Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à France Inter le 11 février 2025, sur l'inclusion des personnes en situation de handicap, la réforme du congé parental, le budget 2025 de la sécurité sociale, la réforme des retraites, la journée mondiale de l'Internet sans crainte, la loi sur la fin de vie et la hausse du chômage.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAMÉ, nous recevons ce matin la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des familles. Questions et réactions, amis auditeurs au 01 45 24 7000 et sur l'application de Radio France. Catherine VAUTRIN, bonjour.

CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Nicolas DEMORAND.

LÉA SALAMÉ
Bonjour.

CATHERINE VAUTRIN
Et bonjour, Léa SALAMÉ.

NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue sur Inter. Vous êtes donc à la tête d'un véritable paquebot ministériel : emploi, travail, santé, handicap et on va justement commencer par ça. On avait pu croire, après le succès des Jeux paralympiques, qu'il y aurait un avant et un après dans l'inclusion des personnes en situation de handicap. Mais à en croire les associations et leurs représentants, ce n'est pas du tout le cas. En cette semaine où l'on commémore le vingtième anniversaire de la loi handicap, une manifestation avait lieu hier place de la République pour dénoncer l'application insatisfaisante de cette loi. Mickaël JEREMIASZ, Le champion de tennis fauteuil a alerté, je le cite : "Aujourd'hui, 80 000 enfants ne peuvent pas être scolarisés. L'accès au logement est un parcours du combattant. Rien ne nous laisse penser que cela va changer. Les gouvernements, de droite comme de gauche, ont délaissé le sujet". Fin de citation. Vous entendez sa colère ?

CATHERINE VAUTRIN
Bien sûr que j'entends sa colère, parce que vous venez de le dire, nous sommes aux vingt ans de la loi voulue par le Président CHIRAC, on se souvient de la philosophie de cette loi, c'était de l'inclusion aussi bien dans la vie personnelle que dans la vie professionnelle. Alors, le bilan n'est pas excellent, mais il faut quand même reconnaître qu'il y a des choses qui ont été faites. Aujourd'hui, nous avons 520 000 enfants qui sont scolarisés. On a augmenté par quatre le nombre d'enfants scolarisés.

LÉA SALAMÉ
Il reste 80 000 enfants qui ne sont pas scolarisés, même la ministre. 80 000 enfants, c'est beaucoup.

CATHERINE VAUTRIN
Non mais, je suis d'accord avec vous, mais on a multiplié par 4, il faut quand même le regarder et si je prends l'Enseignement supérieur, qui est un énorme sujet, on a multiplié par neuf, on partait de très bas. Je ne vais pas vous dire le contraire. On a, au moment où je vous parle, 64 500 étudiants qui sont des étudiants porteurs d'un handicap. Vous l'avez vu, la semaine dernière, on a travaillé sur un autre sujet. Le président de la République s'était engagé, on en parlait beaucoup, c'est fait. C'est la prise en charge du fauteuil roulant. Ça peut paraître un détail, c'est majeur, parce que c'est un outil d'autonomie absolument indispensable. Et je veux rendre hommage aux différentes ministres qui ont travaillé : Fadila KATABI, Charlotte PARMENTIER-LECOQ, qui se sont engagées. Et je dois dire que, et vous faisiez allusion au champion de tennis fauteuil, à la suite des JO, ça a été un élément important, puisqu'on a pris en charge le fauteuil roulant des sportifs, ce qui n'était pas forcément inscrit à ce jour.

LÉA SALAMÉ
Donc, ça, le fauteuil roulant, ce sera en décembre prochain ? Sûr ? Parce que ça fait deux ans qu'Emmanuel MACRON le promet.

CATHERINE VAUTRIN
Non seulement, c'est fait, mais les budgets sont là, puisque vous le savez très bien, il y a les annonces et les budgets. Et le sujet, je suis quelqu'un de très concret, c'est que les budgets sont là, les fauteuils vont être pris en compte, avec un élément très important, c'est qu'il n'y a pas que le fauteuil, il y a ce qui va autour, notamment les coussins et tous les équipements. C'est un sujet extrêmement important, qui nécessitait qu'on prenne du temps, et c'est pour cela que j'insiste sur le sujet.

