Déclaration de M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, notamment la petite enfance, la situation financière des EHPAD, les aides à domicile, les aidants et la prise en charge des fauteuils roulants, au Sénat le 23 octobre 2024.

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  • Paul Christophe - Ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes

Circonstance : Audition au Sénat le 23 octobre 2024

Texte intégral

M. Philippe MOUILLER, président. - Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, nous accueillons à présent M. Paul CHRISTOPHE, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous serons également amenés à aborder quelques points du projet de loi de finances (PLF), en particulier en ce qui concerne les personnes handicapées.

Monsieur le ministre, dans sa version initiale, le PLFSS contient peu de mesures relatives aux branches famille et autonomie, qui relèvent plus spécifiquement de votre compétence.

Pourtant, les enjeux sont lourds. Sans prétendre à l'exhaustivité, les représentants des collectivités territoriales que nous sommes ont notamment à l'esprit la situation financière des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - ainsi que celle des services d'aide à domicile. Les modalités et le financement de la prise en charge des fauteuils roulants manuels et électriques, annoncée par le Président de la République, suscitent également de nombreuses interrogations.

Monsieur le ministre, je vais vous céder la parole pour un propos liminaire pour que vous nous fassiez part de votre vision de ce PLFSS, de ses évolutions et des quelques points du PLF qui concernent votre ministère. Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, en commençant bien sûr par nos rapporteurs des branches famille, autonomie, et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et par la rapporteure générale.

M. Paul CHRISTOPHE, ministre. - Dans le contexte budgétaire contraint, nous savons que les plus vulnérables d'entre nous seraient les premiers à souffrir si nous n'arrivions pas à conforter dans la durée notre modèle de solidarité. Mon ministère prend toute sa part à l'effort collectif pour le préserver. Comme mes collègues, j'ai travaillé pour vous faire une proposition tournée vers l'avenir.

Permettez-moi, pour commencer, de vous dire un mot sur notre méthode. Il nous faut renforcer l'efficience de nos moyens publics pour la branche famille et la branche autonomie, à la création de laquelle j'ai eu l'honneur de participer. Pour ce faire, nous cherchons à améliorer les pratiques d'achat des établissements pour personnes âgées ou en situation de handicap. Nous prévoyons également de mettre en commun des ressources au sein des nouveaux groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux, dont nous devons intensifier le déploiement.

En outre, je le dis ici pour mettre fin à des craintes infondées, les petits Ehpad ont toute leur place dans l'offre actuelle et future, à condition de mettre en commun leurs ressources et de diversifier leurs activités pour répondre à l'évolution des besoins locaux.

Par ailleurs, nous devons lutter contre les pratiques de surmédicalisation, qui n'améliorent ni la santé ni la qualité de vie de nos concitoyens.

Enfin, ce PLFSS prévoit de limiter les dépenses d'intérim, qui grèvent les budgets des établissements médico-sociaux, comme ceux des établissements de santé.

Concernant les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), je n'ignore rien des révélations récentes de pratiques s'apparentant à un détournement des moyens publics de leur objet. L'article 18 de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi élargit la possibilité d'effectuer des contrôles financiers directement au siège des groupes, à laquelle nous recourrons davantage dans les mois à venir. Agnès CANAYER et moi-même prendrons également un décret d'application d'ici à la fin de l'année pour lutter contre les pratiques commerciales douteuses, par exemple la facturation de frais annexes à la charge des familles, en précisant très clairement le périmètre des dépenses publiques éligibles au complément de libre choix du mode de garde (CMG).

En lien avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et les fédérations, j'aurai à cœur d'aller encore plus loin sur les sujets qui le méritent, l'objectif étant non pas de faire des économies au détriment des publics concernés, mais de faire toujours mieux avec les moyens que nous avons. Au-delà de l'efficience de la dépense publique, nous devons veiller à la qualité de l'accompagnement et lutter contre toute forme de maltraitance ; je serai intraitable à ce sujet.

Après ces nécessaires efforts, j'en viens à présent à notre budget d'investissement dans l'avenir - et je dis bien investissement -, dont les moyens en hausse doivent permettre d'accompagner toutes les familles, de la petite enfance au grand âge et favoriser la pleine participation des personnes en situation de handicap à notre société. Comme vous le savez, notre avenir sera marqué par une transition démographique inédite, qu'il nous incombe d'accompagner dès maintenant. Nous aurons besoin de tous les talents et de toutes les énergies pour soutenir notre économie, notre vie associative et l'implication citoyenne, sur laquelle repose notre système de solidarité.

Je commencerai par la politique familiale, que le Premier ministre a décrite comme une priorité du Gouvernement et dont je sais qu'elle vous tient particulièrement à cœur, madame la rapporteure générale. Les moyens et les objectifs du service public de la petite enfance sont confortés et sécurisés, le Fonds national d'action sociale (Fnas) augmentant de près de 10 % en 2025. Vous connaissez l'usage de ces dépenses supplémentaires : soutenir les familles en mettant fin aux tensions sur l'offre d'accueil et offrir une diversité de solutions adaptées au quotidien et aux besoins de tous.

Concrètement, nous maintenons notre objectif de créer 35 000 places en EAJE d'ici à 2027 et nous poursuivons notre politique de revalorisation des professionnels de la petite enfance. L'entrée en vigueur dès cette année du bonus attractivité permettra une augmentation de l'ordre de 150 euros net en moyenne pour les professionnels en début de carrière. De plus, nous porterons une attention particulière à rapprocher les différentes conventions existantes pour faciliter la mobilité professionnelle.

À partir du 1er janvier 2025, les communes deviendront autorités organisatrices (AO) de l'accueil du jeune enfant, ce qui donnera un nouvel élan au service public de la petite enfance. Elles seront chargées de recenser l'ensemble des besoins et l'offre actuellement disponible dans leur territoire, avant de planifier le développement de nouveaux modes d'accueil. La vision d'ensemble dont elles disposeront alors les confortera dans leur rôle d'information des familles. Surtout, elles pourront compter sur de nouveaux outils pour assurer la qualité de l'accueil et la sécurité au quotidien du jeune enfant. Malgré la situation budgétaire, nous avons dégagé 86 millions d'euros pour aider les communes à atteindre ces objectifs.

J'en profite pour rappeler l'attention particulière que porte le Gouvernement aux familles monoparentales, dont la charge incombe le plus souvent à des femmes. Comme prévu, à partir de 2025, la branche famille financera à hauteur de 600 millions d'euros en année pleine une réforme du CMG, qui pourra être perçu jusqu'aux 12 ans de l'enfant, contre 6 actuellement. Ainsi, les parents qui élèvent seuls leurs enfants pourront plus facilement concilier leurs différents temps de vie, accéder à l'emploi et s'y maintenir - vous savez que l'absence de mode de garde constitue le premier frein pour trouver du travail -, mais également s'accorder des moments de répit bénéfiques à toute la famille. En outre, pour lutter contre la pauvreté des enfants, les prestations familiales seront revalorisées au 1er avril pour tenir compte de l'inflation, comme il est d'usage.

Toutes ces mesures entraîneront une hausse des dépenses de près de 2 milliards d'euros pour la branche famille en 2025. Je sais que vous formulerez des propositions complémentaires, notamment sur le projet de congé de naissance, qui répond à des enjeux de développement de l'enfant durant ses mille premiers jours de vie et d'égalité entre les femmes et les hommes. Nous continuerons de travailler sur ce sujet avec Salima SAA et Agnès CANAYER pour le rendre le plus pertinent possible.

