Texte intégral
AGATHE LAMBRET
Bonjour Maud BREGEON.
MAUD BREGEON
Bonjour.
AGATHE LAMBRET
Vous êtes une farouche défenseuse de la réforme des retraites et vous êtes devenue porte-parole d'un Gouvernement qui ne tient que parce qu'il a accepté de suspendre cette réforme. On va parler avec vous du budget, notamment une boucherie fiscale pour le RN. Mais d'abord, dans une demi-heure, le Premier ministre affrontera deux motions de censure à l'Assemblée. La direction du PS a annoncé que le parti ne les voterait pas. Ça va se jouer à environ 24 voix. Le groupe socialiste votera-t-il comme un seul homme ? Écoutez, le patron du PS, Boris VALLAUD, hier sur France Info.
EXTRAIT INTERVIEW BORIS VALLAUD, PRÉSIDENT DU GROUPE SOCIALISTE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Moi, je crois à l'unité de mon groupe. Certains se posent la question. J'ai bien l'intention de leur parler et de les convaincre.
JEROME CHAPUIS
Combien ? 4 ou 5 ?
BORIS VALLAUD
Je n'en sais rien. Je pense que ça doit être le moins possible.
AGATHE LAMBRET
Sans langue de bois, Maud BREGEON, est-ce que ce matin, vous vous êtes réveillée un petit peu plus sereine qu'en début de semaine ? Est-ce que vous avez défait vos cartons au porte-parolat ?
MAUD BREGEON
D'abord, on vient de passer 10 jours qui, je pense, ont profondément écœuré les Français de la vie politique. Et je voudrais revenir très brièvement là-dessus. On a donné collectivement un spectacle assez affligeant. Je voudrais commencer par dire cela.
PAUL LARROUTUROU
Vous en prenez votre part ?
MAUD BREGEON
J'en prends ma part. Et je pense que chacun doit, après ces 10 jours, être en capacité de se remettre en question. Et c'est ce que je fais. C'est ce qu'on fait au Gouvernement. Et c'est ce que doivent faire les différentes forces politiques aussi au Parlement. Le Premier ministre a posé les conditions qui permettent l'ouverture du débat à l'Assemblée nationale. L'ouverture du débat sans l'utilisation du 49.3 et avec la possibilité de discuter, de discuter de la fiscalité et de discuter de la réforme des retraites. Et donc on va vivre ce matin un grand moment de clarification.
AGATHE LAMBRET
Vous dites : "On a fait des pas en avant, pas de raison de nous censurer." ?
MAUD BREGEON
On permet l'ouverture du débat. L'Assemblée a demandé l'abandon du 49.3 ; l'Assemblée l'a eu. Les forces politiques ont demandé notamment à gauche qu'on puisse débattre de la réforme des retraites et d'une modification sur la fiscalité. Et donc, je le redis, on aura ce matin un grand moment de clarification entre les parlementaires qui acceptent le débat ou ceux qui préfèrent le désordre, entre ceux qui respectent le Parlement et ceux qui en quelque sorte en ont peur. Et c'est ce qu'on verra ce matin. Vous savez, moi j'ai été élue députée dans la 13e circonscription des Hauts-de-Seine. Je remarque deux choses : d'une part, nos électeurs nous ont élus pour qu'on fasse notre travail. J'ai l'impression d'enfoncer une porte ouverte. Mais on est là pour délibérer et on est là pour voter, pas pour censurer avant même d'avoir commencé à discuter sur le texte.
La deuxième chose que je remarque, et j'étais hier soir dans ma circonscription à Antony, c'est que, quand bien même on peut être attaché à la réforme des retraites et à un certain nombre de mesures prises ces 8 dernières années, les Français, plus que jamais, je crois, veulent du calme et de la stabilité.
PAUL LARROUTUROU
Madame la porte-parole, pour reprendre la question d'Agathe, le son de Boris VALLAUD, pour une macroniste historique comme vous, ça doit piquer un peu, non, de devoir faire ou pas ses cartons uniquement à la décision des socialistes ?
MAUD BREGEON
J'ai toujours défendu la réforme des retraites. Je ne vais pas prendre les Français et vos auditeurs pour des imbéciles. Je considère que cette réforme est importante. Je considère qu'elle est nécessaire. Pour autant, je suis pragmatique. Je ne peux pas ignorer ce qui s'est passé ces 10 derniers jours. Je ne peux pas ignorer ce qui s'est passé ces 18 derniers mois, avec ces difficultés successives à faire passer des budgets. Et je ne peux pas ignorer ce qu'est l'état de l'Assemblée nationale aujourd'hui. Ça peut plaire, ça peut déplaire, mais enfin, elle n'a jamais été aussi représentative de ce qu'est la France.
