Texte intégral
ANTOINE COMTE
Bonjour Aurore BERGÉ.
AURORE BERGÉ
Bonjour.
ANTOINE COMTE
Merci d'être avec nous ce matin. On a beaucoup de questions à vous poser ce matin liées au budget, liées à la censure. Mais avant, je voulais avoir votre réaction sur cette information judiciaire qui a été ouverte, il y a quelques jours par la Cour de Justice de la République à votre rencontre pour faux témoignages présumés. On vous reproche d'avoir entretenu des liens avec une lobbyiste des crèches privées alors que vous étiez ministre des Solidarités, ce que vous aviez récusé sous serment lors d'une Commission d'enquête parlementaire. Quelle est votre réaction par rapport à l'ouverture de cette information judiciaire ?
AURORE BERGÉ
C'était une ouverture qui était attendue puisque c'est la suite logique du signalement qui a été fait par les députés Insoumis au sein du Bureau national de l'Assemblée. Donc, une suite logique, je n'ai aucun autre commentaire à faire, je réserve mes commentaires pour la Cour de Justice de la République.
ANTOINE COMTE
Parlons du budget, donc, à présent. François BAYROU devrait échapper à la censure, à la double censure cet après-midi, déposée par les Insoumis sur le budget. Est-ce que c'est un ouf de soulagement pour le Gouvernement et pour François BAYROU ?
AURORE BERGÉ
C'est un travail qu'on mène depuis des semaines maintenant, depuis qu'on est au Gouvernement et depuis que François BAYROU a été nommé Premier ministre. C'est aussi un travail, il faut être honnête, qui avait été engagé par Michel BARNIER. L'objectif, il est clair, on a besoin d'un budget pour ce pays, on a besoin d'un budget de l'État, on a besoin d'un budget de la Sécurité sociale. On a vu le coût que ça avait. Il y a un coût de la censure, il y a un coût pour les Français, pour des budgets qui ne peuvent pas être engagés, pour des investissements qui ne peuvent pas être menés. On le voit par exemple sur des services civiques qui sont obligés d'être interrompus, faute justement de nouveaux budgets par exemple, des investissements des collectivités locales. Donc, je crois qu'il y a un moment, qu'il y a un moment de responsabilité, de vérité cet après-midi et je crois que le choix qui a été fait par le Parti Socialiste, c'est d'assumer cette part de responsabilité comme nous nous avons assumé la nôtre avec cette part de compromis que nous avons su trouver.
ANTOINE COMTE
Certains parlent de la méthode BAYROU, c'est la méthode BAYROU qui a fonctionné. Comment vous pourriez la définir ? Ce n'était pas gagné quand même d'arriver à convaincre le Parti Socialiste et sans doute le Rassemblement National. C'est quoi la méthode BAYROU ?
AURORE BERGÉ
Je crois qu'il a tout simplement respecté l'ensemble de ses interlocuteurs. On n'a pas choisi le Parlement tel qu'il est aujourd'hui.
ANTOINE COMTE
Ce qui n'était pas le cas de Michel BARNIER avant ?
AURORE BERGÉ
Si, je pense que chacun a fait sa part. Encore une fois, je lui ai rendu hommage dès mes premiers propos devant vous, mais je pense qu'il y a à la fois un moment qui est différent parce qu'il y a déjà eu une censure et donc, on mesure le coût de la censure et peut-être qu'eux mesurent aussi le coût politique de la censure parce qu'ils entendent comme nous, les Français, qui attendent de la responsabilité, attendent du calme, attendent de la stabilité, en ont marre pour reprendre les mots des Français de "la bordélisation" qu'ils voient à l'Assemblée Nationale sous l'impulsion de la France Insoumise. Donc, je crois qu'il y a cette attente-là de se dire maintenant : "Débrouillez-vous", mais il faut que ça fonctionne, il faut qu'il y ait un budget, il faut que ça puisse tourner en fait, il faut que les services publics puissent tourner, il faut que les collectivités locales puissent tourner. Et donc, oui, c'est un moment de vérité qui sera très important cet après-midi et puis dans les jours qui suivent.
ANTOINE COMTE
Alors Aurore BERGÉ, certains, évidemment du côté de l'opposition, n'est pas très satisfait de ce budget, certains ministères aussi ne sont pas très contents parce qu'il y a eu des coupes budgétaires pour certains ministères, notamment le ministère des Sports ou encore celui de l'Enseignement supérieur. Et le vôtre ? Est-ce que vous avez des coupes budgétaires également dans l'égalité homme-femme ?