L'ambition de fraternité affichée par le Premier ministre s'appliquera également aux personnes en situation de handicap - je sais, monsieur le président, que cette question vous tient particulièrement à cœur. Charlotte PARMENTIER-LECOCQ et moi-même souhaitons conforter la dynamique lancée par les jeux Paralympiques en faveur d'une société plus inclusive. Aussi prévoyons-nous dans ce PLFSS une accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d'accompagnement en portant l'enveloppe à 270 millions d'euros au lieu des 200 millions annuels initialement prévus - le budget total de l'opération devant atteindre 1,5 milliard d'euros à l'horizon 2030.

En effet, les concertations menées avec les agences régionales de santé (ARS), les départements et les associations avançant rapidement et chacun jouant le jeu, nous avons souhaité conforter cette dynamique. L'effort supplémentaire doit rendre possible dès 2025 le déploiement effectif de 15 000 solutions davantage adaptées aux besoins spécifiques des personnes handicapées.

Nous porterons une attention particulière à l'école pour tous, à laquelle je crois. Un camarade de classe en situation de handicap peut devenir un ami, un collaborateur ou même un futur conjoint. Il est important que la société inclusive que nous appelons de nos vœux démarre dès le début de la vie pour lutter contre tous les préjugés. Le développement de l'école inclusive nécessite des moyens en matière d'accompagnement médico-social, que nous avons déjà déployés dans quatre départements. Nous irons plus loin en 2025, avant une généralisation.

Le fonds de transformation de l'offre de 250 millions d'euros pour déployer des instituts médico-éducatifs (IME) à l'école est confirmé dans le PLFSS pour 2025. Nous mettons tout en œuvre pour que les personnes concernées bénéficient de l'accompagnement dont elles ont besoin pour mener la vie qu'elles souhaitent et exercer pleinement leur autonomie. Il y va de l'égalité des droits et des chances promise par la loi du 11 février 2005, dont nous fêterons bientôt les vingt ans. Nous serons à votre écoute sur les sujets liés au handicap.

J'en viens au défi majeur que représente le vieillissement de notre population. Le nombre de personnes de plus de 85 ans nécessitant un soutien à leur autonomie va fortement augmenter dans les années à venir. Il convient de s'y préparer en nous assurant que l'offre globale d'Ehpad, de services à domicile et de solutions intermédiaires et innovantes comme les colocations intergénérationnelles ou les résidences autonomie soit adaptée aux besoins. Dans l'intérêt des résidents comme des professionnels, nous devons mettre fin aux difficultés financières des Ehpad.

Quelque 90 % des Ehpad de demain sont déjà en place, et nous avons besoin d'eux. Les difficultés financières étant structurelles, comme l'a montré le rapport d'information sénatorial de Mmes DESEYNE, NADILLE et SOUYRIS intitulé Ehpad : un modèle à reconstruire, nous devons apporter des solutions pérennes. Les taux d'occupation n'ont jamais retrouvé leur niveau antérieur à la crise sanitaire, ce qui prouve qu'une transformation des Ehpad est nécessaire pour répondre aux besoins et aux envies des personnes âgées.

Au-delà du bien vieillir, il nous faut des lieux de bien vivre. Notre pays regorge d'exemples de diversification à cet effet : étudiants logés en Ehpad, crèches conjointes, services publics adossés, lieux de convivialité pour un quartier entier… Des investissements immobiliers supplémentaires sont prévus dans le PLFSS et nous avons donné la consigne que les crédits devaient être consommés rapidement en 2025. Ce travail sur le modèle des Ehpad se poursuivra dans les années à venir.

J'ajoute que les Ehpad ne sont pas uniquement financés par la sécurité sociale : la majorité des financements proviennent des usagers, qui payent un tarif hébergement, et une part est assumée par les départements. Alors que les dotations annuelles des ARS ont augmenté d'environ 50 % depuis 2019, les tarifs hébergement et les financements de l'autonomie ont suivi des évolutions très variables en fonction des territoires, mais ont globalement diminué, malgré l'inflation, l'intensification des besoins et les nécessaires revalorisations des professionnels.

En complément d'une mesure sur les tarifs hébergement prévue par la loi, nous finançons de manière volontariste l'expérimentation du rattachement de la section "soin et entretien de l'autonomie" à la branche de la sécurité sociale du même nom. Cette démarche était souhaitée par le secteur et nous l'élargissons dans le PLFSS à vingt-trois départements qui se sont portés candidats. Cette mesure simplifiera le travail de gestion, ce qui permettra aux professionnels de passer plus de temps auprès des résidents. De plus, elle harmonisera vers le haut le niveau de financement de l'entretien de l'autonomie, pour un surcoût total d'environ 200 millions d'euros pour la sécurité sociale.

Les moyens de tous les Ehpad augmenteront pour recruter environ 6 500 professionnels supplémentaires dès l'année prochaine, afin d'accélérer la création de 50 000 équivalents temps plein (ETP) qui a été annoncée à l'horizon 2030. Ces évolutions entraîneront une hausse d'environ 6 % du sous-objectif de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) dédié aux personnes âgées par rapport à l'année dernière.

Accompagner le vieillissement implique également de soutenir nos aides à domicile. Grâce à elles, nous pourrons réaliser le souhait de nombreux Français de vieillir chez eux, que ce soit au sein du domicile historique ou d'une résidence autonomie. En accord avec la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, dite loi Bien vieillir, nous proposons une nouvelle aide financière de 100 millions d'euros à destination des départements, qui la reverseront aux aides à domicile pour soutenir une partie de leurs dépenses de mobilité. En effet, la plupart de ces professionnels - souvent des femmes - sont parfois obligés de piocher dans leur salaire pour financer leurs déplacements professionnels, ce qui n'est évidemment pas acceptable.

J'en terminerai en abordant un des sujets sur lesquels je travaille depuis plusieurs années : les 11 millions d'aidants de personnes en situation de handicap ou de personnes âgées en perte d'autonomie. Le PLFSS prévoit une augmentation des moyens afin de créer de nouvelles places de répit. Je souhaite également donner un nouveau souffle à la stratégie aidants, qui a été quelque peu freinée par les récents soubresauts démocratiques. Ainsi, un comité de suivi aura bien lieu avant la fin de l'année.

Les différents ajouts à la trajectoire initiale de la branche autonomie aboutissant à une hausse de dépenses de l'ordre de 2,4 milliards d'euros en 2025, celle-ci accusera un déficit dès l'année prochaine, pour plusieurs années. J'assume ces investissements nécessaires, mais il est désormais acté que l'affectation à la branche de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) ne garantira pas le rythme de déploiement de l'offre sur le long terme.

Sur ce sujet, je serai très clair : le Gouvernement ne fait pas un tabou du principe d'une hausse de recettes en vue de poursuivre l'adaptation de notre société au grand âge. Toutefois, nous devons veiller à ne pas détériorer l'équilibre financier dont nous dépendons tous collectivement. Nous devons garder à l'esprit l'impératif d'efficience que nous devons à l'ensemble des contribuables, qui implique une juste répartition entre solidarité et responsabilité individuelle.

Nous avons élaboré ce texte dans des délais très contraints. Il s'agit donc d'une proposition initiale, que je considère comme perfectible, dans la limite de ce qu'exige la situation actuelle de nos finances publiques.

Mme Chantal DESEYNE, rapporteur pour la branche autonomie. - Je vous remercie de votre présentation, monsieur le ministre.

Tout d'abord, vous avez abordé l'expérimentation dans 23 départements d'une réforme très attendue. Est-il prévu, dans le cadre de cette expérimentation, que la tarification des établissements tienne davantage compte du volet prévention ?

Ensuite, la situation financière des Ehpad est préoccupante. Les Ehpad publics s'inquiètent particulièrement de la hausse de quatre points du taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), alors que la reconduction du fonds d'urgence ne semble pas prévue. Comment répondez-vous à ces préoccupations ?

Enfin, le dossier de presse du PLFSS mentionne le déploiement du fonds de transformation de l'offre dans le champ du handicap, qui représente 250 millions d'euros sur la période 2024-2027. Quel sera le montant de l'enveloppe pour l'année 2025 et quelles seront les mesures financées ?

