Texte intégral
Jean-Baptiste MARTEAU
Vous êtes porte-parole du Gouvernement. Et ce matin on parle notamment de cette pétition contre la loi DUPLOMB qui a dépassé le million de signatures. C'est inédit, on rappelle que cette loi DUPLOMB prévoit entre autres la réintroduction d'un pesticide interdit en France mais autorisé en Europe. Est-ce que le Gouvernement peut rester sourd à cette mobilisation ?
Sophie PRIMAS
Le Gouvernement écoute bien sûr les mouvements démocratiques comme celui qui s'exprime aujourd'hui. Donc la présidente de l'Assemblée nationale va réunir à la rentrée probablement son bureau, peut-être avant, et elle décidera effectivement quelle suite elle donnera à cette pétition qu'il faut écouter. Peut-être n'avons-nous pas assez expliqué, peut-être n'avons-nous pas assez rassuré, peut-être n'avons-nous pas expliqué à quel point cette loi en fait est une loi qui a pour objectif de remettre les agriculteurs français dans le même cadre d'exercice de leur profession que leurs collègues européens.
Jean-Baptiste MARTEAU
Et malgré tout, beaucoup de Français veulent aller plus loin que les autres pays européens, interdire ces pesticides. C'était le cas avant, là il est réintroduit. Est-ce qu'il ne faut pas aller plus loin qu'un simple débat à l'Assemblée nationale et peut-être, je ne sais pas, geler les décrets, suspendre la promulgation de cette loi ?
Sophie PRIMAS
Ça, ça sera la prérogative du président de la République puisque c'est bien entendu lui qui va promulguer cette loi. Pour l'instant, nous en sommes à l'étape du Conseil constitutionnel puisque cette loi a été portée à connaissance du Conseil constitutionnel sur différents points et puis nous verrons ce que fera le président de la République. Mais je veux insister sur le fait qu'encore une fois, il y a beaucoup, beaucoup de non-dit dans cette loi qui n'est pas uniquement la réintroduction d'un néonicotinoïde qui est autorisé par les autorités sanitaires européennes jusqu'en 2033 et qui présentera, si nos agriculteurs français ne peuvent pas l'utiliser, des éléments de concurrence déloyale vis-à-vis de nos partenaires européens. Et donc, je crois qu'il faut regarder tous les éléments. Il ne faut pas non plus affoler les populations. Il y a autour de la réintroduction de ce produit beaucoup de précautions qui sont prises, beaucoup de dérogations qui sont prises. Il faut regarder son texte dans l'ensemble et si un débat vient clarifier tout cela, tant mieux.
Jean-Baptiste MARTEAU
Un dernier mot, cette pétition est lancée par une étudiante de 23 ans. Qu'est-ce que vous auriez envie de lui dire ce matin ? Qu'elle se trompe ?
Sophie PRIMAS
Non, je ne dis pas qu'elle se trompe. Je dis qu'il faut qu'elle regarde l'ensemble du texte d'abord parce qu'il n'y a pas que cette réintroduction de néonicotinoïdes. Et puis je pense qu'il faut qu'elle prenne langue aussi avec le milieu scientifique qui, contrairement à ce qu'on pense d'ailleurs, n'est pas uniquement contre. Il y a des voix scientifiques qui expliquent que ce n'est pas bien. Il y a des voix scientifiques qui valident les processus d'homologation, notamment au niveau européen, et qui ne font pas n'importe quoi avec la santé des Européens.
Jean-Baptiste MARTEAU
Sophie PRIMAS, le budget, comment… Et comme on pouvait s'y attendre, il n'y a pas beaucoup d'oppositions. Très enthousiaste proposition faite par François BAYROU, le Premier ministre, la semaine dernière pour les grandes orientations du Budget. La ministre des Comptes publics se donne trois mois pour débattre. Est-ce que vous pensez vraiment qu'il existe une micro-chance d'éviter la censure à l'automne ?
Sophie PRIMAS
Écoutez, jamais un budget n'a été présenté si tôt, notamment dans son architecture et ses grandes orientations. Et la raison pour laquelle le Premier ministre a présenté cette architecture de budget très tôt, c'est justement pour permettre le dialogue parlementaire, le dialogue entre tous les Français, entre toutes les autorités, entre toutes les organisations, pour justement essayer de trouver la voie de passage sur le budget.
Jean-Baptiste MARTEAU
Et elle est où cette voie de passage ?
Sophie PRIMAS
Nous savons que nous sommes dans une situation qui est une situation très difficile budgétairement. Et que ce soit notre Gouvernement, que ce soit d'autres Gouvernements, cette situation perdura, et notamment notre surendettement. Nous sommes le pays le plus endetté de l'Union européenne, et il est donc très très important que nous reprenions la maîtrise de cette dette.
