Déclaration de Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation, sur la prise en compte du retrait-gonflement des sols argileux, à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2024.

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Circonstance : Débat sur le rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) relatif à l'évaluation de la prise en compte du retrait-gonflement des argiles

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle la suite du débat sur le rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) relatif à l'évaluation de la prise en compte du retrait-gonflement des argiles.
Cet après-midi, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la consommation, pour leur répondre.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation
Derrière un intitulé un peu technique, puisque nous débattons de l'évaluation de la prise en charge du retrait-gonflement des argiles (RGA), nous parlons d'un sujet qui concerne des millions de Français et qui peut affecter parfois très lourdement leur vie quotidienne. Les orateurs qui m'ont précédée ont fait état de certaines rencontres sur le sujet qui les ont marqués. L'une me revient à mon tour en mémoire, il y a deux ans, en Loire-Atlantique, un territoire pourtant faiblement exposé au RGA. Toutefois, la sécheresse exceptionnelle de 2022 y a conduit des habitants à se trouver démunis devant les procédures ou les frais à engager, alors que certains avaient encore, ainsi que cela a été évoqué cet après-midi, à rembourser le prêt immobilier contracté pour acheter leur maison. C'est pour eux que nous nous devons, collectivement, de traiter ce sujet du RGA avec toute l'importance qu'il mérite.

Je commencerai par remercier les députées Marsaud et Rousseau, ainsi que tous les orateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale. Les chiffres sont impressionnants, puisque près de la moitié des maisons individuelles en France sont potentiellement concernées par les RGA et puisque les sommes en jeu sont très importantes. Pour mémoire, l'indemnisation de la sécheresse de 2022 s'est élevée à près de 3 milliards d'euros. Au-delà de ces épisodes exceptionnels, il ne faut pas oublier les dommages de moindre ampleur. Environ 55% des sinistres liés au RGA portent sur des indemnisations inférieures à 5 000 euros – une somme qui reste néanmoins lourde pour nombre de ménages français.

Il convient de rappeler qu'en France, nous avons la chance d'avoir un mécanisme, unique en Europe, qui permet la prise en charge des phénomènes de RGA par le biais du régime des catastrophes naturelles. Ce régime fait intervenir l'assuré lui-même, à travers la surprime obligatoire de son assurance habitation, l'assureur, qui reverse une partie de la surprime à la Caisse centrale de réassurance (CCR), laquelle prend en charge une partie des remboursements de l'assureur à son assuré tout en bénéficiant d'une garantie illimitée de l'État. En plus de quarante ans d'existence du régime des catastrophes naturelles, créé en 1982, cette garantie n'a été activée qu'une seule fois, après les tempêtes de 1999. Le RGA a été ajouté au régime des catastrophes naturelles dès 1989. Nous avons donc un régime bien installé, qui a démontré son efficacité mais qui nécessite certaines évolutions pour mieux prendre en compte les sécheresses.

En effet, nous arrivons à un point de basculement. En premier lieu, le coût moyen annuel des phénomènes de sécheresse a doublé par rapport à 2016 pour désormais dépasser le milliard d'euros. Par ailleurs, pendant longtemps, les sécheresses ne représentaient que 40% des phénomènes reconnus comme catastrophes naturelles. Aujourd'hui, c'est plus de 50%. Le dernier chiffre accréditant l'idée que nous vivons un basculement est une prévision de la CCR, laquelle estime que la sinistralité moyenne annuelle liée au RGA pourrait augmenter de plus de 40% d'ici à 2050.

Après ces rappels, je tiens à exprimer la volonté du gouvernement de maintenir un régime d'indemnisation à la fois fiable, protecteur et capable d'évoluer en fonction des insuffisances constatées. À ce titre, je me réjouis que plusieurs textes importants soient venus étayer les solutions présentées dans le rapport dont nous débattons, publié en mars 2023.