AGATHE LAMBRET
On va revenir sur la position sur la réforme des retraites, mais aujourd'hui, ça déplaît à LR, notamment. Vous avez vu que Bruno RETAILLEAU, juste après la déclaration de politique générale du Premier ministre, a dit que ce Gouvernement était l'otage des Socialistes. Les LR, c'est fini ? Ils ne vous soutiennent plus ?
MAUD BREGEON
Moi, je remarque qu'une très, très large majorité des députés Les Républicains, ne voteront pas la censure ce matin.
PAUL LARROUTUROU
Normalement, attendons de voir.
AGATHE LAMBRET
Donc les LR sont divisés, c'est ça ?
MAUD BREGEON
J'ai entendu Laurent WAUQUIEZ, avec qui j'ai bien des désaccords, appeler à la responsabilité de son groupe parlementaire. Et donc, on aura des désaccords à la fin sur ce budget. Enfin, chacun voit bien que cette Assemblée, elle est morcelée… Mais on aura des désaccords dans le débat. Et à titre personnel, ça ne me fait pas plaisir de revenir sur la réforme des retraites.
AGATHE LAMBRET
Oui, parce qu'il y a quelques jours, Maud BREGEON, vous étiez députée. Aujourd'hui, vous êtes porte-parole du Gouvernement. Et vous avez écrit à vos collègues dans un groupe, alors qu'émergeait cette idée de suspendre la réforme : "le compromis, ce n'est pas mettre les deux genoux à terre par peur de la dissolution." Est-ce que ça signifie que le Premier ministre a mis les deux genoux à terre ?
MAUD BREGEON
Moi, je suis pragmatique. Je suis pragmatique et je pense qu'une bonne partie des Français le sont aussi. Aujourd'hui, on a un choix. On a un choix entre accepter de faire des concessions, des compromis. Et on appelle les autres aux compromis, mais il faut qu'on soit aussi en capacité d'en faire nous-mêmes. C'est ce qu'a fait le Premier ministre.
AGATHE LAMBRET
Oui mais pourquoi, début octobre sur TF1, vous disiez que la suspension de la réforme de retraite serait absolument dramatique pour les générations futures et pour le système de répartition ? Est-ce que c'est toujours absolument dramatique aujourd'hui ?
MAUD BREGEON
Ma position sur la réforme des retraites, elle est connue. La position du Premier ministre, elle est connue. La position des différents membres du Gouvernement, en tout cas de ceux qui viennent de ma famille politique, elle est connue. Mais on a une situation parlementaire qui aujourd'hui s'impose à nous.
AGATHE LAMBRET
Vous voulez dire que c'est moins grave de suspendre la réforme que d'aller vers la crise, c'est ça ?
MAUD BREGEON
La censure du Gouvernement BARNIER, Agathe LAMBRET, a coûté 12 milliards d'euros. Et je remarque, c'est assez contre-intuitif, mais qu'après l'annonce du Premier ministre sur l'ouverture d'un débat sur la suspension de la réforme des retraites, suspension qui ne vaut pas abrogation je le précise, le taux d'emprunt à 10 ans de la France a légèrement diminué. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que ceux qui nous prêtent privilégient deux choses. D'abord, notre capacité à avoir un budget au 31 décembre. Et d'autre part, notre capacité à maintenir un paysage politique stable.
Deuxième chose, je vois les enquêtes d'opinion. Alors, ça ne fait pas tout, mais ce n'est pas inintéressant de les regarder parfois quand même. Deux tiers des Français sont favorables à cette suspension. Et environ 60 % des sympathisants de Renaissance et des sympathisants Les Républicains le sont aussi. Pourquoi ? Parce que je pense qu'en réalité, les Français sont souvent plus raisonnables qu'une partie de leurs responsables politiques.
PAUL LARROUTUROU
Sur la boucle de messages des députés macronistes que citait Agathe à l'instant, vous avez également eu ces Fox questions. Est-ce à nous, je vous cite, de dilapider notre propre héritage ? Est-ce à nous de pousser à l'annulation de la seule réforme structurelle que nous avons portée devant les électeurs en 2022 ? C'est vous qui avez écrit ça. Maintenant que la réforme est suspendue, qu'est-ce qui restera du mandat du Président MACRON de cette décennie ?