Mme Marie-Pierre RICHER, présidente du groupe d'études Handicap. - J'interviens en tant que présidente du groupe d'études Handicap.

Monsieur le ministre, le dossier de presse du PLFSS indique que la hausse de l'objectif global de dépenses (OGD) doit notamment permettre de renforcer l'offre de répit, en accord avec la stratégie de mobilisation et de soutien pour les aidants 2023-2027. Pouvez-vous détailler les mesures qui seront financées à ce titre en 2025 ?

Ensuite, comme l'a rappelé le président de notre commission, les acteurs du handicap sont dans l'attente de la réforme sur le remboursement intégral des fauteuils roulants, qui devait intervenir avant la fin de l'année. Pouvez-vous nous confirmer que cet engagement sera tenu ? Si ce n'est pas le cas, quels sont à ce jour les points bloquants ?

Enfin, cela fait déjà dix ans que la réforme tarifaire des établissements et services pour personnes handicapées, dite Serafin-PH, est à l'étude. Cette réforme doit simplifier le système de financement en le connectant davantage aux besoins et en soutenant la transformation de l'offre des établissements et services. Quelles orientations ont-elles finalement été retenues pour cette réforme ? Pouvez-vous nous confirmer son déploiement en 2025 ?

Par ailleurs, permettez-moi d'effectuer un pas de côté pour aborder la situation des Ehpad. Le président du conseil départemental du Cher, Jacques FLEURY, a fait voter une motion lors d'une assemblée départementale pour faire reconnaître les difficultés en matière d'accompagnement des personnes âgées dans les territoires. Les élus départementaux du Cher ont également lancé une pétition pour réclamer une loi sur le grand âge qu'il est possible de signer jusqu'au 8 novembre, date à laquelle des assises départementales du grand âge seront organisées par la collectivité. Travaillez-vous sur cette loi tant attendue sur le grand âge ?

Mme Anne-Sophie ROMAGNY, en remplacement de M. Olivier HENNO, rapporteur pour la branche famille. - Le PLFSS pour 2025 ne comporte aucune mesure nouvelle concernant la branche famille. Toujours fortement affectée par des transferts au profit des autres branches ou par la prise en charge des indemnités journalières du congé postnatal, la branche famille devrait être à l'équilibre en 2025 et déficitaire en 2026.

Le cadre budgétaire du PLFSS semble assurer le financement de la réforme du CMG "emploi direct", qui a été adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2023 et a pour objectif de réduire le reste à charge pour les familles modestes choisissant une assistante maternelle ou une garde d'enfant à domicile. Toutefois, il est estimé dans l'étude d'impact de cette réforme que 43 % de familles seraient perdantes. Même si d'heureux ajustements ont été réalisés lors du PLFSS pour 2024, le chiffre définitif dépendra pour beaucoup des modalités d'application et de calcul qui doivent être définies par décrets. Or ces derniers ne sont pas encore publiés…

Quelles dispositions le Gouvernement prend-il pour limiter au maximum le nombre de familles perdantes ? Pouvez-vous nous préciser selon quel calendrier seront pris les décrets d'application ?

Comme nous avons souvent eu l'occasion de le dire, la précédente convention d'objectifs et de gestion (COG) n'a pas tenu toutes ses promesses quant au nombre de places créées en EAJE. D'après les premiers chiffres transmis au rapporteur, le premier bilan de la COG 2023-2027 est également en deçà de l'objectif affiché de créer 35 000 places d'ici à 2027. Quelles sont les voies envisagées par le Gouvernement pour - enfin ! - atteindre les objectifs annoncés ?

Enfin, si le service public de la petite enfance doit voir le jour au 1er janvier 2025, son application concrète suscite de nombreuses interrogations dans nos collectivités. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une compensation à hauteur de 86 millions d'euros pour les collectivités organisatrices de l'accueil du jeune enfant. Est-ce suffisant pour que les communes fassent face à l'accroissement des charges induit par leurs nouvelles compétences ? Par ailleurs, comment cet accompagnement financier s'inscrira-t-il dans le temps ?

Comme Chantal DESEYNE, je me permets d'effectuer un petit pas de côté pour aborder la question de l'expérimentation sur l'entretien de l'autonomie. Si cette mesure de simplification semble bien accueillie, les décrets d'application n'étaient toujours pas pris au mois d'août. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Mme Élisabeth DOINEAU, rapporteure générale. - Monsieur le ministre, votre présentation est enthousiasmante, puisque le budget augmente dans un contexte pourtant difficile. Je trouve prometteur que vous évoquiez un budget d'investissement pour l'avenir. Toutefois, je m'interroge sur la concrétisation de ce PLFSS dans la mesure où la baisse des allègements généraux prévue par ailleurs frappera une partie des métiers liés à l'accompagnement des familles, des seniors et des personnes handicapées.

Je me réjouis de votre déclaration sur les petits Ehpad, qui ont en effet toute leur place dans l'offre de soins, à condition de mutualiser leurs moyens, de les faire travailler ensemble et de diversifier leur offre. Je suis très heureuse qu'on se départisse de l'idée qu'un Ehpad devrait compter au moins 100 places. Non seulement cette idée mettait en danger les établissements situés dans des zones rurales, mais elle allait à l'encontre d'un accueil familial et humaniste de nos aînés.

Les investissements d'avenir que vous évoquez porteront-ils en partie sur des innovations ? Je pense par exemple aux maisons de vie, qui ont vocation à accueillir des personnes en fin de vie ailleurs qu'à l'hôpital, où l'accompagnement tend à déshumaniser les patients.

Je m'interroge également sur l'application du Ségur de la santé. Chacun d'entre nous est sensible au fait que les métiers de l'accompagnement ne sont pas assez rémunérés. Le Ségur a en partie répondu à ce problème, mais certains départements n'appliquent pas encore les hausses de rémunération prévues. Par ailleurs, certaines associations comme les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) n'ont pas la capacité financière d'assumer la rétroactivité de la prime Ségur, et sont menacées de fermeture. Comment comptez-vous répondre à ces attentes budgétaires ?

M. Paul CHRISTOPHE, ministre. - Je vais essayer de répondre à cette série de questions très pertinentes, d'entrer dans la danse, même s'il y aura quelques pas de côté…

Ministre depuis seulement quatre semaines, j'ai dû prendre la mesure de plusieurs sujets. Pour autant, j'avais déjà eu l'occasion de rencontrer bon nombre d'entre vous au titre de mon ancien mandat de député.

La réforme relative au remboursement des fauteuils roulants est complexe, si complexe qu'elle a occupé plusieurs de mes prédécesseurs.

Je suis accompagné par Charlotte PARMENTIER-LECOCQ sur cette question, impliquant fabricants, distributeurs et bénéficiaires. Nous travaillons également avec le député Sébastien PEYTAVIE, qui se déplace en fauteuil roulant. Celui-ci a déposé une proposition de loi susceptible, si les négociations en cours n'aboutissent pas, d'être discutée en décembre. Mais j'ai bon espoir : nous avons obtenu un accord des constructeurs et d'une partie du monde associatif ; il manque les distributeurs.

La question du conseil est venue percuter cette réflexion. Je pense, par exemple, à la question des assises et des coussins : s'ils ne sont pas de bonne qualité, les dommages corporels peuvent être importants. Pour des raisons évidentes de conflit d'intérêts, le conseil ne peut être délivré par le vendeur.

