Texte intégral
DJAMEL MAZI
Il est 8h10. La vraie bataille commence pour Sébastien LECORNU ce vendredi. Le projet de loi de finances de son Gouvernement est examiné à partir de cet après-midi à l'Assemblée. Un débat qui s'annonce à haut risque. On va parler bien sûr de tout cela avec notre invitée qui vient de nous rejoindre. Françoise GATEL, bonjour.
FRANÇOISE GATEL
Bonjour.
DJAMEL MAZI
Merci d'être avec nous sur Franceinfo. Vous êtes ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation. Et toujours avec nous Serge CIMINO, notre éditorialiste politique. On l'a bien vu donc dans la nuit de mercredi à jeudi la partie recette du budget qui était rejetée en commission. Le PS qui s'abstient, la droite qui vote contre et les Macronistes qui approuvent cette partie du budget. Est-ce que vous avez encore de l'espoir sur ce budget 2026 ?
FRANÇOISE GATEL
Oui. On est dans le chemin qui a été voulu par le Premier ministre. On sait qu'il n'y a pas de majorité. Le Premier ministre a dit : " Nous présentons un budget. Le Parlement débattra ". Et cet après-midi, le Premier ministre ira lui-même à l'Assemblée nationale faire une intervention sur le budget. Je pense qu'il faut que chacun soit responsable, et c'est l'engagement de Sébastien LECORNU. Quelles que soient nos convictions, nos idées, nos envies, la France est dans une situation de surendettement depuis plus de 50 ans. Et donc aujourd'hui, il faut faire un effort de redressement, c'est-à-dire stopper cette spirale de l'endettement. Faute de quoi nous nous retrouverions dans la situation de pays comme la Grèce, l'Espagne ou le Portugal qui ont dû, à un moment, prendre des décisions très dures sur les retraites, sur les fonctionnaires. Donc c'est un sujet de responsabilité. Je souhaite que chacun, au-delà des déclarations qui correspondent à ses convictions, se rende compte que si la France n'a pas de budget, nous serons dans une situation difficile qui ne fera qu'aggraver la dette, qui augmente chaque heure de 12 millions d'Euros.
DJAMEL MAZI
La situation sera difficile, elle sera même gravissime. Ce sont vos mots, je vous ai entendu lors d'une interview cette semaine…
FRANÇOISE GATEL
Oui. Et je pense que ce n'est pas une surenchère. Nous avons vu l'année dernière ce qui s'est passé quand le Premier ministre BARNIER n'a pas réussi à faire passer un budget. Quand vous n'avez pas de budget, ça se chiffre par milliards. Alors on ne le voit pas vraiment, mais ça veut dire que ceux à qui vous empruntez doutent très fort de vous. Nous voyons aujourd'hui que la note de la France, elle se dégrade, que nous allons emprunter plus cher. Ça veut dire qu'on dépense plus pour financer la dette et financer la dette, avoir une dette qui grossisse et s'empêcher d'avoir des budgets qu'on voudrait augmenter pour l'hôpital, pour l'école, pour les services publics. Et l'an dernier, enfin non, c'est en début d'année, nous avons payé très cher cela. Donc ça veut dire que les députés et les parlementaires qui ne s'engagent pas sur un chemin qui est une sorte d'entonnoir pour sortir un budget qui ne satisfera personne mais qui permettra à la France de tenir, je pense que chacun doit réfléchir à ce qui va se passer juste après.
SERGE CIMINO
Vous parlez d'instabilité. Pour vous, l'instabilité ne viendrait que des députés qui ont un autre calendrier que celui du budget de la France. Et je complète ma question en disant est-ce que le Premier ministre a bien fait de ne pas utiliser, en tout cas de dire qu'il n'utiliserait pas le 49 alinéa 3 ?
FRANÇOISE GATEL
Alors moi, je ne dis pas que l'instabilité vient des députés mais c'est le Parlement qui va devoir voter le budget. Donc chacun d'entre nous…
DJAMEL MAZI
Vous les appelez à la responsabilité, on a bien compris le message.
FRANÇOISE GATEL
Voilà, chacun d'entre nous a sa part dans ce qui se passe. Maintenant nous avons une situation qui est ce qu'elle est, nous avons une Assemblée où il n'y a pas de majorité. On voit que les choses sont difficiles. Donc je constate qu'on peut être confronté à une addition de décision individuelle parce qu'on voit bien que les blocs politiques traditionnels sont aussi un peu fragmentés. Et puis la situation politique, la situation économique est ce qu'elle est. On a eu un renouvellement de Premier ministre assez... comment dire ? Assez rapide.
SERGE CIMINO
Qui est fréquent.
FRANÇOISE GATEL
Oui, qui est fréquent. Aujourd'hui Sébastien LECORNU a accepté de s'engager dans un moment très difficile. Ce n'est pas le moment le plus aisé pour être dans un Gouvernement. Et lui, il a essayé de trouver une voie pour qu'on garde de la stabilité dans cette période qui est, on va dire, un peu nerveuse. Lui, il a pris l'image d'un bateau, la France, qui est à quai, il faut prendre la mer.