MAUD BREGEON
C'est la grande question de savoir ce qui restera du macronisme. Moi, je pense qu'il restera au moins trois choses. Je pense que d'abord, il restera la grande réussite de la politique de l'offre qui ne se résume pas à la réforme des retraites, mais qui a fait largement baisser le chômage. On ne parle plus du chômage aujourd'hui, et c'est une bonne chose. C'est en grande partie grâce au Président de la République. Je pense qu'il restera tout le travail qu'il a mené sur l'Union européenne. Emmanuel MACRON a été la locomotive de l'Union européenne ces huit dernières années. Et ça, c'est, à mon avis, un héritage qui restera. Et ensuite, d'une façon plus politique, cette capacité qu'il a amenée, qu'il a parfois imposée dans le débat politique, pour permettre aux uns et aux autres, quand bien même on a des différences, de travailler ensemble.
PAUL LARROUTUROU
Avec des débuts glorieux, mais une fin crépusculaire. La fin du Président est crépusculaire. C'est très, très compliqué pour lui. On se demande s'il va devoir dissoudre, voire démissionner plutôt, pour écouter Edouard PHILIPPE.
MAUD BREGEON
Bien sûr que c'est difficile. Mais au bout de 8 ans, c'est difficile. Le pouvoir, ça use. On n'a pas fait tout parfaitement pendant huit ans. Et je pense qu'il faut être en capacité de le dire. Il y a de très bonnes choses qui ont été faites. Encore une fois, la politique de l'offre…
AGATHE LAMBRET
Vous vous définissez comme macroniste ou pas, Maud BREGEON ? Est-ce que vous vous définissez aujourd'hui encore ?
MAUD BREGEON
La baisse du chômage des jeunes, ce n'est pas rien. C'est absolument structurant. Et en même temps, il y a des désaccords, il y a des colères, qui ne touchent pas uniquement la France. On voit la montée du populisme. Elle ne s'est pas arrêtée à nos frontières.
AGATHE LAMBRET
Vous vous définissez comme macroniste aujourd'hui encore ?
MAUD BREGEON
Oui. Oui, mais vous savez, moi, je travaillais…
AGATHE LAMBRET
Il n'y en a plus beaucoup. Il n'y en a vraiment plus beaucoup.
MAUD BREGEON
Agathe LAMBRET, je travaillais chez EDF. J'étais dans le nucléaire. Je suis arrivée un dimanche matin sur un marché en 2016 pour tracter pour Emmanuel MACRON. Je suis devenue responsable de mon petit comité local à Leval-Ouaperret. J'ai pris des responsabilités dans mon département. Je suis allée au municipal. Je suis devenue députée. J'ai été porte-parole de son parti. Et donc, j'arriverai aujourd'hui, huit ans après, en vous disant, "Non, en fait, tout ça, ça n'a pas existé. Et puis surtout, oubliez ce que j'ai fait."
PAUL LARROUTUROU
Vous qui travaillez dans le nucléaire, est-ce qu'il n'est pas devenu un petit peu radioactif, Emmanuel MACRON ?
MAUD BREGEON
Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles. On sait d'où l'on vient. Moi, j'ai de la gratitude envers le Président de la République. Vous savez, la loyauté, c'est l'inverse de la traîtrise. Je pense que les Français n'aiment pas les traîtres. Et ça ne signifie pas qu'on n'a pas la capacité de se remettre en question sur certaines décisions.
PAUL LARROUTUROU
Qui sont les traîtres ? Vous visez Édouard PHILIPPE ? Gabriel ATTAL ?
MAUD BREGEON
Je ne vise personne, mais je vois qu'aujourd'hui, un certain nombre de responsables politiques, dans ma famille politique, qui ont été faits par Emmanuel MACRON, essaient de s'en dissocier jusqu'à faire oublier qu'ils ont marché avec lui pendant huit ans. Ce n'est pas mon cas. Par ailleurs, je pense que les Français ne sont pas dupes.
AGATHE LAMBRET
Vous parlez de Gabriel ATTAL ? Gérald DARMANIN vient de claquer la porte, au moins temporairement, de Renaissance. Il s'est mis en retrait du parti. Il dit que, quels que soient les désaccords avec le président, ils ne peuvent être exprimés publiquement par le mouvement qu'il a lui-même fondé. Il vise explicitement Gabriel ATTAL, désormais président du parti Renaissance. Il fustige les aventures individuelles et prématurées. Vous êtes sur la ligne DARMANIN, donc. Gabriel ATTAL est dans une aventure individuelle et prématurée ?