AURORE BERGÉ
Non, on a un budget qui est en augmentation d'un peu plus de 20 % parce qu'on fait face, malheureusement, à des violences qui perdurent dans notre société, à des violences conjugales, des violences intra-familiales qui perdurent. Et donc, on a besoin de continuer à accompagner, de continuer à accompagner les associations qui font un travail de terrain pour garantir que partout sur le territoire, en Hexagone, en Outre-mer, les femmes puissent être soutenues et accompagnées. Continuer à financer un nouveau service public qu'on a créé il y a un an, qui est l'Aide universelle d'urgence, je le redis ce matin, pour les femmes, les personnes qui seraient victimes de violences, il faut déposer plainte, évidemment on les encourage à le faire, et sur la seule preuve de ce dépôt de plainte, une Aide universelle d'urgence leur est délivrée entre deux à trois jours seulement pour l'obtenir auprès des CAF, auprès des MSA, pour le monde agricole. Malheureusement, j'allais dire, plus de 36 000 aides ont déjà été distribuées, preuve que c'est utile, preuve que c'est nécessaire.
ANTOINE COMTE
Alors, François BAYROU réunit l'ensemble de ses ministres demain lors d'un petit-déjeuner à Matignon à 7 h 30, quel est l'objectif de cette réunion ? C'est de montrer que ça y est, le Gouvernement est au combat, la séquence budgétaire devrait être passée, on va voir ce qu'il va se passer cet après-midi quand même, mais voilà, on passe à autre chose, c'est une nouvelle page qui s'ouvre ?
AURORE BERGÉ
Ce qui est certain, oui, c'est que c'est un nouveau moment politique, on était tous évidemment concentrés les uns et les autres sur ce moment qui est le moment budgétaire, parce que si vous n'avez pas de budget, vous ne pouvez pas travailler. Moi, je le vois en tant que ministre, je ne peux pas travailler, aujourd'hui, je ne peux pas lancer des appels à projets, par exemple, qui sont extrêmement attendus du monde associatif, je ne peux pas ouvrir un nouveau centre LGBT, par exemple, alors qu'on a des besoins criants, parce que, malheureusement, on a encore de l'homophobie qui persiste dans notre pays, pour prendre un exemple, je ne peux pas soutenir de nouveaux projets des associations sur les violences faites aux femmes. Donc, vous voyez, oui, on était tout d'abord concentrés sur le budget, maintenant, on va avoir plus de temps, je l'espère, pour pouvoir travailler sur le fond des dossiers et toujours avec cette même méthode de compromis à l'Assemblée et au Sénat.
ANTOINE COMTE
Et en même temps, je voulais parler de la méthode. Avec vous, il n'y a toujours pas de majorité. Il y a une Assemblée nationale qui est divisée plus que jamais. Comment vous allez fonctionner à présent ? Quelle est la stratégie du Gouvernement pour essayer de réformer la France ? Est-ce que c'est ce que vous voulez faire ?
AURORE BERGÉ
Je pense qu'on ne peut pas se permettre d'avoir un pays qui soit à l'arrêt. On ne peut pas juste attendre de nous d'arriver à faire adopter un budget de l'État, un budget de la Sécurité sociale. On a besoin de continuer profondément à réformer notre pays et donc, pour ça, il va falloir que nous on soit en force de propositions parce que c'est au Gouvernement de proposer, d'initier au Parlement aussi, sans doute, il y a des initiatives parlementaires fortes. Moi, j'attends qu'on puisse débattre sur la question du consentement, par exemple, qui est une proposition de loi qui est portée par les députés pour changer la définition pénale du viol, et puis garantir
ANTOINE COMTE
Mais, Aurore BERGÉ, la censure, elle plane au-dessus du Gouvernement. Ça, c'est une possible nouvelle motion de censure. On a vu que le Parti socialiste en avait déposé une aussi à l'issue de la séquence budgétaire, au nom des valeurs. Ils reprochent à François BAYROU cette expression de "submersion migratoire." On sent bien que sur chaque texte, ça va être tendu.
AURORE BERGÉ
Alors, on sait qu'on n'a pas de majorité absolue, ça, c'est un fait. C'est un fait et on sait depuis la dissolution, c'est une majorité relative qui est, en effet, plus fragile que celle qu'on avait en 2022, mais ça n'empêche pas d'avancer.
ANTOINE COMTE
Donc, vous aller faire du texte par texte ?
AURORE BERGÉ
Ça n'empêche pas d'avancer, ça n'empêche pas d'avancer, ça n'empêche pas d'initier, ça n'empêche pas de proposer. Ça n'empêche pas d'avoir à l'esprit cette nécessité à un moment de compromis, mais, au-delà du compromis, de faire avancer le pays, encore une fois. Et puis, il n'y a pas que la censure qui existe pour montrer une désapprobation vis-à-vis du Gouvernement. On n'est pas obligé de voter les textes qui sont soumis. On n'est pas non plus obligé de censurer de manière systématique. Et je pense que les Français n'apprécient pas les censeurs systématiques, que les forces politiques, d'ailleurs, qui refuseront de censurer aujourd'hui ont aussi compris ça, ont aussi compris cette attente des Français pour garantir tout simplement qu'on puisse travailler et être à leur service.
ANTOINE COMTE
Alors je voudrais qu'on parle de cette affaire concernant l'abbé Pierre, le parquet de Paris l'a confirmé hier. Aucune enquête ne sera ouverte dans l'affaire de l'abbé Pierre en raison de la prescription des faits. Est-ce que ça, ça vous choque, sachant que vous aviez porté la proposition de loi sur un projet de loi sur le fait d'instaurer la non-prescription en matière civile des viols chez les mineurs. Ce texte n'était pas passé à l'Assemblée.