DJAMEL MAZI
On a bien compris que le Premier ministre, Sébastien LECORNU, a appelé à la responsabilité. Et le fait, comme vous disiez Serge, qu'il s'est engagé à ne pas utiliser l'article 49.3, est-ce qu'il a bien fait ? Puisqu'on a bien le sentiment que, même si ce rejet en commission qui n'est qu'un tour de chauffe, on voit bien que le compromis est difficile, voire quasiment impossible, d'ici le 31 décembre.
FRANÇOISE GATEL
Oui. Alors le sujet du 49.3, c'est un vrai sujet. Parce que quand il est utilisé, il a été utilisé par Michel ROCARD, par Elisabeth BORNE, on dit que c'est inadmissible.
SERGE CIMINO
Dans des conditions différentes pour monsieur ROCARD.
FRANÇOISE GATEL
Oui, je sais bien. Mais c'est une utilisation du 49.3. Et chacun s'accorde à dire qu'utiliser le 49.3, c'est un acte d'autorité qui ne laisse pas la démocratie et le débat. Aujourd'hui, le Premier ministre s'est engagé, ça veut dire le respect qu'il a du Parlement. Il dit : " Je n'utiliserai pas le 49.3 ". Et maintenant, l'on dit, mais je comprends, on dit : " Ah, il aurait peut-être dû garder le 49.3, parce que si le budget est impossible, on ne s'en sortira pas ". Mais ça aussi, c'est un,... comment dire ? Ce sont les termes de discussion et de négociation avec des partis politiques.
SERGE CIMINO
Mais juste un rappel, avec monsieur BARNIER, les recettes n'ont pas été votées, c'est allé au Sénat, ça s'est terminé comme on le sait, et le 49.3 a été dégainé, comme on dit, et monsieur BARNIER a été censuré. Là, ce ne sera pas forcément le même feuilleton mais les épisodes risquent d'être les mêmes. Est-ce que vous êtes, vous, dans la situation d'imaginer que le Gouvernement de monsieur LECORNU peut tomber de la même manière ?
FRANÇOISE GATEL
Mais je pense que chacun d'entre nous au Gouvernement, mais vous, tout le monde le dit, nous sommes dans une situation qui n'est pas une situation de stabilité. On a parlé de renouvellement des Gouvernements et on voit bien la difficulté, parce qu'on est dans l'exercice. Maintenant, moi, je suis quelqu'un de pragmatique et je crois que le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement, enfin tous les ministres, nous nous sommes engagés parce qu'à un moment, quand le bateau tangue, soit on reste sur le quai, on regarde et on dit : " Il aurait fallu, on devrait, ils ne font pas ce qu'il faut ", soit on participe. Donc on fait chacun notre part et que c'est évident que ce que vous dites peut arriver. Et je crois qu'on le sait depuis le début. Maintenant, je pense qu'il y a encore une fois une responsabilité collective. Moi, je n'aime pas le mot quand je suis sur le terrain, parce qu'en fait... voilà. Moi, ma vie, elle est au milieu des gens... Moi, est-ce que j'entends ce que vous devez entendre ? Les gens me disent : " Bon, alors, vous vous entendez, vous mettez l'accord, vous sortez un budget, ça n'est pas celui que vous voudriez, mais on est quand même dans une situation de déficit colossal ", donc il faut qu'on y pense quand on vote le budget.
DJAMEL MAZI
Françoise GATEL, un point qui semble sanctuarisé par le Gouvernement, c'est la suspension de la réforme des retraites. Une lettre rectificative qui a donc été adoptée hier, hier matin au Conseil des ministres. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que quoi qu'il arrive, la réforme, elle ne s'appliquera pas avant janvier 2028.
FRANÇOISE GATEL
Ce qu'a dit le Premier ministre, clairement, il a répété ce à quoi il s'était engagé, il a dit qu'il y aura un débat. Et donc cet acte qu'il vient de poser, acte, si je puis dire, officiellement, le débat qui devra avoir lieu sur le sujet. Donc il respecte sa parole. Et si je puis dire, la deuxième partie de l'équation, c'est le sujet dont nous ne cessons de parler, c'est le contexte budgétaire. Chacun connaît la situation des retraites, le déficit de ces retraites, un phénomène démographique qui fait que, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, il s'impose à nous. C'est-à-dire il y a de plus en plus de retraités et de moins en moins d'actifs, et nous vivons de plus en plus longtemps. Ceci étant dit, il faut qu'on trouve un équilibre. Et le débat, il va être au Parlement, comme le Premier ministre s'y est engagé, et comme tout le monde s'est engagé à débattre. Parce que repousser le problème à plus loin, pourquoi pas ?
DJAMEL MAZI
On rappelle, cette suspension a un coût. 100 millions d'Euros pour l'année 2026, 1,4 milliard pour 2026 et pour 2027 précisément. C'est le prix des compromis, ça ?