MAUD BREGEON
Je pense qu'en tout cas Gérald DARMANIN a raison quand il dit, qu'en tirant publiquement sur le Président de la République, on se met une balle dans le pied. Les gens n'oublient pas d'où l'on vient. Et je pense que ce qu'on a fait ces huit dernières années, on doit en être fiers, on doit le revendiquer. Ce qui ne signifie pas, encore une fois, que tout a été parfait. Mais enfin, si demain matin, je vais dans ma circonscription en disant à mes électeurs : "Ecoutez les gars, moi je n'ai jamais été macroniste, et oubliez mes huit dernières années." Ils vont me dire, "Mais Madame BREGEON, vous vous moquez de moi." J'ai été élue en 2022 à côté du Président de la République sur mon affiche, Agathe LAMBRET.
AGATHE LAMBRET
Vous voulez dire qu'il ne faut pas cracher dans la soupe ?
MAUD BREGEON
Ça veut dire qu'il ne faut pas cracher dans la soupe, ça veut dire qu'il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles.
PAUL LARROUTUROU
C'est ce que fait Gabriel ATTAL ?
MAUD BREGEON
Les Français ont un peu de mémoire. Vous demanderez à Gabriel ATTAL…
PAUL LARROUTUROU
Non mais ce que vous en pensez, c'est ce qui nous intéresse.
MAUD BREGEON
Moi, je pense que ce n'est pas l'intérêt. Ces critiques perpétuelles à l'encontre du président sont contre-productives pour ce qu'on doit faire, ensemble, dans les années à venir, à l'échelle du socle commun. Ce qui ne signifie pas qu'on n'a pas le droit d'émettre des désaccords. Je pense qu'on doit faire attention. Et encore une fois, on ne doit pas prendre les Français pour des imbéciles. Quant aux ambitions personnelles, je rejoins complètement Gérald DARMANIN. Vous savez que j'ai toujours défendu l'union de la droite et du centre. S'il reste une personne qui doit le faire dans ce pays, je vous promets que ce sera moi. Je crois profondément dans ce qu'est le socle commun. Je pense que c'est la seule façon d'être au second tour en 2027 et de ne pas avoir à choisir entre Jean-Luc MELENCHON et Marine LE PEN ou Jordan BARDELLA. J'invite, et je continuerai à le faire, Gabriel ATTAL, Edouard PHILIPPE, Gérald DARMANIN, mes amis Les Républicains, à se mettre d'accord.
AGATHE LAMBRET
Même Bruno RETAILLEAU ?
MAUD BREGEON
Je pense que Les Républicains ont un choix cornélien à faire.
AGATHE LAMBRET
Mais Bruno RETAILLEAU, oui ou non ? Parce qu'il faut qu'on avance.
MAUD BREGEON
Bruno RETAILLEAU et Les Républicains, est-ce qu'ils choisissent de se fondre dans le Rassemblement national, d'être la béquille de Marine LE PEN ou de Jordan BARDELLA ? Ou est-ce qu'ils travaillent à l'unité de la droite et du centre comme l'ont fait avant eux Jacques CHIRAC et Nicolas SARKOZY ? C'est une vraie question.
AGATHE LAMBRET
Maud BREGEON, dans un instant, autre vraie question : comment vous allez faire pour adopter ce budget sans 49.3 ? On parle aussi des hausses d'impôts. Le RN dénonce une boucherie fiscale. Mais pour l'instant, il est 8h46 et c'est l'Info en une minute avec Manon LOMBARD-BRUNEL.
/// (Fil info)
AGATHE LAMBRET
Avec Maud BREGEON, porte-parole du Gouvernement. Bon, peut-être que vous avez échappé à la censure, mais le plus dur commence vraiment maintenant, Paul.
PAUL LARROUTUROU
Exactement, Agathe. On ne sait pas encore si les deux motions de censure vont passer ou pas aujourd'hui, mais effectivement, le Premier Ministre a renoncé au fameux article 49 alinéa 3. Aujourd'hui, vous n'avez aucune certitude que ce pari aboutisse. Comment vous allez faire ? Vous allez gouverner à la calculette, amendement par amendement ?
