Déclaration de Mmes Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées et Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, au Sénat le 29 octobre 2026.

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Mme Pascale Gruny, président. - Mes chers collègues, nous accueillons Mmes Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, et Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées.

Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est diffusée en direct sur le site du Sénat et sera disponible en vidéo à la demande.

Mesdames les ministres, notre commission est impatiente de vous entendre sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 au regard des enjeux qui concernent les branches maladie et autonomie.

En particulier, comme nous l'avons vu avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), le PLFSS pour 2026 prévoit de fortes mesures d'économies pour la branche maladie, dont la situation financière est préoccupante. Leur montant cumulé atteindrait 7,1 milliards d'euros. Ainsi, la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) serait limitée à 1,6 %, ce qui reste supérieur à l'inflation, mais ce qui correspond au niveau le plus faible depuis une dizaine d'années. On peut se demander si cela est bien tenable, notamment au regard de l'état des finances des établissements de santé.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. - Madame le président, madame la rapporteure générale, mesdames et monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il se dit sur les chaînes d'information en continu qu'il n'y a plus de dialogue, que chacun campe sur ses positions, que la discussion budgétaire se résume à des anathèmes et que le compromis serait impossible, de peur de se compromettre.

Pourtant, je constate l'inverse partout où se réunissent les bonnes volontés : qu'il s'agisse du travail de concertation mené au sein du conseil de la Cnam ou encore ici, au Sénat, où vous avez mené un travail transpartisan et de grande qualité, les constats sont largement partagés et le dialogue s'avère de très haut niveau. Je tiens donc à vous assurer, en préalable, que le Gouvernement est animé par le même esprit de dialogue, que nous souhaitons voir perdurer et fructifier.

Avant de venir aux détails des mesures de ce PLFSS pour 2026, je souhaite aborder deux éléments, à commencer par un rappel : ce PLFSS, comme l'a indiqué le Premier ministre, est une copie de départ. Sans usage de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, le texte final sera ce que le Parlement en fera et sera nécessairement bien différent du texte initial.

Le second point a trait au fait que la sécurité sociale constitue le ciment le plus profond de notre cohésion nationale : il nous appartient collectivement de ne pas en faire un simple guichet, mais bien un héritage à protéger et à faire prospérer.

À ce titre, il nous faut regarder la réalité en face : passé de 10,8 milliards d'euros en 2023 à 23 milliards d'euros en 2025, le déficit de la sécurité sociale aura plus que doublé en deux ans. Si aucune mesure complémentaire à celles qui sont proposées dans le PLFSS pour 2026 n'était prise, il atteindrait 33,7 milliards d'euros en 2029.

Nous connaissons bien les facteurs structurels qui doivent nous pousser à agir. Premièrement, la natalité est en forte baisse, avec 170 000 naissances en moins par rapport à 2010. Deuxièmement, notre population vieillit : d'ici à cinq ans, un Français sur trois sera âgé de plus de 60 ans et, pour la première fois, les personnes âgées de 65 ans et plus seront plus nombreuses que celles de moins de 15 ans. Troisièmement, les pathologies chroniques explosent : en 2035, près de la moitié de la population sera concernée par une maladie chronique. La pyramide des âges ne ment pas et, sans réforme, notre modèle social n'est plus finançable, ni à moyen terme ni à long terme.

Nous pourrions bien sûr repousser les choix et prendre la décision confortable de ne pas agir. Au contraire, nous assumons de dire qu'il nous appartient de ne pas faire peser une dette sociale insoutenable sur les générations futures. À la lecture de la "boîte à outils" proposée par le Sénat pour le financement de la sécurité sociale, je constate que cet objectif est ici largement partagé.

J'en viens aux mesures de la branche maladie. Notre système de santé a démontré sa solidité, sa capacité à protéger, à soigner et à innover. Pour le préserver, nous fixons un cap clair, à savoir son adaptation pour le protéger, renforcer la prévention et améliorer l'accès aux soins en responsabilisant chaque acteur.

En 2026, le texte prévoit ainsi que les dépenses de santé puissent continuer de progresser à hauteur de près de 5 milliards d'euros. Cette augmentation s'accompagnera de mesures de freinage, pour que chaque euro mobilisé le soit au bon endroit.

À cet effet, chacun des acteurs du système de santé sera appelé à participer. Il est d'abord prévu une augmentation modérée des montants des forfaits de responsabilité, c'est-à-dire les franchises. Dix-huit millions de Français, soit environ un assuré sur trois, continueront à en être exonérés, comme les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), les femmes enceintes ou les mineurs.