J'ai donc la volonté d'aboutir d'ici à la fin de l'année, l'idée étant de fixer une prise en charge "au juste prix", sans subir d'effets de bord. Nous nous sommes notamment rendu compte qu'un fauteuil vendu aujourd'hui 500 euros et pris en charge à ce niveau pourrait, demain, être vendu 2 500 euros. Garants du bon usage de l'argent public, nous cherchons aussi à garantir l'effectivité de la prise en charge, puisqu'il existe aujourd'hui des effets de seuil. Par exemple, l'ajout d'une peinture spécifique sur un fauteuil roulant peut accroître son prix de 100 euros seulement, mais faire perdre un remboursement de plusieurs milliers d'euros. C'est ubuesque !

S'agissant de l'expérimentation menée sur les Ehpad, partis d'un champ restreint de 10 départements, nous sommes rapidement passés à 20 et essayons désormais de stabiliser ce nombre à 23. L'idée est de garantir une équité sur les tarifs proposés à l'échelle nationale et de tirer les prises en charge vers le haut, avec une dépense supplémentaire pour la sécurité sociale de l'ordre de 200 millions d'euros. Cela donnera un peu d'air à certains Ehpad.

Le volet prévention est l'une de nos préoccupations : plus on est efficace dans ce domaine, moins on a de risques de survenue de pathologies. Je travaille également sur la question du fonds d'urgence - ce n'est pas forcément ainsi que je vais le nommer -, cherchant plutôt, dans le contexte actuel, à réorienter les crédits. Il se peut que je fasse des annonces, vendredi prochain, à destination des Ehpad en difficulté.

Peut-être est-ce utile que je m'arrête un instant sur la question des Ehpad. Je voudrais, comme je le disais précédemment, que l'on fasse dans les Ehpad une place au "bien vieillir", mais aussi au "bien vivre". Comment ces établissements - quel que soit le nom qu'on leur donne au final - peuvent prendre leur place dans la société, dans la ville ou le village ? Comme en faire des lieux supports, en repartant de l'expression des besoins du territoire ? En travaillant sur des réponses à différents besoins - nous avons même l'exemple d'une crèche qui, demain, sera hébergée dans un Ehpad -, nous pourrions envisager de mixer les crédits et sortir de la jauge de rentabilité. À cet égard, je le répète, je tiens à nos petits Ehpad : ils ont leur place dans le maillage territorial, l'enjeu étant de leur redonner une nouvelle vie.

Cela renvoie aussi - permettez-moi un nouveau pas de côté - à l'attractivité des métiers. Aujourd'hui, il est difficile d'attirer les jeunes dans les services autonomie à domicile (SAD) en leur expliquant qu'ils vont y travailler pendant quarante, voire quarante-trois ans. L'idée d'une potentielle évolution des Ehpad vers des lieux supports de vie vise aussi à travailler sur une perspective métier, avec une approche plus horizontale, une même personne pouvant envisager un passage du Sad à un Ehpad, puis à une crèche ou à une association du secteur du handicap. Cela impliquerait de construire des parcours et reconnaître certaines qualifications.

Ce travail sur, à la fois, la transformation de l'offre autour des Ehpad et la transformation de l'offre autour des métiers est envisagé comme un travail collaboratif, auquel je vous invite à participer.

Cela nous permettra aussi de répondre aux besoins. Comme je l'indiquais, nous finançons le recrutement de 6 500 ETP en Ehpad à l'horizon de 2025. Encore faudra-t-il trouver les candidats… Certes, nous allons prochainement lancer une campagne sur l'approche métier, mais il faut encourager les vocations, ce qui implique aussi parfois, comme je l'ai dit en réponse à une question d'actualité au Gouvernement, de dire du bien de ceux qui travaillent. Souvent, on entend parler des établissements au travers des scandales, alors que beaucoup d'entre eux fonctionnent correctement et emploient des salariés investis.

S'agissant du fonds de transformation visant à accompagner l'ingénierie, nous serons très attentifs à la consommation des crédits et aux effets dans nos territoires. On nous incite effectivement parfois à inscrire des crédits sans prêter beaucoup d'attention à leur consommation.

Par ailleurs, nous entendons accélérer le développement de l'offre de répit pour les aidants, avec 20 millions d'euros inscrits en décaissement pour 2025 et un travail sur les villages répit. Le sujet est très important, car il faut apporter aux 11 millions d'aidants - on n'ose imaginer à combien s'élève la valorisation de leur action - toute l'attention qu'ils méritent.

Vous entendrez également parler d'une relance de la formation : personne n'est préparé à être aidant et le fait d'être en permanence en accompagnement de la maladie peut être psychologiquement difficile, on peut vite être maltraitant sans le vouloir. Il faut donc aussi veiller à cette thématique d'accompagnement des aidants et, comme je l'indiquais, le comité stratégique sera relancé dans ce domaine.

Enfin, je souhaiterais travailler sur le congé de proche aidant. Embarquant initialement les groupes iso-ressources (GIR) 1 à 2, il a été étendu aux GIR 3 à 4. Il est établi à hauteur du Smic, et je ne sais pas s'il sera possible de le revaloriser. Mais nous pouvons examiner la question de la temporalité, puisque ce congé - limité à 66 jours - est pour l'heure plutôt vu comme un one shot, alors que l'on peut être plusieurs fois aidant dans sa vie. C'est un sujet sur lequel je serai heureux d'entendre vos réflexions de parlementaires.

S'agissant de la loi sur le grand âge, elle me semble réunir - je suis en fonction depuis quatre semaines - beaucoup d'idées, peu de financement et un caractère d'urgence. Quand j'ai porté l'amendement visant à créer la cinquième branche de la sécurité sociale au moment de l'examen du projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie, j'avais dit au ministre de l'époque : "Ne nous laissez pas au milieu du gué !" ; sans doute faut-il que je me le répète aujourd'hui… Il va effectivement falloir se retrousser les manches pour construire une trajectoire financière et l'accompagner. On ne va pas se mentir, la loi sur le grand âge est une question de finances. C'est aussi une question de gouvernance et de stratégie. Quand j'interroge mes administrés sur la question, ils veulent tous vieillir à domicile, mais ils sont beaucoup moins nombreux à penser qu'ils vont pouvoir vieillir dans leur maison. Il y aussi des choses à faire sur ces questions.

Par ailleurs, nous examinons la question du CMG linéarisé et du risque que certains y soient perdants. Les concertations ne sont pas achevées, mais les décrets sont prévus pour l'été 2025, afin de garantir une mise en œuvre de la réforme au mois de septembre 2025 comme le prévoit la loi.

Sur les créations de places de crèche, la trajectoire n'a pas été bonne en 2023. Nous avons prévu 86 millions d'euros - c'est un montant a minima - pour accompagner les mesures nouvelles et la mise en place du service public de la petite enfance. J'y crois beaucoup, car ce dispositif donne la main aux communes ou, le cas échéant, aux intercommunalités si elles en ont la compétence. Nous allons mettre en place un référentiel national d'ici à la fin de l'année, dans un souci de meilleur accompagnement des besoins et de contrôle de la qualité. Certains scandales montrent effectivement que nous avons été défaillants en matière de contrôle, et ce, peut-être, parce que nous n'avions pas les bons outils à disposition. L'enjeu est donc, à la fois, d'établir une grille de lecture pour améliorer la pertinence du contrôle et de mettre en place une organisation associant les services de l'État, les départements, les CAF et l'ensemble des acteurs permettant au minimum un contrôle annuel. L'objectif est d'avoir des lieux d'accueil de la petite enfance bienveillants dans lesquels les professionnels de la petite enfance peuvent travailler sereinement.

S'agissant de l'effet des exonérations employeurs, nous serons évidemment très attentifs au secteur médico-social. Dans celui-ci, la fourchette se situe principalement entre 1,2 et 1,9 Smic ; il devrait donc être relativement préservé des effets de la réforme. Mais le sujet est en discussion, notamment au sein des deux chambres, et je vous invite à être vigilants pour préserver ce secteur, qui m'est cher.

