Texte intégral
M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : "Politiques de prise en charge de la dépendance".
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(…)
M. le président
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes
Je tiens tout d'abord à remercier le groupe UDR, présidé par M. Éric CIOTTI, d'avoir proposé d'inscrire ce débat thématique à l'ordre du jour, puisque nous avons été privés d'une discussion à ce sujet lors de la première lecture du PLFSS – je fais écho aux propos de Jérôme GUEDJ. Je salue également les interventions que nous venons d'entendre : les orateurs des groupes y font part d'une préoccupation, que je sais commune, de répondre aux besoins suscités par le vieillissement de notre société.
Ce vieillissement, déjà bien engagé, s'accélérera dans les années à venir. Il nous place devant des questions nouvelles, pour accompagner au mieux les personnes qui ont besoin d'un soutien à leur autonomie. Pour ma part, en effet, je préfère parler de "soutien à l'autonomie" ou de "prévention de la perte d'autonomie" plutôt que de "dépendance", et d"accompagnement" plutôt que de "prise en charge" – cette notion sous-entend que la perte d'autonomie serait une charge pour notre société.
Le gain formidable d'espérance de vie qui nous est offert est une chance pour les personnes et les familles. L'Institut national d'études démographiques (Ined) l'a rappelé : les septuagénaires d'aujourd'hui sont les sexagénaires d'hier. Malgré les progrès médicaux, sanitaires et sociaux, ces années d'espérance de vie gagnées peuvent s'accompagner de troubles fonctionnels, généralement associés à l'arrivée du grand âge.
Néanmoins, les études internationales nous disent que les situations les plus complexes conduisant à une perte d'autonomie restent contenues. À cet égard, partageons une très bonne nouvelle : dans sa dernière enquête "Autonomie ménages", publiée ce mois-ci, la Drees nous apprend qu'entre 2015 et 2022, l'espérance de vie sans perte d'autonomie a augmenté de 0,8 an pour les femmes et de 0,5 an pour les hommes, tandis que l'espérance de vie totale est restée globalement stable.
Ce sont donc des années en bonne santé que nous gagnons maintenant ! Je ne peux m'empêcher de lire dans ces progrès les effets positifs de notre système de santé conjugués à ceux de notre protection sociale, parfois injustement décriés. Nous voulons, avec la ministre de la santé, Geneviève DARRIEUSSECQ, soutenir ces effets avec un investissement résolu dans la prévention de la perte d'autonomie. Je veux parler d'une prévention adaptée – avec la création des bilans de prévention aux âges clés de la vie, le déploiement progressif du repérage précoce des fragilités et la prévention des chutes – et d'une prévention efficace, car fondée sur des instances et des moyens dédiés.
À cet égard, je veux saluer la pleine mobilisation des acteurs territoriaux autour des conférences des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie présidées par les départements. Depuis leur création en 2015, elles ont déjà permis de changer d'échelle en matière de prévention, avec plus de 260 millions d'euros mobilisés en 2024. Les territoires s'adaptent – vous le rappeliez, madame LE HÉNANFF –, ils développent des actions dédiées à la vie sociale et à la pratique du sport adapté, ils prennent en compte les nouveaux besoins des seniors.
Je veux aller plus loin en installant la conférence nationale de l'autonomie prévue par la loi "bien vieillir". Elle nous assurera la mobilisation des crédits sur les programmes les plus efficients, en s'appuyant sur toutes les connaissances scientifiques disponibles, désormais rassemblées par le centre de ressources constitué à la CNSA. Il nous faut ainsi prévenir la perte d'autonomie, mais aussi anticiper collectivement les besoins de soutien accrus des personnes âgées à l'horizon 2030. On sait que le nombre de personnes de plus de 85 ans va considérablement augmenter à partir de cette date – et 2030, c'est demain.
Je suis convaincu qu'il nous faut déployer une méthode globale pour accompagner ce mouvement, en ajustant d'abord notre approche aux attentes des personnes concernées, qui veulent être perçues pour ce qu'elles peuvent encore faire, et non pour ce qu'elles ne peuvent pas ou plus faire. Il est donc essentiel d'élaborer des accompagnements dans un cadre de pensée qui insiste sur les capacités et les choix plutôt que sur les faiblesses et les manques.
Cette approche est en soi une manière de donner confiance aux personnes dans leurs capacités d'agir – les professionnels savent qu'elle produit des effets positifs sur les personnes âgées. Il nous faut aussi travailler en associant tous les partenaires – les associations, les caisses et l'administration – pour donner le choix aux personnes de vieillir où elles le souhaitent et garantir leurs droits et leur participation. Pour cela, nous devons renforcer et diversifier à la fois l'offre d'accompagnement et de soins, mais aussi les propositions de logement adaptées au vieillissement. Je pense à cet égard au domicile historique dont l'adaptation, qui s'appuie désormais sur le déploiement de MaPrimeAdapt', doit être facilitée, mais aussi aux solutions de logement intermédiaire ou aux Ehpad. Je compte sur la poursuite de nos échanges pour revenir sur la diversification de l'offre et je souhaite m'arrêter un bref instant sur les Ehpad.
Dans le cadre de nos discussions sur le PLFSS, je vous ai présenté la réforme du financement que nous préparons pour sortir de la crise structurelle que connaissent les Ehpad – j'y reviendrai dans un instant. J'ai prévu de réunir les fédérations du secteur après l'adoption du budget, dans le courant du mois de décembre, pour échanger sur le rétablissement de leurs équilibres et les évolutions de leur modèle. En effet, les Ehpad ne constituent pas seulement un sujet financier. Pour devenir des lieux de bien vivre, ils doivent laisser aux résidents un droit de visite plus souple, prévu par la loi "bien vieillir" d'avril dernier, à laquelle vous, élus, avez largement contribué ; ils doivent aussi se transformer en s'ouvrant à la ville et à l'intergénérationnel, par exemple en accueillant des logements étudiants, en abritant des crèches, des services publics, des tiers-lieux ou des lieux de convivialité. De cette manière, les résidents seront davantage au contact des autres générations : c'est un moyen de rétablir et d'entretenir un lien social, absolument crucial pour leur épanouissement, tout en renforçant encore la qualité des soins, indispensable à des résidents plus âgés, souvent plus fragiles que leurs prédécesseurs et souffrant plus souvent de maladies neurodégénératives.
Dans un contexte de tensions sur l'offre de professionnels, c'est un véritable défi qui doit tous nous mobiliser.
Je veux insister sur ce dernier point pour finir : les professionnels du secteur médico-social sont pour nous une priorité. Je veux les saluer et les remercier de leur engagement quotidien, tout particulièrement en ce 26 novembre, Journée internationale des aides-soignants, qui m'a permis d'échanger avec plusieurs d'entre eux au ministère ce matin. Dans leur diversité, ces professionnels représentent environ 1,3 million de personnes, dont 520 000 intervenants à domicile et 90 % de femmes. 68 % des recrutements sont jugés difficiles – un taux qui monte à 85 % pour les aides à domicile.
J'entends poursuivre résolument les chantiers lancés pour renforcer l'attractivité de ces métiers, grâce aux revalorisations salariales – nous avons déjà agi en ce sens dans le cadre du Ségur de la santé et des accords Laforcade –, à l'amélioration des conditions de travail, à la réduction de la pénibilité au travail – avec un budget annuel de 50 millions d'euros confié aux ARS –, à un meilleur accès à la formation et à un travail sur l'image de ces métiers, avec la campagne "prendresoin.fr", lancée il y a tout juste une semaine.
Vous m'avez posé beaucoup de questions sur ce thème – c'est bien normal, puisque le débat sur le PLFSS n'a pas permis de l'aborder. La fusion des sections soins et dépendance en Ehpad est une recommandation de plusieurs rapports, dont celui de votre collègue, Mme PIRÈS BEAUNE, et il a fait l'objet d'un large soutien du secteur favorable à un financement et à une section unique "soins et entretien de l'autonomie" par l'ARS.
