Conférence de presse de Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, et M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer, sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte, un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées, le renforcement des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en matière de transfert de crypto-actifs et l'élargissement limité et progressif du champ d'action géographique de la Banque européenne de reconstruction et de développement à l'Afrique subsaharienne et à l'Irak, Paris le 8 janvier 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sophie Primas - Ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement ;
  • Manuel Valls - Ministre d'État, ministre des outre-mer

Circonstance : Conférence de presse à l'issue du Conseil des ministres

Texte intégral

Sophie PRIMAS
Mesdames et Messieurs, bonjour.

Je suis ravie de vous retrouver pour le second compte rendu du Conseil des ministres du Gouvernement de François BAYROU. Je suis heureuse, ce matin, d'être accompagnée par le ministre d'État et ministre des Outre-mer, Manuel VALLS, qui se tient à mes côtés, à l'occasion de la présentation du projet de loi d'urgence pour Mayotte, dont il évoquera les principales mesures dans quelques instants. Et bien sûr, il répondra à vos questions sur Mayotte. Quelques propos liminaires, si vous me le permettez.

Au cours de notre précédente rencontre, je vous indiquais que le Gouvernement avait pour mission de remettre la France en mouvement après la censure. C'est désormais une réalité tangible. Le Gouvernement est à pied d'œuvre pour apporter des solutions à Mayotte, bien sûr, pour préparer le budget, et nous aurons l'occasion d'en reparler, et sur bien d'autres sujets, notamment, je pense, au sujet agricole ou au sujet de logement. Le Gouvernement travaille conformément aux instructions du Premier ministre et privilégie donc le dialogue et la concertation. C'est ce qu'Éric LOMBARD et Amélie DE MONTCHALIN font pour le budget en ce moment. C'est ce que Catherine VAUTRIN entreprend pour le projet de financement de la Sécurité sociale et la réforme des retraites. C'est ce que fera Manuel VALLS sur la prochaine loi dite de reconstruction de Mayotte avec les élus mahorais. Par conséquent, tant que ces consultations sont en cours, les dispositions, notamment budgétaires, ne sont pas arbitrées et il n'y aura pas d'annonce officielle sur les choix retenus. Quant aux orientations principales, elles seront naturellement annoncées par le Premier ministre à l'occasion de sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025. En termes de méthode, je veux également souligner que le Premier ministre laisse volontairement un grand espace de liberté à ses ministres. Il entend tirer pleinement bénéfice de l'expérience éprouvée de la vie politique et de la conduite d'un gouvernement de certains d'entre nous dans nos diversités politiques d'origine. Nous sommes aujourd'hui un pack gouvernemental. Ce Gouvernement compte des personnalités fortes, capable de formuler des propositions.

Et face à cette saine émulation, le rôle du Premier ministre et le rôle du Parlement sera évidemment de choisir, de trancher, d'arbitrer dans l'intérêt de notre pays. En associant écoute et initiative, nous souhaitons donc trouver la voie qui permette notamment de doter la France d'un budget intelligent, pour reprendre les mots d'un ancien Premier ministre reçu hier à Bercy : "un budget qui ne pénalise ni la croissance ni l'esprit d'initiative". Il faut rassurer les investisseurs, limiter le déficit, dégager des marges de manœuvre pour investir et faire face aux besoins urgents des Français. Il faut faire cela, et nous le faisons avec beaucoup d'humilité, mais aussi beaucoup de détermination, parce que la situation de la France, je le redis aujourd'hui, demande et nécessite du courage et que la situation politique est évidemment inédite et parfois complexe. Notre devoir, et celui des parlementaires, d'ailleurs, est de réussir.

Enfin, en cette semaine de commémoration de l'attentat de Charlie Hebdo, je tiens à rappeler l'attachement du Gouvernement à la liberté d'expression sous toutes ses formes. Cette liberté est un pilier fondamental de notre démocratie qui n'est jamais un acquis. J'ai naturellement, au nom du Gouvernement, une pensée plus qu'émue pour toutes les victimes connues et moins connues des attentats de Charlie Hebdo, de l'Hyper Cacher et de Montrouge, pour leurs familles et pour leurs proches, mais aussi pour toutes celles et tous ceux qui ont perdu la vie sous le coup du terrorisme islamiste. Si vous me permettez cette digression, je pense particulièrement, à titre personnel, aux drames qui se sont tenus sur mon propre territoire. Je pense notamment à Jean-Baptiste SALVAING et Jessica SCHNEIDER, policiers tragiquement assassinés en juin 2016 à leur domicile de Magnanville. Je pense à Clarissa JEAN-PHILIPPE, dont on commémore les 10 ans de l'assassinat en ce moment-même dans le cimetière de Carrière-sous-Poissy. Et je pense évidemment à Samuel PATY, lâchement assassiné en octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine. Ces drames ont profondément marqué la France, rappelant les dangers auxquels font face les journalistes, auxquels font face les forces de l'ordre et les enseignants, tous ceux finalement qui représentent un ordre moral, ceux qui nous protègent et ceux qui transmettent nos valeurs républicaines. Ces drames soulignent également la menace persistante du terrorisme dans notre pays et nous obligent, dans le combat que nous menons sans relâche, pour défendre notre identité et notre liberté. Voilà, Mesdames et Messieurs, pour ces propos liminaires.

J'en viens donc maintenant au compte-rendu plus formel du Conseil des ministres. Plusieurs sujets ont été évoqués. Le premier est évidemment l'urgence absolue du moment, et c'est bien sûr la situation à Mayotte, avec la présentation d'un projet de loi d'urgence. Mais je vais laisser le ministre d'État vous présenter ce texte et bien sûr, je le redis, répondre à vos questions sur Mayotte. Et nous reprendrons ensuite le fil du Conseil des ministres.


Manuel VALLS
Merci, Madame la ministre.

Mesdames, Messieurs, je souhaite tout d'abord le profit de cette occasion et à travers vous, à l'ensemble de nos compatriotes, je vous présente donc et je présente mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année 2025. Vous le savez, depuis que j'ai pris mes fonctions de ministre d'État chargé des Outre-mer le 23 décembre dernier, l'urgence immédiate pour moi, et pour tout le Gouvernement, c'est bien entendu la situation à Mayotte. Avant d'entrer dans le détail du projet de loi d'urgence sur lequel le Conseil des ministres vient de délibérer, je me permets de vous préciser la méthode qui est la nôtre et qui s'organise en 3 temps, 3 temps qui, par la force des choses, se mêlent. Le premier temps qui se poursuit, c'est l'urgence immédiate, c'est-à-dire la gestion de crise. Le deuxième temps dans lequel nous entrons ce matin, c'est le projet de loi d'urgence pour prendre les mesures législatives qui ne peuvent pas attendre. Et enfin, il y aura un troisième temps, celui de mesures plus structurelles qui seront portées, et j'y reviendrai, par un autre texte, un projet de loi programme pour Mayotte, "Mayotte debout". Le premier temps, l'urgence immédiate, la gestion de crise se poursuit sans répit. Le 14 décembre dernier, je l'indiquais en Conseil des ministres, le cyclone Chido a frappé durement l'archipel, laissant une population déjà confrontée et depuis longtemps, à de nombreuses et graves difficultés quotidiennes dans un état de choc, dans un état de sidération. Par son ampleur inédite et parce qu'il a touché un territoire éloigné de 8 000 km de l'Hexagone et à 2 heures d'avion de La Réunion et plusieurs jours en bateau, ce cyclone a donné lieu à la plus grave crise de sécurité civile que notre pays ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Le bilan humain est déjà lourd, dramatique. Il reste encore difficile à déterminer de façon précise.

