Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, à France Inter le 19 novembre 2024, sur la situation des élus locaux, les effectifs des collectivités territoriales et le financement des collectivités locales.

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Média : France Inter

Texte intégral

SONIA DEVILLERS
Bonjour Catherine VAUTRIN,

CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Sonia DEVILLERS,

SONIA DEVILLERS
La maire de Pibrac près de Toulouse, le maire de la Grée-Saint-Laurent dans le Morbihan, la maire de Cabanac-et-Villagrains en Gironde, le maire de Villeréal à côté de Bergerac, celle de Châtenois-les-Forges en Territoire de Belfort ne sont pas venues, ce matin, à Paris. Ils manquent à l'appel du 106e Congrès de l'association des maires de France. Est-ce que vous savez pourquoi ?

CATHERINE VAUTRIN
Non.

SONIA DEVILLERS
Eh bien, parce qu'ils ont démissionné ces derniers mois, et même ces dernières semaines. Décision déchirante. J'ai lu chacune de leur lettre. Ils parlent de santé mentale qui dévisse, d'alerte cardiaque, de prise de poids excessif, de sommeil qui fout le camp. Ces femmes et ces hommes se sont littéralement écroulés. Qu'allez-vous faire pour eux ?

CATHERINE VAUTRIN
Bien, c'est un sujet extrêmement important. Le premier, c'est évidemment de les accompagner. Moi, j'étais, pas plus tard que samedi matin au congrès des maires de la Marne, et j'échangeais avec les maires. Et effectivement, un certain nombre de maires expliquaient le poids de leur responsabilité. Et ce poids des responsabilités, il est lié, bien évidemment, aux sujets financiers, mais il est aussi lié à l'attitude d'un certain nombre de nos concitoyens qui viennent à dire…

SONIA DEVILLERS
C'est-à-dire les menaces, les accusations.

CATHERINE VAUTRIN
Les menaces, le ton sur lequel on parle, voire les agressions. C'est-à-dire qu'en fait, il y a une agressivité extrêmement importante vis à vis des maires qui sont en prise directe. Dans un village, le premier représentant de la République, c'est le maire. La première personne que l'on va voir, c'est le maire. Donc le premier sujet, c'est un. Et on a, là-dessus un accompagnement des maires avec le Beauvau des maires qui redémarre pas plus tard que jeudi pour les accompagner dans leur sécurité. Le deuxième sujet, c'est les accompagner dans leurs missions, c'est-à-dire les aider en les formant, en l'accompagnant. Ça, c'est le sujet des statuts de l'élu. Et c'est la raison pour laquelle, à la demande…

SONIA DEVILLERS
Le statut de l'élu, justement, c'est-à-dire que la dissolution a privé les maires comme les agriculteurs, d'une loi qu'ils attendaient fermement.

CATHERINE VAUTRIN
Alors, je vous réponds très concrètement sur le sujet. A la demande de Michel BARNIER, ce texte sera inscrit à l'Assemblée nationale au mois de janvier. Nous partirons d'une proposition de loi qui a été discutée, votée par le Sénat, qui est la proposition de loi de Françoise GATEL qui, aujourd'hui, est ministre déléguée à mes côtés, et c'est ce texte qui sera discutée au mois de janvier sur le statut des élus.

SONIA DEVILLERS
Vous pensez que toutes les communes de France, en 2026 auront un candidat à leur mairie ?

CATHERINE VAUTRIN
C'est clairement un des sujets parce que, quand vous discutez avec les maires, vous voyez que la première chose qui les rassemble, c'est leur passion du territoire, c'est leur passion de l'action. Et ce qu'il faut, c'est préserver ça. Et les accompagner pour que la passion le prenne sur les difficultés du quotidien.