MAUD BREGEON
On va discuter et débattre amendement par amendement. Au fond, on en revient à ce qui est le fonctionnement normal du Parlement.
AGATHE LAMBRET
On l'avait oublié, avec vous.
MAUD BREGEON
Chacun va poser des amendements. Le Gouvernement le fera aussi. Nous défendrons nos positions. On ne laissera pas le Parlement décider sans s'exprimer. Mais ensuite, le Parlement votera. C'est un changement de méthode et une rupture absolument majeure. Moi, je vous le disais, que j'ai été élue députée en 2022. Je n'ai jamais voté un budget. Je n'ai jamais voté un budget. C'est la première prérogative des députés, hein.
PAUL LARROUTUROU
Mais à la faute à qui ? C'est vous qui avez choisi ça.
MAUD BREGEON
Je n'ai jamais voté un budget. Et donc, aujourd'hui, effectivement, c'est une faute de Pari. En tout cas, c'est une forme…
AGATHE LAMBRET
Comment vous faites si vous dépassez le délai de 70 jours ? C'est un peu technique pour les gens, mais il y a un délai de 70 jours imparti. Comment vous faites si ça va au-delà, alors que vous ne pouvez pas déclencher le 49.3 pour fermer les débats ? Vous prenez des ordonnances ?
MAUD BREGEON
Je sois rentrée dans trop nombreux détails légistiques. Il y a un certain nombre d'outils. Lors de l'arrivée de l'apparient à l'Assemblée nationale. Il y a un certain nombre de temps, de jours alloués à cette étude. Ensuite, ça va au Sénat. Donc, les institutions sont bien faites.
AGATHE LAMBRET
Vous détaillez les amendements ?
MAUD BREGEON
Notre objectif, notre objectif… Non, on ne trie pas les amendements. Le droit d'amendement est constitutionnel. Notre objectif est double. Le premier, c'est d'avoir un budget au 31 décembre. Et le deuxième, c'est d'avoir un budget inférieur à 5 % de déficit.
AGATHE LAMBRET
Et est-ce que vous voulez éviter de passer par ordonnance ou pas ?
MAUD BREGEON
Bien sûr. Chacun essaye de…
AGATHE LAMBRET
Mais ce n'est pas certain que vous n'aurez pas recours aux ordonnances. C'est ça que vous nous dites ?
MAUD BREGEON
Ce que je dis, c'est qu'on veut permettre à l'Assemblée de débattre et de voter. Donc, ne mettons pas la charrue avant les bœufs.
PAUL LARROUTUROU
Donc, vous renoncez au 49.3, mais pas aux ordonnances ?
MAUD BREGEON
Nous renonçons au 49.3, parce que nous voulons que les parlementaires votent et se mettent d'accord sur un budget. À un moment, il faut partager la contrainte. Ça fait des années qu'on nous reproche l'utilisation du 49.3, que les groupes d'opposition nous reprochent l'utilisation du 49.3. On permet au débat de se tenir. On permet aux députés d'élaborer des compromis pour définir un budget qui leur semble plus à même de répondre au problème du pays. Et donc, laissons-les faire ce travail-là. Ne nous projetons pas trop en avant, et permettons-leur de voter. Et pardonnez-moi, mais encore là, on sera dans un moment de clarification. Chacun verra qui vote quoi et comment les uns et les autres se positionnent.
AGATHE LAMBRET
Pour l'instant, ce n'est pas très bien parti. Votre projet de budget, c'est une mise de départ, donc il pourra être amendé : 30 milliards d'euros d'économie. Et ce qu'il en ressort, c'est beaucoup d'impôts. Écoutez Jean-Philippe TANGUY, le député Rassemblement National de la Somme. Il était à l'Assemblée hier.
JEAN-PHILIPPE TANGUY, DÉPUTÉ RN DE LA SILLE
19 milliards d'impôts nouveaux en 2026 sur les Françaises et les Français. Monsieur le Premier ministre, je le regrette, mais vous avez donc menti. Vous avez réussi à promettre plus de pouvoir d'achat alors que votre budget est une véritable boucherie fiscale pour les classes moyennes et les familles, qui paient déjà le plus lourd tribut de tous les pays développés.
AGATHE LAMBRET
Près de 20 milliards de hausse d'impôts…
MAUD BREGEON
C'est faux, Agathe LAMBRET.
AGATHE LAMBRET
Vous avez quels chiffres, vous ? Vous avez les chiffres du Haut Conseil des finances publiques ? 14 milliards d'euros ?