Comme je l'ai annoncé lors de mon arrivée au Gouvernement, les plus vulnérables continueront à être protégés : la France demeurera ainsi le pays avec l'un des restes à charge les plus faibles. Pour donner un ordre de grandeur, la contribution moyenne par assuré représenterait environ 42 euros supplémentaires par an, à mettre en regard du coût de la prise en charge. Nous pouvons donc nous accorder sur le fait que la participation demandée aux assurés restera modérée, puisqu'elle sera plafonnée à 200 euros par an, soit une contribution en rapport avec la protection offerte.

L'effort sera aussi abondé par la contribution des organismes complémentaires et des acteurs industriels du médicament et du dispositif médical, avec un niveau important de baisse de prix. Un effort sera également demandé aux secteurs dont la rentabilité peut être qualifiée d'excessive, afin que chaque euro versé par l'assurance maladie soit mobilisé au service des assurés.

Enfin, et je sais que c'est ici un sujet de préoccupation, le texte permet d'aller vers plus de pertinence et d'efficience pour payer le juste soin au juste prix. Nous proposons de systématiser l'utilisation du dossier médical partagé (DMP) pour mettre fin à la redondance de certains examens et diffuser massivement les outils numériques d'aide à la prescription. Parallèlement, les hôpitaux seront davantage encouragés à améliorer leur efficacité et la pertinence de leurs soins.

Outre les mesures de freinage portées par tous les acteurs, ce PLFSS pour 2026 permet de poursuivre des réformes structurelles. Aussi, la prévention poursuivra son développement avec la création d'un statut de risque chronique et la mise en place de nouveaux parcours de prévention absolument déterminants pour prévenir l'apparition et l'aggravation de pathologies chroniques, en amont de l'entrée dans le dispositif des affections de longue durée (ALD).

Ces parcours incluront des prestations aujourd'hui non remboursées, telles que l'accompagnement à l'activité physique ou les consultations diététiques. Si la Haute Autorité de santé (HAS) doit définir les critères médicaux permettant d'y accéder, le Gouvernement souhaite proposer ces parcours aux patients ayant des pathologies d'aggravation progressive pouvant entrer à terme en ALD - obésité, hypertension artérielle ou encore diabète sans complication. Du reste, je sais que le Sénat est très investi pour renforcer nos politiques de prévention et le Gouvernement saura être attentif aux propositions que vous pourrez formuler.

Nous renforçons également l'organisation territoriale de l'offre de soins. Avec la consolidation des structures de soins non programmés et la réforme de la permanence des soins ambulatoires, nous faciliterons un accès rapide, efficace et coordonné aux soins. Cette démarche passera également par la mise en œuvre du pacte de lutte contre les déserts médicaux : un nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire sera créé et offrira un soutien financier et organisationnel à de jeunes médecins qui s'engageront à exercer deux ans dans les zones en tension. En outre, dès la rentrée 2026, les internes en dernière année de médecine générale effectueront un stage d'un an dans les zones où l'accès aux soins est difficile.

Par ailleurs, les quelque 20 000 pharmacies d'officine constituent un levier important de l'accès aux soins. Leur proximité territoriale a été identifiée depuis 2017 comme permettant de répondre à certains besoins de la population, d'où notre choix de renforcer leurs missions.

Ces mesures en faveur de l'accès aux soins seront renforcées par la mise en place d'un réseau de 5 000 maisons France Santé d'ici à 2027 sur l'ensemble du territoire, comme s'y est engagé le Premier ministre.

Enfin, et parce que je connais le travail de longue date de votre commission sur le sujet, je tiens à évoquer la grande cause nationale qu'est la santé mentale. Entre 1990 et 2020, les crédits de la psychiatrie au sein de l'Ondam sont passés de 11 % à 6 %. Depuis 2019, nous rattrapons notre retard avec une augmentation des crédits de plus de 42 %, pour atteindre près de 13 milliards d'euros en 2025, avec 53 mesures nouvelles engagées depuis 2021.

L'Ondam hospitalier de ce PLFSS pour 2026 intègre ainsi 65 millions d'euros de mesures nouvelles pour appuyer les actions en santé mentale. Le triptyque "repérer, soigner, reconstruire" sera développé en 2026.

Grâce aux efforts collectifs que je mentionnais précédemment, ce PLFSS permettra de continuer à financer des mesures très concrètes pour les Français dès 2026. Ainsi, 800 millions d'euros seront dédiés à la revalorisation des professions de santé libérales - médecins, dentistes, orthophonistes, pharmaciens, biologistes, infirmières -, ce qui représente un engagement fort pour reconnaître leur rôle essentiel sur le terrain.