NICOLAS DEMORAND
Catherine VAUTRIN, la loi de 2005 visait notamment à rendre les lieux publics et les transports accessibles dans un délai de dix ans. On est vingt ans après. Aujourd'hui, cette accessibilité des lieux publics et des transports aux personnes handicapées est-elle satisfaisante à vos yeux ? Le métro parisien, par exemple, est toujours complètement inaccessible, ou presque. Par rapport à d'autres villes européennes, on est aussi très en retard.

CATHERINE VAUTRIN
Alors, je peux dire sur le sujet qu'autant, il y a un effort des gares, et on a, aujourd'hui, des gares qui sont beaucoup plus accessibles. On a en province des travaux qui ont été faits sur les transports publics avec notamment… Il y a deux enjeux dont il faut qu'on parle. Le premier, c'est celui des transports adaptés. Le deuxième, c'est comment on permet que les transports soient accessibles à chacun ? C'est notamment un sujet très concret de quais. Dans ma ville de Reims, nous avons travaillé sur tous les quais des bus. Le but de la manœuvre, c'est qu'un maximum de gens puissent prendre le tram comme tout le monde, le bus comme tout le monde, parce que ma lecture de l'inclusion, c'est celle-ci, c'est-à-dire la ville la plus inclusive possible. Je prends le point et je donne acte sur le fait que sur le métro, il y a encore, effectivement, énormément de travail à mener, puisque la plupart des stations…

LÉA SALAMÉ
Ne sont pas accessibles.

CATHERINE VAUTRIN
On ne peut y aller que par des, effectivement, des escaliers. Vous avez raison, c'est un sujet sur lequel il faut continuer à travailler.

LÉA SALAMÉ
Et sur lequel ça coûte très cher, on le sait.

CATHERINE VAUTRIN
C'est compliqué, bien sûr.

LÉA SALAMÉ
Valérie PÉCRESSE a essayé d'impulser les choses. Elle dit que l'État et que la ville de Paris ne suivent pas.

CATHERINE VAUTRIN
Il y a un sujet de l'ensemble des partenaires, et Valérie PÉCRESSE a raison. Alors, après, la question, c'est qu'est-ce qu'on est capable de mettre en parallèle pour qu'il puisse y avoir, effectivement, des transports. Ce n'est pas parce que le métro n'est pas accessible qu'il ne doit pas y avoir d'autres transports. On ne peut pas dire : "Attendez que le métro soit accessible". Je pense que c'est aussi ça, ce dont il faut que nous parlions. Et puis même, Mickaël JEREMIASZ raconte très bien que l'État ne peut pas tout, c'est aussi un changement de regard des Français.

CATHERINE VAUTRIN
Clairement, de chaque Français, mais il a raison.

LÉA SALAMÉ
De chaque Français, et il l'explique très bien quand il dit "J'en ai marre qu'on me regarde avec un air en me disant : "Bon courage", quand je sors du taxi." c'est aussi à nous d'apprendre à changer notre regard sur le handicap.

CATHERINE VAUTRIN
Mais vous avez tellement raison. C'est le sujet de l'inclusion dans l'entreprise. Aujourd'hui, vous savez que le taux, normalement, est de 6 %. Aujourd'hui, la fonction publique est à 5,6 %. Les entreprises ne sont pas toutes à 6 %. Et pour autant, c'est un enjeu de société que d'être en capacité d'avoir des postes adaptés qui permettent. Et la vraie autonomie, la vraie inclusion, c'est celle par le travail. Et donc, la capacité à pouvoir accéder à un emploi, quelle que soit sa situation.

LÉA SALAMÉ
Et on rappelle qu'il y a douze millions de personnes qui sont en situation de handicap en France. Douze millions, c'est colossal.

CATHERINE VAUTRIN
Et un taux de chômage des personnes handicapées qui est encore à 12 %, il a baissé de 6 %. Mais je rappelle qu'il est à plus de quatre points au-dessus du taux de chômage français.