À ce jour, nous comptons 39 personnes décédées, 124 blessés graves et 4 466 blessés légers. L'État n'a évidemment pas attendu la présentation de ce texte de loi pour agir.

L'état de catastrophe naturelle ainsi que l'état de calamité exceptionnelle ont été déclarés très rapidement après le passage du cyclone pour faciliter la mise en œuvre de mesures concrètes et forcément d'urgence. Surtout, l'État a été et est toujours et le restera pleinement mobilisés pour faire face à ce que j'appelle les urgences vitales. Et je veux saluer l'engagement exceptionnel de tous les agents des services publics, notamment ceux qui sont sous l'autorité du préfet territorial, ces agents publics qui ne comptent pas leurs heures pour soigner, accompagner ou reloger ceux qui ont tout perdu. Je veux évidemment saluer l'action déterminante de tous les autres agents, des opérateurs de l'État ou de la collectivité territoriale, des élus, des associations et bien évidemment des bénévoles. L'État est pleinement mobilisé au plus haut niveau, je ne vous l'apprends pas. Le ministre de l'Intérieur, mon prédécesseur, le président de la République, suivi du Premier ministre et de plusieurs membres du Gouvernement se sont déjà rendus sur place. J'ai moi-même tenu à rester 48 heures supplémentaires pour prendre la pleine mesure de la situation sur le terrain. Cette mobilisation exceptionnelle produit déjà, heureusement, des avancées concrètes. Mais je me dois d'être sincère, transparent, nous savons que le chemin est encore long. Cette mobilisation doit se poursuivre sans relâche et dans la durée, avec une présence constante sur le terrain, car la situation exige une mobilisation sans faille de l'ensemble des services de l'État. C'est pour cela que nous continuerons de renforcer les services de l'État sur place et qu'auprès de moi, il y aura une mission dédiée au travail interministériel, mais aussi au soutien à la mobilisation de ce plan local, avec compte rendu quotidien, parce que je veux le maximum d'efficacité au service des Mahorais. Tandis que la distribution de vivres, l'accès à l'eau courante, à l'électricité et aux réseaux de télécommunication fixe et mobile continuent de s'améliorer, mais nécessitent une attention constante, je viens de le dire, notamment dans les territoires ou les communes, les villages les plus reculés. Je sais qu'il y a les pourcentages qui s'améliorent, mais il y a aussi une réalité du terrain. Donc, nous sommes ainsi particulièrement mobilisés sur ces sujets-là, mais aussi sur deux défis qui sont devant nous. Le premier, c'est la préparation de la rentrée scolaire, progressive, à compter du 13 janvier puis du 20 janvier, qui doit permettre d'accueillir 117 000 élèves. 70 % des salles de classe des premiers, seconds degrés devraient être disponibles pour la rentrée. Mais ça ne sera pas une rentrée comme toutes les rentrées qui ont déjà eu lieu. La situation était déjà difficile à Mayotte, y compris sur ce secteur, avant le cyclone, et nous ne reviendrons pas à la normale pendant plusieurs semaines ou mois. Et le deuxième défi, c'est celui de la gestion des déchets, qui est un véritable défi pour éviter tout risque, sanitaire notamment. Les objectifs ont été donnés d'ici à la mi-janvier pour les déchets ménagers. Il faut être capable de les tenir, ces calendriers. L'accès aux soins est également une priorité, avec le plus grand hôpital de campagne d'Europe, l'Escrim, qui complète l'action de l'hôpital de Mamouzdou, qui a été très fortement touché par le cyclone et qui a encore subi des dégâts, il y a quelques jours, à cause des fortes pluies. L'Escrim tourne à plein régime puisque près de 3 000 personnes y ont été accueillies depuis l'ouverture et ce qui est d'ailleurs ce sujet, avec mon collègue ministre de la Santé, restera ouvert encore quelques semaines. Le risque épidémiologique fait l'objet d'une vigilance maximale pour éviter le développement du choléra, notamment. L'île a déjà connu une épidémie de choléra il y a quelques mois. 3,6 millions de comprimés de "chloration" (ph) étaient distribués et 10 000 doses de vaccins sont prépositionnées à La Réunion. Et puis nous avons aussi les risques de la dengue et du chikungunya, sur lequel nous sommes bien évidemment extrêmement attentifs, vigilants. Au-delà de cette action opérationnelle immédiate, la réponse du Gouvernement, de l'État, va entrer, je vous le disais, dans une deuxième phase. Et c'est ce deuxième temps que j'évoquais, c'est dans ce cadre que j'ai aujourd'hui présenté au Conseil des ministres un projet de loi d'urgence pour Mayotte. Sa philosophie générale est simple : permettre la mise en œuvre très rapide de mesures urgentes pour faciliter l'hébergement et l'accompagnement de la population, ainsi que la reconstruction ou réparation des infrastructures et logements sinistrés. Pour ce faire, ce texte comprend 22 articles, dont trois habilitations légiférées par ordonnance réparties, pour être précis, en 7 chapitres. Le chapitre 1 porte deux mesures importantes. L'article 1 prévoit la mise en place d'un opérateur puissant. C'était l'idée, la référence à Notre-Dame qu'avait souhaité le président de la République. Un opérateur puissant donc dédié à la reconstruction de Mayotte. Et cet article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour confier à un établissement public la mission de coordonner les travaux de reconstruction. Comme l'a d'ailleurs annoncé le Premier ministre, il absorbe, il va absorber l'établissement foncier d'aménagement de Mayotte actuel, l'EFPAM. Et évidemment, il donnera lieu à une très grande concertation avec les élus. Il faut préfigurer cet établissement. Le Général de corps d'armée 4 étoiles, Pascal FACON, grand serviteur qui a servi sur plusieurs théâtres d'opération et de guerre, gouverneur militaire de Marseille et officier général en charge de la zone de défense et de sécurité le Sud, actuellement à l'IHEDN, se verra confier cette mission de préfiguration avec l'idée, évidemment, qu'il en soit le directeur général. Je le verrai aujourd'hui même. Il aura une lettre de mission et il se rendra sur place pour être accueilli par le préfet, rencontrer les élus et s'appuyer aussi sur les travaux de la mission actuelle en cours de plusieurs inspections. Le chapitre 2 adapte les règles d'urbanisme pour faciliter l'implantation rapide d'hébergements temporaires d'urgence pour les personnes sinistrées. Il habilite aussi le Gouvernement à déroger par ordonnance à certaines règles auxquelles sont soumises les constructions de bâtiments comme en matière de stationnement de véhicules ou de dispositifs de recharge de véhicules électriques, les exigences de sécurité de l'habitation seront toutefois intégralement préservées dans un contexte évidemment qui ne ressemble pas à celui de l'Hexagone. Le chapitre 3 porte, quant à lui, 5 articles qui s'inspirent des dispositions prises à la suite des violences urbaines de l'été 2023 pour faciliter la reconstruction des bâtiments détruits. L'article 7, par exemple, accélère l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme en divisant certains délais par 2 ou 3. Et enfin, l'article 8 facilite, lui, le recours aux procédures de participation du public par voie électronique lorsque c'est possible. Le chapitre 4 est constitué d'un seul article, mais important, habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique. Il s'agit là de s'ajuster évidemment à la situation de Mayotte où il est souvent difficile, très difficile même, d'identifier formellement les propriétaires de terrain. L'objectif, bien sûr, est d'y faciliter des opérations de construction et de relogement. Notre priorité, c'est