AURORE BERGÉ
Oui, moi, je suis évidemment, je pense, comme tous les Français, choqués à la fois par les révélations, parce que personne ne s'attendait à ces révélations-là. Quand vous avez une icône qui a été idolâtrée pendant des années, mais ça montre quoi ? Ça montre qu'il n'y a pas un profil type. Il n'y a pas un profil type dans la société pour dire qui peut agresser, qui peut violenter un enfant, des femmes, des personnes, quelles qu'elles soient. Et donc, c'est ça que ça démontre et puis après, il y a cette barrière insupportable de la prescription, c'est pour cela que moi, je veux changer la loi. Je l'avais déposée en tant que députée, une proposition de loi pour rendre les crimes et les agressions sexuelles contre les enfants, contre les mineurs imprescriptibles.
ANTOINE COMTE
Et là, ça revient au Sénat.
AURORE BERGÉ
Pourquoi ? Parce que… À l'Assemblée, malheureusement, ça n'a pas été adopté. Peut-être que justement le choc, l'émotion que provoquent ces révélations sur l'abbé Pierre et l'impossibilité de réparation pour les victimes va faire changer d'avis, je l'espère sincèrement les parlementaires, puisque le texte va continuer à aller au Sénat. Il faut avoir en tête que la prescription, aujourd'hui, elle protège les auteurs parce que, à la fois, ils font peser sur les victimes ces enfants qu'ils ont agressés, qu'ils ont violé, de la honte, de la culpabilité, le poids du secret. Et quand la révélation arrive, parce qu'elles arrivent souvent très tardivement, parce qu'on ne peut pas révéler avant, il y a la prescription qui tombe. Et les victimes nous disent : "Nous, on a été condamnés à perpétuité par rapport aux crimes qu'on a eu à subir, à vivre" et en fait, les auteurs…
ANTOINE COMTE
Et donc, ce texte va peut-être changer ça.
AURORE BERGÉ
Alors, en tout cas, je souhaite aller au bout sur ce texte parce que je veux que les auteurs ne dorment jamais tranquilles. C'est ça l'objectif. C'est que quelqu'un qui a commis un crime ou une agression sexuelle sur un enfant se dise que jusqu'à la dernière heure de sa vie, la justice pourra passer.
ANTOINE COMTE
Aurore BERGÉ, un mot sur cet individu qui s'en est pris à des policiers devant la préfecture de police de Paris, c'était hier, il y en a blessé plusieurs d'entre eux. Il était de nationalité somalienne et sous OQTF, Obligation de quitter le territoire français. Bruno RETAILLEAU. Tiens, tiens, des beaux discours, mais on sent bien une impuissance comme ses prédécesseurs là-dessus.
AURORE BERGÉ
Non, ne tiens pas juste des beaux discours. Je crois qu'il y a une volonté très claire de la part de l'État d'avancer et une volonté très claire de faire respecter le droit.
ANTOINE COMTE
Là, on voit que ça ne fonctionne pas.
AURORE BERGÉ
Faire respecter les décisions de justice, on sait que c'est difficile, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une volonté extrêmement claire et qu'au-delà de la volonté, il y a un travail qu'on fait sur un travail diplomatique. Alors, vous voyez bien la situation qui est la nôtre vis-à-vis de l'Algérie par exemple et l'engagement très clair qui est le nôtre pour dire que : "Oui, l'État français doit être respecté, que l'autorité de l'État doit être respecté et qu'en aucun cas, on accepte qu'elle puisse être bafoué donc, ce n'est pas juste des beaux discours, c'est la nécessité tout simplement de faire respecter l'autorité de l'État.
ANTOINE COMTE
Un dernier petit mot, très très rapide sans transition sur Gaza et cette annonce de Donald TRUMP qui souhaite "prendre le contrôle", je le cite, de la bande de Gaza, à le transformer en "Côte d'Azur", ce sont les termes utilisés, quel est votre réaction ?
AURORE BERGÉ
Je n'ai pas de réaction à faire à ce stade. C'est le président de la République ou le Quai d'Orsay qui répondent…
ANTOINE COMTE
Mais ça vous choque, ce genre de déclaration ?
AURORE BERGÉ
… Dans la nuit, de fait, de ces déclarations-là. Nous, ce qu'on souhaite, c'est, encore une fois, que l'ensemble des otages puissent être libérés. On a encore un otage français qui est détenu, par les terroristes islamistes du Hamas et on souhaite, vous le savez, la France a toujours prôné une solution diplomatique et une solution diplomatique à deux États.
ANTOINE COMTE
Merci, Aurore BERGÉ.
AURORE BERGÉ
Merci
ANTOINE COMTE
Merci d'avoir été avec nous.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Aurore BERGÉ, la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et les Luttes contre les discriminations, qui était l'invitée de France Info. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 février 2025