Alors que dix départements, puis vingt, étaient concernés initialement, vingt-trois départements seront finalement retenus pour cette expérimentation, pour un coût supplémentaire de 200 millions d'euros pour la sécurité sociale en 2023. Ces vingt-trois départements sont ceux qui ont déposé leur candidature suffisamment tôt pour que les travaux techniques et complexes entre les services départementaux et les ARS puissent avoir lieu. De plus, nous avons proposé la réduction de la durée de cette expérimentation de quatre à deux ans pour permettre d'accélérer le déploiement de la réforme qui permettra – j'en suis convaincu – une simplification de la gestion et une plus grande égalité entre les différents territoires dans la prise en charge de l'autonomie en Ehpad et dans le niveau du reste à charge.
La branche autonomie de la sécurité sociale entre dans une nouvelle étape, en finançant dorénavant directement l'entretien de l'autonomie sur un principe d'égalité de traitement en fonction des besoins des territoires. Une convergence vers le haut en matière de financement de l'autonomie se traduira par un plus grand soutien financier des Ehpad.
S'agissant de leur situation financière, plusieurs parmi vous ont évoqué le déficit criant dont souffrent un bon nombre d'entre eux : à la fin de 2022, la part des établissements déficitaires était de 53 % pour les Ehpad associatifs, de 60 % pour les Ehpad publics autonomes et les Ehpad rattachés à une collectivité territoriale et de 76 % pour les Ehpad rattachés à un hôpital. Ce dernier chiffre doit nous alerter sur le modèle des Ehpad rattachés aux hôpitaux, qui ne correspond plus nécessairement aux attentes des résidents.
Les causes du déficit des Ehpad sont désormais largement connues, notamment grâce aux travaux parlementaires. Leur taux d'occupation n'a pas retrouvé son niveau d'avant la crise sanitaire – 89 % au début de 2023 contre 94 % en 2019 –, avec des variations selon les catégories d'Ehpad. Il ne faut cependant pas diminuer l'offre parce que nous aurons plus que jamais besoin de ces établissements – 90 % des Ehpad dont nous aurons besoin à l'horizon 2030 sont ceux qui existent aujourd'hui.
Un ensemble de réponses structurelles sera proposé. S'agissant des tarifs d'hébergement, 76 % des places en Ehpad sont éligibles à l'aide sociale et dépendent du département pour la fixation du tarif. La loi "bien vieillir" prévoit, à l'initiative des parlementaires et du gouvernement, des tarifs différenciés pour les personnes non bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement (ASH) pour les places d'un établissement habilité à l'aide sociale. Elle prévoit également que l'établissement ait l'initiative de la fixation de ces tarifs différenciés et que le département fixe l'écart maximum, dans la limite d'un cadrage national. Le décret d'application sera proposé d'ici à la fin de l'année.
Je rappelle également qu'une aide d'urgence de 100 millions d'euros a été votée dans la loi de finances pour 2024 et qu'une nouvelle enveloppe de 100 millions a été proposée, à l'initiative des sénateurs, dans le projet de budget pour 2025. Conformément à l'engagement pris par le premier ministre devant les assises de Départements de France, 200 millions d'euros supplémentaires seront versés à la CNSA pour conforter la trajectoire d'accompagnement des départements. Cet amendement a pour objet, non seulement de rétablir la confiance avec les départements, mais aussi d'engager la réforme et le regroupement des treize fonds de concours actuellement à la main de la CNSA, afin de rendre le dispositif plus lisible et de construire une trajectoire de cofinancement des dépenses APA et prestation de compensation du handicap (PCH) avec les départements.
Cette réforme permettra de respecter l'engagement du gouvernement précédent, mais aussi de compenser la dépense réelle des départements à hauteur d'un taux qui sera déterminé avec eux selon une trajectoire à valider par la conférence des financeurs.
M. le président
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Brigitte BARÈGES.
Mme Brigitte BARÈGES (UDR)
Il va de soi que je souscris au constat parfaitement établi par notre collègue Olivier FAYSSAT et par les orateurs précédents. C'est d'abord le constat de notre défaillance collective à l'égard de nos aînés, c'est pourquoi j'ai choisi de contribuer à notre débat par une réflexion plus philosophique que matérielle.
En effet, nous sommes collectivement confrontés à un choix de société, à un choix d'humanité. Grâce aux progrès de la médecine, nous vivons plus longtemps, voire très longtemps, et nous devons nous en réjouir. Cependant, même si comme l'a écrit André MALRAUX, "rien ne vaut la vie", peut-on parler de vie quand on tombe dans la dépendance, aggravée parfois par la solitude ? Oui, il est temps d'agir et de se donner les moyens humains et matériels pour que notre fin de vie soit la plus douce possible.
C'est un choix politique : le souhaitons-nous vraiment, ou préférons-nous pallier notre carence en proposant comme seule issue l'aide active à mourir, c'est-à-dire l'euthanasie – étymologiquement, la bonne mort ? Ce n'est pas mon choix et j'espère que nous sommes nombreux dans cette assemblée à partager cette position. Si tel est le cas, il faut non seulement en faire une cause nationale, mais surtout s'en donner les moyens.
On ne peut se contenter de la mesure gadget d'une journée dite de solidarité, qui fait supporter par les salariés un financement aléatoire. En réalité, il faut une contribution nationale dans le cadre de la cinquième branche de la sécurité sociale, sans exclure le recours aux assurances privées – ce n'est pas un gros mot !
Mme Christine PIRÈS BEAUNE
Beaucoup n'arrivent déjà pas à se payer une mutuelle !
Mme Brigitte BARÈGES
Nous devons nous assurer que tous les citoyens aient un accès équitable à des services d'aide à domicile et à des Ehpad de qualité, ainsi qu'à un soutien adéquat pour les proches aidants. Il ne suffit pas que ces services existent, il faut aussi qu'ils soient accessibles financièrement à ceux qui en ont besoin. Alors, pouvez-vous nous rassurer sur le fait que vous avez bien entendu cette urgence ? Vous avez annoncé des crédits importants. Suffiront-ils ? Je n'en suis pas tout à fait sûre et je ne voudrais pas que nous soyons contraints un jour, en inversant les mots de MALRAUX dans La Condition humaine, de dire qu'une vie ne vaut rien, même si rien ne vaut la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Vous posez la question de la trajectoire financière. Les propositions que vous évoquez ne figuraient pas dans le texte initial du gouvernement. Ce sont les sénateurs qui les ont ajoutées par voie d'amendement. Sans risquer de me tromper, je pense que la commission mixte paritaire déterminera demain si ces dispositions demeurent dans le texte qui sera soumis au vote du Parlement. Le gouvernement, ensuite, prendra ses responsabilités.
Le Conseil national de l'autonomie aura vocation à travailler sur la sécurisation de la trajectoire financière. Des éléments ont été partagés il y a un instant. L'ancien directeur de la sécurité sociale Dominique LIBAULT évoquait, en son temps, un besoin de 10 milliards d'euros, décomposé en 4,2 milliards au titre du sanitaire et 5,8 milliards au titre du médico-social. Dans le cadre de la loi organique relative à la dette sociale et à l'autonomie, vous savez que nous avons déjà fléché 2,4 milliards d'euros au titre de 0,15 point de CSG.
Un orateur a évoqué tout à l'heure le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, qui a estimé les besoins à hauteur de 13 milliards : le même organisme rappelle que nous avons déjà engagé 11 milliards sur les 13 : vous voyez que le gouvernement respecte la trajectoire et qu'il est au rendez-vous. En outre, ces 13 milliards étaient une cible à l'horizon 2030 ; nous ne sommes qu'en 2024.
Toutes les questions relatives au financement de l'autonomie doivent être mises sur la table : ce sera l'objet de la conférence nationale d'autonomie, que j'appelle de mes vœux en début d'année 2025.
M. le président
La parole est à M. Michel GUINIOT.