que les Mahorais aient le plus vite possible un toit. Le chapitre 5 regroupe 4 articles prévoyant des adaptations et dérogations pour 24 mois aux règles de la commande publique, mais encore pour simplifier et accélérer les procédures. Le chapitre 6 comprend des mesures déjà annoncées, inspirées des dispositions mises en œuvre, j'y faisais allusion, pour la reconstruction de Notre-Dame, pour faciliter donc les dons en faveur de Mayotte. L'article 16 notamment porte à 75 % le taux de réduction d'impôts pour les dons à des associations et fondations fournissant des repas ou des soins ou favorisant le relogement des personnes en difficulté. Enfin, le chapitre 7 regroupe différentes mesures sociales en faveur de la population à Mayotte, pour la plupart applicables jusqu'au 31 mars prochain. Il s'agit, par exemple, de la suspension du recouvrement des cotisations sociales et de l'application du recouvrement fiscal forcé pour les redevables mahorais, du maintien du bénéfice des droits et prestations versés par la Caisse de Sécurité sociale, ou encore de l'augmentation des niveaux de prise en charge de l'activité partielle. Sur ce sujet, j'indique d'ailleurs que le Gouvernement travaille à l'activation des dispositifs d'urgence à destination des particuliers les plus vulnérables, les acteurs économiques ou des collectivités territoriales. Une circulaire est en cours de finalisation pour préciser les principes d'intervention et modalités de mise en œuvre de dispositifs tels que le fonds de secours d'extrême urgence et le fonds de secours pour les Outre-mer. Je mobilise également, nous allons mobiliser tous les dispositifs de droit commun pour aider les communes à financer les travaux d'urgence. Nous signerons, je signerai un décret qui met également en place un dispositif d'aide à court terme aux entreprises mahoraises, la plupart ont moins de 5 salariés. C'est tous ces dispositifs qui doivent aider, là aussi, à une reprise de l'activité économique. Vous le voyez, ce projet de loi porte des mesures incontournables pour envisager la reconstruction, soutenir nos compatriotes Mahorais. Il doit donc être adopté, je l'espère, par le Parlement, puis promulgué dans les plus brefs délais. La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, j'y serai bien évidemment, l'examinera ainsi dès lundi. Mais si l'on en reste au seul sujet d'urgence, ce texte est sans aucun doute encore incomplet. Je terminerai avec ça. Le débat parlementaire doit donc permettre de le compléter. Je pense notamment à d'autres mesures très urgentes qui doivent elles aussi être adoptées avec la même célérité. Elles concernent deux principaux thèmes très présents, vous le savez, à Mayotte. Premièrement, la lutte contre l'habitat illégal. C'est un sujet prioritaire pour le Gouvernement. Le Premier ministre l'a dit sur place. Et je le redis avec clarté et fermeté, nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville. Il nous faudra réfléchir, par exemple, à élargir les catégories d'agents pouvant constater l'édification illégale ou encore à faciliter juridiquement pour les officiers de police judiciaire, la traversée des bidonvilles, des bangas, pour contrôler des activités professionnelles illégales. Je veux toutefois dire que s'il est possible de procéder à des ajustements rapides par la loi et que nous y ferons, cette lutte passera aussi avant tout, à moyen terme, par l'engagement de forces sur le terrain et surtout par une lutte plus résolue encore contre l'immigration irrégulière, j'y reviendrai. Deuxièmement, le blocage temporaire des loyers doit être envisagé pour qu'à l'horreur du cyclone ne s'ajoute pas l'indignité de profiteurs de crise. Et là, nous allons être, je n'en doute pas un seul instant, dans un dialogue fructueux avec le Parlement pour améliorer sur ce sujet, sur ces sujets ou sur d'autres, le texte de loi. Ce projet de loi est donc une réponse incontournable. Mais là aussi, il n'est qu'une première réponse. Et interviendra, et j'en conclue, ainsi un troisième temps, celui de mesures structurelles portées par un autre texte de loi qui avait déjà fait l'objet d'un travail interministériel ces derniers mois. Le Premier ministre l'a annoncé, nous allons consulter très largement dans les prochaines semaines pour avancer sur ces mesures législatives plus structurelles. Nous présenterons donc au Parlement un projet de loi programme de refondation de Mayotte dans les trois mois. Il fera au fond, il suivra l'adoption définitive du premier texte dont je viens de vous parler. Il s'agit notamment de transcrire dans la loi certaines mesures du Plan Mayotte debout, dévoilé sur place par le Premier ministre, le 30 décembre dernier. Le texte visera à permettre le développement économique et social du territoire sur de nouvelles bases. Il faut que Mayotte représente demain un autre visage. Je considère que ce territoire est un atout dans l'océan Indien, un joyau même. C'est un atout pour la France. Il doit s'inscrire, comme la Réunion, dans un espace régional, mais nous devons lui donner tous les moyens. Et il y a évidemment là un travail énorme à accomplir. Et puis, il apparaît évident, je viens de le dire, que nous devons agir pour mieux lutter contre le fléau de l'immigration illégale. Mayotte est rongée par deux fléaux, l'immigration irrégulière et l'habitat illégal. Et cette immigration illégale pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes mahorais, nourrit l'ultra-violence et alimente des réseaux de trafiquants d'êtres humains. C'est indigne de la République et de nos valeurs universelles. Dès à présent, nous rétablissons nos moyens de détection des entrées illégales par voie aérienne et maritime. Il faudra aussi, évidemment, mettre en œuvre d'autres coopérations dans la région. Et le président de la République ne manquera pas aussi de s'entretenir avec son homologue des Comores. Mais nous devons également prendre des mesures fermes pour renforcer juridiquement nos moyens de lutte contre l'immigration illégale. À nos niveaux, si nous ne traitons pas cette question avec la plus grande détermination, tout ce que je viens de vous annoncer pour Mayotte ne servira pas à grand-chose. Et nous pouvons alors, à ce moment-là, nous attendre à une véritable implosion, explosion sociale ou d'autres natures sur le territoire. Et nous allons travailler, évidemment, main dans la main sur ces derniers sujets, avec le ministre d'État et le ministre de l'Intérieur. Nous avons eu déjà l'un et l'autre l'occasion de nous exprimer sur ce sujet. Voilà, Madame la porte-parole, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs. Quelles que soient les circonstances que nous soyons percutés par d'autres crises, que vos regards se tournent progressivement vers une autre actualité, que le jeu politique essaie de nous rattraper, nous ne laisserons pas tomber Mayotte. Et je sais que dans ma mission, je ne peux pas laisser tomber Mayotte, et je me rendrai très vite sur les territoires pour faire le point avec les services de l'État et les élus sur l'avancement de tout ce que je viens de vous dire. Nous ne lâcherons rien pour l'aider à se relever, nous ne transigerons avec rien pour reconstruire l'île sur des bases plus saines, pour changer son visage et à travers elle, la vie des Mahorais. Ils le méritent, car vous connaissez leur attachement profond à la France. Passez le temps de la présentation du texte et du débat parlementaire. Nous suivrons, je suis déjà, matin, midi et soir, l'avancée concrète des mesures prises. Je vous remercie de votre attention et je suis prêt, évidemment, comme l'a indiqué la ministre, à répondre à vos questions sur ce sujet.