Je songe également aux 200 millions d'euros alloués à la prise en charge à 100 % de véhicules adaptés aux personnes en situation de handicap et au renforcement de la prévention vaccinale, notamment contre le méningocoque ; aux 200 millions d'euros programmés pour investir dans la formation et l'attractivité des métiers à l'hôpital afin de soutenir les soignants et d'attirer de nouveaux talents ; aux 300 millions d'euros destinés à poursuivre les grandes stratégies, qu'il s'agisse de la lutte contre le cancer, des soins palliatifs, des urgences, de la pédiatrie, du handicap à l'hôpital ou encore de la périnatalité.

Je pense enfin aux moyens supplémentaires pour le secteur médico-social, dont 250 millions d'euros pour permettre le recrutement de 4 500 professionnels supplémentaires en Ehpad, ainsi que 250 millions d'euros pour la poursuite du plan 50 000 solutions dans le secteur du handicap, et enfin 100 millions d'euros pour le développement de l'habitat intermédiaire, afin d'offrir aux personnes âgées ou handicapées des solutions adaptées.

Pour ce qui concerne la branche famille, les mesures de ce PLFSS préservent les fondamentaux de son universalité tout en s'adaptant aux demandes des parents d'aujourd'hui, afin d'offrir davantage de choix concrets aux familles.

Pour l'accueil de leurs jeunes enfants, le PLFSS pour 2026 permet ainsi la création très attendue d'un congé de naissance supplémentaire, bien rémunéré. Chacun des deux parents pourra le prendre pour une durée allant jusqu'à deux mois, soit quatre mois supplémentaires en cas d'alternance. En s'ajoutant aux congés de paternité et de maternité existants, il permettra donc d'atteindre les six mois de l'enfant, dans un contexte où près de 90 % des parents estiment désormais qu'il s'agit du meilleur mode de garde pendant cette période.

Cette mesure se fera par ailleurs au bénéfice de l'égalité femmes-hommes, en incitant les deux parents à s'impliquer conjointement dès les premiers mois. Nous pourrons bien sûr avoir des débats légitimes pour affiner ce congé de naissance, d'autant que je connais la qualité des travaux menés par les sénateurs - notamment Olivier Henno et Annie Le Houerou - sur le caractère insatisfaisant du congé parental tel qu'il résulte de la réforme de 2014.

Nous avons tenu compte des résultats des concertations menées en 2024, unanimes sur le fait que le congé de naissance ne devait pas conduire à la suppression du congé parental, dans un contexte d'offres de garde encore insuffisantes. Il s'agit bien d'un droit supplémentaire et il nous reviendra collectivement, dans un second temps, de réformer le congé parental à l'aune de la montée en charge du congé de naissance et de l'amélioration de la couverture en offres de garde, afin qu'il ne soit plus un choix contraint pour les femmes, comme c'est encore trop souvent le cas aujourd'hui.

Toujours dans cet objectif d'offrir une palette de choix concrets et de qualité pour l'accueil de l'enfant, le PLFSS vient également conforter la trajectoire financière de la branche famille en accompagnant la mise en œuvre du service public de la petite enfance pour l'offre de garde formelle, avec le déploiement en année pleine de la réforme du complément de libre choix de mode de garde (CMG), pour un coût de 600 millions d'euros par an.

Cet effort se traduit aussi par la poursuite de la trajectoire d'investissement dans la création de places de crèche : 35 000 nouvelles places sont prévues, en renforçant la dynamique avec les communes qui sont, depuis le 1er janvier 2025, les autorités organisatrices de l'accueil des jeunes enfants.

En conclusion, j'aurai à cœur de travailler avec vous sur ce PLFSS pour 2026, et je souligne la nécessité d'adopter un budget pour notre sécurité sociale d'ici à la fin de l'année si nous souhaitons que des mesures nouvelles y figurent.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. - L'adoption du PLFSS pour 2026 est une nécessité pour pouvoir porter des mesures nouvelles, par exemple pour continuer à créer des places supplémentaires pour les enfants et les adultes en situation de handicap.

Il vous est proposé, au travers de ce texte, de poursuivre l'effort engagé à la suite de l'annonce, par le Président de la République, d'un plan de création de 50 000 solutions nouvelles lors de la Conférence nationale du handicap de 2023. Une véritable dynamique s'est enclenchée en 2025 : nous avons dépassé à ce jour les 12 000 solutions et avons bon espoir d'atteindre l'objectif de 15 000 solutions qui a été fixé pour cette année. Pour l'année à venir, une enveloppe de 250 millions d'euros devrait nous permettre d'avancer et d'atteindre la moitié de l'objectif des 50 000 solutions à la fin 2026, y compris avec le déploiement de solutions plus complexes, qui permettront de répondre à des situations plus lourdes.