M. Michel GUINIOT (RN)
J'appelle votre attention sur la dépendance des personnes atteintes de maladies neurodégénératives, en particulier sur le maintien à domicile des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, qui doivent de plus en plus compter sur les aidants familiaux plutôt que sur des auxiliaires de santé, faute d'une offre suffisante dans les territoires.
Une enquête de l'Insee publiée en décembre 2023 fait apparaître que les situations de dépendance à domicile sont plus fréquentes dans les départements les plus pauvres. Les résultats de l'enquête Autonomie 2022 publiés il y a quelques jours par la Drees révèlent que 7,6 % des personnes de plus de 60 ans en situation de dépendance sont à leur domicile, alors qu'elles étaient près de 10 % en 2015.
Pourtant, cette même étude montre clairement que la situation des personnes dépendantes est plus favorable lorsqu'elles restent à leur domicile, car leur espérance de vie dans ce cas est deux fois plus élevée que lorsqu'elles rejoignent un établissement.
Enfin, selon une autre étude de la Drees relative aux dépenses de santé en 2023, publiée en novembre 2024, le maintien à domicile occasionne des frais toujours élevés, avec un reste à charge compris entre 9 et 11 %. Sachant que les ménages supportent déjà 10 % du financement de la consommation de soins et de biens médicaux, ces coûts représentent une surcharge financière pour toutes les personnes concernées et pour leurs proches. Cette solution n'est donc malheureusement pas accessible à tous les ménages.
En ce qui concerne la maladie d'Alzheimer, elle a un impact considérable sur les proches de la personne malade qui, dans la mesure du possible, deviennent tous aidants. Rappelons qu'un tiers des aidants décèdent avant la personne aidée. Le maintien à domicile, bien souvent, n'est pas perçu comme une option mais comme une nécessité – quoi qu'il en coûte, pour reprendre la formule consacrée –, sans que le principal intéressé puisse d'ailleurs donner son avis.
Monsieur le ministre, pour les ménages comme pour l'État, le "quoi qu'il en coûte" n'est pas financièrement envisageable dans la durée. Quelle politique est envisagée pour consolider l'offre de soins à domicile, en particulier dans les départements les moins dotés, comme mon département de l'Oise ?
Les responsables politiques d'autrefois n'ont sans doute pas pris suffisamment en considération l'allongement de la durée de la vie et les défis de la dépendance. À nous de faire mieux que nos prédécesseurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Il nous faut renforcer et accompagner le maintien à domicile, tout en développant une offre différente dans les Ehpad, notamment s'agissant de l'accueil de jour.
Vous évoquez un sujet qui m'est cher, celui des aidants et de l'accompagnement que nous devons leur proposer. Nous avons récemment validé la pérennisation du dispositif dit de relayage, inspiré du Canada où il est appelé baluchonnage, qui permet une solution de répit innovante à domicile pour ne pas aggraver les problèmes de santé de la personne concernée. On sait en effet que la multiplication des intervenants ou le changement d'environnement peut accélérer les maladies neurodégénératives. Il était donc nécessaire de trouver une solution, même s'il ne s'agit que d'un premier pas.
Vous connaissez également le congé de proche aidant rémunéré, instauré pendant le précédent quinquennat, et les solutions de répit temporaires que nous souhaitons encourager dans les Ehpad pour soulager les familles. Une première stratégie nationale destinée à soutenir les proches aidants a été lancée fin 2019 et une deuxième est en cours depuis 2023. J'aurai l'occasion, au début du mois de décembre, de la relancer pour apporter des réponses encore plus satisfaisantes aux aidants mobilisés chaque jour auprès d'un proche.
M. le président
La parole est à Mme Marie-France LORHO.
Mme Marie-France LORHO (RN)
Il est des dépendances qu'il semble encore difficile de bien faire connaître. La trisomie 21, qui concernait 41 000 personnes en France en 2022, se caractérise par des troubles de la croissance et une déficience intellectuelle dont le degré varie d'une personne à l'autre. Notre pays voit naître chaque année 450 enfants porteurs de cette anomalie chromosomique.
Pourtant, cette affection constitutionnelle demeure assez mal prise en charge. Un récent exemple survenu dans un hôpital du Val-de-Marne le montre bien : un homme atteint de trisomie 21 a failli voir ses soins abandonnés au motif que sa perte d'autonomie ne lui aurait pas permis de supporter l'opération dont il avait besoin. Le juge des référés, saisi par le frère du patient, a heureusement estimé que "la seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible […] de perte d'autonomie la rendant tributaire d'un tel mode de suppléance des fonctions vitales ne saurait caractériser […] une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable". La méconnaissance des déficiences intellectuelles d'origine génétique aurait pu lui être fatale. À cet égard, l'absence de politique solide de prise en charge de cette affection est alarmante.
Les personnes atteintes de déficiences intellectuelles d'origine génétique sont par ailleurs 2,5 fois plus exposées à la maladie mentale que le reste de la population. Puisque la santé mentale a été déclarée grande cause nationale de l'année 2025, il semble urgent de leur accorder une attention particulière.
L'instauration d'une formation spécialisée dans la déficience intellectuelle pour les étudiants en médecine, accompagnée de stages obligatoires au sein d'établissements spécialisés, apparaît nécessaire pour que les personnes atteintes de trisomie 21 puissent être bien prises en charge. Une réelle politique doit être mise en œuvre pour améliorer la situation des personnes porteuses de trisomie 21. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Votre importante question comporte deux aspects. Le premier est la formation : il s'agit de savoir comment mieux réagir face à l'ensemble des handicaps invisibles – j'emploie cette expression car les maladies que vous évoquez ne sont pas les seules à poser un problème. La question ne se pose d'ailleurs pas seulement pour les soignants, mais pour d'autres : nous en avions débattu dans le cadre de la loi pour le plein emploi, par exemple, car nous souhaitions garantir que les porteurs d'un handicap invisible recevraient un accueil de qualité à France Travail. Toute notre société doit grandir et surmonter ses lacunes en la matière.
Le second aspect concerne l'organisation de l'offre de soins pour répondre à ces pathologies. Des outils existent, comme la charte Romain JACOB, qui vise à organiser les soins hospitaliers en fonction des déficiences relevées chez le patient. Il s'agit d'un axe de progrès important. La semaine dernière, j'ai réuni l'ensemble des directeurs généraux d'ARS pour réfléchir aux moyens d'améliorer nos performances en la matière.
M. le président
La parole est à M. Daniel LABARONNE.
M. Daniel LABARONNE (EPR)
Notre société fait face à un vieillissement démographique sans précédent, la question du financement de la dépendance s'impose donc comme une priorité incontournable. La solidarité nationale s'engage à hauteur de 30 milliards d'euros par an pour couvrir les dépenses liées à la perte d'autonomie, sans compter l'apport crucial mais souvent invisible des proches aidants, dont la valorisation pourrait atteindre jusqu'à 18 milliards d'euros. D'ici à 2050, date à laquelle la France comptera 4 millions de seniors en perte d'autonomie, comment pouvons-nous garantir à nos aînés un accompagnement digne, tout en évitant à leur famille de sombrer dans la précarité ?
Le contrat dépendance solidaire, adossé aux complémentaires santé, apparaît comme une solution innovante et équitable pour mutualiser les coûts liés aux dépendances les plus lourdes. Une cotisation obligatoire, une grille tarifaire unique et des garanties identiques pour tous tout au long de la vie permettraient de réduire significativement le reste à charge des familles.
Cette proposition que j'ai défendue lors de l'examen du PLFSS bénéficie d'un large consensus parmi les acteurs du secteur, réunis au sein du Comité consultatif du secteur financier. Elle repose sur une gouvernance collégiale impliquant les partenaires sociaux, les associations, les représentants de l'État et les professionnels. Sa gestion technique serait assurée conjointement par les assureurs et les mutuelles. Cependant, sa mise en œuvre nécessite une volonté politique forte. Monsieur le ministre, face à l'urgence, quelle appréciation portez-vous sur le contrat dépendance solidaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Nous en revenons à la question du financement, que j'évoquais tout à l'heure et qui sera centrale dans la prochaine conférence nationale de l'autonomie.