Oscar TESSONNEAU
Bonjour Monsieur Manuel VALLS, Oscar TESSONNEAU pour Rightbrain Magazine. Pour nous présenter très rapidement, on est un magazine hebdomadaire d'actualité qui a la particularité d'avoir embauché des personnes en situation de handicap mental. Ma première question va porter sur le logement où on a plusieurs travaux journalistiques qui se posent la question de savoir quel matériau on va utiliser pour reconstruire un ensemble de logements à Mayotte aujourd'hui. Est-ce qu'on va plutôt construire des préfabriqués ou est-ce qu'on va utiliser notre industrie pour construire d'autres logements à Mayotte ? Et enfin, dans les Outre-mer, on a un autre dossier, c'est la question calédonienne avec des nouveaux représentants politiques qui sont arrivés en poste ou qui vont prochainement arriver en poste sur l'île. Est-ce que vous pensez que les solutions qui ont été trouvées vont à la fois satisfaire les mouvements indépendantistes Kanaky et les mouvements dits loyalistes qui sont très attachés au lien avec la France en tout cas ?

Manuel VALLS
Alors, je suis extrêmement discipliné, notamment par rapport à ce que me dit ma collègue, ministre, porte-parole. Donc aujourd'hui, je ne parlerai que de Mayotte. Ça ne veut pas dire pour autant que je n'évoquerai pas très rapidement la situation en Nouvelle-Calédonie. C'est l'autre dossier urgent, le troisième étant celui de la vie chère. Je dirais qu'il n'y a que les urgences par rapport à ces territoires qui méritent un autre regard et une autre considération. Mais vous avez raison d'insister sur le logement. La priorité, c'est d'abord un toit pour chaque mahorais, dans tous les sens du terme, c'est-à-dire la réfection d'abord des toitures et en terminer avec les bidonvilles qui nourrissent aussi l'immigration irrégulière. 100 000 m² de bâches seront distribuées à partir... ou commenceront à être distribuées, pardon, à partir de ce mardi 7 janvier. La distribution est assurée en lien avec les maires, le ministère des Armées, la Sécurité civile et la Croix-Rouge afin de répondre aux besoins de la population et de prévenir les risques de pillage, qui sont aussi une réalité. Aujourd'hui, moins de 800 personnes occupent encore des écoles comme centre d'hébergement. C'était 6 000 il y a quelques jours. Et vous avez raison de souligner que la qualité des matériaux que nous allons employer est très importante. J'ai mobilisé moi-même d'ailleurs à Saint-Denis de la Réunion, en préfecture, il y a à peine quelques jours, l'ensemble des entreprises, des secteurs des fédérations, du secteur du BTP, de la Réunion parce qu'ils ont une connaissance de Mayotte, des matériaux qu'il faut employer dans cette région et je compte aussi sur la coopération régionale avec Maurice, Madagascar, le Mozambique ou le Kenya. La loi, la première, comme la deuxième, visera aussi à imaginer, nous en parlons beaucoup avec ma collègue Valérie [inaudible], les formes de logements qui doivent être adaptées au climat, aux normes antisismiques et anticycloniques sur place. C'est un sujet, bien sûr, extrêmement important.

Christelle MÉRAL
Bonjour, Christelle MÉRAL, France Télévisions. Vous avez souhaité décaler à aujourd'hui la présentation de cette loi d'urgence pour Mayotte. Alors, pour mieux prendre en compte les remontées du terrain, dans quelle mesure la copie initiale a-t-elle pu être infléchie ? Et puis, d'autre part, à combien chiffrez-vous cette loi d'urgence ? Comment sera-t-elle financée ? Et enfin, des fonds européens pourraient-ils être mobilisés ?

Manuel VALLS
Alors, les fonds européens sont déjà mobilisés. Je ne peux pas vous donner ici les montants, mais c'est pour nous une priorité. Et la présidente de la commission, Madame VON DER LEYEN a évidemment tout de suite fait état de son soutien à la France et aux Mahorais. Je veux être prudent sur les chiffres de reconstruction de Mayotte, parce qu'il y a actuellement une mission qui est là-bas depuis au moins plus d'une semaine, une semaine tout juste, et qui y reste encore. D'ailleurs, cette mission, inspection des finances, inspection de l'administration, IGAS, etc., va rencontrer, par exemple, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël-Braun PIVET, qui arrivera demain à Mayotte. Il est très difficile de vous donner un chiffre, mais 1, 2, 3 milliards… Bon. Donc, vous voyez bien, mais je sors déjà presque de mon rôle, parce qu'il faut attendre l'ensemble des expertises qui, aujourd'hui, nous remontent. Mais, bien évidemment, ça sera un élément très important. Par exemple, je le disais, l'un des articles, peut-être que je ne l'ai pas dit ici, je le disais au Conseil des ministres, nous recentralisons la reconstruction de toutes les écoles communales pour aller plus vite dans ce sens. 70 % des écoles et des classes sont sans doute disponibles pour la rentrée, même s'il faut quelques travaux, il faut des fournitures scolaires, il faut du mobilier, il faut qu'elles soient mises en état, il faut que la rentrée soit sécurisée, et ce sera le cas, par les forces de sécurité, mais là, c'est évidemment beaucoup d'investissement, et là, ça ne passe pas par la loi. Ce sont les fonds de droits communs, je pense à la DGF et à d'autres, qui permettront aux communes, puis au conseil départemental de faire ces travaux. Donc, je suis prudent. Alors sur la loi, moi, je vous dois la vérité. Vous savez, les procédures sont toujours un peu difficiles entre le Conseil des ministres et le Conseil d'État, il a fallu aller vite. Mon souci principal, c'est que… donc l'objectif principal, pourquoi ce serait un souci, c'est que les mesures annoncées par le chef du Gouvernement à Mamoudzou, il y a quelques jours, soient mises en œuvre dans la première loi, dans la deuxième loi, et puis par des dispositifs qui ne nécessitent pas de passer par le Parlement. Donc, le texte a un peu évolué, mais je l'ai indiqué, notamment sur l'article 1 concernant l'établissement foncier, mais la lettre de mission sera claire, ça doit être un outil d'aménagement de Mayotte sur l'interdiction des bidonvilles. Il ne s'agit pas d'une proclamation seulement, il faut des dispositifs. Parce qu'interdire ce qui est interdit n'a pas beaucoup de sens, donc il faut des dispositifs, que je vais encore travailler avec les parlementaires dans les prochaines heures pour préparer évidemment les travaux devant la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale qui va examiner au fond le texte et aussi pour le gel des loyers, je l'ai évoqué. Donc le texte va forcément évoluer en renforcement dans le dialogue avec le Parlement.

Journaliste
Juste pour être précis. Vous avez dit : "1, 2, voire 3 milliards pour la reconstruction". Mais là, je parlais juste du projet de loi d'urgence. À combien chiffrez-vous à peu près l'enveloppe de financement ?

Manuel VALLS
Moi, aujourd'hui, je suis obligé d'avoir un chiffrage général. Mais encore une fois, évidemment, c'est plusieurs centaines de millions d'euros. C'est difficile pour moi de vous répondre à cette question parce que je dois intégrer l'urgence déjà mise en œuvre : la mobilisation, d'un hôpital de campagne, des moyens qui sont sur place, ce qui est en train de faire la filière d'EDF ou dans l'acheminement de l'eau, la deuxième loi et même la troisième loi. Mais je pense que très vite, on pourra vous donner, il y a une étude d'impact, tous ces éléments, je pense que je les donnerai au Parlement la semaine prochaine. En tout cas, je pense que l'État, la République, doit être au rendez-vous à la hauteur, parce que la situation avant le cyclone était déjà extrêmement difficile. Et nous devons, ils nous le disent les Mahorais, d'une certaine manière utiliser le désastre du cyclone pour reconstruire, et d'ailleurs, on dirait plus pour construire mieux et autrement Mayotte.