FRANÇOISE GATEL
Ce ne sont pas des compromis. Enfin je pense que dans notre pays, on n'a pas l'habitude de la situation que l'on connaît aujourd'hui. On connaît d'autres pays, je prends l'exemple de l'Allemagne, où vous n'avez pas de majorité absolue et qu'on se met d'accord sur ce que j'appelle un pacte de Gouvernement. On se dit : " Nous avons des idées différentes, mais voilà, pendant la période de deux ou trois ans, ce que nous allons faire ensemble, et ça n'enlève rien à nos convictions ". En France, on ne sait pas le faire. Et vous voyez bien qu'on a de vraies difficultés à le faire, parce que c'est ainsi que les Premiers ministres se succèdent, mais ce sont des apprentissages que nous faisons. Et en tout cas, le Premier ministre, il dit une chose très simple, il confirme : " Nous sommes en démocratie, c'est le Parlement qui débat et qui décide ". Dont acte.
DJAMEL MAZI
Alors à moins de cinq mois des municipales, le Sénat qui a adopté à l'unanimité, en deuxième lecture, un texte que vous avez porté, qui renforce le statut de l'élu local pour tenter de remédier à la crise des vocations. On le rappelle, 40 maires jettent l'éponge chaque mois en France. Et vous avez décidé de donner un petit coup de pouce financier aux élus.
FRANÇOISE GATEL
C'est un sujet qui est important, vous l'avez dit. Il y a 35 000 communes, 500 000 élus locaux, donc 80% sont bénévoles.
DJAMEL MAZI
On le voit à l'écran justement pour les communes de moins de 2 000 habitants. On passe de 2 122 à 2 290 Euros d'indemnité.
FRANÇOISE GATEL
Absolument. Donc ça, c'est un point que nous avons voulu, mais nous sommes d'abord partis de cette démission des élus locaux et de la lassitude des élus. C'est-à-dire un maire aujourd'hui, il est victime de violences physiques, de violences verbales, son action est souvent empêchée parce que tout est compliqué.
SERGE CIMINO
La sécurité juridique.
FRANÇOISE GATEL
La sécurité juridique, c'est-à-dire... Et moi, quand je parle des maires, je ne parle pas des maires des grandes villes comme à l'image. Il y en a 35 000. Donc c'est le maire du village de 40 habitants, c'est le maire qui aujourd'hui a sa commune qui est touchée par la tempête et qui va être là jour et nuit pour s'assurer que tout le monde est à l'abri.
DJAMEL MAZI
Mais est-ce qu'en augmentant de 10% des indemnités, on passe d'un peu plus de 150 Euros, est-ce que c'est comme ça vraiment qu'on va donner envie aux citoyens de s'engager pour sa commune ?
FRANÇOISE GATEL
Non mais vous avez bien vu qu'il n'y a pas que ça. Ça, ce n'est pas l'essentiel, vous l'avez dit. D'abord, il faut donner envie aux gens de s'engager. Quand vous avez votre âge et que vous avez une activité professionnelle, vous avez envie d'être élu et conseiller municipal, mais vous n'arrivez pas à être à la fois élu, maire, et avoir une activité professionnelle parce que quand vous êtes maire, vous passez beaucoup de temps. Comment on permet de concilier la vie professionnelle et la vie d'élu ? Comment, quand vous perdez votre mandat d'élu, on vous aide à retrouver un travail, comme on aide un salarié qui se retrouve sans situation professionnelle ? Comment vous donner envie à un étudiant dans nos communes ? Il y a des étudiants qui ont 20 ans, 21 ans, ils ont envie d'être élu municipal, mais si vous êtes étudiant, vous n'avez pas d'autorisation d'absence pour venir au conseil municipal. Quand vous êtes parent, vous avez votre vie professionnelle et vous avez une vie familiale, vous êtes parent, vous avez un conseil municipal à 21h, vous avez des enfants de 5 ans ou 6 ans, comment vous faire ? C'est vous qui allez devoir payer la garde des enfants. Donc ce texte, c'est la reconnaissance de la Nation pour ce que j'appelle des serviteurs. Vous voyez, on est tous extrêmement respectueux de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Eh bien les maires, les 35 000 maires et les 500 000 élus, c'est exactement la même chose. Ce sont des gens qui font, quand il y a la tempête, on va encore une fois essayer de protéger tout le monde, quand il y a eu la période de Covid, on a pris soin de chacun. Le maire, c'est une sorte de paratonnerre de la République et la Nation doit les reconnaître. Donc il y a cette petite revalorisation. Mais que pour les maires des petites communes, mais on a la protection juridique, on a la facilitation des indemnités maladie, du congé de grossesse. Enfin voilà, on permet à un élu d'avoir une vraie vie.
DJAMEL MAZI
Merci infiniment.
FRANÇOISE GATEL
Merci.
DJAMEL MAZI
Merci beaucoup Françoise GATEL d'avoir été avec nous ce matin sur Franceinfo. Merci beaucoup Serge
source : Service d'information du Gouvernement, le 27 octobre 2025