Pour la CNRACL, nous allons compenser intégralement la section soins. La section hébergement relève plutôt des départements, mais l'on peut voir, à ce niveau, l'intérêt des tarifs différenciés - autre évolution permise par la loi Bien vieillir.

Mme Corinne BOURCIER. - La prévention permet des économies non négligeables pour notre système de santé. Elle permet d'éviter des soins coûteux grâce à une détection précoce de la maladie. Comment interpréter l'absence dans ce texte de dispositifs de soutien à la prévention, notamment pour le cancer ? Soutiendrez-vous des amendements remédiant à cette absence ?

Mme Pascale GRUNY. - J'ai déjà eu l'occasion de faire un focus sur le faible recours à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), malgré sa revalorisation et le relèvement du seuil de récupération sur succession des sommes versées à ce titre. Envisagez-vous des mesures à ce sujet ?

Par ailleurs, je vous ai bien entendu sur l'école inclusive. Celle-ci est possible avec un accompagnement très solide. Or il me semble que certains enfants seraient mieux accompagnés dans des établissements ; comme il n'y en a pas, on fait autrement, mais avec peu de moyens. En définitive, je vois sur le terrain des enfants, des parents et des enseignements qui ne sont pas heureux. C'est une vraie question. J'étais parlementaire voilà vingt ans, la loi de 2005 est la première que j'ai votée à mon arrivée… Mais je pense qu'il faut veiller à ne pas créer de la souffrance.

M. Laurent BURGOA. - Vous avez été rapporteur pour avis de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" du PLF. À ce titre, je souhaiterais vous interroger sur la réforme tant de fois annoncée de la solidarité à la source, laquelle prend enfin forme. Le préremplissage des déclarations trimestrielles de ressources pour les bénéficiaires est expérimenté dans cinq départements ; il est de nature à simplifier les démarches administratives et réduire le risque d'indus. Pouvez-vous confirmer la généralisation de cette expérimentation dès mars 2025 ? Quelles sont les prochaines étapes ?

Mme Monique LUBIN. - Je souhaite d'abord vous interroger sur la protection de l'enfance et les enfants concernés par les vulnérabilités multiples. Dans les Landes, 350 enfants sur les 1 250 protégés sont en situation de handicap - une proportion très importante. Le département prend sa part de responsabilité, il a investi 2 millions d'euros supplémentaires en budget de fonctionnement sur les années 2023 et 2024 pour améliorer l'accueil. Les sommes engagées par l'État dans le cadre du plan 50 000 solutions sont bien inscrites dans le PLFSS, mais, dans la réalité, nous n'en voyons pas la couleur ! Quelles sont réellement les priorités en matière de protection de l'enfance ?

Les dispositions du Ségur de la santé ont été étendues à tous les salariés du secteur non lucratif de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, sans aucune mesure de compensation. Pour mon département, cela représente 1,5 million d'euros. Il faut impérativement nous aider. Sans cela, le Ségur ne sera pas respecté.

S'agissant des Ehpad, nous constatons que l'État procrastine sur les mesures à engager pour la cinquième branche. Pardonnez-moi de citer encore mon département : nous avons consacré 8 millions d'euros en 2023 et 8 millions d'euros en 2024 au soutien des Ehpad et, dans le même temps, les crédits de l'État diminuent. Il est à craindre que nous ne puissions pas maintenir de tels efforts, compte tenu des coupes annoncées dans le budget des collectivités territoriales. Que nous proposez-vous ?

M. Daniel CHASSEING. - En tant que député, vous avez travaillé sur le défi qui se présente à nous en matière de prise en charge de la dépendance. Dans le PLFSS, vous annoncez une augmentation du budget de la branche autonomie, pour rénover les Ehpad, mais aussi recruter 6 500 professionnels - environ un par établissement - et atteindre 50 000 salariés dans les années 2030. C'est effectivement ce que nous espérions avec la loi de 2021 et la création de la cinquième branche de l'assurance maladie.

Malgré les difficultés de la sécurité sociale, je vous remercie de veiller à cette trajectoire de 6 500 embauches par an pendant cinq ans, afin que nous puissions prendre en charge décemment nos aînés. Qu'en est-il de cette trajectoire ? Dans les 50 000 postes envisagés, pourra-t-on compter sur un certain nombre de postes en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ?

Mme Corinne FÉRET. - Sans vous manquer de respect, monsieur le ministre, j'observerai qu'avant d'entrer au Gouvernement, vous avez été député et président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Je ne doute pas du temps qu'il faut pour s'approprier les dossiers, mais vous ne les découvrez pas, pas plus que nous après avoir auditionné à plusieurs reprises vos prédécesseurs et débattu chaque année des PLFSS et autres textes.

Le vieillissement de la population est inéluctable. Nous sommes donc face à un défi majeur pour la société. Quels moyens pour le relever ? Ce PLFSS fait apparaître une évolution de l'Ondam, notamment, et des créations d'emplois. Mais c'est insuffisant. Les Ehpad, vous l'avez rappelé à juste titre, sont en grande difficulté et ce n'est pas l'aide ponctuelle du Gouvernement qui a permis de les remettre à flot. Vous évoquez des créations de postes : elles sont aussi insuffisantes. L'objectif de 50 000 postes était initialement prévu pour 2027, on l'a repoussé à 2030 et la marche à franchir est encore très haute.

La création de la cinquième branche nous avait donné beaucoup d'espoir. Mais, PLFSS après PLFSS, nous voyons qu'il s'agit d'une coquille vide.

Nous avons voté, voilà quelques mois, une proposition de loi sur le bien vieillir. Nous attendons effectivement une grande loi sur le grand âge depuis six ans et, malgré tous les engagements pris, on ne voit toujours rien venir. Il était question de légiférer sur une programmation pluriannuelle… D'un côté, on nous a dit que la question ne pouvait être traitée dans le cadre d'un texte budgétaire comme le PLFSS ; de l'autre, on a refusé de le faire dans le cadre de la proposition de loi Bien vieillir. Permettez donc que nous ayons des interrogations sur les intentions affichées par le Gouvernement !

Ce PLFSS est malheureusement insuffisant, et ne pensez pas que, de ce côté de la salle, nous soyons irresponsables : nous sommes conscients de la situation financière du pays, mais nous n'avons pas manqué de vous alerter, vous, vos prédécesseurs et vos collègues de l'Assemblée nationale, sur une situation gravissime et dramatique.

M. Paul CHRISTOPHE, ministre. - La prévention des maladies relève sans doute plus de ma collègue. Pour autant, nous sommes tous d'accord pour dire que faire preuve d'anticipation dans ce domaine nous permettra de limiter les pathologies lourdes dans les années à venir. Des programmes sont d'ores et déjà engagés pour différentes tranches d'âge - 20-25 ans, 40-45 ans - et des prises en charge gratuites sont très peu utilisées, ce qui souligne la nécessité de renforcer la communication à destination des potentiels bénéficiaires.

De manière générale, il faut renforcer la prévention à tous les âges, car un diagnostic précoce accroît les chances de guérison et limite la lourdeur des séquelles. Il s'agit d'un sujet transversal auquel j'accorde la plus grande attention, Mme DARRIEUSSECQ étant animée par la même volonté.

Par ailleurs, il faut accorder les moyens nécessaires à l'école inclusive. En matière de formation, j'observe que l'éducation nationale dispose d'un référentiel distinct pour les enseignants et pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), alors qu'il serait intéressant d'avoir le même support puisqu'ils interviennent en même temps, souvent auprès des mêmes élèves. En outre, certains cas relèvent plutôt du médico-social : à ce titre, je suis très sensible à l'expérimentation en cours dans quatre départements qui confie un rôle au secteur médico-social à l'école. Au moment où il faudra expertiser la belle loi de 2005, il sera intéressant de se pencher sur les résultats de ces expériences afin d'identifier des axes d'amélioration. Dans ce domaine, je pense que la mixité a du sens, mais sans porter préjudice à la qualité de l'enseignement prodigué, l'équilibre n'étant pas toujours aisé à trouver.