Serge MASSAU
Serge MASSAU, du pôle Outre-mer de France Télévisions. Le projet de loi prévoit un certain nombre de dérogations avec des marchés publics et les élus mahorais ont soulevé une inquiétude. C'est qu'ils souhaitent que la reconstruction bénéficie d'abord aux entreprises mahoraises. Vous l'avez dit, c'est souvent de très petites entreprises. Est-ce que vous pouvez répondre à cette inquiétude ? Et puis votre prédécesseur avait hérité d'un budget pour les Outre-mer en baisse de 9 %, en baisse de 200 millions d'euros. Est-ce que les Outre-mer et en particulier Mayotte devront se satisfaire de ce budget ou est-ce que vous pouvez déjà nous annoncer un budget amélioré ?

Manuel VALLS
Dans le dispositif qui a été annoncé par le Premier ministre, et je vous le disais tout à l'heure, dans le soutien financier, mais là, ça ne passe pas par la loi, ça passe par un décret que je vais signer d'ici la fin de la semaine avec Eric LOMBARD, le ministre de l'Économie et des Finances. L'idée est d'aider les entreprises locales, déjà. Vous le savez, beaucoup de ces petites entreprises, très petites entreprises ont été détruites. Je n'évoque même pas la situation de l'agriculture ou de la forêt. La forêt a été à 70 % ou 80 % rasée. Ce qui pose d'ailleurs des défis en matière d'écologie ou du circuit de l'eau extrêmement graves dans les mois qui viennent. Là, c'est vraiment sur du moyen et long terme, et je suis très inquiet sur ce sujet-là. Donc il faut aussi reconstruire cette forêt. Beaucoup d'entreprises aujourd'hui sont à terre. Mais j'ai moi-même rencontré des entrepreneurs mahorais qui espèrent, quand les circuits financiers seront bien alimentés, pouvoir participer à cela. Et nous l'avons bien dit, les entreprises, de même, à travers la formation des Mahorais. J'ai passé quelques heures, pour le 31 décembre, avec les jeunes du service militaire adapté. Il y a 800 Mahorais, d'une qualité incroyable, des jeunes femmes et garçons formés aux travaux du bâtiment, par exemple, qui ont déjà fait beaucoup pour aider à l'urgence, mais qui doivent pouvoir participer de cela. Je souhaite aussi que les entreprises réunionnaises participent également, parce qu'elles ont une connaissance du climat, de la latitude, des matériaux. Une question a été posée sur ce sujet-là. Je ne vois pas pourquoi de grands groupes, même si certains peuvent y participer, bien évidemment, pourraient investir là-bas, alors que nous avons des capacités dans la région. C'est une préoccupation évidemment immédiate. J'ai des discussions cette semaine avec mes collègues de Bercy. Dans quelques jours, d'ailleurs, je serai devant le Sénat pour la mission Outre-mer. Le ministère des Outre-mer a été placé à un niveau hiérarchique qu'il n'avait jamais connu. C'est un ancien Premier ministre qui en a la charge. Je n'ai qu'une obligation de résultat, même si je ne méconnais pas la situation budgétaire et financière. Mais face à tellement d'urgences, nous devons être au rendez-vous budgétaire, au-delà de cette langue de bois bien méritée, je ferai tout pour améliorer la situation, bien évidemment.

Francesco FONTEMAGGI
Bonjour Monsieur le Ministre. Francesco FONTEMAGGI de l'Agence France Presse.

Manuel VALLS
Ah, c'est vous ?

Francesco FONTEMAGGI
C'est moi. Vous avez eu des mots très forts, comme le Premier ministre avant vous, pour dire que vous ne laisserez pas Mayotte redevenir une île bidonville. C'est un engagement fort, mais concrètement, comment vous allez vous y prendre, sachant que l'habitat illégal se reconstitue déjà par endroits ? Et voilà, comment vous allez faire ? Est-ce que vous allez, au fur et à mesure, re-détruire, re-loger ? Très, très concrètement, comment ça va se passer ? Et aussi, très concrètement, vous avez évoqué la possibilité de durcir le droit du sol à Mayotte. Là aussi, comment, dans les faits, ça va se traduire dans vos projets, en tout cas, dans votre esprit ?

Manuel VALLS
Je reconnais bien la sagacité de l'AFP. Deux petites questions sur deux sujets qui sont lourds et avec votre permission où j'y réponds, Madame la ministre, pardon d'avoir été long déjà. Oui, en effet, Mayotte ne doit pas redevenir une île bidonville, mais interdire, je l'ai souligné tout à l'heure, ne veut rien dire en soi. Ce sont des installations illégales, donc par définition déjà interdites, mais c'est une réalité qui d'ailleurs s'est reconstituée immédiatement et dans des conditions pires, plus dégradées de ce qui existait avant. La question est donc : comment on fait mieux respecter la loi ? D'abord, des mesures ont déjà été prises. L'article 197 – pardon d'être technique – de la loi ELAN de 2018 permet aux préfets de prononcer la démolition d'habitats illégaux sans ordonnance préalable du juge. 2) Il a prévu, l'article, une procédure rapide de flagrance pour interrompre les constructions illégales le plus vite possible. J'y faisais allusion en présentant la loi. Et ce délai d'intervention rapide a d'ailleurs été étendu récemment de 48 à 96 heures. Il y a des dispositifs qui existent. Nous avons dit très clairement aux représentants de l'État local, d'utiliser tous ces moyens, même s'il y a eu des urgences vitales, d'abord. Il fallait y répondre et, comme je vous l'ai dit, moi, je connais la réalité et je ne suis pas là pour présenter une situation idyllique. Il y a encore beaucoup de travail. 3) Sur le plan juridique, nous avons déjà beaucoup bougé. Et donc, le cœur de la réponse se trouve sans doute ailleurs. Il faut augmenter les moyens pour les forces de l'ordre, le plan "Mayotte Debout" d'ailleurs prévoit un renforcement des brigades de gendarmerie et de la police judiciaire, très forte demande notamment de l'APJ sur place, et une lutte plus résolue contre l'immigration irrégulière. Et puis 4), on peut néanmoins encore faire bouger des critères. Je l'ai dit, nous déposerons ou soutiendrons donc des amendements sur : nouvel allongement du délit de flagrance ; élargissement des agents pouvant constater des édifications illégales ; facilitation juridique pour les officiers de police judiciaire de traverser les bangas pour contrôler des activités illégales. Et je le dis d'ailleurs en passant, parce que je crois que je n'ai pas répondu à une question qui m'était posée, s'il y a des modulaires, des Algeco, sur place, ça sera pour les fonctionnaires de l'État. Nous n'allons pas mettre en place des modulaires pour répondre à ces situations d'urgence, et encore moins d'habitat illégal, et encore moins vis-à-vis de l'immigration irrégulière. C'est une préoccupation des élus mahorais, et je veux leur dire que nous l'avons pleinement entendue. Je reconnais que c'est un des dossiers les plus difficiles, puisque plusieurs dizaines de milliers de personnes vivent dans ces bidonvilles, souvent des femmes avec beaucoup d'enfants. Tous ne sont pas en situation irrégulière, tous ne sont pas issus de l'immigration, ne sont pas immigrés, plutôt, même si c'est une très grande majorité, et donc c'est un dossier délicat qu'on ne peut pas régler en claquant des doigts, mais il y a une très forte détermination de ma part et du Gouvernement, bien sûr, de tous mes collègues, pour agir. Immigration, c'est ça ? Et j'en termine. Oui, mais d'abord, le constat, selon l'INSEE, 50 % de la population insulaire est étrangère, dont une majorité en situation irrégulière. Vous savez que le Premier ministre a demandé à l'INSEE, en lien avec les maires, de réaliser un nouveau recensement. Et donc, laissons l'INSEE travailler pour avoir la bonne photographie. L'immigration illégale et régulière est un fléau qui met Mayotte à genoux, je le disais, et qui nourrit les autres fléaux dont, pardon du mot, elle crève : ultra-violence, habitat illégal, fragilité des services publics, trafics. Donc, là aussi, on doit agir. Donc, le Gouvernement, et ça a été dit, fait donc de la lutte contre l'immigration irrégulière une priorité. D'un point de vue opérationnel et immédiat, nous allons réparer et renforcer nos moyens de surveillance pour détecter et intercepter par voies maritimes et aériennes. Il y a tout le dossier des relations avec les Comores. Puis nous prendrons des mesures fortes, dans le second projet de loi, qui doit venir le plus vite possible ; ce n'est pas évidemment à moi de fixer l'agenda parlementaire, mais je pense que les choses vont aller vite, en durcissant les conditions d'accès au séjour, en les adaptant encore davantage à la situation de Mayotte. Vous savez qu'aujourd'hui, notre collègue, membre du Gouvernement, Thani Mohamed SOILIHI, avait déjà, comme sénateur, fait évoluer cela. On va voir jusqu'où on peut aller encore dans ce domaine-là, qui est, au fond, une manière de restreindre le droit du sol. L'amélioration des dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, c'est un vrai sujet. C'est un vrai sujet et il faut là en discuter avec les Mahorais de manière très directe. Et enfin, agir sur la durée de résidence régulière des parents sur l'accès des enfants à la nationalité. Sur le droit du sol, vous le savez, cela relève d'une modification constitutionnelle. Ce n'est pas à moi de pouvoir... Ce n'est pas à moi de l'évoquer et de lancer une procédure de ce type, en plus risquée par rapport au paysage parlementaire. Mais sur les autres sujets, nous pouvons agir d'ores et déjà.