Par ailleurs, ce PLFSS porte, malgré un contexte budgétaire contraint, une ambition pour l'autonomie et le handicap : l'augmentation de plus de 1,5 milliard d'euros du budget traduit bien la volonté du Gouvernement de poursuivre nos politiques publiques à destination des personnes en situation de handicap.

Ce même texte pose des jalons en vue de la réforme de la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) s'occupant des enfants. Ce travail, en cours depuis une dizaine d'années, commencera ainsi à prendre corps : 2026 sera une année blanche qui permettra aux établissements d'estimer l'impact de cette réforme tarifaire sur leurs budgets, tandis que nous prévoyons un budget de 360 millions d'euros pour accompagner cette réforme de la tarification et éviter tout risque financier pour leur équilibre.

Cette méthode permettra auxdits établissements de s'engager dans cette dynamique très forte de transformation de l'offre, nombre d'entre eux ayant déjà commencé à s'engager dans cette voie, mais sans être rémunérés à la hauteur des ambitions qu'ils portent. C'est tout l'objet de cette nouvelle tarification, qui représente une étape importante dans la réponse que nous apportons à nos concitoyens en situation de handicap : nous souhaitons en effet nous assurer que les professionnels construisent des réponses en fonction de leurs projets, de leurs attentes et de leurs souhaits.

Je mentionne, en outre, la poursuite du plan d'action dédié aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), notamment afin de simplifier les démarches administratives de nos concitoyens. L'apport d'effectifs supplémentaires est également prévu dans ces établissements, afin de permettre un rendez-vous physique lors des primo-demandes et de mieux accompagner les personnes dans ces démarches complexes, en s'assurant d'apporter la réponse la plus appropriée.

De surcroît, 2026 sera une année pleine d'application de la réforme de la prise en charge des fauteuils roulants, qui entre en vigueur au 1er décembre 2025 : de nombreuses personnes attendent cette échéance afin de pouvoir bénéficier d'un équipement.

J'en viens à nos aînés, en rappelant que nous sommes engagés sur une trajectoire de renforcement des effectifs dans les Ephad, à la fois pour améliorer la prise en charge de la dépendance et les conditions de travail des professionnels. Là encore, je ne peux que souligner la nécessité d'adopter ce PLFSS si nous souhaitons mieux accueillir nos aînés.

Nous continuons aussi à renforcer le soutien à nos aînés à domicile, notamment avec le déploiement des centres de ressources territoriaux qui viendront appuyer les structures d'aide à domicile pour apporter du soutien aux personnes particulièrement dépendantes.

Sur un autre aspect, ce PLFSS entérine l'ambition de développer une nouvelle offre pour répondre aux besoins de nos personnes âgées puisque nous prévoyons d'investir 100 millions d'euros supplémentaires en vue de créer 10 000 places supplémentaires d'habitats intermédiaires et d'habitats partagés. Nous sommes convaincus de la nécessité de développer cette offre pour permettre à nos aînés de trouver des solutions alternatives en fonction de leur état de santé, et pour soutenir le maintien à domicile et l'autonomie.

Ce volet s'accompagne, justement, d'une stratégie de prévention de la perte d'autonomie : la Conférence nationale de l'autonomie, qui s'est récemment ouverte, prendra véritablement corps cette année, ce qui permettra de soutenir les initiatives en matière de prévention de la perte d'autonomie partout sur les territoires.

Je mentionne également, à ce sujet, le déploiement du programme Icope, qui invite nos concitoyens à effectuer leur autodiagnostic et à prendre connaissance d'une série de recommandations relatives à la préservation et au maintien de leur autonomie.

J'y ajoute la stratégie concernant les maladies neurodégénératives, qui permet à la fois d'investir dans la recherche et d'offrir des solutions pour soutenir le maintien de l'autonomie de nos concitoyens atteints de ces pathologies.

Enfin, je tiens à évoquer la question des aidants, qui représente un enjeu majeur : un Français sur cinq aide désormais un proche, cette proportion étant appelée à s'accroître du fait du vieillissement de la population. Tenant compte de cet état de fait, nous développons les solutions de répit, notamment dans le cadre du plan 50 000 solutions, et avons récemment publié le décret qu'attendait notamment Mme Guidez, là aussi afin d'apporter des réponses de qualité aux aidants.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'article 7 du PLFSS prévoit la création d'une taxe ponctuelle sur les cotisations versées aux organismes complémentaires d'assurance maladie. Son taux a d'abord été fixé à 2,05 % pour obtenir un rendement comparable au montant d'économies qui aurait pu résulter d'un transfert de charges aux complémentaires santé sur les soins médicaux, taux qui a été abandonné après avoir été envisagé lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Il a toutefois été réévalué à 2,25 % pour tenir compte du décalage de la réforme des retraites.