MAUD BREGEON
C'est 14 milliards d'euros.
AGATHE LAMBRET
C'est déjà beaucoup, 14 milliards.
MAUD BREGEON
Non, non, non. Mais pardonnez-moi. Écoutez Jean-Philippe TANGUY, on croit qu'on va aller taxer 19 milliards d'euros sur les classes moyennes et les classes populaires.
AGATHE LAMBRET
Justement, c'est ma question ; qui va payer ces 14 milliards de hausse, selon vous ? Qui va les payer ?
MAUD BREGEON
C'est un budget qui demande des efforts.
AGATHE LAMBRET
D'accord.
MAUD BREGEON
C'est un budget qui demande des efforts à tout le monde.
AGATHE LAMBRET
À tout le monde.
MAUD BREGEON
Mais qui en demandera proportionnellement bien plus, et je voudrais m'arrêter un peu là-dessus, aux grandes entreprises et aux Français les plus fortunés.
PAUL LARROUTUROU
Oui. Proportionnellement, ça ne veut pas dire que vous n'allez pas taxer aussi les classes moyennes dont vous parliez un instant ?
MAUD BREGEON
C'est important de le dire. Près de 7 milliards d'euros, parce qu'on parle beaucoup de justice fiscale et on nous demande d'avancer dans ce sens-là. Donc je vais en dire un mot ce matin.
AGATHE LAMBRET
Combien sur les plus riches ? Combien sur les classes moyennes ?
MAUD BREGEON
7 milliards d'euros seront demandés aux Français les plus fortunés, avec une contribution exceptionnelle qui touche 20 000 foyers, et aux plus grandes entreprises…
PAUL LARROUTUROU
Qui n'est pas la taxe Zucman, qui est une autre taxe ?
MAUD BREGEON
Qui touche environ 440 entreprises. Ce à quoi s'ajoute la fameuse taxe holding, dont en a parlé Amélie DE MONTCHALIN. Ça, c'est un peu moins. Ça, c'est un peu moins de 7 milliards. Ensuite, moi, je ne veux pas mentir aux gens ce matin.
AGATHE LAMBRET
Donc, il y a 7 milliards sur les plus riches et 7 milliards sur ... 50-50 ?
MAUD BREGEON
Il y a des mesures qui sont difficiles dans le budget, et qui sont des mesures d'économie. L'année blanche, j'en parle de moi-même, encore une fois, parce que je pense qu'on doit la transparence aux gens.
PAUL LARROUTUROU
... ça veut dire que ça n'augmente pas avec l'inflation.
MAUD BREGEON
L'année blanche, nous n'enlevons rien aux gens, mais les prestations sociales, notamment, n'augmentent pas avec l'inflation.
PAUL LARROUTUROU
Et ça, ça touche les classes moyennes et populaires en travail.
MAUD BREGEON
Et le barème de l'impôt sur le revenu est gelé, dans le cadre d'une année blanche.
AGATHE LAMBRET
La conséquence, c'est que 200 000 foyers fiscaux, qui ne gagnaient pas assez pour payer des impôts, vont devoir en payer. 200 000 foyers fiscaux. Est-ce qu'il faut corriger ce point, ou vous l'assumez ?
MAUD BREGEON
On sera ouvert au débat.
AGATHE LAMBRET
Vous êtes prêts à le corriger pendant le débat ?
MAUD BREGEON
Dans le débat de départ, la mise de départ, si je puis dire, c'est l'année blanche. Maintenant, on discutera. Cette année blanche, elle rapporte 6 milliards d'euros. Si vous me demandez : est-ce qu'on sera vigilant, et évidemment ouvert à la discussion, pour protéger les Français dont vous venez de parler, les plus précaires, les plus modestes ? La réponse est évidemment oui.
AGATHE LAMBRET
Par exemple, indexer sur l'inflation la première tranche de l'impôt sur le revenu, pour éviter que les moins riches…
MAUD BREGEON
On pourrait évidemment en discuter. Et c'est la même chose pour... On parlera peut-être après des franchises médicales.
AGATHE LAMBRET
Les franchises médicales, exactement. Les boîtes de médicaments qui vont passer de 1 à 2 euros. Ça veut dire que quand on achètera une boîte de Doliprane, on paiera quasiment toute sa poche.