Journaliste
Bonjour, Monsieur VALLS, Monsieur le ministre. Une question pour prolonger un peu la question de mon confrère de l'AFP, justement. Une question très précise. Est-ce que vous êtes favorable à la suppression du visa BALLADUR, le fameux visa territorialisé mis en place en 1995 dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine ?

Manuel VALLS
Ce visa qui fait que ceux qui arrivent – là, en l'occurrence, sous situation régulière ou qui régularisent leur situation – ne peuvent pas…

Journaliste
Sortir.

Manuel VALLS
…sortir de Mayotte pour aller dans l'Hexagone ou à La Réunion ou sur d'autres territoires français. Non. Je suis très clair. Non. Avec le ministre de l'Intérieur, nous ne souhaitons pas une évolution de ce visa.

Journaliste
Deuxième question. Pour la reconstruction, vous avez bien mentionné que dans le projet de loi, les collectivités seraient bien associées justement à l'établissement public. Mais le texte ne précise pas si c'est le président du conseil départemental de Mayotte qui en prendrait la présidence.

Manuel VALLS
Nous avons parlé, hier ou avant-hier, avec lui. D'ailleurs, il sera bientôt à Paris. Nous aurons l'occasion de travailler encore sur ce sujet-là. Je discute aussi notamment avec les deux... avec les 4 parlementaires, pardon, de ces éléments-là. Il est évident... Alors, il y a une mission de préfiguration. Donc, laissons travailler Général FACON. Mais je souhaite, moi, que ce soit à la fois le bras armé de l'État et auquel, évidemment, les élus soient associés. S'il y a une collectivité qui doit être pleinement associée, c'est le Conseil départemental. Et si le Conseil départemental est pleinement associé, le président de ce Conseil départemental doit jouer un rôle important. Je vous réponds assez clairement. Je pense que vous pouvez lire ce que je dis entre les mots. Mais je veux laisser d'abord cette mission préfiguration. Mais on ne peut pas reconstruire — c'est la différence avec Notre-Dame — on ne peut pas reconstruire l'idée de Notre-Dame. C'est la volonté politique affichée par le chef de l'État. Cette même volonté, nous la partageons pour ce qui concerne Mayotte. Mais nous ne pouvons pas réussir la reconstruction, la refondation de Mayotte sans les élus, sans les maires, que j'ai rencontrés, et sans les parlementaires, bien sûr, qui devraient être pleinement associés, et sans le conseil départemental et le président du conseil départemental, qui est un élu de très grande qualité.

Journaliste
Merci.

Charlotte URIEN-TOMAKA
Bonjour, Monsieur le ministre. Charlotte URIEN-TOMAKA pour RFI. Une question sur la relation de la France avec les Comores, qui sont assez houleuses. Les autorités comoriennes ont été assez critiques, notamment de l'aide qui met du temps à arriver. Mais aussi, ils ont mal interprété les... Enfin, en tout cas, ils ont mal reçu les propos du ministre de l'Intérieur Bruno RETAILLEAU. Est-ce que vous, vous êtes en contact avec les autorités comoriennes aujourd'hui ? Est-ce que vous envisagez de l'être si vous n'êtes pas ? Et est-ce que vous prévoyez un plan peut-être ou une relation avec les autorités comoriennes pour Mayotte ?

Manuel VALLS
Je suis ministre d'État, j'ai dit que ce ministère, c'était un petit Matignon, mais on ne va pas quand même exagérer. Nous aurons ces contacts, mais ordonnons les choses. Vu les circonstances et les conséquences du cyclone, il y aura des contacts d'abord au niveau du chef de l'État, du président de la République avec son homologue des Comores. Jusqu'à il y a peu, les Comores acceptaient, j'espère ne pas me tromper sur les chiffres, de recevoir de nouveau, d'accueillir, sur leurs propres citoyens, 25 000 personnes qui étaient reconduites à la frontière. Nous voulons aller beaucoup plus loin. 35 000, 40 000, 45 000. C'est ce niveau-là que nous voulons atteindre. Donc ça nécessite une coopération avec les Comores, un dialogue gagnant-gagnant. Donc j'attends que ces contacts soient pris, évidemment, par le chef de l'État, par le président de la République, et à ce moment-là, nous pourrons voir comment nous déployons. Mais ce qui est clair, et ce n'est pas uniquement pour Mayotte, ce qui doit changer, c'est, bien sûr, l'ancrage de ces territoires dans un espace régional. Ça, ça doit, évidemment, beaucoup changer. Merci.

Bastien AUGER
Une toute dernière question, Monsieur le ministre, si vous voulez bien. Bastien AUGER pour TF1 LCI. C'est juste, vous avez répondu à la question de mon confrère.

Manuel VALLS
C'est une prise de pouvoir, ça.

Bastien AUGER
[rires] Je me dépêche.

Manuel VALLS
Je vais me faire gronder par ma collègue.

Bastien AUGER
Je vais être très rapide. Non, parce que vous avez beaucoup insisté sur la question de soit la destruction des habitats illégaux, soit d'empêcher la reconstruction, mais vous n'avez pas tout à fait répondu sur les questions qui portaient notamment sur qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on propose comme solution aux personnes qui, aujourd'hui, recourent à cet habitat illégal. Est-ce qu'il y a des solutions, est-ce qu'il y a des moyens qui sont prévus par l'État pour reloger toutes ces personnes ?