Pourriez-vous justifier le choix de faire porter sur ces organismes complémentaires, et donc in fine sur les malades, le coût du décalage de la réforme des retraites ? Sans revenir sur l'opportunité de ce décalage - vous connaissez bien, j'imagine, la position du Sénat sur la question -, n'y avait-il pas d'autres manières de financer cette mesure ?

Par ailleurs, dans son rapport intitulé Charges et produits, la Cnam semble suggérer qu'il n'est pas possible de ramener la branche maladie à l'équilibre d'ici à 2030 sans augmentation substantielle des recettes, problématique que nous avions identifiée avec Mme Poncet Monge à l'issue de notre rapport d'information intitulé Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat. Pouvez-vous nous indiquer votre point de vue sur le sujet ?

J'y ajoute une interrogation sur la problématique des dépassements d'honoraires souvent perçus - à juste titre - comme injustes par nos concitoyens. Des établissements, tant publics que privés, nous ont indiqué que ces dépassements finançaient des postes de personnels accompagnant les chirurgiens, ainsi que des équipements, et qu'ils ne pourraient guère fonctionner sans ces revenus.

Il me semble que les dépassements d'honoraires ont été acceptés au fil du temps dans la mesure où l'assurance maladie n'a pas suffisamment revalorisé les prix de certains actes de soins : qui décide de la révision du tarif de ces actes ? Évolue-t-il en fonction des progrès technologiques ? Il semblerait que certains médecins et chirurgiens soient contraints de pratiquer ces dépassements d'honoraires faute de voir leur travail rémunéré à son juste prix.

Sur un autre point, où en est la biologie délocalisée ? Alors qu'il s'agit d'un moyen d'aller vers des populations peu mobiles ou éloignées du soin, rien ne semble avoir évolué, la rédaction d'un arrêté d'application étant attendue depuis 2019. Il s'agit pourtant d'un moyen d'action formidable dans les territoires ruraux, ainsi que dans les Ehpad.

J'en termine avec les enjeux de production de médicaments sur notre territoire et de sécurité d'approvisionnement des patients. L'article 10 du PLFSS crée de nouvelles contributions supplémentaires pour l'industrie pharmaceutique, dans un contexte de baisse des prix.

Nous avons souvent dit qu'il était préférable que les médicaments soient produits en France, ou à tout le moins en Europe : dans un contexte de tension sur les coûts et de fragilisation de certaines lignes industrielles, il paraît essentiel que ces ajustements à la hausse puissent concilier la régulation budgétaire, le maintien de la production et la sécurité d'approvisionnement.

Pouvez-vous donc préciser, madame la ministre, la manière dont le Gouvernement entend articuler la mise en œuvre de cette nouvelle contribution avec le dialogue conventionnel mené dans le cadre du Comité économique des produits de santé (CEPS), de façon à autoriser des révisions de prix à la hausse lorsque celles-ci sont nécessaires au maintien de la production et à la sécurisation des approvisionnements ?

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour la branche assurance maladie, en remplacement de Mme Corinne Imbert. - Mesdames les ministres, je remplace aujourd'hui Corinne Imbert, qui n'a malheureusement pas pu se joindre à nous.

Le PLFSS pour 2026 prévoit une hausse de l'Ondam limitée à 1,6 %, contre une moyenne de 4,8 % ces dernières années. Nous nous interrogeons donc, d'une part, sur la crédibilité de cet objectif, alors que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge que les économies liées aux mesures d'efficience sont peu documentées ; d'autre part, sur la pertinence de cet objectif au regard des besoins de notre système de santé. Je pense en particulier au sous-financement des établissements de santé, qui sont déjà dans une situation particulièrement dégradée et pour lesquels le Ségur de la santé n'a pas été entièrement compensé, comme le directeur général de la Cnam l'a lui-même reconnu devant notre commission.

L'Ondam pour 2026 vous semble-t-il donc crédible et tenable sans réformes et réorganisations structurelles ? Vous avez d'ailleurs mentionné une augmentation du budget pour certains secteurs tels que la psychiatrie, et il faudra bien répercuter celles-ci.

La médecine française repose sur deux jambes : la médecine libérale et la médecine hospitalière. Or plusieurs mesures de ce PLFSS attaquent frontalement la médecine libérale, et vous avez d'ailleurs évoqué la notion de "rentabilité excessive", dont la définition m'interroge : est-elle ainsi caractérisée uniquement par comparaison, ou bien considérez-vous ces praticiens comme des rentiers, comme c'est le cas à l'article 24 ? L'article 31 prévoit pour sa part de sanctionner les professionnels n'utilisant pas le DMP, tandis que l'article 26 vise à surtaxer les dépassements d'honoraires.