MAUD BREGEON
Alors, d'abord, vous dire que le budget de l'assurance-maladie, il va augmenter, l'année prochaine, de 5 milliards d'euros. Donc, je ne voudrais pas qu'on pense, ce matin, que c'est un budget de régression sociale. C'est tout l'inverse. Il y aura une augmentation de 5 milliards d'euros, ce qui permettra, par exemple, de ne fermer aucun hôpital l'année prochaine. Et ça, c'est important. Ensuite, sur les franchises médicales…
PAUL LARROUTUROU
Pardon. Vous êtes certains que vous aurez la majorité pour la faire voter, ça ? Parce que politiquement, c'est compliqué, hein.
MAUD BREGEON
On discutera. On discutera. Mais vous savez, à un moment, si on veut faire des économies, il va falloir qu'on partage la contrainte, parce qu'on parle beaucoup de fiscalité, de réforme des retraites depuis quelques jours, mais le déficit, il est toujours présent. Et je voudrais revenir, pardon, mais sur les franchises médicales, parce que je pense que c'est quelque chose qui intéresse les gens. 18 millions de Français, aujourd'hui, ne sont pas concernés par les franchises médicales. 18 millions de Français. Les Français plus modestes, les mineurs, les femmes enceintes. Est-ce qu'on est, là encore, ouvert à élargir cette population, la population non concernée, par les franchises médicales ? Pourquoi pas ? Maintenant, Agathe LAMBRET, est-ce que vous et moi, on a les moyens de payer un peu plus quand on va acheter notre boîte de Doliprane ?
AGATHE LAMBRET
Donc, cette mesure, vous l'assumez ?
MAUD BREGEON
Je pense que la réponse est oui.
AGATHE LAMBRET
Les 7 milliards d'euros d'économie sur la santé, vous les assumez ? Vous ne reviendrez pas dessus ?
MAUD BREGEON
En tout cas, nous, on l'assume. Après, il y aura des débats au Parlement. Mais je crois qu'encore une fois, on ne ment pas aux Français. Il y a aujourd'hui une situation de déficit qui est importante. Et donc, c'est un budget d'effort. On en discutera. Il faut qu'on partage la contrainte. Il faut qu'on en discute avec les forces parlementaires.
PAUL LARROUTUROU
Madame la porte-parole, pardon, mais il faut qu'on avance.
MAUD BREGEON
Mais on ne peut pas faire comme si le déficit n'existait pas.
PAUL LARROUTUROU
Il faut qu'on avance, s'il vous plaît, car il y a une autre question absolument majeure : celle des retraités, qui seront particulièrement perdants. Vous parliez de l'année blanche. En plus de geler les pensions de retraite, dans le cadre de cette fameuse année blanche, vous supprimeriez, conditionnel, ce n'est pas encore fait, l'abattement de 10 % sur les revenus des retraités. Il serait remplacé par un forfait autour de 2 000 euros. Ça, ça va être très dur pour beaucoup de retraités.
MAUD BREGEON
Vous savez, le premier impact de cette mesure, il bénéficie d'abord aux retraités les plus modestes, qui, aujourd'hui sont moins gagnants dans le système actuel.
PAUL LARROUTUROU
La classe moyenne peut être la grande perdante.
AGATHE LAMBRET
Surtout qu'on parle de quelques euros pour les retraités, qui gagnent moins de 20 000 euros par an, si je ne m'abuse. Donc, ce n'est vraiment pas grand-chose pour les retraités modestes.
MAUD BREGEON
Que ce soit pour les retraités…
AGATHE LAMBRET
Et c'est vraiment les retraités très, très modestes.
MAUD BREGEON
Que ce soit pour les retraités, que ce soit pour l'année blanche, que ce soit pour les franchises médicales, on sera ouvert à rééquilibrer, à rééquilibrer les choses lors du débat parlementaire. Maintenant, lorsqu'on rééquilibre et que ça coûte de l'argent, il va falloir que les forces politiques et que les parlementaires nous proposent aussi comment est-ce qu'on aboutit à un budget inférieur à 5 % de déficit.
PAUL LARROUTUROU
Un retraité célibataire, par exemple, déclarant 44 000 euros de pension, verrait sa note fiscale grimper de plus de 700 euros. Ce n'est pas rien, ça.