LÉA SALAMÉ
On va parler du taux de chômage français parce qu'il y a des chiffres qui viennent de tomber à l'instant, mais juste une question encore. Vous avez tellement de choses dans votre portefeuille. C'est vrai qu'on va passer un peu du coq à l'âne ce matin, mais c'est ainsi, c'est à cause de vous, de votre très gros portefeuille.

CATHERINE VAUTRIN
Je fais ce que le Premier ministre et le président de la République me demandent de faire.

LÉA SALAMÉ
La réforme du congé parental qui avait été annoncée par Aurore BERGÉ et qui était attendu… Ah, il y a un problème…

NICOLAS DEMORAND
On a un problème dans le casque.

LÉA SALAMÉ
Non, c'est moi, qui a fait l'erreur, qui était attendu, le congé parental, cette réforme attendue par les associations, préconisée par la Cour des comptes, annoncée par Aurore BERGÉ, elle va… On en est où ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, on va regarder le sujet d'une façon un peu plus large, si vous me le permettez, parce que moi, parce que, pour moi, l'énorme sujet français, c'est celui du virage démographique. Et c'est le sujet et le fil rouge de mon portefeuille. Pourquoi ? Parce qu'au moment où nous parlons, tous les jours, vous avez 2 000 personnes qui fêtent leurs soixante ans. Dans la même journée, vous avez 1 800 naissances. Donc, vous voyez bien le décalage entre le nombre de nouveau-nés et le nombre de personnes seniors. Et notre pays, on le voit, est quasi à un croisement de courbe entre les décès et les naissances, donc, nous avons donc un énorme sujet démographique. Ce sujet démographique, il faut évidemment le travailler à tous les stades. Et le premier, c'est celui du nombre de naissances qui baisse tous les ans. Il baisse pour plusieurs raisons. Il y a d'un côté le sujet de l'infertilité. J'étais à l'hôpital Tenon pas plus tard que vendredi sur ce sujet, c'est un enjeu majeur. On a un taux d'infertilité beaucoup plus important. Nous avons également tous ces sujets qui sont ceux des modes de garde d'une part, et d'autre part, de la capacité à choisir. Si dans un couple, l'un des deux a envie de garder son enfant.

LÉA SALAMÉ
Du coup, le congé parental.

CATHERINE VAUTRIN
J'atterris, j'atterris…

LÉA SALAMÉ
Vous essayez de nous noyer pour ne pas répondre. C'est bien fait.

CATHERINE VAUTRIN
Je ne vous noie absolument pas. Je vous donne l'élément de contexte parce qu'il me paraît extrêmement important de mobiliser les Français sur le sujet du virage démographique. Et donc, nous allons reprendre le sujet du congé de naissance, comme nous allons travailler sur les modes de garde. Et d'ailleurs, demain, au Conseil des ministres, nous annoncerons la création du haut-commissaire à l'enfance, pardon, le conseil jeudi au conseil de jeudi et je pense que le haut-commissaire sera nommé d'ici la fin de la semaine.

LÉA SALAMÉ
Donc, vous ne l'appelez plus congé parental ? C'est-à-dire, ce qu'a fait l'Espagne, par exemple, on ne fera pas.

CATHERINE VAUTRIN
Je ne l'appelle pas du tout parce que, à ce stade, le nom n'est pas… Donc reprenons le congé de naissance si vous voulez, mais c'est le principe…

LÉA SALAMÉ
Non mais parce que c'est Aurore BERGE qui l'avait annoncé…

CATHERINE VAUTRIN
Avec toute l'amitié que j'ai pour Aurore BERGÉ, le sujet, c'est qu'on arrive, effectivement, à mettre en place cette capacité pour les parents qui le souhaitent, de garder l'enfant, de rester avec l'enfant à la maison. Et je précise bien, parent, parce que ça peut être père comme mère.