S'agissant de l'enjeu de la responsabilité individuelle, j'ai bien en tête la proposition du CCSF – je sais que vous suivez attentivement ses travaux – consistant à adosser la prise en charge de la perte d'autonomie au contrat de complémentaire santé. Elle mérite d'être examinée avec attention. Il faut toutefois garder à l'esprit que le risque santé couvre des problèmes de courte durée, alors que la perte d'autonomie est longue. Si la couverture du risque de perte d'autonomie est adossée à la complémentaire santé, il est donc probable que les personnes couvertes soient principalement des actifs qui ne connaîtront pas de perte d'autonomie dans les vingt ans à venir. Les retraités, à l'inverse, pourraient refuser le renchérissement de leur contrat de complémentaire santé. (Mme Sophie PANTEL s'exclame.) Je mentionne ce problème car nous devrons le prendre en considération dans le cadre des travaux et des négociations que nous mènerons pour trouver des sources de financement. Cette proposition sera étudiée et mise en concurrence avec d'autres.
M. le président
La parole est à M. Belkhir BELHADDAD.
M. Belkhir BELHADDAD (EPR)
Tous les groupes souscrivent à quelques constats bien connus s'agissant du vieillissement de la population, de la situation financière des établissements, de la maltraitance ou encore du développement des maladies chroniques liées à la sédentarité, qui nous coûte près de 17 milliards d'euros par an. Le coût entraîné par l'accroissement du nombre de personnes âgées est estimé à 10 milliards d'euros d'ici à 2030. À cela s'ajoutent la question majeure du financement de notre système de retraite et celle du financement du grand âge et de la dépendance.
Au cours des dernières années, plusieurs orientations ont été définies et plusieurs mesures prises. Je pense à la création de la cinquième branche, à l'affectation de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) en provenance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), soit environ 2,6 milliards d'euros, ou encore à l'assurance vieillesse des aidants. Toutefois, au fur et à mesure que le temps passe, nous nous rapprochons du mur démographique et financier qui nous fait face. Le besoin de prise en charge concerne un nombre croissant de personnes, et les coûts associés augmentent en conséquence.
J'adhère tout à fait à l'idée d'une loi-cadre sur le grand âge et l'autonomie. Cela est nécessaire pour traiter de manière globale cet enjeu majeur des décennies à venir. Elle devra comprendre plusieurs mesures de financement des dispositifs relatifs au grand âge et à l'autonomie et poser des choix clairs en la matière, qu'il s'agisse d'arbitrer le choix entre un système assurantiel et une nouvelle cotisation ou de définir une gouvernance.
J'appelle votre attention sur la nécessité de promouvoir la prévention, notamment les traitements thérapeutiques non médicamenteux. Le tout-curatif qui caractérise le système de santé français a ses limites. Le maintien à domicile et la prévention en matière de santé font d'ailleurs reculer la perte d'autonomie.
Comment résoudre cette quadrature du cercle et financer à la fois les retraites, la dépendance, l'autonomie et la prévention ? Tout est lié : nous avons besoin d'une ambition, d'une méthode et de choix clairs qui nous engagent à long terme dans la construction d'un véritable service public de la dépendance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Je connais bien votre approche en matière de prévention, et je l'encourage. Comme je le disais tout à l'heure, le volet "ménages" de l'enquête Autonomie de la Drees nous a appris que l'espérance de vie sans perte d'autonomie avait augmenté, entre 2015 et 2022, de 0,8 an pour les femmes et de 0,5 an pour les hommes, tandis que l'espérance de vie totale est globalement stable. Cela doit nous encourager à poursuivre nos politiques de prévention, car, comme vous l'expliquez, il vaut mieux anticiper qu'avoir à guérir – connaissant votre engagement sur ces sujets, je vous suis sur ce terrain.
Vous m'interrogez aussi sur les questions de financement. Je le répète, le conseil national de l'autonomie qui se tiendra en 2025 aura à se pencher sur les différentes options possibles. Je tiens beaucoup à associer les parlementaires à ses travaux.
La transformation de l'offre constitue également un enjeu, à commencer par le virage domiciliaire. La plupart des personnes interrogées disent vouloir rester chez elles, mais tous les logements ne sont pas adaptés à des soins à domicile. Nous devons donc continuer à travailler avec le ministère du logement – je parlais par exemple tout à l'heure de MaPrimeAdapt'.
Enfin, il faut transformer l'offre des Ehpad. Je souhaite qu'ils deviennent non seulement des lieux où on vieillit bien, mais aussi des lieux où on vit bien. Il est donc nécessaire de diversifier l'offre pour qu'elle prenne en compte différentes situations, voire qu'elle inclue différents financements ; à l'approche en silos, je préfère une approche horizontale qui permet de cumuler des crédits liés au répit à d'autres dédiés aux Ehpad ou encore aux personnes en situation de handicap vieillissantes. Je souhaite enfin que des crèches ou des écoles soient parfois adossées aux Ehpad.
L'idée, comme le disait Mme LE HÉNANFF, est de privilégier une approche "de territoire" et de favoriser, par l'aménagement du lieu de vie, le lien intergénérationnel qui contribue d'ailleurs à retarder la dégénérescence causée par certaines pathologies. C'est le modèle dans lequel je crois et que je compte encourager.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel FERNANDES.
M. Emmanuel FERNANDES (LFI-NFP)
La perte d'autonomie est une question de solidarité républicaine. Plusieurs millions de personnes déclarent rencontrer des difficultés importantes dans leurs activités quotidiennes. Chacune et chacun a droit à des conditions de vieillesse dignes ; c'est un enjeu de civilisation et d'humanité.
Il faut sortir du modèle de maltraitance institutionnelle de nos aînés et des travailleurs qui s'occupent d'eux, en grande majorité des femmes. Nous devons construire un service public de la dépendance pour aider les seniors à rester à domicile. Des milliers d'emplois – 210 000 au minimum, rien que pour un réseau public de maisons de retraite aux tarifs harmonisés et accessibles – doivent être créés. Les salaires, le statut et les conditions de travail doivent être revalorisés. Les conditions de travail doivent respecter les protocoles de soins et les protocoles sanitaires. Dans la sixième puissance économique mondiale, comment accepter que des personnels soignants soient conduits à maltraiter nos aînés ?
La création d'une cinquième branche fantôme de la sécurité sociale n'a pas permis l'émergence ou la reconnaissance de nouveaux droits, car il s'agit en réalité d'une coquille vide. En effet, sans moyens financiers supplémentaires alloués, cette nouvelle branche est financée non plus par les cotisations sociales, mais par l'impôt, ce qui participe d'une remise en cause pure et simple de ce qui fonde la sécurité sociale.
Nous devons être à la hauteur de l'enjeu. Quand nous gouvernerons, nous déploierons une politique permettant la création de 10 000 places par an en Ehpad public et nous revaloriserons les métiers et les revenus de l'ensemble des professionnels du grand âge à domicile comme en institution en refondant les grilles de rémunération et de qualification.
Monsieur le ministre, la situation doit changer pour les personnes en perte d'autonomie. Quand permettrez-vous que nos aînés soient considérés autrement que comme une source de bénéfices mirobolants pour des groupes privés sans scrupule propriétaires d'Ehpad, comme Orpea ou Korian ? Quand déploierez-vous une politique ambitieuse, enfin respectueuse des droits humains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Nous sommes déjà en train de faire ce que vous appelez de vos vœux. Vous parlez d'une "branche fantôme" et d'une "coquille vide" ; excusez-moi du peu, mais une coquille vide à 42,5 milliards d'euros, c'est une grosse coquille vide ! Nous avons ajouté 2,4 milliards cette année au titre du 0,15 point de CSG qui a été transféré de la Cades vers la branche autonomie par la loi de 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie. Entre 2019 et 2025, la branche a grossi de 14 milliards, dont 4 milliards de revalorisation historique des salaires.