Une ordonnance du 8 février 2023 permet plusieurs avancées tout en accroissant le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Elle ouvre le droit à une indemnisation en cas de " succession anormale de sécheresses d'ampleur significative ", comme le préconise le rapport. Elle réaffirme par ailleurs l'importance d'avoir un arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour le phénomène de RGA. Enfin, elle encadre les conditions de réalisation de l'expertise réalisée par les assureurs. Dans ce but, un décret sur le point d'être publié vise à mieux encadrer et contrôler l'activité des experts missionnés par des entreprises d'assurance dans le cadre de dommages liés au RGA. Ce texte permettra de renforcer l'indépendance et les compétences des experts en harmonisant le contenu, les délais et les modalités de réalisation de leurs rapports.

Dans un deuxième temps, le gouvernement a publié le 29 avril 2024 une circulaire visant à compléter le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles en révisant les modalités d'instruction de la procédure de reconnaissance de cet état de catastrophe et en assouplissant les critères de reconnaissance de certains périls, dont le RGA.

En particulier, la circulaire détaille les données nécessaires pour instruire les demandes. Pour qualifier d'anormal un phénomène, deux critères cumulatifs sont retenus, l'un géotechnique, l'autre météorologique. Par ailleurs, la durée de la période de comparaison prise en compte pour caractériser une sécheresse annuelle anormale a été abaissée de vingt-cinq à dix ans. Cela répond à l'une des interrogations qu'a exprimées Mme Rousseau. Deux nouveaux critères ont également été adoptés afin de prendre en compte les effets d'une succession anormale de sécheresses d'ampleur significative et de reconnaître en état de catastrophe naturelle des communes limitrophes d'un territoire ayant subi un épisode de sécheresse annuel anormal. Mme Blin évoquait cet après-midi des habitants sinistrés situés à 2 mètres d'une commune reconnue en état de catastrophe naturelle. Voilà qui permettra de prendre en considération ces effets secondaires que nous avons également constatés.

Selon nos estimations, l'application cumulée de ces nouveaux critères, pour la plupart définis en 2024, permettra une hausse du nombre annuel de communes reconnues comme concernées d'environ 20%.

De plus, la proposition de loi de la sénatrice Christine Lavarde, évoquée par plusieurs orateurs, reprend explicitement certains éléments préconisés dans le rapport, dont la revalorisation progressive du taux de surprime du régime de catastrophe naturelle visant à assurer son équilibre financier, avec l'objectif d'aller au-delà de la hausse de 12 à 20% de la surprime, laquelle va à elle seule avoir un impact majeur sur le financement du dispositif.

Voilà ce que je tenais à dire pour éclairer nos débats. Je souhaite enfin mentionner le travail lancé par le premier ministre et la ministre de la transition écologique avec l'annonce d'une consultation publique sur le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), qui pose les premiers jalons des solutions de prévention individuelle et collective des phénomènes de RGA. Cette consultation doit permettre de débattre collectivement des avancées à établir. J'invite nos concitoyens à y participer jusqu'au 27 décembre. Le gouvernement est par ailleurs à l'écoute de l'ensemble des propositions des parlementaires pour mieux prendre en compte ce sujet important des RGA.

M. le président
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Christophe Plassard.

M. Christophe Plassard (HOR)
Les propriétaires touchés par le retrait-gonflement des argiles subissent non seulement des dégâts considérables pour leur habitation mais aussi parfois les effets de pratiques contestables d'assureurs, comme des refus d'indemnisation motivés par des critères arbitraires ou insuffisamment encadrés tels que l'exclusion pour fissures mineures, des recours à des preuves non conformes telles que des images satellitaires ou encore l'exigence d'études du sol à la charge des sinistrés alors qu'elles sont coûteuses, voire inaccessibles pour eux. Un assureur doit protéger et non exploiter des lacunes juridiques pour éviter ses obligations. Pourtant, à l'heure actuelle, les pouvoirs publics ne disposent pas de mécanismes suffisants pour prévenir ces abus ni pour garantir un traitement équitable des sinistrés.