NICOLAS DEMORAND
Alors venons-en à ce que vous avez réussi à faire, en l'occurrence adopter la partie recettes du budget de la sécurité sociale. Après le rejet, sans surprise, d'une nouvelle motion de censure des insoumis, motions que les socialistes n'ont pas voté. En revanche, pour les économies, il faudra attendre. Michel BARNIER espérer ramener le déficit de la Sécu à seize milliards, cette année, avec François BAYROU, il s'élèvera à 23, ce qui est colossal. C'était impossible de faire plus d'économies sinon ça ne passait pas. Vous avez cédé sur tout, Catherine VAUTRIN ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, d'abord, on ne cède sur rien, on échange, les uns avec les autres et moi, j'échange…

LÉA SALAMÉ
Avec six milliards de plus.

CATHERINE VAUTRIN
Attendez, on va se poser tranquillement. D'abord, on va remercier celles et ceux qui ont accepté de venir nous voir. Parce que, ce qui est important, j'ai reçu une quinzaine de groupes, Assemblée, Sénat et moi, je veux saluer le travail qui a été mené avec l'ensemble des partenaires, premier point.

LÉA SALAMÉ
Donc les socialistes, principalement.

CATHERINE VAUTRIN
Les socialistes, pour les citer tout à fait concrètement. Mais j'ai reçu tous les groupes qui ont accepté de venir. Donc, en résumé, les seuls qui ne sont pas venus, c'était LFI, pour faire court et clair. Une fois qu'on s'est dit ça, je me permets de vous rappeler qu'aujourd'hui, nous sommes le 11 février et que nous venons simplement d'adopter la partie recettes du projet loi de finances. Il ne vous a pas échappé que la censure de Michel BARNIER, c'était début décembre et qu'entre-temps, les hôpitaux ont continué à tourner, les maisons accueillant des personnes âgées, des personnes handicapées ont continué à tourner et qu'en d'autres termes, la vie a continué sans aucune économie et qu'en d'autres termes, si nous n'avions pas voté le projet de loi de finances, qui n'est pas totalement voté, il reste la partie dépenses. Nous serions à trente milliards de déficit, parce que les économies prévues ne sont pas entrées en vigueur, puisque le projet de loi de finances n'est pas voté. Donc, déjà, il y a ce premier élément, je tiens à insister là-dessus. Deuxième élément maintenant, nous avons effectivement mis un milliard de plus sur les hôpitaux et vous auriez été les premiers à me dire : "Mais Catherine VAUTRIN, le budget des hôpitaux est en déficit, que votre budget n'est pas sincère et donc, l'idée, cela a été aussi de permettre à nos hôpitaux de tourner, ce qui est un enjeu absolument majeur, même chose pour les établissements accueillant des personnes âgées qui, aujourd'hui, ont des situations financières compliquées et pour lesquelles il fallait apporter des réponses.

LÉA SALAMÉ
Mais les économies, ça attendra plus tard ? C'est ce que vous nous dites clairement ? Ce que je veux dire, c'est que la non-indexation des retraites prévue par BARNIER a disparu et les hausses du ticket modérateur disparues, les jours de carence supplémentaire pour les fonctionnaires, c'est-à-dire, tout ce qui a été annoncé par le Gouvernement précédent pour tenter de faire baisser ce déficit qui est quand même à 23 milliards, ce qui est colossal. Vous avez préféré le laisser pour plus tard ?

CATHERINE VAUTRIN
Non, pas le laisser pour plus tard. Le sujet était que nous étions à un moment où nous avions besoin de faire fonctionner notre pays et les hôpitaux, les maisons de retraite d'un autre côté. Nous avons à travailler avec l'ensemble des Français. Travailler avec l'ensemble des Français, c'est effectivement s'engager, notamment sur… Je vais prendre un exemple très simple sur la prévention, 80 % des gens qui, aujourd'hui, ont été cet hiver, dans les services de réanimation avec des complications pour la grippe, étaient des gens bénéficiaires d'une vaccination gratuite de la grippe et n'étaient pas allés se faire vacciner, donc, nous avons une responsabilisation de l'ensemble de nos concitoyens. Les économies, ça passe aussi par la responsabilité de chacun.

