres, la problématique dans le Genevois français.
Le bail réel solidaire (BRS) a été une innovation financière s'agissant des dispositions d'accession à la propriété. J'avais proposé à Bruno Le Maire un autre dispositif, inspiré du système suisse, où serait proposé un prêt à vingt-cinq ans sur les murs et sur le foncier à un prêt à durée infinie. Notre législation bancaire ne le permet pas aujourd'hui. Pour autant, cela permettrait de diminuer fortement la mensualité de l'accession à la propriété tout en étant réellement un dispositif d'accession. C'est plus intéressant que le BRS, car l'on possède le foncier et l'on ne rembourse pas le capital ! En tout cas, je suis preneur de toutes les idées en la matière.
Oui, je souhaite que nous ayons le même type d'expérimentation dans les zones d'activité économique que dans les zones commerciales. Il faut repenser la mixité fonctionnelle à l'échelle des villes et explorer tous les fonciers disponibles.
La fiscalité ne résoudra pas le problème de l'attractivité de la location de meublés de tourisme, dont la rentabilité est trop forte. Il faut tout d'abord offrir aux communes - je pense aux maires, bien sûr - la possibilité de réguler ce marché, ce que ne permet pas suffisamment, à mon sens, le dispositif de compensation.
Les députés Inaky Echaniz et Annaïg Le Meur souhaitent instaurer, au travers d'une proposition de loi qu'ils ont déposée, un nouvel outil de régulation qui soit à la disposition des communes, lesquelles pourront s'en saisir ou non, selon les cas. Cela permettra ainsi aux communes d'adapter la régulation des locations de meublés de tourisme selon leurs spécificités. Je crois fortement à cet outil de régulation, lequel irait plus loin que la compensation. Le système de quotas mis en place par la commune de Saint-Malo a été attaqué en justice ; cela ne serait plus le cas si le dispositif institué par la future proposition de loi autorisait les communes à instaurer des quotas ou à délivrer un agrément.
Se pose ensuite la question de la fiscalité, qui est un enjeu de justice fiscale. Vous, parlementaires, devrez répondre à la question de savoir s'il est juste qu'un locataire de meublé de tourisme bénéficie d'un abattement de 50% contre 30% pour un locataire d'un logement nu.
Il y a donc deux temps et deux questions : d'une part, l'instauration d'un dispositif de régulation supplémentaire permettant aux collectivités qui le souhaitent d'arrêter la location de meublés de tourisme, qui doit être présenté au cours du premier trimestre de l'année prochaine ; d'autre part, un débat parlementaire relatif à la justice fiscale locative, qui doit avoir lieu à la suite de la mission parlementaire consacrée à la fiscalité locative.
L'objet du projet de loi relatif au logement qui sera présenté au printemps prochain n'est pas de proposer de nouvelles mesures techniques. Nous partons du constat que les outils de la politique du logement ne correspondent plus aux nécessités liées à notre modèle de développement territorial.
Il ne s'agit pas non plus d'un grand plan qui accoucherait d'une souris. Nous souhaitons refonder les outils de la politique du logement en fonction des besoins du XXIe siècle : nous avons instauré le ZAN, il nous faut désormais mettre au point les bons outils qui vont avec !
Les contrats de mixité sociale (CMS) concernent les communes carencées dans le cadre de l'article 55 de la loi SRU. Il ne faut pas les confondre avec les conventions territorialisées.
Je balaye toujours d'un revers de main la question du nombre de logements à construire à l'échelle nationale, car selon moi les besoins de construction se mesurent à l'échelle territoriale. D'ailleurs, s'il y a autant de ménages que de logements à l'échelle nationale, il n'y a pas besoin d'en construire de nouveaux... Voilà pourquoi j'ai renvoyé aux acteurs des territoires les engagements qui ont été pris en matière de production et de rénovation de logements sociaux, aussi bien que de mobilité et de présence de personnels de proximité. D'ailleurs, nous évaluons en ce moment l'application du décret du 28 décembre 2001, pris par Mme Marie-Noëlle Lienemann et relatif aux obligations de gardiennage ou de surveillance de certains immeubles d'habitation et modifiant le code de la construction et de l'habitation, dit décret " gardiens ".
Sur ces quatre points, nous souhaitons renvoyer à des conventions territorialisées les engagements de l'État, des collectivités territoriales - les intercommunalités, les communes -, et des bailleurs sociaux - Action Logement et la CDC. Plutôt que de partir d'un grand objectif à l'échelle nationale, à l'instar de ce qu'avait proposé Mme Emmanuelle Wargon, je préfère décliner cet objectif à l'échelle des territoires.
Je partage avec vous l'idée qu'il faut garder des investisseurs locatifs particuliers. Pour autant, je ne suis pas sûr que le dispositif Pinel nous permette de répondre aux enjeux de demain, comme je l'ai déjà dit. Dans ces conditions, la mission parlementaire doit se demander comment inciter nos concitoyens à investir dans le logement locatif privé, alors même que les rendements locatifs sont faibles. La question du statut de bailleur a été largement débattue ; il s'agit désormais de se mettre d'accord sur une fiscalité incitative et juste.
Le logement pour les travailleurs saisonniers, tout comme le logement pour les étudiants, pose la question de l'attrition du marché, résultant des meublés de tourisme, lesquels font beaucoup de mal à l'ensemble du secteur.
Il faut d'abord réguler ce marché, ce qui nous permettra ensuite de produire des logements pour les travailleurs saisonniers. Cela permettra également de régler le problème du logement destiné aux étudiants, qu'il s'agisse de solutions liées à l'utilisation du foncier disponible sur les campus universitaires, aux transformations de bureaux en résidences étudiantes ou encore au recours à la colocation étudiante par les bailleurs sociaux.
M. Claude Raynal, président. - Monsieur le ministre, vous avez pu noter l'intérêt de nos collègues sur ce sujet. Je vous remercie d'avoir répondu à l'ensemble de nos questions.
Source https://www.senat.fr, le 14 novembre 2023