Jean-Baptiste MARTEAU
Concrètement, avec qui vous allez négocier ? Le PS ? Le RN ? C'est avec ces partis-là, ces groupes ?
Sophie PRIMAS
Nous négocions avec tous les parlementaires qui veulent travailler et qui nous font des propositions qui vont dans le sens, un, de la réduction des dépenses, deux, de plus de travail pour générer plus de croissance. C'est ça qui nous importe aujourd'hui, et d'apporter une forme de justice dans l'ensemble de ces dispositions.
Jean-Baptiste MARTEAU
Et vous pensez par exemple que le PS pourrait ne pas censurer, que vous pouvez négocier avec le Parti Socialiste ?
Sophie PRIMAS
Nous ne nous mettons pas dans cette optique de censure. Bien sûr, nous savons que c'est un budget qui est un budget courageux, qui prend des décisions qui sont courageuses, mais c'est un budget qui n'est pas un budget qui est dans le sens de l'austérité. Et donc, nous pensons que nous pouvons négocier avec les parlementaires, avec tous les parlementaires, et nous écouterons tous les parlementaires. C'est pour ça que nous pensons que le présenter trois mois avant nous permet à la fois d'être critiqués, mais aussi d'obtenir des propositions.
Jean-Baptiste MARTEAU
Le Gouvernement qui a également un petit peu énervé les syndicats en jetant cette idée dans le débat de discuter d'une possible monétisation de la cinquième semaine de congés payés, en gros de pouvoir se faire payer une semaine de vacances. Est-ce que c'est une éventualité qui est sur la table ?
Sophie PRIMAS
Ça a été mis dans le débat par la ministre du Travail, Astrid PANOSYAN-BOUVET, si on pouvait, et c'est une idée de liberté en réalité. Personne ne sera obligé, ni l'employeur, ni le salarié, ne sera obligé, ne serait obligé, si les discussions allaient au bout. L'idée pour nous, c'est de mettre de l'essence et du carburant dans le moteur de la croissance. Et donc, pour les salariés qui seraient volontaires, parce qu'ils auraient envie de gagner plus, eh bien, l'idée, ce serait de monétiser cette cinquième. Surtout, on ne la fait pas disparaître. J'entends ici et là des frayeurs en disant : "On nous enlève notre cinquième semaine de congés payés". Ce n'est pas du tout ça, c'est une question sur la liberté : la liberté de travailler ou d'être mieux payé.
Jean-Baptiste MARTEAU
Est-ce que certaines entreprises pousseraient leurs salariés à ne pas prendre cette semaine de vacances et être payés en plus ?
Sophie PRIMAS
On s'assurera naturellement que tout ça se fasse dans le cadre du volontariat des salariés. Ça existe déjà pour les RTT : vous pouvez monétiser une partie de vos RTT. Et donc, l'idée, c'est de faire cela pour les congés payés, pour la cinquième semaine des congés payés.
Jean-Baptiste MARTEAU
Mais en tout cas, vous voulez mettre cette idée sur la table, dans le débat public ?
Sophie PRIMAS
Astrid PANOSYAN-BOUVET mettra cette idée sur la table. Si elle est rejetée par les partenaires sociaux, elle n'ira pas jusqu'au bout. Mais elle apporte de la flexibilité et de la liberté.
Jean-Baptiste MARTEAU
J'aurais un mot sur le budget. Quoi qu'il arrive, de toute façon, vu la situation politique, il sera voté par 49-3 ? Il n'y a pas d'autre possibilité à la fin ?
Sophie PRIMAS
Non, non, c'est beaucoup trop tôt pour dire cela.
Jean-Baptiste MARTEAU
Je ne vois pas comment vous trouvez une majorité sur le budget.
Sophie PRIMAS
Eh bien, nous respectons le travail parlementaire. Encore une fois, nous sommes à l'écoute des différentes formations parlementaires qui constituent l'Assemblée nationale. Et nous essayons de travailler avec elles pour trouver ce chemin qui est très étroit, évidemment, qui est très étroit, qui est très compliqué. C'est le temps de la responsabilité. Vous voyez, notre pays est devant un mur, qui est le mur de l'endettement. Encore une fois, nous sommes le pays le plus endetté de l'Union européenne. Il faut qu'ensemble, nous prenions des décisions qui remettent la France dans le chemin de l'investissement et de l'espoir pour les générations qui viennent.