NICOLAS DEMORAND
Les négociations, elles, se poursuivent avec les partenaires sociaux pour modifier la réforme des retraites d'Élisabeth BORNE. La CFDT, dit que la première priorité est d'obtenir un bougé sur l'âge légal. Le MEDEF n'en veut pas. Pourra-t-il, selon vous, Catherine VAUTRIN, y avoir un accord ou vous jouez la pendule en sachant qu'il n'y en aura pas ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors déjà, on va se dire qu'on va attendre d'avoir le 19 février le retour de la Cour des comptes avec l'ensemble de la situation des retraites, puisque l'idée du Premier ministre, ça a été de dire à juste titre : "Nous avons besoin d'un constat partagé sur les chiffres d'ailleurs privés comme public, de façon à ce que les Français mesurent ce qu'est ce déficit des retraites, parce que c'est juste le cadeau que pour l'instant, nous laissons à nos enfants, ce qui est quand même très compliqué. Secondement, le Monsieur MARETTE va réunir les partenaires sociaux dans un groupe de travail qui va se réunir régulièrement et on va les laisser travailler. Et je ne vais pas ce matin commencer à dire : "Vous devez faire ceci ou cela", laissons-les travailler.

LÉA SALAMÉ
L'âge légal, ça peut bouger ?

CATHERINE VAUTRIN
Laissons l'ensemble des partenaires sociaux faire des propositions. Ce qui est certain, et on le voit bien, vous venez de me parler de situation d'économie, vous avez quand même en Europe, prenez récemment le Danemark, de nombreux pays qui considèrent qu'à partir du moment où on vit plus longtemps, il n'est pas complètement ridicule de pouvoir cotiser. Après, il y a toute…

LÉA SALAMÉ
C'est-à-dire, vous êtes favorable à la retraite par capitalisation, il faut ouvrir le sujet.

CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez, la capitalisation, il faut qu'on arrête de donner l'impression que c'est réservé à des très riches. Dans la fonction publique, vous savez quelque chose qui s'appelle le pré-fonds et vous avez de très nombreux agents de la fonction, c'est ça aussi, mais en aucun cas, et je crois, pardonnez-moi, mais c'est très important, on ne peut pas dire qu'on va passer de répartition à capitalisation. Je crois qu'il faut arrêter de faire peur aux Français.

LÉA SALAMÉ
Mais vous être pour une dose de capitalisation.

CATHERINE VAUTRIN
Moi, je suis pour dire à chacun que nous nous savons tous le… Je prends le Professeur VELLAS, président de la Société mondiale de gériatrie, qui met en avant le fait qu'aujourd'hui, à 70 ans, vous êtes dans l'état de santé de quelqu'un de soixante ans. Il y a dix ans, on va vivre plus longtemps. Il faut qu'on s'organise pour vivre dans les meilleures conditions possibles.

LÉA SALAMÉ
Catherine VAUTRIN, Michel BARNIER avait fait de la santé. La grande cause nationale de son mandat, où ça en est ? Est-ce toujours le cas ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, François Bayrou a décidé qu'effectivement, nous puissions reprendre ce sujet de la santé mentale. Donc, ça fait partie des dossiers que nous allons ouvrir.

LÉA SALAMÉ
C'est toujours la grande cause nationale ou ça n'est plus ?

CATHERINE VAUTRIN
C'était toujours une cause pour 25.

NICOLAS DEMORAND
Sur l'endométriose, on souffre près de deux millions de Françaises. Vous avez annoncé hier une phase de test de 2 500 tests en pharmacie à partir d'aujourd'hui. Ils sont censés être fiables à 97 %. Combien de temps va durer cette phase de test ? Et à quelle date pensez-vous généraliser le dispositif ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, typiquement, et oui, c'est une des déclinaisons de l'intelligence artificielle. Donc, c'est ce qu'on appelle un test clinique, donc 2 500 femmes qui vont pouvoir en bénéficier sur prescription de leur gynécologue, ça veut dire trois consultations, le test, le résultat du test et le suivi médical. Je rappelle qu'on met fin, avec ce test à sept ans en moyenne d'errance médicale. Nous parlions d'infertilité. C'est un des éléments qui rend certaines grossesses compliquées. Là, l'objectif, c'est très concrètement que ces 2 500 est soit réalisé. Qu'ensuite l'agence de santé donne son avis définitif, pour qu'ensuite les femmes puissent être remboursés. Donc, c'est le temps de faire les 2 500, mais ça peut aller très vite, eu égard au nombre de femmes concernées par le sujet.