Par ailleurs, même lorsque les assureurs sont de bonne foi, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est un préalable indispensable pour qu'ils puissent déclencher les indemnisations. Or elle est dépendante d'un zonage profondément inadapté à la réalité des RGA, plus encore depuis les dernières manifestations du dérèglement climatique. Face à ces dérives, quelles mesures concrètes le gouvernement envisage-t-il pour simplifier l'accès des sinistrés aux indemnisations, notamment par la facilitation de la déclaration de l'état de catastrophe naturelle, pour mieux encadrer les pratiques des assureurs et, enfin, pour renforcer les contrôles et les sanctions des compagnies qui abusent des failles de la réglementation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État
Le décret à paraître sous peu, que j'ai évoqué précédemment, a vocation à mieux encadrer les pratiques des assureurs. Il vise à clarifier la situation, à homogénéiser les travaux réalisés par les assureurs et à garantir l'absence de liens entre ces derniers et les experts qu'ils dépêchent auprès des personnes sinistrées. Il s'agit là d'un point important auquel le gouvernement est très attentif. Il faut notamment être certain que n'existe aucun lien capitalistique entre l'assureur et l'expert, que la société d'expertise n'est pas une filiale de la compagnie d'assurance ou que l'expert n'est pas un salarié de celle-ci. Le décret prévoit également que l'expert soit payé en fonction du temps passé pour sa mission et de la manière la plus objective possible.

Enfin, vous avez évoqué les communes limitrophes, situées à proximité immédiate d'une commune en état de catastrophe naturelle, mais qui ne sont pas elles-mêmes reconnues comme étant dans ce cas. La circulaire du 29 avril 2024 permet de rattraper certaines d'entre elles. Une série de dispositifs permet par ailleurs de simplifier les procédures, parfois complexes. Ainsi, dans chaque préfecture, il y a désormais un référent retrait-gonflement des argiles, qui permet de fluidifier, de centraliser et d'accompagner au mieux les demandes.

M. le président
La parole est à M. Julien Limongi.

M. Julien Limongi (RN)
La situation des sinistrés victimes du retrait-gonflement des argiles est alarmante. Les alternances brutales entre fortes pluies et sécheresses intenses provoquent des dégâts considérables avec une fréquence qui ne cesse d'augmenter. Ce phénomène touche presque tout le territoire ; dans mon département de Seine-et-Marne, plusieurs familles sont ainsi concernées. Imaginez la détresse d'un ménage qui voit son bien, fruit d'une vie de travail, se fissurer jour après jour jusqu'à devenir inhabitable ! À cela s'ajoute une autre tragédie : la lenteur et les refus des assurances, qui proposent parfois des indemnisations dérisoires voire n'interviennent pas du tout.

Le rapport est édifiant car il montre les carences critiques de notre système. Premièrement, il souligne que les critères actuels de détection des phénomènes de retrait-gonflement des argiles sont inadaptés. En effet, la simple détection d'un taux d'argile dans le sol ne suffit pas car la présence d'argile constitue seulement un facteur de prédisposition, insuffisant pour déclarer un état de catastrophe naturelle. Les critères des arrêtés de catastrophe naturelle, notamment pour le retrait-gonflement des argiles, ne sont pas non plus pertinents. À Courtacon, dans ma circonscription, la sécheresse de 2023 a provoqué des dommages massifs ; pourtant, en 2024, cette commune n'a pas été reconnue en catastrophe naturelle, rendant ainsi les recours des habitants contre leurs assurances impossibles. Cette situation est intenable.

Le rapport insiste donc sur la nécessité de revoir en profondeur les critères de reconnaissance des communes en catastrophe naturelle pour retrait-gonflement. Ils ne sont d'ailleurs plus adaptés pour les inondations non plus et les habitants qui subissent celles-ci en ont conscience – je pense en particulier à la vallée du Petit et du Grand Morin, en Seine-et-Marne. Il faut des critères plus justes, transparents et adaptés à l'aggravation du dérèglement climatique. Le traitement des victimes est tout simplement inacceptable. Les sinistrés doivent être mieux accompagnés, avec des indemnisations rapides et des procédures simplifiées.