Jean-Baptiste MARTEAU
Sophie PRIMAS, un mot maintenant sur les propositions de Bruno RETAILLEAU, notamment sur l'Algérie, sur l'AME, sur les aides sociales. Une nouvelle fois, le ministre de l'Intérieur, qui est président de votre parti LR, fait parler de lui. Il n'hésite pas à contredire aussi la ligne fixée par l'exécutif. Est-ce que ça peut durer longtemps ? Est-ce que le chef de votre parti peut, comme ça, faire des propositions et rester l'un des ministres les plus importants du Gouvernement ?
Sophie PRIMAS
Comme vous l'avez dit, Bruno RETAILLEAU, il est à la fois ministre de l'Intérieur de ce Gouvernement. Et vous savez pourquoi les LR ont décidé de participer à ce Gouvernement. C'est pour donner, dans la période qui est entre maintenant et 2027, la possibilité à notre pays de continuer d'avancer. Et d'autre part, effectivement, Bruno RETAILLEAU est président de notre formation politique des Républicains, et donc, à ce titre, il a toujours été clair auprès du Premier ministre, que chacun pouvait s'exprimer. J'ai qualifié ça de polyphonie du Gouvernement. Chacun a le droit de donner son avis.
Jean-Baptiste MARTEAU
Donc, il a une liberté totale, Bruno RETAILLEAU ?
Sophie PRIMAS
Il a une liberté qui est la sienne, cette liberté d'un patron de parti. Et en même temps, une fois que, pour le Gouvernement, le Premier ministre a tranché, eh bien, nous sommes dans le Gouvernement et nous suivons ses recommandations.
Jean-Baptiste MARTEAU
Mais comme vous, vous n'hésitez pas également parfois à user de votre liberté. On peut avoir sa liberté personnelle, la liberté et fidélité au Gouvernement ? Les deux sont compatibles ?
Sophie PRIMAS
Les deux sont compatibles. Nous discutons ensemble. Une fois que le Premier ministre a tranché en ce qui concerne le Gouvernement et les 18 mois qui viennent, eh bien, nous suivons le Gouvernement.
Jean-Baptiste MARTEAU
Comme vous également, Sophie PRIMAS, quand vous n'hésitez pas à dire que vous êtes favorable à la suppression des 35 heures, c'est une position personnelle, là aussi ? Ce n'est pas celle du Gouvernement ? Et c'est possible ?
Sophie PRIMAS
C'est une position personnelle. Vous savez, dans mon parti, nous avons la trace du "Travailler plus pour gagner plus" de 2007 de Nicolas SARKOZY. Et nous pensons que ça, c'est un moteur de la croissance, et donc, des recettes et un moteur. Mais ce n'est pas du tout à l'ordre du jour. Et vous comprenez bien que la situation de l'Assemblée nationale et le manque de majorité totale fait que ce n'est pas un dossier qui est possiblement poussable d'ici 2027.
Jean-Baptiste MARTEAU
Mais vous êtes prêts, à droite, à dire aux Français qu'on va peut-être revenir sur cet acquis social qui date maintenant d'il y a 25 ans ?
Sophie PRIMAS
On verra ça dans le programme de 2027. Et nous proposerons probablement des solutions aux Français, des solutions surtout de liberté. Je crois que c'est ça. Vous savez, il y a déjà 40 % des Français qui ne font pas les 35 heures, qui font beaucoup plus : par convention, par forfait, etc. Donc, on verra dans quelles mesures on retrouve ça. Mais permettre aux Français de travailler plus pour gagner plus, ça reste une idée extrêmement moderne.
Jean-Baptiste MARTEAU
Plus largement, justement, Sophie PRIMAS, il faut travailler plus. Vous dites aux Français : "Il faut travailler plus pour préserver notre modèle social" ?
Sophie PRIMAS
Il faut être plus nombreux pour travailler, pour préserver, en fait, notre modèle social. Parce que vous avez raison, ce qui est au cœur de tout ça, c'est la préservation de notre modèle social. Et donc, on doit être plus nombreux, c'est-à-dire être plus nombreux parmi les plus jeunes, vous savez, qui sont les plus éloignés de l'entrée dans l'emploi, et plus nombreux aussi parmi les seniors à travailler, puisqu'on a un déficit à ce niveau-là, et peut-être travailler un petit peu plus chacun. C'est la proposition qui est faite, en tout cas, dans ce budget.
Jean-Baptiste MARTEAU
Sophie PRIMAS, porte-parole du Gouvernement, et membre également du parti de Bruno RETAILLEAU, des LR, on l'a bien compris, invité des 4 V ce matin. Bonne journée.
Sophie PRIMAS
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 juillet 2025