Concernant la réforme de la solidarité à la source, qui est expérimentée dans cinq départements et qui sera généralisée l'an prochain, nous avons pu mesurer son efficacité sur l'accès aux droits. De plus, elle facilite la tâche des agents qui accompagnent les demandeurs et limite fortement les indus, les déclarations requises pour certaines prestations n'étant pas toujours aisément lisibles. Un maquis organisationnel était à l'origine d'indus qu'il était excessivement compliqué de récupérer, sans oublier le fait qu'il s'agit d'un motif de non-certification de la branche. Je confirme donc que la généralisation à l'ensemble du territoire interviendra à l'horizon 2025.

J'en viens aux vulnérabilités multiples, en précisant que 50 millions d'euros sont prévus pour ce sujet. Je pense que nous devons à des enfants déjà victimes de la société au titre de la parentalité un meilleur accompagnement, et que nous avons de grands progrès à faire sur l'aide sociale à l'enfance (ASE), en privilégiant un accompagnement vers l'avenir et en intervenant plus tôt auprès des enfants pour les aider à se déterminer, soit par rapport à leur parcours scolaire, soit par rapport à un éventuel parcours professionnel. Je précise qu'il doit s'agir d'un accompagnement dans la durée, particulièrement nécessaire pour des enfants fragilisés par la vie. Je vérifierai les chiffres concernant votre département.

S'agissant du Ségur, on me dit que l'État n'a pas été au rendez-vous, mais je rappelle que concernant les Ehpad, son financement a progressé de 50 % sur la partie "soins" depuis 2019. Par ailleurs, concernant l'expérimentation du régime de financement des Ehpad, après une réticence initiale et une limitation à une dizaine de départements, je constate que les candidatures à l'expérimentation se sont multipliées. Puisque l'expérimentation est prévue pour durer quatre ans, je serai très sensible à l'initiative parlementaire qui viserait à réduire cette durée au regard des attentes des départements qui se montrent volontaires.

La situation financière des Ehpad, quant à elle, invite à repenser leur modèle économique, la diversification de l'offre étant sans doute une piste à explorer pour assurer d'autres équilibres financiers. Des mesures de mutualisation sur certains supports d'ingénierie pourraient également être examinées. Si je suis très ouvert sur cette question, je suis responsable du bon usage de l'argent public et souhaite m'assurer que nous fassions sortir ces établissements d'une spirale très négative sur le plan financier, mais également humain : pour les gestionnaires et les personnels, être sans arrêt à la recherche de petites économies a quelque chose de "traumatisant".

Pour ce qui est des recrutements, 6 000 ETP ont été financés l'an passé et 6 500 ETP le sont cette année. Je le redis avec beaucoup d'humilité : ce n'est pas parce que j'inscris des crédits que je trouve des candidats. Il nous appartient collectivement de redonner leurs lettres de noblesse à ces beaux métiers et de susciter des vocations, une campagne de communication sera justement proposée pour la fin de l'année. Elle ne sera cependant pas suffisante et nous devrons agir dans les territoires pour faire en sorte que ces métiers soient pourvus. Là aussi, la diversification de l'offre des Ehpad doit permettre de rendre plus perceptibles l'intérêt de ces métiers et les évolutions proposées. Au reste, ces établissements doivent pouvoir évoluer pour proposer des solutions attractives et de proximité, d'où l'intérêt de disposer d'un maillage adéquat et de pouvoir s'appuyer sur de petits établissements.

Enfin, la problématique du grand âge ne se limite pas à la problématique du financement, mais englobe aussi la gouvernance et l'organisation. Je lancerai le plus vite possible une conférence nationale sur le sujet, avec l'idée de s'inspirer de ce qui a été fait en matière de handicap pour adapter l'offre et réfléchir à la place de l'usager, insuffisamment associé à ce stade.

Quant à la "coquille vide" que vous évoquez, cette dernière pèse déjà 42,4 milliards d'euros alors que nous prévoyions 40 milliards d'euros à l'horizon de 2027. Certes, ce n'est pas suffisant et nous devrons trouver d'autres financements, mais la formule me semble inappropriée.

Mme Laurence ROSSIGNOL. - Monsieur le ministre, comme vous pouvez vous en douter, je vais vous parler des droits des femmes et d'égalité. Je reste un peu sur ma faim, car je m'attendais à ce que vous décriviez, en évoquant le PLFSS, vos priorités et votre politique en matière d'égalité femmes-hommes, ce qui est tout à fait compris dans votre périmètre, y compris sur les questions de santé. Comment appréhendez-vous ce pan de votre portefeuille, même si vous êtes accompagné d'une secrétaire d'État déjà engagée sur le sujet ?

Que pensez-vous, d'ailleurs, de la défiscalisation des pensions alimentaires pour les femmes séparées ? Un amendement a été voté en ce sens à l'Assemblée nationale : pourrons-nous compter sur votre soutien pour maintenir cet amendement dans l'hypothèse funeste - que personne ne souhaite, bien entendu - d'un recours au 49.3 ?

Enfin, l'un de vos nombreux prédécesseurs, Jean-Christophe COMBE, avait annoncé, en avril 2023, 200 000 places de crèches, des contrôles et un service public de la petite enfance. Vous avez eu l'honnêteté de reconnaître que l'année 2023 n'avait guère été bénéfique en termes de nombre de places de crèches, et je doute que 2024 soit meilleure. Plus globalement, je n'ai toujours pas compris ce qu'était le service public de la petite enfance : soit il s'agit d'une dépense obligatoire mise à la charge d'une collectivité d'un niveau quelconque, avec des moyens ; soit il s'agit d'un concept fourre-tout.

Dans une séquence où de lourdes menaces pèsent sur les finances des collectivités locales, comment envisager en même temps l'augmentation du nombre de places de crèches ? Depuis plusieurs années, le secteur privé à but lucratif est à l'origine de quasiment tous les nouveaux berceaux, mais il n'a pas sa place dans ce domaine : alors qu'une commune fixe un prix pour un berceau, un acteur privé agissant en délégation de service public (DSP) qui vous propose le même service pour moitié moins proposera forcément une prestation de moindre qualité pour les enfants, avec des personnels moins nombreux et moins bien payés. Pouvons-nous nous accorder sur le fait que le service public de la petite enfance vise à tourner le dos à la place prépondérante qu'a prise le secteur privé à but lucratif dans l'accueil des jeunes enfants ?

Mme Corinne IMBERT. - Monsieur le ministre, j'apprécie votre position sur les petits Ehpad : au-delà du sujet de l'aménagement du territoire, la réponse de proximité est également une façon de protéger ces établissements d'une financiarisation excessive. Pour autant, la question de leur capacité à investir lorsque c'est nécessaire est posée, l'impact sur le tarif d'hébergement étant d'autant plus lourd quand le nombre de résidents est plus faible. Certes, il existe un fonds d'intervention régional, mais pensez-vous que nous réussirons à soutenir ces petits établissements tout en répondant à leurs besoins d'investissements ?

Vous avez également évoqué une transformation de l'offre des Ehpad. À cet égard, que pensez-vous de la perspective de voir des résidences autonomie - elles relèvent de la compétence des conseils départementaux - accueillir des personnes en situation de handicap vieillissantes ? La position des deux filières est-elle susceptible d'évoluer ? Comment comptez-vous l'encourager ?

S'agissant de la réforme des services autonomie, j'avais déposé un amendement à l'occasion de la loi pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, afin d'assouplir cette disposition introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. En effet, si la réforme est simple à comprendre en théorie, la réalité sur le terrain est bien plus complexe, à la fois pour des raisons liées à la cohérence des périmètres et aux statuts des salariés. Peuvent coexister, par exemple, un Ssiad relevant d'une convention de 1951 et un service d'aide à domicile porté par une collectivité territoriale.