Le gouvernement va-t-il prendre en compte les conclusions du rapport pour engager une réforme majeure des critères Cat nat afin que les victimes ne soient plus abandonnées à leur sort ? Il est grand temps de rétablir la balance entre les assureurs et les assurés.

M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État
Vous avez évoqué la situation d'un certain nombre d'habitants de votre circonscription. Si je partage le désarroi qu'ils ressentent en étant confrontés au retrait-gonflement des argiles, je dois rappeler plusieurs choses.

D'abord, s'agissant de la prévention en matière d'urbanisme, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) prévoit, pour les logements neufs, des prescriptions de construction adaptées aux territoires exposés au risque de retrait-gonflement des argiles. Cela ne règle pas l'ensemble des problèmes mais évite d'en créer de nouveaux.

Ensuite, pour ce qui est des critères que vous jugez inadaptés, le gouvernement a engagé une série d'évolutions, notamment par le biais de la circulaire qui introduit un double critère, pour être au plus près des enjeux. Vous avez été plusieurs, lors de la discussion générale, à exprimer le besoin d'aller au-delà de critères trop limitatifs. Vous avez en particulier souligné que les mailles établies par Météo-France constituent un critère d'appréciation insuffisant, qui induit parfois des effets secondaires incompréhensibles pour nos concitoyens – et je partage leur sentiment. Des évolutions sont donc entérinées par la circulaire du 29 avril dernier.

Enfin, parmi les actions que le gouvernement, mobilisé, souhaite mettre en œuvre, je rappelle la plus importante. L'arrêté du 22 décembre 2023, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025, c'est-à-dire dans les toutes prochaines semaines, relève le taux de surprime de 12% à 20%, ce qui va dégager 1,2 milliard d'euros supplémentaires. La somme est importante ; elle permettra de mieux financer ces chantiers importants.

M. le président
La parole est à Mme la rapporteure Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS)
Lors de l'élaboration du rapport, les chercheurs nous ont déclaré qu'avec l'amplification des sécheresses, les dispositions de la loi Elan n'étaient plus suffisantes même pour les constructions neuves. Il faudrait par conséquent aller bien plus loin pour assurer les maisons.

Vous parlez d'encadrement des experts d'assurance, mais je rappelle que le rapport préconisait un mécanisme de certification obligatoire de l'expertise. L'encadrement ne semble plus suffire. La définition du régime Cat nat ne permet pas à tous les sinistrés d'être indemnisés : même en situation de catastrophe naturelle, nombre d'experts concluent au fait qu'il y avait un arbre trop près de la maison, ou un défaut de construction, que les parpaings étaient mal scellés, et ainsi de suite ; quoi qu'il en soit, ils trouvent toujours un moyen d'éviter l'indemnisation, d'où la proposition du rapport d'inverser la charge de la preuve et de créer une présomption de retrait-gonflement des argiles. Avez-vous avancé sur ce point ?

M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État
Merci pour ces éléments sur l'indemnisation et la certification des experts. J'ai évoqué tout à l'heure, en répondant à votre collègue, la question de leur encadrement en cours d'activité. Le rapport proposait effectivement un agrément mais, à ce stade, le gouvernement ne souhaite pas s'engager sur cette voie, grosse de difficultés – du moins de contraintes – au niveau européen. Nous avons donc fait le choix d'un encadrement plus marqué des experts des compagnies d'assurance – un renforcement important et nécessaire.

En ce qui concerne la présomption simple de causalité que vous avez évoquée, et qui est aussi une proposition de votre rapport, le gouvernement estime que cette disposition, qui inverse la charge de la preuve, contrevient au principe du code civil selon lequel la preuve doit être apportée par celui qui réclame l'exécution d'une obligation. C'est la raison pour laquelle le gouvernement privilégie une approche par l'harmonisation et le contrôle des pratiques d'expertise, qui nous semble plus adéquate et mieux adaptée à l'objectif visé.

M. le président
La parole est à Mme Danièle Carteron.

Mme Danièle Carteron (EPR)
Le retrait-gonflement des sols argileux est un phénomène géotechnique qui concerne de nombreux terrains sur lesquels sont construites des maisons individuelles. En effet, plus de la moitié des habitations en France sont situées sur des sols argileux, particulièrement sensibles aux variations d'humidité, et ce phénomène est encore plus problématique lorsqu'il s'agit de terrains d'aléa moyen ou fort, où les risques sont accrus.