SONIA DEVILLERS
Le 106e Congrès des maires sera-t-il le Congrès de la colère ? Ce sont les mots très forts de David LISNARD qu'on vous martèle, madame la ministre. Depuis une semaine, la France a plongé dans le rouge. C'est l'heure des comptes. Bruno LE MAIRE, ancien ministre de l'Economie, avait dit que les collectivités territoriales avaient lourdement pesé dans le dérapage budgétaire français. Vous avez dit le contraire, hier, dans Le Figaro. Alors, les collectivités territoriales, elles sont responsables ou pas responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, c'est là où je n'ai pas forcément la même lecture que Patrick COHEN, parce qu'effectivement, moi, je considère que les maires ne sont pas, dans leur immense majorité, les responsables de l'augmentation de la dépense publique. Les chiffres qui ont été cités n'étaient pas justes. Pourquoi ? Parce qu'il était fondé sur une étude à partir de la consommation qui était faite par les maires, c'est-à-dire l'utilisation de la dépense jusqu'au 30 juillet. Tous les experts vous démontreront que cette estimation en milieu d'année est toujours fausse et qu'il faut partir des comptes exécutés pour regarder exactement quelle est la dépense des mères. Premiers éléments, et c'est la raison pour laquelle j'ai été, effectivement, en opposition avec le chiffre de 16 milliards qui était une projection à partir de la dépense au 30 juillet, premier élément.

SONIA DEVILLERS
Qui était le chiffre qu'avait brandit Bruno LE MAIRE.

CATHERINE VAUTRIN
Deuxième élément, moi je suis une élue locale depuis très longtemps et je connais bien le fonctionnement…

SONIA DEVILLERS
De la Marne.

CATHERINE VAUTRIN
De Reims, pour être précise, et je connais bien, depuis longtemps, le fonctionnement. En fait, la spécialité des maires, c'est leur capacité à économiser sur leur fonctionnement pour générer ce qu'on appelle la capacité d'autofinancement, c'est-à-dire simplement la capacité à pouvoir payer leurs investissements. Et c'est ce que font l'immense majorité des maires.

SONIA DEVILLERS
Mais vous l'avez lu, le rapport de la Cour des comptes, les magistrats ont, quand même, été extrêmement sévères en préconisant de supprimer jusqu'à 100 000 emplois dans les effectifs des collectivités territoriales. Ça veut dire revenir aux effectifs d'il y a environ quinze ans en disant que la masse salariale a augmenté de manière non justifiée

CATHERINE VAUTRIN
Deux réponses à ça, la première, c'est que les compétences ont évolué et donc il faut regarder à compétence, premier élément…

SONIA DEVILLERS
Mais eux, ils disent le contraire.

CATHERINE VAUTRIN
Mais surtout regarder le rapport de la Cour des comptes de septembre 2023 qui démontre que sur l'exercice 23, cinq milliards d'euros de dépenses liées notamment aux personnels, sont liés à des injonctions de l'État. Premier élément l'augmentation de l'indice. Deuxième élément, les catégories C qui ont été augmentées, ce qui est bien évidemment individuellement. Chacun des membres du personnel en avait besoin. Mais il n'en reste pas moins vrai que la question qui se pose, c'est comment la collectivité employeur est en incapacité à gérer elle-même sa masse salariale ?

SONIA DEVILLERS
Bah alors, Michel BARNIER a commencé par annoncer 5 milliards d'économies aux collectivités territoriales en 2025. Certains y ont vu pas 5 milliards, ils y ont vu 11 milliards. Vous confirmez que c'est 11 milliards, en réalité, c'est un mensonge dont la manipulation des chiffres ?

CATHERINE VAUTRIN
Je confirme que là, il y a une sacrée inflation. Heureusement qu'elle n'est pas comme ça parce que nos chiffres, c'est bien cinq. Alors effectivement, on peut aller chercher des dotations, non revalorisées et ajoutées. La réalité, c'est que l'effort qui est demandé, c'est cinq milliards.

SONIA DEVILLERS
Alors vous, Catherine VAUTRIN, élue en Champagne, vous auriez hurlé si on vous avait annoncé 5 milliards d'économies ?

CATHERINE VAUTRIN
J'aurais réagi à la fois comme élu, mais aussi comme citoyenne. On joue la souveraineté du pays, 3 228 milliards de dettes, un remboursement de la dette à 55 milliards d'euros au moment où nous nous parlons.

SONIA DEVILLERS
Donc, les collectivités territoriales vont mettre la main à la poche ?

CATHERINE VAUTRIN
On a un enjeu de souveraineté. L'idée, c'est de le faire avec mesure. C'est tout l'objet du septième congrès que nous allons faire depuis que je suis arrivé au Gouvernement.

SONIA DEVILLERS
Gérard LARCHER, président du Sénat, se dit que non, cinq milliards, c'est trop, ce serait mieux. Il manquera trois milliards. On sait pas où les trouver, mais ce n'est pas grave, vous comprenez ?