Vous pointez du doigt, en quelque sorte, tout l'écosystème, en mettant en accusation les parties prenantes. N'oublions pas que vous évoquez là ceux qui œuvrent à proximité – vous avez presque parlé de maltraitance –, mais aussi les départements, les collectivités et la CNSA où je peux vous dire que beaucoup d'agents sont investis et s'associent à nous pour élaborer une politique cohérente.
Puisque vous m'y invitez, je parlerai du service public départemental de l'autonomie créé par la loi du 8 avril 2024 sur le bien vieillir et qui s'inscrit pleinement dans la coconstruction des politiques sociales entre l'État et les départements, voulue par le premier ministre – j'ai compris que c'est ce que vous appeliez de vos vœux aussi. Il permettra d'apporter des réponses mieux coordonnées aux besoins des personnes âgées, notamment à ceux du 1,3 million de bénéficiaires de l'APA, à ceux des personnes en situation de handicap, les 6 millions de personnes qui ont un droit ouvert à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), et à ceux de leurs aidants, estimés à 9 millions de personnes. L'année prochaine sera donc une année charnière pour passer de la préfiguration dans dix-huit départements en 2024 à la généralisation sur l'ensemble du territoire en 2025. Je sais pouvoir compter sur vous pour relayer cette politique et ses effets.
M. le président
La parole est à Mme Sophie PANTEL.
Mme Sophie PANTEL (SOC)
La France vieillit ; l'espérance de vie s'allonge. Le corollaire, c'est la perte d'autonomie, la dépendance. Comme cela a été dit, elle constitue un défi majeur pour notre société. Nous avons besoin d'une vraie grande loi pour le grand âge. Monsieur le ministre, vous n'avez pas totalement répondu lorsque vous avez réaffirmé votre volonté de nous la présenter.
Dis-moi comment tu traites tes anciens et je te dirai dans quelle société tu vis. Il y a urgence à agir.
Je veux vous interroger sur le maintien à domicile et sur la fusion des Ssiad et des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) au sein des SAD. Cette fusion répond à la volonté d'instaurer un seul interlocuteur ; cela partait donc d'une bonne intention, mais sa réalisation pose un certain nombre de difficultés dans les territoires, étant donné le périmètre des associations déjà présentes. Nous constatons en effet que, dès lors qu'il faut proposer les services d'un Saad pour pouvoir maintenir un Ssiad et devenir un Spasad, cette fusion déséquilibre totalement l'offre sur les territoires, en particulier dans les zones rurales ou de montagne, car les structures recherchent un équilibre financier.
Je demande que vous interveniez auprès des ARS pour assouplir les modalités : il faut accepter qu'il puisse y avoir des accords de coopération et pas forcément une fusion entre les services.
De manière plus large, je souhaite vous alerter sur la comitologie française. De nouveaux dispositifs sont sans cesse créés, tels que les dispositifs d'appui à la coordination (DAC) ou les communautés 360, qui obligent à chaque fois à une nouvelle gouvernance. Il est difficile de suivre ces évolutions. Je crois possible de simplifier l'organisation de ces dispositifs pour l'ensemble des territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Je n'ai pas éludé la question, mais j'ai parlé de la stratégie. J'ai présenté également l'ensemble des dispositions que nous avons déjà déployées, dont beaucoup sont inscrites dans la loi "bien vieillir" qui a été votée et dont j'assure l'application. Il est important de montrer que le gouvernement est au rendez-vous et déploie effectivement les dispositifs prévus dans cette loi. J'ai également évoqué la trajectoire financière que nous avons amorcée en lien avec les départements et la CNSA, notamment la réforme des fonds de concours, qui permettra de mieux asseoir le cofinancement dédié à l'APA et ensuite à la prestation de compensation du handicap (PCH).
Depuis le 1er janvier 2023, la fusion des services de soins infirmiers à domicile et des services polyvalents d'aide et de soins à domicile progresse. Je rappelle que la réforme vise à passer d'un financement global par place à un modèle basé sur les besoins des usagers, autrement dit sur leur niveau d'autonomie, afin de favoriser une meilleure prise en charge des cas complexes. Elle s'accompagne d'une revalorisation importante de l'enveloppe globale, de 229 millions d'euros.
La réforme sera entièrement appliquée en 2027, avec une période transitoire de convergence, de 2023 à 2027. Au surplus, les Ssiad, qui auraient pu voir diminuer leurs ressources du fait de la réforme, ont eu l'assurance de voir maintenu leur niveau de dotation en 2023 et 2024 pendant la durée d'ajustement liée à la fusion.
La réforme repose sur des conventions signées pour cinq ans. À ce stade, aucun Saad ou Ssiad n'a fait remonter de difficultés. Je vous saurai donc gré de me faire connaître les situations dans lesquelles ils en rencontrent. Nous étions en réunion avec les directeurs généraux des ARS la semaine dernière pour prêter une attention particulière à l'accompagnement de ces structures. L'objectif, comme vous l'avez dit, est que l'usager puisse pousser une porte d'entrée unique ; ainsi, il sera plus simple pour lui de s'y retrouver.
Notre politique tend donc à simplifier l'organisation, pour qu'à partir d'une porte d'entrée, on puisse accéder à des soins infirmiers ou à des soins à domicile sans accroître la complexité administrative.
M. le président
La parole est à M. Pierrick COURBON.
M. Pierrick COURBON (SOC)
Je souhaite revenir sur le sujet des aidants familiaux. Cela a été évoqué, en France, une personne sur cinq, soit près de 11 millions de personnes au total, accompagne un proche malade ou en situation de dépendance en raison de l'avancée en âge ou du handicap. Ces personnes présentent des profils très divers : retraités, personnes actives, parents, époux, épouses, membres de la famille ou de l'entourage. Beaucoup d'entre eux ne se considèrent pas elles-mêmes comme des aidants, car elles sont motivées avant tout par des considérations relationnelles ou affectives. Si spontanée et sincère soit-elle, cette manifestation de solidarité peut avoir des conséquences importantes sur leur vie : les aidants peuvent eux-mêmes devenir de plus en plus vulnérables au fil du temps, du fait de l'accumulation de fatigue physique ou psychologique, du manque de temps, de la difficulté à concilier le rôle d'aidant avec la vie personnelle, familiale ou professionnelle. Cela a été dit, un tiers des aidants meurt malheureusement avant le proche aidé.
Dans cette situation, le rôle des pouvoirs publics est d'intervenir pour les soulager et parfois de prendre le relais, lorsque c'est nécessaire. Loin de moi l'idée de dire que rien n'existe ou que rien n'a été fait. Au contraire, je note des évolutions pour prendre en considération la vulnérabilité des aidants, je pense en particulier à la revalorisation depuis janvier 2024 de l'allocation journalière de proche aidant.
Des initiatives locales sont menées par des collectivités, des établissements ou des associations pour développer des actions à destination des familles, cependant les disparités sont trop nombreuses, car les initiatives sont inégalement réparties sur les territoires. Il y a des avancées, mais il reste absolument nécessaire de faire progresser les droits et le soutien dû aux aidants au-delà de l'amélioration de leur reconnaissance institutionnelle et sociétale.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué des annonces que vous ferez d'ici à quelques semaines. Pourriez-vous nous en dévoiler les grandes lignes ? Vous l'aurez compris, pour nous, une loi spécifiquement consacrée aux aidants est devenue indispensable. Nous présenterons des initiatives dans quelques semaines, en espérant trouver des consensus transpartisans sur ce sujet qui doit pouvoir nous rassembler. (M. Jacques Oberti applaudit.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Je vous remercie de revenir sur le sujet des proches aidants, pour lequel j'ai œuvré pendant sept ans dans cette belle assemblée afin de faire progresser le droit. Vous avez souligné certaines innovations. Je rappelle simplement que la première stratégie nationale, de 2020 à 2022, a eu le mérite d'inaugurer ce processus ; il a en effet fallu attendre 2020 pour que nous ayons une stratégie nationale. La deuxième, pour 2023 à 2027, est en cours de déploiement.