Pour limiter ces risques, le gouvernement précédent avait pris des mesures législatives importantes. En premier lieu, pour les constructions neuves, la loi Elan a introduit une obligation de réaliser une étude géotechnique du terrain avant la vente. Cette demande d'étude justifiée, qui n'appelle pas de difficultés pour les constructeurs que j'ai consultés, permet d'évaluer la stabilité du sol et de déterminer les précautions à prendre pour éviter les désordres liés au retrait-gonflement des argiles. L'objectif est atteint : en identifiant en amont les risques potentiels et en adaptant la construction en fonction des caractéristiques du terrain, on réduit la prévalence et la survenue du phénomène.

Par ailleurs, le gouvernement a cherché à venir en aide aux sinistrés. Une ordonnance a notamment été adoptée pour faciliter l'indemnisation des victimes de mouvements de terrain liés au RGA sous l'égide du régime de catastrophe naturelle. Mais, en l'espace de vingt ans, le RGA est devenu la deuxième cause d'indemnisation, derrière les inondations, et il est fort probable que cette situation s'accentue avec le dérèglement climatique et les événements récents qui nous amènent à être encore plus vigilants.

Ma question portera alors sur une vision à plus long terme du régime d'indemnisation des RGA. Pour mieux prévenir et gérer les risques liés au retrait-gonflement des sols argileux, et assurer une indemnisation équitable et surtout efficace des sinistrés, envisage-t-on des dispositifs pérennes autres que ceux reposant sur le régime de catastrophe naturelle, parfois complexes et lourds ? (Mme Pauline Levasseur applaudit.)

M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État
Vous avez raison, la loi Elan représente un jalon fort permettant d'éviter que le logement neuf subisse les mêmes problèmes que ceux dont pâtissent beaucoup d'habitations anciennes. Je crois d'ailleurs que les rapporteurs de la mission d'information ont souhaité exclure de l'indemnisation les constructions qui n'auraient pas respecté la loi Elan – Mme Rousseau confirme –, ce qui montre à quel point les critères retenus dans ce texte sont pertinents et doivent être respectés par les promoteurs.

Pour ce qui est de l'évolution, la multiplication des sécheresses a mis le retrait-gonflement des argiles au premier rang des phénomènes de catastrophe naturelle, devant les inondations dont on connaît pourtant l'importance – on l'a malheureusement constatée récemment encore.

Au-delà de la nécessaire indemnisation des victimes, pour laquelle les textes gouvernementaux visent à desserrer l'étau des contraintes et à répondre à un certain nombre de situations incompréhensibles, le véritable enjeu est la prévention. Beaucoup dépendra de la manière dont nous réussirons, dans les prochaines années, à répondre collectivement à ce problème essentiel. Ce défi a fait l'objet d'un appel à projets dans le cadre de France 2030. Neuf projets proposés par des acteurs publics ou privés ont été retenus ; ils sont en train d'être mis au point et pourront être déployés prochainement. Il s'agira d'enquêter de manière précise sur l'efficacité des différents dispositifs de prévention avant d'envisager leur mise en œuvre à plus grande échelle.

M. le président
La parole est à M. Christophe Bex.

M. Christophe Bex (LFI-NFP)
L'année 2022 a été l'une des plus sèches que nous ayons connues, avec dix mois de sécheresse consécutive et un mois de juillet le plus sec depuis 1959. En 2022, 35% des sols du territoire ont été en situation de sécheresse et ce phénomène a vocation à s'amplifier. Dans le Sud-Ouest, dans ma circonscription de Haute-Garonne, après l'épisode de sécheresse de 2022, 300 communes ont demandé à l'État une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; seules 70 l'ont obtenue. De nombreuses petites communes ayant constaté près d'une cinquantaine de maisons fissurées dès la fin de l'été se sont vu refuser la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Pourtant, l'ordonnance du 8 février 2023 puis la circulaire d'avril 2024 élargissent les critères pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en cas de sécheresse et de mouvements de terrain différentiels. Le problème, c'est qu'elles ne s'appliquent pas sur la période 2018-2023, durant laquelle le pays a vécu un des pires épisodes de sécheresse de son histoire.