CATHERINE VAUTRIN
Non, ce n'est pas ça le sujet. Et pour avoir rencontré les sénateurs, Jean-François Husson, rapporteur général.

SONIA DEVILLERS
Le sujet, c'est qu'on est…

CATHERINE VAUTRIN
Et Stéphane SAUTAREL, c'est de regarder si on ne prend pas 5 milliards sur les collectivités, où vont-ils les prendre ? Parce que la vraie question, c'est le bas de page et le bas de page, c'est clairement de revenir sur le sujet de la dette française qui, je le redis, est un énorme enjeu de souveraineté. Donc un, oui, les maires sont indispensables, deux oui, ils sont engagés, trois on les respecte, quatre on les reconnaît cinq ensemble, on s'engage pour le pays.

SONIA DEVILLERS
Très bien, Donc on va mettre la main à la poche. Est-ce que vous êtes pour le retour de la taxe d'habitation ou quelque chose d'équivalent ?

CATHERINE VAUTRIN
Nous sommes dans un des pays dans lesquels, évidemment, la pression fiscale est la plus importante. Donc je ne pense pas que ça soit le sujet. En revanche, il faut que chacun soit conscient que rien n'est gratuit, pas plus dans une commune que partout ailleurs. Ce qui veut dire que quelque part, j'habite dans une commune, je participe. Ça ne me paraît pas une idée qui doive être écartée.

SONIA DEVILLERS
Cela ne s'appellera pas la taxe d'habitation, mais ça s'appellera un nouvel impôt local ?

CATHERINE VAUTRIN
Pas forcément un nouvel impôt local. Il faut lier l'usage à une responsabilité d'utilisation. C'est le sujet que nous allons mettre sur la table avec les élus si nous sommes encore là en début d'année,

SONIA DEVILLERS
Comment c'est, ça ? Parce que vous avez vu que Jordan BARDELLA martèle, hier soir, sur…

CATHERINE VAUTRIN
J'ai entendu, je viens d'entendre Patrick COHEN avec intérêt.

SONIA DEVILLERS
Voilà. Justement, vous allez vous adresser aux maires. Vous pensez qu'ils peuvent avoir confiance dans l'avenir avec Jean-Luc MELENCHON qui donne carrément une date de destitution du Gouvernement, avec Jordan BARDELLA, qui martèle de manière assez menaçante.

CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, je crois qu'il y a une chose qui est important, c'est que nos concitoyens ne veulent pas le chaos et l'important, c'est qu'on continue à avancer. Moi, mon objectif, tant que je suis au gouvernement, c'est tous les jours de travailler sur les sujets. Michel BARNIER, vous l'avez vu et très engagé, était encore la semaine dernière auprès des départements, sera jeudi à l'Association des maires. Et ce qui est important, c'est qu'il reçoit la semaine prochaine l'ensemble des oppositions. C'est le respect de tout le monde. C'est quelque part le compromis écouter les idées des uns et des autres et choisir le meilleur pour le pays.

SONIA DEVILLERS
Je reviens parce que nous avons digressé, donc un nouvel impôt local ou en tout cas il faut faire participer les habitants au coût de la vie et du réaménagement urbain.

CATHERINE VAUTRIN
Il faut réfléchir à la manière dont chacun peut s'associer.

SONIA DEVILLERS
Et, les frais de notaire, alors madame la ministre, pour l'augmentation des frais de notaire ?

CATHERINE VAUTRIN
Les frais de notaire, ça s'appelle, effectivement, les droits de mutation à titre onéreux, c'est une possibilité qui est donnée aux départements. Chacun des présidents de département fera le choix ou pas de les augmenter de 0, 5 %.

SONIA DEVILLERS
Parce que le marché de l'immobilier est déjà complètement K.O. pour des jeunes qui achètent pour la première fois 0,5 % sur les frais de notaire, ce n'est pas la banque qui prête les frais de notaire.

CATHERINE VAUTRIN
Je répète que…

SONIA DEVILLERS
On les sort de ma poche hein.

CATHERINE VAUTRIN
Je répète que c'est au choix de chacun des présidents de département.

SONIA DEVILLERS
Merci Catherine VAUTRIN,

CATHERINE VAUTRIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2024