Les syndicats de médecins alertent sur le fait que le secteur 1 n'est plus très rentable à l'heure actuelle, et soulignent que la médecine libérale est aujourd'hui durablement fragilisée. La mesure prévue à l'article 26 vise tous les médecins pratiquant des dépassements d'honoraires plutôt que de cibler des dépassements abusifs. Pourquoi n'avoir pas envisagé un autre équilibre ?

Enfin, le départ de Mme Vautrin à d'autres fonctions m'amène à m'interroger sur le devenir du registre des naissances qu'elle avait promis à la suite de nos travaux portant sur les maternités.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - De nouveau, la branche autonomie est relativement préservée cette année par rapport aux autres branches, avec une augmentation de l'objectif de dépenses de 3,5 %. Cette dernière est tout à fait cohérente avec le défi démographique auquel nous sommes confrontés, et je ne peux donc que m'en féliciter.

Si la hausse des moyens s'impose, elle ne doit pas nous exonérer d'un travail sur l'efficience de la dépense. Le Gouvernement annonce justement, dans le dossier de presse du PLFSS, que l'article 38 sera complété par des mesures de maîtrise de la dépense d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH), qui seront portées par voie réglementaire. Pouvez-vous détailler ces dernières ?

J'en viens à l'article 36, qui prévoit le lancement en 2027 de la réforme dite "services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées" (Serafin-PH), engagée depuis une dizaine d'années, dans les structures pour enfants et jeunes adultes en situation de handicap. Le nouveau régime de financement devra notamment inciter à la transformation de l'offre. Quels seront, plus précisément, les objectifs de ces incitations tarifaires ?

Enfin, le déploiement du plan de création de 50 000 solutions médico-sociales devrait malheureusement ralentir en 2026 en raison du contexte budgétaire, alors que le manque de places en établissement reste criant dans certains territoires. L'objectif de 50 000 solutions créées à l'horizon 2030 est-il maintenu malgré ce ralentissement ? J'élargis cette question aux recrutements en Ehpad qui risquent également de connaître un freinage l'an prochain. L'objectif des 50 000 recrutements dans ces structures est-il maintenu ?

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Le congé de naissance paraît, pour employer une formule à la mode, un peu "light" aux yeux du Sénat, puisque sa durée de deux mois est bien inférieure aux six mois que nous avions préconisés dans notre rapport d'information. Pourquoi ne pas avoir envisagé une refonte du maquis des congés parentaux attendue par les familles, malgré le solde excédentaire de la branche famille ?

Concernant la crise de recrutements qui affecte les métiers de la petite enfance, quelles réponses envisagez-vous ?

J'en viens à l'aide sociale à l'enfance (ASE), qui me tient particulièrement à cœur : les parcours des enfants placés sont de plus en plus chaotiques et génèrent des ruptures affectives, alors qu'ils ont besoin de stabilité. Prévoyez-vous des mesures pour sécuriser ces parcours ?

Sur un point qui dépasse le cadre du PLFSS, il semble que les allocations familiales ne seraient plus bonifiées à partir de 14 ans, mais à partir de 18 ans : pourriez-vous préciser ce point ?

En ce qui concerne la fraude sociale, les administrations sociales demandent à bénéficier des mêmes droits d'action que le fisc, notamment pour l'accès aux fichiers des données téléphoniques et des compagnies aériennes, ou encore aux comptes en banque à l'étranger : une telle évolution est-elle, selon vous, envisageable ?

Enfin, compte tenu de la nature des débats autour du projet de loi de finances (PLF) à l'Assemblée nationale, pourriez-vous dire quelques mots concernant votre volonté de tenir la ligne politique d'un déficit plafonné à 17 milliards d'euros ?

Mme Pascale Gruny, président, rapporteur pour la branche vieillesse. - L'article 44 du PLFSS prévoit de ne pas revaloriser, en tenant compte de l'inflation, toutes les prestations sociales qui le sont automatiquement au regard de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Les représentants des administrations centrales que nous avons entendus nous ont indiqué que le législateur recourait ainsi pour la première fois à un gel qui s'appliquait à toutes les prestations : jusqu'alors, les mesures de gel ou de sous-indexation étaient ciblées afin de préserver certains publics vulnérables. Pourquoi faire un tel choix ?