La réforme doit continuer à se déployer là où elle ne pose pas de problème. Néanmoins, seriez-vous prêt à assouplir cette disposition qui, dans certains cas, met à mal des structures et des liens conventionnels noués depuis de nombreuses années ? Reconnaissez-vous, à l'instar de votre prédécesseur, que ces problèmes existent ?

Mme Raymonde PONCET MONGE. - À l'heure du virage domiciliaire, je m'étonne de la faible place des services d'aide et de soins dans nos débats et je pense, monsieur le président, qu'une mission d'information devrait leur être consacrée.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, l'expérimentation de la fusion entre les sections soins et dépendance des Ehpad. J'ai bien entendu que nous pourrions, par des initiatives, accélérer le calendrier, et je crois que c'est nécessaire.

Mon interrogation, cependant, porte sur l'expérimentation du changement urgent - et demandé - de la composante "aide" des SAD. L'appel à manifestations d'intérêt va être clôturé le 4 novembre : avons-nous, monsieur le ministre, dix départements engagés ? Si oui, combien de SAD se lancent-ils dans cette expérimentation qui vise, je le rappelle, à sortir de la tarification horaire et donc du seul critère d'activité, pour aller vers un financement au forfait global ou toute autre modalité compatible avec les Ssiad ? Avoir un forfait comparable paraît nécessaire quand une aide à domicile interviendra aux côtés d'une aide-soignante. Si nous ne disposons pas encore de dix départements volontaires, ne serait-il pas nécessaire de donner un délai supplémentaire comme vous venez de l'accorder pour les Ehpad ? Cette réforme est essentiellement pour lever l'un des obstacles aux services autonomie.

Où en sommes-nous, d'ailleurs, de la mise en place des SAD, au-delà des anciens services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad), et notamment des Spasad intégrés ? Prévoyez-vous de renforcer les moyens d'accompagnement des ARS afin d'aplanir les problèmes de statuts et de périmètres qui semblent enkystés ? Ne nous cachons pas le fait que certains services, notamment ceux qui sont liés à des hôpitaux, comptent sur ces obstacles pour espérer que la réforme ne se fasse pas.

Qu'en est-il de la trajectoire des Ssiad ? Je rappelle que vous devez créer 25 000 places à l'horizon 2030 ; une fois celles-ci créées, comment comptez-vous trouver le personnel requis ? Je rappelle que les personnels ne dépendent pas tous de la convention collective de 1951 : dans mon département, ils relèvent essentiellement de la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services (BAD). Cette dernière avait, au bout de nombreuses années, rattrapé son retard sur la précédente, mais l'écart s'est rapidement creusé de nouveau en raison des primes accordées dans le cadre du Ségur aux personnels relevant du texte de 1951. Par conséquent, les services d'aide à domicile ne recrutent plus, les aides-soignants étant partis dans les Ehpad ou d'autres établissements concernés par les augmentations du Ségur.

En conclusion, je suppose que vous avez suivi la journée "Les Vieux méritent mieux", à l'occasion de laquelle la création de déserts médico-sociaux, dépourvus de services domiciliaires, a été dénoncée. Je suis donc dans l'attente d'éclairages sur les services domiciliaires, qui sont en train de mourir faute de personnel.

Mme Cathy APOURCEAU-POLY. - Monsieur le ministre, je rappelle, comme d'autres collègues l'ont fait avant moi, que vous n'êtes pas vraiment un novice dans la mesure où vous gouvernez le pays avec vos amis depuis sept ans.

Nous pourrions évoquer les problèmes du secteur médico-social pendant des heures tant ils sont nombreux. Dans mon département du Pas-de-Calais, 7 000 enfants sont placés et on ne trouve plus d'assistantes familiales. Vous avez dû entendre parler du récent scandale d'enfants placés dans des familles qui ne disposaient même pas d'un agrément.

J'estime cependant qu'il existe des points communs à tous ces problèmes, qu'il s'agisse de la protection de l'enfance, de l'aide à domicile ou des Ehpad. Vous l'avez fort bien dit : vous avez des places disponibles, mais il n'y a plus de vocations. Je partage ce constat, mais encore faut-il s'interroger sur les causes de cette désaffection. Ces métiers sont à la fois difficiles et peu reconnus, sans oublier le fait que les possibilités de mobilité vers un autre service sont rarement possibles. Il en résulte une fatigue physique, psychique et psychologique, qu'il faudrait compenser par une revalorisation des salaires ; il n'est pas possible que des métiers aussi pénibles soient aussi peu rémunérés.

Que comptez-vous faire dans ce domaine ? Entendez-vous prendre des mesures fortes pour recréer cette vocation, notamment dans les nouvelles générations ?

Quant à la possibilité pour les personnes de rester chez elles - ce qu'elles souhaitent souvent lorsqu'on les interroge -, encore faut-il en avoir les moyens : ce n'est pas une visite d'une heure par jour qui peut les faire se sentir bien chez elles, d'autant que des logements tels que ceux du bassin minier ne sont pas absolument adaptés au maintien à domicile.

Il nous faut trouver de nouveaux modes de fonctionnement pour nos Ehpad et je vous invite à venir à Barlin, dont le maire a décidé, à l'occasion de la fermeture d'une école maternelle, de placer deux classes dans l'Ehpad. C'est formidable, même si les personnes âgées ont pu avoir un peu peur au début ; désormais, elles mangent et vivent avec les enfants, qui redonnent de la confiance aux anciens tout en ayant un nouveau regard.

M. Khalifé KHALIFÉ. - Je rejoins mes collègues au sujet des difficultés des départements à accueillir un nombre grandissant de mineurs non accompagnés (MNA), nombre d'entre eux souffrant d'un handicap.

Par ailleurs, le Sénat a voté l'an dernier, à l'unanimité, un amendement revenant sur l'amendement Creton afin d'expérimenter un dispositif de transition pour les jeunes adultes afin de les sortir des établissements pour enfants. En effet, l'amendement Creton a abouti au blocage de 10 000 places réservées aux jeunes adultes en institut médico-éducatif (IME), celles-ci n'étant pas attribuées à des plus jeunes. Malheureusement, le recours au 49.3 l'a fait disparaître. Envisagez-vous de le reprendre ?

Sur un autre sujet, le groupe Avec, qui compte 348 structures dans le champ de l'aide à domicile et du médico-social, a défrayé la chronique à Grenoble et ailleurs. J'ai transmis un travail à ce sujet à votre prédécesseur : accorderez-vous une attention particulière à ce dossier afin d'envisager des évolutions juridiques et financières ?

Enfin, je souhaitais savoir si vous seriez d'accord pour valider - à budget constant - des transferts d'autorisations de lits d'Ehpad des départements les mieux dotés vers ceux, qui, tels que le mien, souffrent d'un manque de lits.

Mme Annick PETRUS. - Vous savez, monsieur le ministre, que l'accès aux Ehpad est encore plus difficile dans les territoires d'outre-mer. Saint-Martin ne compte par exemple qu'un seul établissement, qui, au-delà des personnes en grande perte d'autonomie, accueille des personnes en meilleure santé, mais qui ne peuvent pas rester chez elles pour diverses raisons.

Des solutions intermédiaires, telles que le placement en famille, existent : leur coût a-t-il été évalué ? Elles permettraient sans doute de libérer des places et d'alléger une liste d'attente de plus en plus longue.

Mme Marion CANALÈS. - Le taux d'accidents du travail a considérablement augmenté chez les femmes, enregistrant une hausse de 42 %, contre une diminution de 21 % chez les hommes. Je m'interroge, en outre, sur le siphonnage des ressources de la branche AT-MP, excédentaire. Les sous-déclarations de ces AT-MP et les sous-reconnaissances des problématiques de maladies ou de cancers féminins interpellent, le tableau des maladies professionnelles étant quelque peu ancien et ne les prenant pas nécessairement en considération, alors que le secteur médico-social est marqué par une forte sinistralité.