LÉA SALAMÉ
Vous nous avez parlé du vaccin contre la grippe. Santé publique France fait état de la faible efficacité de ce vaccin chez les 65 ans et plus pour cette saison. Pourquoi il ne marche pas et comment on évite de se retrouver dans la même situation à l'hiver 26 ? C'est-à-dire l'année prochaine de commander des vaccins qui marchent moyen ou pas ?

CATHERINE VAUTRIN
Alors, déjà, vous le savez, ça, c'est un travail de recherche qui est fait par les épidémiologistes et c'est à eux, en fonction des différents éléments qu'ils étudient, de nous, trouver celui qui est le plus adapté. Maintenant, ce qu'il faut dire, c'est qu'on a douze millions, pour être tout à fait concrets, on a douze millions de Français vaccinés contre la grippe, versus sur 68 millions de Français et qu'on le veuille ou non, on a quand même avec les gens vaccinés, des épisodes beaucoup moins forts que quelqu'un qui n'est pas vacciné.

LÉA SALAMÉ
Pourquoi Santé Publique France dit que ce vaccin-là marche moins bien pour les plus de 65 ans ?

CATHERINE VAUTRIN
Parce que selon les années et au début de la saison, ce n'est pas ce qui était dit, au début de la saison, on nous disait que le vaccin répondait bien.

LÉA SALAMÉ
Ils disent aussi que d'autres vaccins sont disponibles et qu'on ne les a pas choisis, les autres.

CATHERINE VAUTRIN
Alors, vous savez que les vaccins sont choisis avec les professionnels. Ce n'est pas le ministre qui choisit le vaccin, ce sont les professionnels qui, en fonction des éléments épidémiologiques, font le choix. Et je laisse les professionnels responsables du choix qu'ils font parce que c'est un choix extrêmement scientifique. Par contre, il y a systématiquement tous les ans un retour d'expérience. Je rappelle que la fin de l'expérience grippe, c'est le 28 février. On tirera évidemment toutes les conséquences de la façon dont le vaccin a été efficace ou pas, pour les achats de l'année prochaine qui se font dès la fin du printemps pour être concret.

NICOLAS DEMORAND
C'est aujourd'hui le Safer Internet Day, la journée mondiale de l'Internet sans crainte pour les enfants. En avril dernier, un rapport d'experts sur le rapport des enfants aux écrans avait été remis à M. Macron. Il préconisait notamment d'interdire l'usage des écrans aux moins de trois ans et des téléphones portables aux moins de onze ans. Vous avez une annonce à nous faire, ce matin, sur l'interdiction des écrans aux moins de trois ans ? De quoi s'agit-il ?

CATHERINE VAUTRIN
Non, là, ce que je fais ce matin, donc, vous parlez du rapport des professeurs BENYAMINA et MOUTON. Je vais à Robert-Debré dans la foulée, en vous quittant, pour justement rencontrer l'ensemble des experts sur ces sujets, parce qu'effectivement, il y a un travail à mener sur une potentielle interdiction pour les moins de trois ans et sur ensuite un…

LÉA SALAMÉ
Mais ça veut dire quoi concrètement ? Qu'est-ce que ça veut dire d'interdire les écrans, sachant qu'il y a des écrans partout ? Que leurs parents ont des écrans ? Que dans les lieux publics, il y a des écrans.

CATHERINE VAUTRIN
C'est un exemple très simple que dans les crèches, il n'y pas d'écran pour vous donner… Vous ne pouvez pas, évidemment, vous n'entrez pas dans l'intimité des gens. Par contre, vous pouvez très concrètement être dans les lieux publics, dans lesquels, il y a des enfants, évitez qu'il y ait des écrans. Quand on vous parle d'enfants confrontés à des écrans à six mois, tous les professionnels vous disent : c'est mauvais pour le développement de l'enfant. Alors, tout dépend évidemment du temps que vous y passer. Puis il y a un sujet d'exposition…

LÉA SALAMÉ
Donc c'est interdire les enfants dans les crèches pour être clair ?