Je m'interroge aussi sur la non-revalorisation de l'allocation de l'adulte handicapé (AAH) et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Avez-vous une idée des économies générées par la non-revalorisation de ces prestations ? Ne serait-il pas possible de les exclure de la mesure ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. - Madame la rapporteure générale, la taxe sur les complémentaires a certes été revue à la hausse à la suite de la lettre rectificative relative à la réforme des retraites.

Je rappelle qu'il est question d'une copie de départ et que le Gouvernement est ouvert aux évolutions de ce texte, en restant dans un cadre permettant de ramener le déficit en dessous de la barre des 5 % ; pour la sécurité sociale, il s'agit de suivre une trajectoire à même de maintenir la pérennité du système, et donc de contenir le déficit à hauteur de 17 milliards d'euros.

La taxe sur les complémentaires reflète le caractère partagé des efforts demandés dans ce budget, puisque les assurés comme les laboratoires de l'industrie pharmaceutique sont mis à contribution. Je m'apprête à lancer une mission associant deux personnalités qualifiées au sujet de la coordination entre ces organismes complémentaires et l'assurance maladie, car il me semble important de pouvoir travailler, pour les années à venir, à une évolution de notre modèle de financement.

Concernant les recettes, nous savons tous que le déficit est durable - notamment pour la branche maladie - en raison du vieillissement de la population, qui est synonyme d'une augmentation du nombre de maladies chroniques. Nous devons malgré tout maîtriser ces dépenses afin de préserver la soutenabilité de notre modèle de protection sociale, et il me semble indispensable d'avoir un débat de fond sur son financement pour les années à venir, là encore du fait d'une réalité démographique qui s'impose à nous.

S'agissant des dépassements d'honoraires, la cotation des actes est fixée dans le cadre de négociations conventionnelles entre les syndicats et la sécurité sociale, une nouvelle négociation étant prévue en 2026. L'article relatif aux dépassements d'honoraires évoluera probablement au fil des débats parlementaires : selon moi, le sujet doit être mis en perspective avec celui des franchises médicales et, plus largement, avec l'enjeu du reste à charge final des patients.

Un rapport remis par deux députés a souligné que les dépassements, de plus en plus nombreux, atteignent des niveaux très élevés : à titre personnel, je ne crois pas qu'il faille envisager leur interdiction, mais il conviendrait de les ramener à des niveaux plus raisonnables. La copie est entre vos mains et le débat parlementaire nous permettra d'avancer sur ce sujet.

Pour ce qui concerne la biologie délocalisée, la HAS va préciser les contours de son déploiement, qui interviendra en 2026.

J'en viens à la problématique des médicaments et de l'industrie pharmaceutique : une fois encore, ce budget, difficile et contraignant, demande des efforts à l'ensemble des acteurs, ce qui se traduit par une baisse des tarifs de 1,6 milliard d'euros pour ces entreprises.

Pour ce secteur, une mesure importante de simplification a été mise au point : d'une part, nous conservons un filet de sécurité par le biais d'une clause de sauvegarde dont le montant est suffisamment élevé pour qu'elle ne soit plus forcément déclenchée tous les ans, mais seulement lorsque les dépenses s'emballent. D'autre part, nous créons une taxe plus prévisible et plus simple pour les industriels, ce qui leur permettra d'anticiper, d'une année sur l'autre, les montants qu'ils devront acquitter.

Madame Lassarade, l'Ondam est en effet l'un des plus bas depuis longtemps : il reflète la nécessaire maîtrise des dépenses de l'assurance maladie et nous verrons comment se déroulent les débats sur ce point. Malgré tout, cet Ondam permet des mesures nouvelles, dont une enveloppe supplémentaire pour la psychiatrie, ainsi que des mesures de revalorisation pour les gardes et les astreintes des professionnels.

J'en viens à la rentabilité, en précisant que je n'entends pas stigmatiser qui que ce soit. Je rappelle que la rentabilité correspond au ratio entre l'excédent brut d'exploitation et le chiffre d'affaires, ce qui permet de constater que certains secteurs affichent des taux de rentabilité aux alentours de 27 %, là où les établissements privés lucratifs enregistrent un taux compris entre 3 % et 4 %. En tant que responsable du budget de la sécurité sociale, je me dois de m'interroger sur ces disparités, qui mettent en cause le financement de l'assurance maladie.

Des négociations conventionnelles doivent avoir lieu entre les secteurs concernés et l'assurance maladie : si ces dernières n'aboutissent pas, l'assurance maladie prendra la main pour diminuer les tarifs, comme cela a été le cas dans le domaine de la radiologie. À ce stade, les négociations ne sont pas closes et il faut donc encourager les professionnels à se remettre à la table des discussions afin de trouver des moyens d'améliorer la situation et de faire en sorte que chaque euro de la sécurité sociale soit dépensé à bon escient.