L'excédent de cette branche doit-il vraiment être affecté à d'autres branches plutôt qu'à la prévention ?

Pour faire moi aussi un pas de côté, la question du financement de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) est posée, puisque 80 postes sont menacés en dépit de la convention d'objectifs signée en juillet 2024. Cette situation inquiète alors que nous manquons de données statistiques sur les risques professionnels : on organise la cécité et l'inefficacité de nos politiques publiques dans ce domaine.

M. Paul CHRISTOPHE, ministre. - Madame ROSSIGNOL, je n'ai certes pas évoqué l'enjeu de l'égalité femmes-hommes, qui relève du PLF et plus précisément du programme 137 "Égalité entre les femmes et les hommes", dont les crédits sont sanctuarisés.

Je crois dans le service public de la petite enfance, quatre compétences obligatoires devant être à la main des communes, à savoir le repérage de l'offre, la planification, le contrôle de la qualité et l'information des familles. Je rappelle que nous accordons une attention particulière aux familles monoparentales dans le cadre de la réforme du CMG, qui est un premier pas.

De nombreux sujets doivent être abordés au prisme de ces familles monoparentales, qui comptent souvent parmi les allocataires du revenu de solidarité active (RSA). Souvent, on ne donne pas les moyens à ces femmes - majoritaires dans ce type de famille - de trouver leur plein épanouissement. Il s'agit d'un axe de progrès fort sur lequel j'entends travailler avec Salima SAA. Je me pencherai, par ailleurs, sur la question de la défiscalisation des pensions alimentaires, mais il va falloir que je trouve un financement.

Mme Laurence ROSSIGNOL. - Il faut refiscaliser les pères !

M. Paul CHRISTOPHE, ministre. - Je vous laisse la main sur ce point en tant que parlementaire : vous ne semblez pas manquer de solutions.

Sur un autre point, il s'agit non pas de 200 000 places de crèches, mais de 200 000 solutions d'accueil, chiffre qui intégrait donc les assistantes maternelles auxquelles je suis très attaché ; d'où ma volonté de porter la réforme du CMG, qui permettait de conserver le même reste à charge, quel que soit le choix des parents. Je pense que nous devons partir des besoins pour imaginer des solutions adaptées.

Pour ce qui est du grand âge, les résidences autonomie représentent selon moi une solution. Une fois encore, évitons une approche qui se limiterait aux Ehpad ou aux services domiciliaires : il nous faut construire un ensemble d'outils, avec une approche territoriale. Vous avez cité l'exemple de cet Ehpad dans le Pas-de-Calais et j'accepterai votre invitation avec plaisir, car j'adore ces initiatives. De la même manière, un établissement des Deux-Sèvres qui ne parvenait plus à remplir ses places a décidé d'accueillir des mineurs non accompagnés, avec un succès de même type puisqu'il en résulte un lien intergénérationnel très stimulant et un échange culturel remarquable. Ce type d'expérience et de lien permet de lutter contre les maladies cognitives et les dégénérescences, et doit être encouragé. J'espère rester en poste assez longtemps pour recenser toutes ces initiatives remarquables, qui ont un véritable sens et permettent d'apporter une réponse circonstanciée dans un territoire donné, grâce à une approche innovante.

À cet égard, je suis favorable à l'accueil des personnes en situation de handicap vieillissantes dans des résidences autonomie. Des parcours restent à créer et à construire, en s'appuyant sur des crédits déjà disponibles.

Concernant les métiers, madame APOURCEAU-POLY, il est bien question de développer une reconnaissance qui ne passe pas uniquement par les rémunérations - des revalorisations sont intervenues, accompagnées par l'État - et recouvre des enjeux d'évolution de carrière. L'un des problèmes majeurs tient au fait qu'il n'existe parfois pas de portabilité et d'ancienneté entre les structures, ce qui oblige des salariés expérimentés à repartir du salaire de départ. Ce sujet devra être abordé avec les fédérations, afin de développer la possibilité de changer de métier à partir d'un diplôme unique et de bénéficier de la portabilité des droits.

Madame PONCET MONGE, je ne dispose pas du nombre exact de départements intéressés par l'expérimentation et vous le communiquerai. Pour ce qui concerne les moyens d'accompagnement, je rappelle que nous y avons consacré 8 millions d'euros à partir des ARS et 11 millions d'euros à partir des départements.

Quant à la fusion des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) et des Ssiad, nous devons impérativement accélérer le processus, sans quoi elle n'aura pas lieu. Peut-être faudra-t-il revoir l'approche pour rassurer et mieux accompagner.

Pour en revenir aux résidences autonomie, elles représentent une solution d'avenir aux côtés de l'habitat intermédiaire et des résidences intergénérationnelles.

Les assistantes familiales ont quant à elles bénéficié d'une revalorisation pendant le Ségur. Susciter des vocations passe aussi par une présentation positive de ces métiers, constat qui vaut aussi pour l'ASE. Ce secteur n'est évoqué qu'au travers des scandales et nous avons un important travail d'introspection à effectuer, en s'inspirant des réussites qui peuvent exister. Des outils vont être mis en œuvre, même si j'ai pris rendez-vous avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui s'oppose à la constitution d'un fichier recensant les personnes condamnées, peu recommandables ou qui se sont vues retirer leur habilitation.

Mme Laurence ROSSIGNOL. - Il faut harmoniser les critères des départements !

M. Paul CHRISTOPHE, ministre. - Tout à fait. L'actualité nous a montré, même si le scandale porte sur les années 2010-2017, que les transferts d'enfants de département à départements sont délicats.

Monsieur Khalifé KHALIFÉ, vous avez évoqué l'amendement Creton : un dispositif est envisagé dans le cadre des discussions budgétaires actuelles pour régulariser des situations insatisfaisantes. Je suis en outre preneur du travail que vous aviez transmis à mon prédécesseur.

Pour ce qui concerne les accidents du travail en Ehpad, les taux doivent en effet nous interpeller. Si la branche AT-MP n'est pas sous ma responsabilité, le phénomène de la sous-déclaration doit nous inquiéter, car elle peut masquer des accidents du travail non reconnus, avec les conséquences que l'on connaît pour les personnes concernées. Une mission d'information pourrait sans doute nous éclairer à ce sujet.

Enfin, faire évoluer le tableau des maladies est ardu, comme j'ai pu le constater en accompagnant les victimes du chlordécone dans les Antilles, mais des avancées restent possibles.

Mme Marie-Pierre RICHER, rapporteure pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Annie LE HOUEROU et moi-même avons produit un travail sur les enjeux de la branche AT-MP. J'ai également travaillé avec Laurence ROSSIGNOL, Laurence COHEN et Annick JACQUEMET sur le rapport d'information Santé des femmes au travail : des maux invisibles, dans lequel les troubles musculo-squelettiques ont été mis en avant.

M. Paul CHRISTOPHE, ministre. - Je suis sensible à vos travaux en tant qu'ancien rapporteur de la branche AT-MP.

Je termine en répondant sur les placements en famille : deux départements - le Nord et La Réunion - sont plutôt allants sur le sujet et la démarche paraît bénéfique, mais la question du statut reste à trancher.

M. Philippe MOUILLER, président. - Je vous remercie pour toutes ces précisions. Nous serons force de proposition sur les types de prise en charge et sur les financements, afin de faire en sorte que cette branche puisse répondre à court terme aux problématiques posées, mais aussi afin de participer à une réforme de fond qui permettrait de bâtir une véritable vision pluriannuelle.

Source https://www.senat.fr, le 5 novembre 2024