Manuel VALLS
Il y a des publics très différents. Par exemple, là, j'essaie d'être précis, ceux qui étaient réfugiés dans des écoles, dans des établissements scolaires. C'est un sujet qui nous préoccupait d'abord pour la rentrée scolaire et pour eux. Donc, il y a des publics différents qu'il faut traiter tel quel. Il y avait une partie qui était des publics différents d'un point de vue administratif, des publics fragiles, comme on dit, souvent des femmes seules avec des enfants. Donc, ils doivent être traités. Il y a des villages de tentes, il y a l'hébergement d'urgence. Certains sont nos compatriotes, d'autres sont en situation irrégulière. Et puis il y a aussi une partie de l'immigration, vous le savez, qui est issue des régions du continent africain, de la région des Grands Lacs. Donc ça, ça doit être traité également, même si c'est évidemment pas la majorité. Et puis, moi, je veux être très clair, la priorité pour nous, c'est la reconstruction des maisons, des toits des Mahorais. Et donc, nous n'allons pas créer par des formes d'hébergement qui seraient pérennes, nous n'allons pas donner une prime à l'immigration irrégulière. Donc, je crois qu'on se reverra, c'est un dossier délicat, difficile, mais si nous prenons des mesures pour empêcher aujourd'hui et demain, surtout la reconstruction, la construction de ces bidonvilles, ça n'est pas pour fixer l'immigration irrégulière sur le territoire. Donc, ces gens ont vocation, je vous le dis de manière très claire, à être reconduites en dehors de Mayotte. Et les sujets délicats, difficiles, ça concerne des familles, des êtres humains, donc ça doit être traité de la manière la plus humaine possible, mais bien sûr avec la plus grande fermeté. Est-ce que c'est un dossier facile ? Non, mais il doit être traité, parce que si nous ne le traitons pas, nous ne reconstruirons pas Mayotte. Merci beaucoup, au revoir et à très bientôt !

Sophie PRIMAS
Merci, je remercie le ministre d'État pour sa présence et pour avoir répondu à vos très nombreuses questions sur Mayotte. Mais évidemment, c'est un sujet capital pour notre pays. Je vais donc reprendre le fil du compte rendu du Conseil des ministres. Le deuxième point à l'ordre du Conseil des ministres portait sur l'égalité femmes-hommes avec la présentation d'une ordonnance de transposition de la directive relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées. Ce texte prend appui sur la loi pionnière, dont d'ailleurs, j'étais l'orateure de mon groupe politique à l'Assemblée nationale à l'époque, la loi dite loi Copé-Zimmermann en 2011 qui impose, je vous le rappelle, que 40 % de femmes soient présentes dans les conseils de grandes entreprises. Il élargit le calcul de cette parité aux représentants des salariés qui n'étaient pas comptés aujourd'hui, et il inclut également des sociétés à participation publique, et il accroît également les exigences en matière de transparence. Nous avançons donc doucement, mais nous avançons dans le bon sens sur ces questions d'égalité femmes-hommes. Le troisième sujet portait sur la régulation des marchés de cryptoactifs avec la ratification des ordonnances du 15 octobre 2024 qui harmonise le droit français avec les régulations européennes. Ces textes modernisent le cadre juridique des cryptoactifs. Ils renforcent la lutte contre le blanchiment des capitaux et la lutte contre le financement d'ailleurs du terrorisme et ils encadrent les portefeuilles numériques dits auto-hébergés avec une mise en œuvre progressive à partir de maintenant jusqu'en 2026. Le quatrième point à l'ordre du jour portait sur la coopération internationale avec un projet de loi qui élargit le montant de la banque de la BIRD à plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, dont le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Kenya, le Nigeria, le Sénégal et également à l'Irak. Cette initiative, inscrite dans une stratégie de coopération solidaire et durable, vise à répondre aux défis climatiques et financiers tout en soutenant les pays les plus vulnérables. Il entre également dans notre stratégie de coopération avec ces pays. Enfin, lors de ce Conseil des ministres, le Premier ministre a par ailleurs présenté les décrets qui définissent les attributions des membres du Gouvernement, qui définissent donc les compétences de chaque ministre et précisent les services placés sous leur autorité. Avec l'adoption de ces décrets, le Gouvernement est désormais, donc, en mesure de mobiliser toutes les administrations centrales et déconcentrées pour mettre en œuvre les réformes qui sont attendues par les Françaises et par les Français. Voilà pour ce qui est du Conseil des ministres. Et je suis maintenant également à votre disposition pour toutes les autres questions.

Romain CLUZEL
Bonjour, madame la ministre. Romain CLUZEL de RMC. J'ai une question concernant le budget et notamment les négociations, en tout cas les consultations en cours. Hier, Marylise LÉON de la CFDT a été reçue à Matignon. Elle indique ce matin, je cite, que "François BAYROU nous a dit que la question de l'âge est sur la table". Est-ce que vous confirmez que le Gouvernement est ouvert à revenir sur l'âge de 64 ans pour le départ à la retraite ? Et si oui, avec quels autres financements ? Et en tout cas, pistes d'autres financements. Merci à vous.

Sophie PRIMAS
Merci de votre question. Je comprends l'impatience générale de tout le monde, y compris des Françaises et des Français qui comprennent bien que l'adoption d'un budget et d'un projet de loi de financement de la Sécurité sociale sont des éléments essentiels pour remettre notre pays en route. Néanmoins, comme je vous l'ai dit en propos introductif, les consultations ont lieu en ce moment. Et pour l'instant, les arbitrages ne sont pas pris, ni pour le PLF, ni pour le PLFSS. Et donc, je ne peux pas répondre par l'affirmative à votre question, puisque ces négociations et, de toute façon, les grandes orientations sur ces 2 budgets seront annoncées, évidemment, par le Premier ministre lors de la déclaration de politique générale. J'en suis désolée.

Journaliste
Pour rebondir sur ce même point, en lisant le Parisien ce matin, on apprend que Patrick MARTIN, qui est président du MEDEF, est très favorable à un système par capitalisation. Je vais peut-être un peu définir ce que c'est. C'est un système où le cotisant cotise pour soi en fonction de ce qu'il va gagner sur un mois de salaire. Sophie BINET et Marylise LÉON sont très opposées à ce principe de capitalisation puisqu'elles pensent que dans beaucoup de branches, les Français ne gagnent pas assez. Le travail ne paye pas assez. Est-ce qu'il y a une possibilité de discussions dans certaines branches pour que les Français, peut-être, aient une possibilité d'avoir des meilleures rémunérations et ça me permet aussi de rebondir sur un deuxième point, c'est la réforme du RSA, ou l'application de la réforme du RSA avec France Travail et Cap Emploi pour la partie où les personnes en situation de handicap doivent proposer des missions de 15 heures pour retoucher cette aide sociale, pour, à terme, aussi ramener le plus de personnes possibles en France vers l'emploi. Et est-ce que vous avez eu aussi écho des inquiétudes de beaucoup de conseillers, France Travail, Cap Emploi, qui disent, en fait, on est en grande difficulté pour trouver des entreprises où les Français pourront travailler à 35 heures et cotiser pour leur retraite sur le temps long aussi ?