Vous rappelez qu'initialement, le congé proche aidant concernait plutôt sur les GIR 1 à 3, les groupes iso-ressources 1 à 3 ; il comportait une rémunération autour du Smic et il était versé en une seule fois pour 66 jours. Nous l'avons fait évoluer depuis : nous avons embarqué également les GIR 4, car nous nous sommes rendu compte que c'était à ce niveau qu'il y avait en réalité le plus d'aidance et le moins d'accompagnement. Pour moi, nous devons travailler à nouveau sur les droits rechargeables, car les personnes appartenant à nos générations auront à être plusieurs fois aidants au cours de leur vie. Nous ne pouvons donc pas limiter la possibilité de prendre ce congé en ne l'accordant qu'une seule fois. Il faut le faire évoluer pour qu'il soit possible d'accompagner plusieurs personnes, en régénérant les droits. C'est un axe de travail que je voudrais associer à la revalorisation que vous avez soulignée.
La question du répit des proches aidants m'est chère. Vous savez que nous avons défendu une proposition de loi qui a abouti au Sénat en novembre. La pérennisation du dispositif dit de relayage à domicile, permet de bénéficier à domicile, jusqu'à six jours consécutifs, du soutien d'un soignant qui vient se substituer à l'aidant. Non seulement ce dispositif permet à l'aidant de bénéficier d'un répit, mais il protège également la personne souffrant d'une maladie dégénérative, car rien ne serait plus perturbant pour elle que de voir se succéder des soignants différents ou de devoir changer de lieu ; c'est suffisamment documenté pour que nous évitions de tels changements. Nous proposerons également des évolutions sur l'offre pour les vacances répit famille, en soutenant le déploiement de dispositifs et de structures sur le territoire de façon à apporter des éléments de réponses complémentaires.
Je crois que mon temps est écoulé ; cependant ce sujet mériterait qu'on en parle longuement. Je suis à votre disposition pour poursuivre cette discussion.
M. le président
La parole est à Mme Sylvie BONNET.
Mme Sylvie BONNET (DR)
La situation des aidants d'enfants handicapés est complexe et souvent méconnue, alors qu'ils ont un rôle essentiel au quotidien, difficile à déléguer. L'enfant dépendant a besoin d'une attention accrue, tandis que les éventuels autres enfants de la fratrie ont besoin de stabilité et de la disponibilité de leurs parents.
M. Philippe GOSSELIN
Oui !
Mme Sylvie BONNET
Ces derniers doivent assumer une multitude de rôles : parents, mais aussi soignants, taxis, accompagnateurs, experts administratifs, instituteurs. Ces parents aidants font face à une charge émotionnelle intense liée à l'inquiétude pour l'avenir de leurs enfants, à la fatigue et au stress. Les soins apportés à l'enfant sont souvent chronophages et physiquement éprouvants, notamment pour les soins quotidiens en cas de handicap moteur, lorsque l'enfant grandit.
Les parents sont ainsi particulièrement exposés au risque de dépression, de burn-out, et à des problèmes de santé physique, car le répit n'est pas suffisant, faute de structures adaptées. Ceux que je rencontre régulièrement dans ma circonscription me disent aussi souffrir d'isolement car leurs proches et leurs amis ont parfois du mal à comprendre leur situation.
Par ailleurs, les traitements médicaux peuvent être coûteux et nécessiter des adaptations de l'environnement familial alors que, en parallèle, les revenus des aidants sont souvent affectés par l'arrêt ou la réduction de leur activité professionnelle.
Monsieur le ministre, les proches aidants ont souvent besoin d'être mieux soutenus au quotidien et d'être mieux informés sur les droits de leurs enfants, les aides financières qui existent et les services disponibles. Que pouvez-vous répondre aux parents épuisés et inquiets pour l'avenir de leurs enfants dépendants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Merci de revenir sur la situation des parents aidants d'enfants en situation de handicap. Je ne reviendrai pas sur les évolutions que j'ai évoquées précédemment, concernant le répit ou l'accompagnement. Vous soulignez ce que pourront apporter les services publics départementaux de l'autonomie (SPDA), qui permettra d'avoir une porte d'entrée unique.
Vous savez combien il est difficile de se reconnaître comme un aidant. Nous avons encore des progrès à faire pour que chacune et chacun – ce sont souvent des femmes qui constituent une famille monoparentale avec un enfant en situation de handicap – puisse se reconnaître comme aidant et se tourner vers cette porte d'entrée que nous voudrions unique pour avoir accès à toutes les mesures d'accompagnement.
Vous suggérez également que nous devons proposer une évolution de l'accompagnement financier. Vous savez qu'outre l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), des compléments sont proposés, parfois pour compenser des charges financières liées à des médicaments ou à des équipements spécifiques, ou pour compenser le besoin de rester en permanence auprès de l'enfant. Nous menons un travail sur cette question, car nous observons actuellement des disparités territoriales et même une forme d'iniquité : selon les départements, l'accompagnement est plus ou moins important, il est plus ou moins facile d'obtenir le complément au niveau 5 ou 6 – le 6 étant le plus important – pour accompagner les personnes qui se dévouent auprès de leurs enfants au quotidien. Je porterai donc une attention particulière à cette question, qui figure dans notre feuille de route et dans notre stratégie pour les aidants.
M. le président
La parole est à M. Nicolas BONNET.
M. Nicolas BONNET (EcoS)
Je souhaite vous interpeller sur la situation d'un Ehpad de ma circonscription. Sans citer son nom, je peux vous dire qu'il s'agit de l'un des deux Ehpad les plus chers du département – on est donc en droit d'en attendre une grande qualité de soins.
Il y a quelques années, le grand groupe qui avait fondé cet Ehpad a été racheté par un fonds de pension américain. Depuis plus d'un an, on constate une très forte dégradation des conditions de vie des résidents et des conditions de travail des personnels. Hasard ou non, il y a là une certaine coïncidence avec le rachat et la probable recherche d'optimisation.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Des démissions en chaîne ont été observées au sein de la direction et des personnels – médecins, psychologues et aides-soignants –, entraînant un manque de personnel, de nombreux recours à des contrats précaires et à des personnes non formées, et, finalement, une forte dégradation des conditions de vie des résidents. Il y a notamment des problèmes d'hygiène corporelle : les résidents peuvent attendre plus d'une heure pour être changés ; ils ne sont douchés qu'une fois par semaine et on ne leur brosse jamais les dents – des proches s'en sont aperçus en faisant des tests, comme coller du scotch sur du dentifrice pour découvrir qu'il n'avait pas été ouvert deux semaines plus tard. Des signes de brutalité ont également été constatés, de même que l'absence des personnes âgées à leurs rendez-vous médicaux.
On peut juger de la qualité de notre société à la façon dont elle traite ses aînés. Quels moyens mettez-vous à la disposition des citoyens, afin qu'ils puissent dénoncer ces situations quand elles se produisent ? De quels moyens disposez-vous pour contrôler tous les établissements privés, qui ont un objectif de rentabilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Je vous remercie de pointer du doigt ce sujet très sensible. D'ici à la fin de l'année, nous achèverons le contrôle des 7 500 établissements dits Ehpad présents sur le territoire national. Je me suis engagé à en communiquer les résultats dès qu'ils seront connus et j'ai demandé au directeur général de l'ARS de les publier au niveau régional, afin que le grand public puisse s'en saisir. Ces résultats apporteront des éléments de réponse positifs pour ceux qui travaillent correctement et qui s'investissent auprès des plus fragiles, et ils permettront peut-être de pointer du doigt les établissements où on rencontre la maltraitance que vous dénoncez.