Par ailleurs, le rapport souligne que 53% des sinistres déclarés dans des communes reconnues Cat nat ne sont pas indemnisés, faute de lien de causalité manifeste, parce que l'expertise privilégie souvent d'autres causes comme des défauts de construction.

Que faire pour les assurés lorsque les assurances refusent de les indemniser et qu'il n'y a aucune autre solution financière qui leur est proposée ? Comment faire en sorte que les assurances ne se désengagent pas de certains territoires concernés par les enjeux de retrait-gonflement des sols argileux ? Il y a urgence : il faut agir, et vite, pour des millions de personnes sinistrées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État
Je prends bonne note de vos propos, d'autant que votre région compte parmi les plus exposées au risque de retrait-gonflement des argiles.

J'ai évoqué plusieurs mesures d'assouplissement des critères, non négligeables puisqu'elles devraient permettre à quelque 20 % de communes supplémentaires d'être éligibles. J'entends vos réflexions et je suis prête à les examiner en détail conformément aux préoccupations du gouvernement. Vous m'accorderez à votre tour que nous progressons et prenons mieux en compte ces problèmes, notamment dans les communes situées dans des zones particulièrement exposées, comme c'est le cas chez vous.

Par ailleurs, concernant les pratiques assurantielles, sachez que l'État entend créer un observatoire de l'assurabilité. Au-delà du décret en cours de publication, lequel tendra à assurer la clarté et l'indépendance du travail des experts, un tel observatoire constituera un élément essentiel pour prévenir toute pratique d'implantation territoriale sélective de la part d'assureurs désireux de s'écarter de tel ou tel endroit concerné par l'augmentation du nombre de phénomènes naturels. Nous suivrons de près le travail mené sur ce sujet par la CCR et le rapporterons aux expositions aux risques de catastrophe naturelle en général, à celui de retrait-gonflement des argiles en particulier ; nous veillerons ainsi à ce que chacun, partout sur le territoire, puisse accéder à des assurances habitation couvrant notamment ces risques-là.

M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC)
Nous avons pris bonne note des avancées que vous avez soulignées, madame la ministre. À ce stade du débat, je souhaite cependant appeler votre attention sur un exemple frappant de désaccord entre l'État et une collectivité locale, la commune de Pont-Péan, située en Ille-et-Vilaine, dans la circonscription de notre collègue Claudia Rouaux, ici présente.

Cette commune, pourtant la plus touchée de Bretagne par le retrait-gonflement des argiles, n'a pu obtenir la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par l'État. Ce refus a privé d'indemnisation près de cent familles concernées, jusqu'à ce qu'une décision de justice, le 19 novembre dernier, tempère celle de l'État en lui enjoignant de réexaminer la demande.

Un tel exemple illustre la situation mise en lumière par nos collègues Sandrine Rousseau et Sandra Marsaud dans leur rapport : notre modèle assurantiel d'indemnisation des dommages liés à la sécheresse des sols, bien qu'innovant, présente encore d'importantes lacunes en matière de reconnaissance et de soutien aux victimes. Il est donc nécessaire de créer un fonds d'indemnisation adapté, solidaire et soutenable, qui pourrait être financé par le fonds Barnier, dont les ressources n'ont pas intégralement été affectées pour le moment – plusieurs collègues l'ont souligné.

Comment pouvez-vous agir pour éviter que se reproduise un conflit de ce type entre une collectivité et l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Christophe Bex applaudit également.)

M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État
Le phénomène de retrait-gonflement des argiles affecte de nombreuses communes, y compris celle de Pont-Péan. En lien avec les services de l'État, nous veillons à ce que des solutions concrètes soient apportées, à renforcer la prévention et à adapter l'urbanisme aux risques naturels identifiés dans votre région. Les expertises sont indispensables pour mesurer l'ampleur du phénomène dans la commune de Pont-Péan, proposer des mesures adaptées, établir clairement les responsabilités et assurer une gestion rapide et équitable des recours.