CATHERINE VAUTRIN
Dans les lieux publics, très concrètement, c'est ça, mais c'est déjà. Mais quand vous faites ça, vous informez l'ensemble de la population. Quand on parle de prévention active, qu'est-ce que c'est la prévention active ? C'est de dire à un parent qui ne mesure pas forcément les conséquences de l'exposition longue aux écrans pour tel ou tel enfant, là, l'idée, c'est de dire : "En l'état actuel de la science, il nous semble qu'il y a un risque pour votre enfant de l'exposer trop longtemps".

LÉA SALAMÉ
On en vient au sujet sans doute le plus épineux de votre portefeuille, mais le plus attendu par les Français. À ce micro, en mars dernier, ça donne l'impression que c'était il y a mille ans, c'était…

CATHERINE VAUTRIN
Mais non, c'était bien moi, là, non.

LÉA SALAMÉ
C'était le Gouvernement, c'était Gabriel ATTAL qui était Premier ministre. Vous nous présentez les contours de la loi de fin de vie, qui était voulue par Emmanuel MACRON, annoncée, ça fait quand même des années. Un an après, dissolution oblige, cette loi de fin de vie se fait toujours attendre et les malades en fin de vie l'attendent. Vous avez entendu Charles BIETRY et sa lettre - atteints de la maladie de Charcot - qui vous dit : "J'aurais aimé en profiter. Les jours passent et chaque jour me rapproche vers cette issue-là. Et je voudrais éviter le voyage en Suisse". Sa lettre est très poignante. Et maintenant, François BAYROU veut la scinder en deux, en deux textes : soins palliatifs d'un côté, fin de vie de l'autre. La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël BRAUN-PIVET, qui fait partie de votre majorité, dit que c'est une grande erreur de scinder le texte. Où ça en est ? Qu'est-ce que vous allez faire ?

CATHERINE VAUTRIN
Déjà, vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas avoir fait ce que j'ai dit. En d'autres termes, je suis bien allée devant l'Assemblée. Je suis passée huit jours en commission, deux semaines dans l'hémicycle et nous avions voté l'article 5. Il restait, pour être extrêmement précis, cinquante amendements avant le vote de l'article six. Nous étions le vendredi 7 juin, dissolution le 9, d'où, effectivement, la fin du parcours. Et je rappelle pour les auditeurs, parce que ce n'est pas évident, que quand un texte n'a pas été voté et qu'il y a une dissolution, le texte tombe. Ça, c'est le premier point. Deuxième point, j'avais pris un engagement, y compris à votre micro, sur les soins palliatifs, en disant que dans ce texte, il y avait deux éléments, soins palliatifs, fin de vie. Et que sur soins palliatifs, je m'engageais à augmenter les crédits. Je l'ai fait. Et dans le projet de loi de finances de la Sécurité Sociale, actuellement en discussion, il y a bien 100 millions de plus pour ouvrir 15 services de soins palliatifs. Je rappelle que dans notre pays, au moment où nous nous parlons, 22 départements n'ont pas de soins palliatifs. L'objectif, c'est qu'en 25, nous n'en ayons qu'un de plus. Maintenant, sur le texte de loi, je souhaite pouvoir discuter ce texte de loi. Je ne discutais pas plus tard qu'hier avec le ministre en charge des relations avec le Parlement. Et normalement, nous devrions discuter ce texte avant la fin de la session ordinaire, c'est-à-dire avant le 30 juin.

LÉA SALAME
Donc, pas scindé ?

CATHERINE VAUTRIN
Reste deux questions, j'y arrive. Quel texte prenons-nous ? Puisque je vous rappelle qu'il y a un texte qui a été, en partie, discuté, qui a fait l'objet d'une proposition de loi qui avait été déposé par l'ancien rapporteur général, monsieur FALORNI. Vous avez, d'un autre côté, le projet de loi initial. Au moment où je vous parle, effectivement, le Premier ministre souhaite le texte. Ce n'est pas encore totalement arbitré, au moment où je vous parle.

LÉA SALAME
C'est-à-dire que l'Elysée ne souhaite pas de texte, pour être clair ?