Je rappelle que la politique de lutte contre la maltraitance est un impératif que nous souhaitons ériger en priorité nationale. Ma feuille de route et mon discours de prise de fonctions étaient clairs sur la question.
Les résultats de l'enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), réalisée fin 2022, ont révélé que, dans un contexte de tensions multiples, le risque de maltraitance était la deuxième source d'inquiétude des Français, après les maladies graves. Cela renforce donc le poids de votre question.
Dans la continuité des états généraux de la lutte contre les maltraitances de 2023, je souhaite instaurer une politique globale, durable, concrète et transparente, qui s'appuie sur l'association et l'engagement de toutes les parties prenantes.
J'ajoute que la culture de la bientraitance passe aussi par celles et ceux qui sont au contact direct des personnes : ce sont les professionnels de l'accompagnement qui peuvent transformer les espaces d'accueil en des lieux bientraitants. Ils ont donc besoin de soutien, de formation et d'une vraie reconnaissance de leur travail.
Nos travaux viseront à faciliter la remontée d'informations, car les contrôles ciblés doivent être plus réguliers et efficaces, afin d'éviter la situation que vous évoquez. Je vous invite à me communiquer les informations manifestement très précises dont vous disposez pour que nous puissions examiner de plus près la situation que vous dénoncez. Je m'engage en tout cas à le faire.
M. le président
La parole est à M. David GUERIN.
M. David GUERIN (HOR)
Votée au printemps dernier, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France a instauré un service public départemental de l'autonomie. Cette mesure de bon sens était attendue, car elle devrait permettre un pilotage cohérent de la prise en charge de la perte d'autonomie, à l'échelle des départements : ce service public orientera les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, ainsi que leurs proches, tout en s'assurant du suivi des dossiers par les services compétents.
En mai dernier, la ministre en charge des personnes âgées et des personnes handicapées a réuni les rapporteurs de la loi, les départements, les agences régionales de santé, les associations, les administrations et les membres du comité de suivi et d'orientation du service public départemental de l'autonomie, afin de lancer officiellement ce dernier dans dix-huit départements préfigurateurs – parmi lesquels figure la Seine-Maritime, mon département.
Le SPDA vise à apporter des solutions concrètes aux personnes âgées, mais aussi aux personnes en situation de handicap et à leurs aidants, en leur évitant d'être confrontés, comme c'est trop souvent le cas, à un parcours du combattant.
Soutenue par l'association des départements français et l'État, cette préfiguration a pour objectif de déployer ce nouveau service en s'inspirant des bonnes pratiques sur le terrain. Elle permettra d'élaborer un cahier des charges éprouvé, qui s'appliquera à tous les départements en 2025. Placé sous la direction des départements, en lien étroit avec les agences régionales de santé, le SPDA ne sera pas une instance supplémentaire : il fédérera l'ensemble des acteurs de proximité, afin que chacun bénéficie d'une réponse rapide et efficace, quel que soit son point d'entrée – France Services, MDPH, CCAS ou caisse de sécurité sociale.
En matière d'accueil, d'information et d'orientation, il répondra ainsi aux besoins des personnes âgées ou handicapées et de leurs aidants. Il se concrétisera par une évaluation plus rapide des droits, un appui aux personnes concernées et un meilleur repérage en amont. Afin de réussir ces missions et d'avoir une capacité d'action dans tous les domaines, il devra également travailler de concert avec le secteur sanitaire, social et médico-social, mais aussi avec les professionnels de l'éducation nationale, de l'emploi et du logement.
Pouvez-vous nous indiquer où en est la création de ce service dans les départements sélectionnés et quel sera le calendrier de son extension à tous les départements ?
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Prévu dans la loi "bien vieillir" d'avril 2024, le service public départemental de l'autonomie s'inscrit pleinement dans la coconstruction des politiques sociales entre l'État et les départements – M. le premier ministre l'a rappelé lors des dernières assises de Départements de France.
Il apportera des réponses mieux coordonnées aux besoins des personnes âgées – notamment 1,3 million de bénéficiaires de l'APA – et des personnes en situation de handicap – 6 millions de personnes ont au moins un droit ouvert à la MDPH –, ainsi que de leurs aidants, dont le nombre est estimé à 9 millions.
En 2025, année charnière, nous passerons de la préfiguration dans dix-huit départements à la généralisation sur l'ensemble du territoire. Ainsi, tous les départements devront entrer dans cette démarche – vous l'avez rappelé, cela passera par l'instauration d'une conférence territoriale de l'autonomie.
L'année de préfiguration du SPDA a nourri le cahier des charges, qui est à la fois un véritable socle des attendus des usagers et un point de référence pour les professionnels. Il est en cours de finalisation et devrait être achevé à la fin de l'année.
En effet, la loi a prévu un décret d'application, auquel les administrations travaillent, en lien avec l'ensemble des acteurs impliqués. Le 19 décembre, je réunirai les acteurs préfigurateurs et les porteurs nationaux du SPDA ; nous partirons des avancées et des initiatives issues des préfigurations pour annoncer sa généralisation, en précisant le calendrier, les outils et la méthode qui faciliteront son animation et son déploiement. La CNSA poursuivra son rôle d'accompagnement des départements.
M. le président
La parole est à M. Stéphane VIRY.
M. Stéphane VIRY (LIOT)
Permettez-moi d'évoquer les métiers si importants du soin : garantissant la solidarité nécessaire à une prise en charge digne et humaine de la dépendance, ils sont au cœur de notre pacte républicain.
Pourtant, ces métiers – je pense aux infirmiers et aux aides-soignants –, connaissent une véritable crise des vocations, entraînant une difficulté à trouver des ressources humaines.
En septembre 2022, le président de la république a annoncé le recrutement de 50 000 – je dis bien 50 000 – infirmiers et aides-soignants supplémentaires d'ici à 2026. Même si vous n'êtes pas comptable de cette déclaration, pouvez-vous nous dire où nous en sommes concrètement et combien de postes ont été créés depuis deux ans ?
Au-delà du défi des effectifs, je voudrais aussi vous interroger sur le virage domiciliaire, aspiration légitime de la plupart de nos aînés, qui implique la nécessaire transformation de notre modèle de soins. Je peine encore à comprendre la feuille de route claire que vous souhaitez défendre.
Ensuite, je souhaite revenir sur le vieillissement accéléré de notre population. D'ici à 2060, le nombre de personnes âgées en situation de perte d'autonomie devrait doubler et atteindre 2,6 millions. Comment faire évoluer nos Ehpad, puisque ce modèle paraît quelque peu obéré ? Alors que les résidents sont de plus en plus dépendants, les conventions tripartites de financement ne reflètent plus les réalités du terrain et le modèle économique de nos Ehpad. Comment l'État peut-il accompagner la mutation de ces établissements, notamment pour garantir un accompagnement humain à la hauteur des besoins ?
Enfin, nous saluons le dépôt de la loi "infirmières-infirmiers", qui suscite de grands espoirs au sein de cette profession. Quand sera-t-elle à l'ordre du jour ? Et qu'envisagez-vous pour revaloriser le métier d'aide-soignant, tout aussi indispensable dans cette dynamique du maintien à domicile ?
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Vous m'avez posé de nombreuses questions, dont certaines relèvent du champ sanitaire – vous m'excuserez donc de mon imprécision. S'agissant du recrutement des 50 000 emplois supplémentaires dans les Ehpad, la trajectoire est de 4 000 équivalents temps plein (ETP) en 2023, 6 000 ETP en 2024 et 6 500 ETP en 2025. Il est vrai qu'il ne suffit pas d'annoncer ces emplois pour qu'ils soient pourvus. C'est pourquoi une campagne de communication a été lancée en novembre sur les métiers du soin et du secteur médico-social, afin de susciter des vocations, de conforter celles qui existent et, parfois, d'accompagner les reconversions.