À Pont-Péan comme ailleurs, notre devoir est d'agir pour protéger la population et son patrimoine. D'après les informations qui me sont fournies, la commune adresse une demande sécheresse chaque année, sans succès pour le moment, les critères sécheresse établis en 2019 n'étant pas satisfaits. Je vous propose que nous en reparlions pour que je puisse examiner ce cas plus précisément avec la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.

Mme Marie-Noëlle Battistel
Je vous remercie.

M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

Mme Anne-Laure Blin (DR)
Les conséquences du retrait-gonflement des argiles sont désastreuses pour les concitoyens qu'elles touchent. Lorsqu'ils se lancent dans une demande d'indemnisation, ils entament un véritable parcours du combattant ; il en va de même pour les communes qui demandent la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Lors de mes investigations, si, en tant que députée, je n'ai pu obtenir de réponses à mes questions, on imagine que nos concitoyens non plus. Quel est le rôle précis des préfectures, en particulier du référent que vous avez évoqué, chargé des questions de retrait-gonflement des argiles, quand c'est, en réalité, une commission interministérielle qui décide de reconnaître l'état de catastrophe naturelle ? Sur quel fondement les décisions sont-elles prises ? Et comment est-il tenu compte du terrain au moment de les prendre ? Une certaine opacité entoure ces sujets.

Par ailleurs, même si la circulaire d'avril dernier doit contribuer à desserrer l'étau, nombre de dossiers resteront lettre morte. La différence de traitement entre plusieurs communes et les effets secondaires que j'ai déjà évoqués semblent difficiles à expliquer.

Vient ensuite la question des lieux d'implantation des puits de prélèvement hydrique, dont il est très difficile d'obtenir une liste précise. Ces puits se trouvant dans les communes dont l'état de catastrophe naturelle a été reconnu, leur présence explique peut-être cette reconnaissance ; inversement, les communes plus éloignées des puits de prélèvement ne l'ont pas obtenue.

Pour finir, les documents d'urbanisme, comme le plan local d'urbanisme (PLU), mentionnent la présence de sols argileux ; les documents notariés, notamment les actes de ventes, également. Ne peut-on rendre le dispositif plus efficient en utilisant ces mentions, déjà obligatoires ?

M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État
J'essaierai de répondre le mieux possible aux nombreuses questions que vous soulevez.

Vous avez d'abord évoqué celle des référents, créés par la loi Baudu de 2021, désignés par les préfets de tous les départements et chargés de conseiller les municipalités tout au long de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Beaucoup de communes rurales étant concernées, cela a été souligné, il faut accompagner les maires : souvent assez seuls, certains n'ayant qu'une secrétaire de mairie, ils ont besoin d'être guidés par ces référents pour accomplir les démarches le mieux possible.

Concernant les puits, je ne dispose pas non plus de la carte ; je chercherai à me la procurer.

Mme Anne-Laure Blin
Ce serait bien !

Cette question renvoie à celle des mailles établies par Météo-France – vous l'avez également soulevée au cours de la discussion générale – et des limites de leur pertinence, d'ailleurs prises en compte par la circulaire d'avril dernier afin d'atténuer le plus possible les effets secondaires que vous avez bien décrits tout à l'heure. Toute commune limitrophe d'une commune limitrophe d'une commune limitrophe ne sera incluse dans le dispositif pour autant, mais cela introduit davantage de souplesse, conformément à notre volonté d'inclure un maximum de communes.

Vous soulignez, à juste titre, que les PLU indiquent l'emplacement des sols argileux. Je souligne à mon tour que la nature argileuse des sols constitue un critère déterminant pour bénéficier de l'état de catastrophe naturelle. Tout cela est pleinement pris en compte de façon que la reconnaissance se fonde bien sur la nature des sols, enjeu primordial de nos discussions.

M. le président
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 29 novembre 2024