CATHERINE VAUTRIN
L’Élysée est sur un seul texte. L'intérêt d'un seul texte, c'est que ça permet de prendre, d'un côté, les soins palliatifs, et en même temps, le côté fin de vie. Le Premier ministre est plutôt sur une discussion commune de deux textes différents.

LÉA SALAME
Quel est votre… Vous avez évolué sur cette question.

CATHERINE VAUTRIN
Ce que je pense, c'est que deux textes seront difficiles dans le sens où un seul texte permet de voter sur un ensemble complet de textes. Clairement, celles et ceux qui ne veulent pas de la fin de vie voteront contre ce texte. Il y a 162 nouveaux députés à l'Assemblée nationale. C'est un texte sur lequel il n'y a pas de discipline de groupe. J'ignore quelle sera la sortie de ce texte à la sortie de l'Assemblée nationale.

LÉA SALAME
Donc à titre personnel, vous préférez que le texte initial reste celui qui sera voté ? Il faut convaincre François BAYROU.

CATHERINE VAUTRIN
A le mérite de la clarté vis-à-vis de nos concitoyens.

NICOLAS DEMORAND
Un mot sur le chômage qui est aussi dans votre portefeuille. Aujourd'hui, il a augmenté au quatrième trimestre 2024 de près de 4 %. C'est la plus forte remontée depuis 10 ans. Aujourd'hui, les chiffres de l'INSEE indiquent que le chômage est quasi stable. Ils ont été publiés tout à l'heure. Donc, le marché du travail n'est pas en train de se retourner. Vous voyez la stabilité. Quelle analyse faites-vous ?

CATHERINE VAUTRIN
Moi, je suis très prudente. Et il y a un point qui m'interpelle pour être tout à fait concrète. C'est que le taux d'emploi, parce que c'est ça qu'il faut qu'on regarde. C'est-à-dire le nombre de gens qui sont en activité par rapport au nombre de gens de la tranche d'âge qui pourraient travailler. Parce que c'est ça qui nous intéresse. Le taux d'emploi des jeunes étant baisse. Et ça, c'est un sujet majeur. Parce qu'en France, aujourd'hui, nous avons deux sujets, un taux d'emploi, un taux des seniors qui sont plus faibles que la moyenne européenne. Et ça, c'est un sujet très important. Nous avons, et on le sait, sur le territoire, un certain nombre de fermetures d'entreprises. Et ce qui m'importe, et je voudrais souligner le travail qui est fait par FRANCE TRAVAIL, qui permet d'accompagner ces personnes pour maintenir leur employabilité et pour travailler à leur évolution professionnelle. C'est un sujet extrêmement important.

LÉA SALAME
Allez, une toute dernière question, popole, un peu, pour vous faire sourire. Gérald DARMANIN a estimé, dimanche, qu'il faudra peut-être une primaire dans le camp MACRON, d'ici 2027. Si ça n'est pas évident de dire qu'elle est le meilleur d'entre nous, il faudra une primaire. Vous êtes d'accord avec lui ?

CATHERINE VAUTRIN
Écoutez, on a fait partie du même parti. On a vu à quoi menaient les primaires. Donc, en ce qui me concerne, je ne suis vraiment pas une fanat de la primaire.

NICOLAS DEMORAND
Vous êtes vacciné, c'est ça ?

CATHERINE VAUTRIN
C'est le cas de le dire. Et avec un vaccin qui, je crois, devrait marcher pour tout le monde.

LÉA SALAME
Vous n'êtes pas d'accord avec Gérald DARMANIN ? Vous avez votre candidat pour 2027, vous ?

CATHERINE VAUTRIN
Moi, vous savez, je suis au quotidien. On verra, le 27, c'est long. On va déjà passer 25. Essayer de faire toutes les réformes que j'ai la responsabilité de faire, ça sera déjà pas mal.

LÉA SALAMÉ
Et rester au Gouvernement sans censure. Merci.

CATHERINE VAUTRIN
Merci pour votre accueil.

NICOLAS DEMORAND
Merci Catherine VAUTRIN, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2025