La semaine dernière, j'ai assisté à une remise de diplôme à des salariés de commerce qui avaient dû fermer et qui s'étaient reconvertis dans les métiers d'aide-soignant.
Concernant le modèle des Ehpad et son financement, la fusion des sections sanitaire et médico-sociale redonnera de l'air aux départements, ainsi que davantage de visibilité et de compréhension, car la participation de trois financeurs était difficile à saisir – il n'y en aura plus que deux demain. La caisse de sécurité sociale injectera 200 millions d'euros dans les Ehpad des vingt-trois départements qui ont accepté de s'inscrire dans cette préfiguration.
Cela ne s'arrêtera pas là, puisque j'encourage à une mutation des Ehpad en fonction des besoins identifiés par les territoires, afin qu'ils se transforment non seulement en des lieux où l'on va bien vieillir, mais aussi en des lieux où l'on va bien vivre – je pense notamment au renforcement du lien intergénérationnel qui nous est cher. En adoptant une approche territoriale, nous serons capables de construire des solutions et d'additionner des financements différents – pour le handicap, l'autonomie ou d'autres besoins.
M. le président
La parole est à M. Édouard BÉNARD.
M. Édouard BÉNARD (GDR)
Il est tard, mais permettez-moi de mentionner une question omise lors du débat : la semaine dernière, les sénateurs ont adopté un amendement au PLFSS qui prévoyait l'augmentation de sept heures de la durée annuelle du travail, sans compensation salariale. La journée dite de solidarité serait renommée contribution de solidarité par le travail, et on passerait donc d'une à deux journées.
Soyons sérieux : cette proposition repose sur l'indécent postulat, selon lequel les salariés français, ceux-là mêmes qui font tourner le pays, ne travaillent pas assez. Désormais, ils travailleraient donc gratuitement, non plus une, mais deux journées par an.
Renommer la journée de solidarité pour parler de "contribution de solidarité par le travail" n'est pas anodin. Les termes "journée de solidarité" signifiaient que nous avions affaire à une exception clairement délimitée, alors que "contribution de solidarité par le travail" laisse entendre, comme tout type de contribution, qu'elle peut être convoquée à tout moment, donc étendue et généralisée. En outre, elle entérine une grave confusion : la contribution de solidarité par le travail existe déjà, c'est la cotis' – le salaire versé en contrepartie du travail fourni est socialisé, c'est-à-dire qu'il participe, de manière différée, à la solidarité de la sécurité sociale.
Ainsi, c'est le sens même du travail et du salaire socialisé qui lui est attaché qui serait détruit.
S'il y a consensus au sujet de la nécessité de dégager des ressources supplémentaires, d'autres solutions existent : refonte des exonérations de cotisations sociales, révision de la dette covid – la dette publique due à la pandémie –, mise à contribution des très hauts revenus, des retraites chapeaux, et j'en passe. L'heure n'est plus aux recettes par à-coups : touchant la prise en charge de la dépendance, il devient urgent qu'une politique publique, concrétisée par une loi de programmation pluriannuelle, permette l'allocation à la sécurité sociale de moyens justes et pérennes.
Le 20 novembre, au Sénat, Laurent SAINT-MARTIN a émis au nom du gouvernement un avis défavorable portant sur la forme, mais non sur le fond, à l'amendement n° 125, visant à instaurer la contribution de solidarité par le travail. La dépendance appelle davantage qu'un jugement budgétaire : une vision à long terme de la société. C'est pourquoi je souhaiterais votre avis au sujet de cette contribution et de ce qui la sous-tend.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Il ne vous aura pas échappé, puisque vous y avez fait référence, que ces sept heures de plus consacrées à la solidarité sont issues d'une initiative parlementaire, en l'occurrence un amendement sénatorial. Une telle disposition ne figurait en aucun cas dans le texte du PLFSS pour 2025 initialement déposé par le gouvernement.
Le premier ministre a été assez clair à ce sujet en rappelant qu'il tenait au dialogue social et que, si cette question devait être abordée, cela passerait d'abord par le dialogue avec les partenaires sociaux. Je ne sais pas si cela vous rassure mais, en tout cas, l'examen du PLFSS par le Parlement se poursuit et une commission mixte paritaire se réunira demain. Faute de pouvoir présumer de sa décision, je répète que cette mesure, qui figure désormais dans le texte adopté par le Sénat, ne se trouvait pas dans le texte déposé par le gouvernement, et que le premier ministre n'y est pas favorable.
M. le président
Nous en venons à la dernière question de cette première séance "carte blanche" de nos semaines de contrôle.
La parole est à Mme Véronique BESSE.
Mme Véronique BESSE (NI)
Avant toute chose, je souhaite remercier le groupe UDR, qui a eu l'excellente idée de faire inscrire à l'ordre du jour ce sujet de la dépendance, grand absent des politiques publiques – la preuve en est que le premier ministre ne l'a pas évoqué lors de sa déclaration de politique générale.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : le gouvernement a-t-il réellement la volonté de s'occuper de nos anciens ? J'en doute. Dans les prochaines années, c'est un véritable défi démographique qu'il nous faudra relever : avec des millions de personnes en perte d'autonomie, nous nous trouverons face au mur de la dépendance. Que ce soit pour les intéressés, pour les familles ou pour le personnel soignant, la situation n'est plus tenable. Comment accepter que nos Ehpad soient en si mauvaise santé financière, avec toutes les répercussions que cela suppose ? Comment accepter les déserts médicaux, les difficultés d'accès aux soins, les départs massifs de soignants physiquement et moralement cassés, le désespoir des proches laissés seuls face à la vieillesse et à la grande dépendance ? Surtout, comment accepter l'isolement aussi bien matériel que social de nos anciens qui meurent en silence ?
La promesse, faite par Emmanuel MACRON, d'un texte consacré au grand âge n'a débouché que sur une petite loi de circonstance, sans envergure, sans vision, sans moyens. Les solutions sont pourtant connues, les études ne manquent pas : ce qui fait défaut, je le répète, c'est la volonté politique. Il s'agit de respecter nos anciens, qui ont besoin d'être accompagnés dignement, et de respecter aussi ceux qui les entourent. Et il ne s'agit pas d'un "sentiment d'abandon" : ces millions de personnes sont réellement abandonnées et ignorées. Monsieur le ministre, que leur dites-vous ?
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Paul CHRISTOPHE, ministre
Lors de sa déclaration de politique générale, en parlant de mon ministère, le premier ministre a évoqué la fraternité : celle-ci s'exprime dans toutes les dimensions de ma charge, y compris l'autonomie, qui inclut le grand âge et le handicap. Par ailleurs, vous ne serez pas étonnée que je n'aie pas la même appréciation que vous de la loi "bien vieillir", que je m'emploie en quelque sorte à traduire au sein du PLFSS, mais aussi en coconstruisant avec les départements des solutions adaptées à la capacité qu'a chacun de vieillir à domicile – j'évoquais tout à l'heure la composante interministérielle de cette question, qui fait par exemple intervenir Valérie LÉTARD au titre de l'adaptation des logements. Nous travaillons également à la transformation de l'offre concernant les maisons de l'autonomie et les Ehpad, dont je tiens particulièrement à ce qu'ils soient des lieux où bien vivre plutôt que bien vieillir, cette dernière logique risquant d'entraîner une forme d'exclusion de la société, de la ville – ce qui est trop souvent le cas aujourd'hui.
Il s'agit d'en faire des établissements en mesure de répondre aux besoins identifiés dans les territoires et que nous transformerons, grâce aux crédits disponibles, en fonction des politiques à notre main : je pense entre autres au droit au répit, à l'accueil d'étudiants ou encore de crèches. Nous pourrions ainsi à la fois repenser l'accueil des personnes âgées et vieillissantes et créer des liens entre les générations ; les initiatives en ce sens, qui ne manquent pas, ont prouvé leur efficacité. Vous l'avez dit, nous traitons là d'une politique de société : c'est ce qui me motive.
M. le président
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 28 novembre 2024