Sophie PRIMAS
Très bien, alors je vais prendre vos questions. Merci beaucoup. Dans l'ordre, la première porte sur un système de retraite par capitalisation. Donc ça, c'est un sujet qui est un sujet très lourd et très important et structurel dans la réforme des retraites et du financement de notre modèle social. Je pense que là, nous sommes dans un premier temps, qui est le temps de l'urgence, il faut trouver un système de financement de la Sécurité sociale et un projet de loi de financement de la Sécurité sociale avec le système des retraites qui soit dans l'urgence. Le changement de modèle, en passant d'un système par répartition à un système mixte par répartition et par capitalisation, est un point politique qui peut être abordé dans le futur, mais qui est un point structurel sur lequel, je pense, on n'aura pas d'arbitrage dans ce sens dans les jours ou dans les semaines qui viennent. Donc ça, c'est un peu prématuré comme question. Mais vous savez, par exemple, que le Premier ministre, dans le passé, s'est, à titre personnel et non pas comme chef du Gouvernement, voilà, dit intéressé par cet objectif. Sur votre question sur le RSA, oui, nous avons entendu, à l'occasion du déploiement de cette disposition sur le RSA, du déploiement national, les inquiétudes des uns et des autres. Moi, je crois qu'il faut revenir à la fois aux objectifs de cette réforme sur le RSA et en même temps sur les résultats que nous avons obtenus dans l'expérimentation. Les objectifs, c'est d'accompagner beaucoup mieux les titulaires du RSA vers un retour vers l'emploi. On leur demande effectivement, dans cette expérimentation, 15 heures de travail qui sont essentiellement tournées vers de la remise en confiance de ces personnes, de la réintégration vis-à-vis du monde du travail et également vers la rédaction de CV, la présentation, l'expression orale, la confiance en eux. Donc, ces dispositifs fonctionnent et je vous rappelle que pratiquement une personne sur deux dans le cadre de l'expérimentation retrouve du travail sous 12 mois de façon pérenne. Donc, nous avons jugé que cette expérimentation était favorable sur l'ensemble des publics et elle est généralisée aujourd'hui. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'inquiétudes, qu'il n'y a pas de points d'ajustement, mais je pense que dans le déploiement général en France, cela sera ajusté avec le personnel qui y travaille. Madame ?

Valérie LEROUX
Bonjour. Valérie LEROUX de l'agence France Presse. Le ministre de l'Intérieur Bruno RETAILLEAU a fait part de son souhait de faire interdire le voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires et pour les étudiantes à l'université. Ces propos reflètent-ils avant tout un avis personnel ou ont-ils vocation à cheminer vers le ministère de l'Éducation nationale et Matignon ?

Sophie PRIMAS
Merci de votre question, qui me permet d'apporter une précision par rapport à cette déclaration de Bruno RETAILLEAU, qu'il a d'ailleurs immédiatement lui-même apportée, indiquant qu'il s'agissait de sa position personnelle et que ce sujet, n'ayant probablement pas une majorité au Parlement, n'était pas un sujet qui serait abordé par le Gouvernement dans l'état actuel de la majorité parlementaire.

Augustin DONNADIEU
Madame la ministre, bonjour. Augustin DONNADIEU, journaliste pour CNews. Hier soir, des centaines de manifestants se sont rassemblés. Nantes, Marseille, Lyon, Strasbourg, Paris, pour, selon eux, célébrer la mort de Jean-Marie LE PEN, quelle a été la réaction du Gouvernement ? Est-ce que vous condamnez ces rassemblements ? Allez-vous à l'avenir les interdire ? Merci.

Sophie PRIMAS
Merci de cette question. Je vais reprendre un terme qui a été pris ce matin par Sébastien LECORNU, le ministre des Armées, lors d'une interview. Je crois qu'on est là dans une question qui est presque civilisationnelle, me semble-t-il. Hier, c'était une journée singulière. Hier, c'était la commémoration des 10 ans des attentats de Charlie Hebdo. Évidemment, la mort de Jean-Marie LE PEN est venue happer une partie de l'actualité. J'aurais bien aimé que ces manifestants se retrouvent dans la rue, comme il y a 10 ans, pour redire leur attachement à la liberté d'expression et leur soutien à la lutte que nous devons mener contre le terrorisme sur notre territoire et d'ailleurs en dehors du territoire pour des questions de terrorisme projeté sur la France. J'aurais bien aimé que ces manifestations soient des manifestations qui soient consacrées aux attentats et aux soutiens que nous devons apporter dans la lutte contre le terrorisme. Alors, vous m'interrogez évidemment sur la mort en creux, sur la mort de Jean-Marie LE PEN. Je peux vous dire de façon assez sobre parce que je pense qu'il faut de la sobriété dans l'expression sur ce sujet. Jean-Marie LE PEN a été un acteur de la vie politique pendant pratiquement 70 ans. Il a eu des propos tout à fait inacceptables, agi de façon, parfois, inacceptable. Vous savez, moi, je le répète souvent, je suis du nord des Yvelines, et en 1997, une certaine Annette PEULVAST-BERGEAL qui était candidate aux élections législatives dans la 8e circonscription aux alentours de Mantes-la-Jolie, a été attaquée physiquement dans une, j'allais dire, un épisode épique que l'on retrouve encore sur les réseaux, par Jean-Marie LE PEN et ses équipes, alors que sa fille se présentait dans cette circonscription. Je connais la violence, les outrances et les choses inacceptables qui ont été faites par Jean-Marie LE PEN. Cependant, l'homme est mort aujourd'hui. Et je reprendrai ces mots, le tweet, je crois qu'il l'avait fait quand Jacques CHIRAC était décédé. Jean-Marie LE PEN avait tweeté la chose suivante : "Mort, même l'ennemi a le droit au respect". Donc, je reprends ces mots pour avoir été une "chiraquienne", pour avoir combattu beaucoup Jean-Marie LE PEN sur ses positions, sur son comportement, sur ses déclarations. Je crois qu'aujourd'hui, mort, il a le droit au respect et sa famille à nos condoléances républicaines.

Journaliste
Bonjour. Sylvie CORBET, Associated Press. Une question de politique étrangère. Donald TRUMP a réitéré ses propos sur le Groenland et son souhait d'annexer ce territoire quand il sera au pouvoir. J'aimerais savoir si ce sujet a été abordé en Conseil des ministres et quelle est la position de la France avec aussi notamment dans l'idée le fait que la France a également un territoire dans cette zone qui semble, aux yeux de Donald TRUMP, revenir naturellement aux États-Unis.

C'est une question, merci beaucoup, c'est une question qui est évidemment extrêmement sensible et qui a trait en fait à la montée des impérialismes partout dans le monde. Impérialisme, évidemment, des grands blocs autour d'une idée d'ailleurs qui est une idée contre probablement une forme de civilisation, une forme de démocratie que nous portons depuis des années, que l'on croyait d'ailleurs éternelle et que l'on voit fragilisée. Donc aujourd'hui, il y a la montée des blocs qu'on peut traduire par une forme d'impérialisme qui se matérialise à la fois concrètement sur des déclarations comme celles de Monsieur TRUMP, qui sont des déclarations sur du physique, l'annexation de territoire entier, et puis aussi de façon numérique, j'allais dire, par le fait de... par la force numérique d'un certain nombre d'opérateurs mondiaux, que ce soit d'ailleurs américains, chinois ou autres, d'ordonner la pensée et d'orienter la pensée. Cela a été abordé ce matin d'une façon un petit peu générale pour dire que, plus que jamais, nous devons, avec nos partenaires européens, être conscients, sortir d'une forme de naïveté, se prémunir, se réarmer d'ailleurs, définir des investissements, qu'ils soient des investissements en termes de défense, en termes de numérique, en termes d'accès à l'espace, qui soient des investissements qui protègent et assurent la force de l'Europe par rapport à ces blocs. Et sur ce qui concerne particulièrement le Groenland, le Mexique ou le Canada, vous imaginez que je ne vais pas commenter ce type de propos, mais nous y sommes très attentifs. Pas d'autres questions pour aujourd'hui. Mayotte vous a suffi. Très bien. Merci beaucoup et je vous donne rendez-vous la semaine prochaine. Merci infiniment. Bonne journée à vous.


Source https://www.info.gouv.fr, le 20 janvier 2025