MAUD BREGEON
Mais j'ai conscience que, pardonnez-moi, encore une fois, je peux vous le redire, j'ai conscience que c'est un budget d'effort. Ce que je vous dis, c'est que c'est une copie de départ, qu'on va pouvoir en discuter, qu'il ne faut pas prendre tout ce qui est écrit aujourd'hui en dur comme argent comptant. Il y aura des débats, on n'est pas fermés, mais on a une responsabilité. Le Premier ministre a dit "Je suis prêt à faire beaucoup". Et il en a fait. Certains nous le reprochent même aujourd'hui. Mais on ne fera pas n'importe quoi et on n'endossera pas tout, parce qu'à la fin…
AGATHE LAMBRET
Il n'y a pas eu un... sur la marchandise, Maud BREGEON, pardon, parce que François BAYROU, au début, répétait : les macronistes répétaient encore qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts. Le macronisme, ce n'était pas de nouvelles hausses d'impôt. Et finalement, on voit que les classes moyennes sont particulièrement touchées, à comparaison de ce que vous faites pour les plus riches.
MAUD BREGEON
Les classes moyennes ne sont pas... Non. Proportionnellement, les plus touchées, c'est les Français les plus aisés, et c'est les grandes entreprises, Agathe LAMBRET.
AGATHE LAMBRET
Mais vous aviez dit pas d'autres impôts, à la base.
MAUD BREGEON
N'intégrez pas l'argument de nos oppositions. Les Français les plus modestes ne sont pas les plus touchés par ce budget. Ce n'est pas vrai. Ensuite, on sera ouvert au débat. On permet des discussions et des concessions qui nous coûtent sur des sujets qui sont importants pour nous. Mais on est face à une Assemblée Nationale qui est aujourd'hui ce qu'elle est. Si on avait 350 députés, une majorité absolue, on ne ferait peut-être pas ce budget-là, on ferait probablement autrement. Mais en tout état de cause, aujourd'hui, le socle commun, c'est environ 200 députés, et la majorité, elle est à 289. Donc, chacun comprend bien, et les Français comprennent bien, qu'en fait, on ne fait pas complètement ce qu'on veut, qu'on doit travailler avec le Parlement. Et c'est aussi, désormais, aux forces parlementaires de faire des propositions responsables. Et c'est ce que permettra l'utilisation ou la non-utilisation du 49.3.
PAUL LARROUTUROU
8h58 sur France Info. C'est l'heure de la question, qui est retrouvée évidemment sur Instagram et sur le TikTok de France Info. Aujourd'hui, la question qui juge : vous avez voté pour Nicolas SARKOZY à son époque. Il va être incarcéré.
MAUD BREGEON
En 2012 ?
PAUL LARROUTUROU
En 2012.
MAUD BREGEON
Vous ne dites pas en 2007 ?
PAUL LARROUTUROU
Il va être incarcéré mardi à la prison de la santé. C'est historique. Est-ce que sa place est en prison, madame BREGEON ?
MAUD BREGEON
Écoutez. Moi, je vais vous faire une réponse très convenue.
PAUL LARROUTUROU
Non, on ne veut pas de la réponse très convenue.
MAUD BREGEON
Non, mais je vais vous dire. Laissez-moi terminer. Je n'ai pas à porter de commentaires sur une décision de justice, ni pour Nicolas SARKOZY, ni pour d'autres. Non, mais la séparation, pardonnez-moi, la séparation des pouvoirs, ça veut dire quelque chose.
AGATHE LAMBRET
Mais pour l'image de la France Maud BREGEON ?
MAUD BREGEON
Ce que je peux vous dire, c'est que cette situation, elle me rend un peu triste. Et elle me rend un peu triste, d'abord, pour le pays. Peu importe ce qu'on pense de cette décision de justice. Les Français ont leur avis. Je pense, beaucoup, débattu dans les familles le dimanche. Ce n'est jamais une bonne nouvelle.
PAUL LARROUTUROU
Quelle est votre... La tristesse.
MAUD BREGEON
Ce n'est jamais une bonne nouvelle pour le pays, quand un ancien chef d'État, quoi qu'on en pense, et sans porter de jugement sur cette décision de justice, est incarcéré. Et ce n'est pas non plus, et je pense que par ailleurs, c'est... Dans ce que ça renvoie comme image de la classe politique et de l'avis politique, c'est aussi, à mon avis, un petit peu délétère. Voilà.
AGATHE LAMBRET
Mais les hommes politiques sont des citoyens comme les autres.
MAUD BREGEON
Et les hommes politiques sont des citoyens comme les autres. Et une porte-parole du Gouvernement ne porte pas de jugement sur une décision de justice, hein. Soyons bien clair.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 octobre 2025