Monsieur Henno, la durée de congé de naissance est précisément de deux mois pour chacun des parents, ce qui permet, en ajoutant les congés de paternité et de maternité, d'aller jusqu'aux six mois de l'enfant.

Cette mesure est autofinancée, dans le cadre du sérieux budgétaire qui est proposé dans ce texte, grâce au décalage de la majoration des allocations familiales de 14 ans à 18 ans. Cette mesure tient compte de plusieurs travaux - notamment ceux de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) - qui montrent que le coût d'un enfant est sensiblement plus élevé une fois entré dans l'âge adulte plutôt qu'à 14 ans.

Ce décalage permet donc de financer le congé de naissance de quatre mois, qui est rémunéré à hauteur de 70 % du salaire net le premier mois et à hauteur de 60 % du salaire net le deuxième mois.

J'en arrive à la crise de recrutement dans les métiers de la petite enfance, qui représente un défi majeur. Dans ce domaine, le travail est mené en lien avec les collectivités dans le cadre du développement du service public de la petite enfance, et nous devrons continuer à renforcer l'attractivité de ces métiers.

Pour ce qui est de l'ASE, Mme Vautrin avait travaillé sur un projet de loi que je reprendrai et que je porterai aux côtés de Gérald Darmanin, lui aussi très engagé sur ce sujet.

Enfin, la lutte contre la fraude constitue tout l'enjeu du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales qui vous sera soumis le 12 novembre. Le croisement des fichiers, bancaires ou autres, est au cœur des mesures envisagées.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Madame Deseyne, vous avez évoqué les dispositions relatives à l'efficience de certaines dépenses, en particulier de l'APA et de la PCH. L'article 38 doit permettre, dans le cas où la personne est indemnisée par une compagnie d'assurances, de s'assurer que le département ne prenne pas en charge les dépenses liées à ces prestations, en veillant ainsi à l'absence de doublons.

J'avais lancé, en lien avec l'association Départements de France, une réflexion visant à identifier des mesures de bonne gestion permettant de contenir des dépenses de PCH et d'APA en croissance rapide. Parmi elles figurait l'harmonisation des taux de conjugalisation, ainsi qu'une meilleure prise en compte des ressources du foyer fiscal. Les réflexions engagées ont été interrompues par la chute du précédent gouvernement, mais le processus reprend.

Quant à la réforme Serafin-PH, il est bien question d'un changement de modèle, les tarifications des établissements étant assez anciennes et ne correspondant plus à une dynamique de transformation de l'offre par laquelle nous souhaitons nous orienter davantage vers des réponses "sur mesure", en accompagnant davantage les personnes dans leur vie quotidienne, leurs projets professionnels ou leur vie scolaire.

Ce mouvement modifie les besoins de financement et la réforme, de longue haleine, vient l'accompagner. Le nouveau modèle a fait l'objet de nombreux travaux, menés en lien avec les associations et avec les représentants des ESSMS. Comme je l'indiquais précédemment, une année blanche a été prévue en 2026 pour anticiper les impacts de la réforme sur les structures, ainsi qu'un financement suffisant pour éviter que certains établissements ne soient perdants. Une partie d'entre eux se sont déjà engagés dans la démarche de transformation et doivent pouvoir bénéficier de financements adaptés.

Enfin, pour ce qui est des recrutements, nous maintenons l'objectif de 50 000 ETP pour les Ephad, même si un ralentissement sera à l'œuvre en 2026 compte tenu du contexte budgétaire et des difficultés à embaucher. Cette démarche se conjugue à la révision des coupes Pathos, qui permettra de mieux évaluer les besoins réels des personnes en fonction de leur niveau de santé et de dépendance et d'ajuster le financement des Ehpad. Ceux-ci vont d'ailleurs bénéficier, dans vingt-trois départements, de la fusion des sections soins et dépendance.

Concernant les 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap, le ralentissement sera modéré en 2026. Certes, nous prévoyons un moindre nombre de nouvelles solutions, mais en privilégiant, plus que la quantité, la création d'unités nouvelles qui nécessitent davantage de temps et de ressources afin de s'adapter à des situations complexes : il peut s'agir, par exemple, de répondre aux besoins d'enfants pris en charge par l'ASE et qui souffrent également de handicap.

M. Laurent Burgoa. - En qualité de rapporteur pour avis de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" dans le cadre du PLF, j'observe avec intérêt les conséquences de l'article 44 du PLFSS pour 2026 sur les dépenses sociales.

En effet, le gel des prestations et pensions concerne également le montant de l'AAH, du revenu de solidarité active (RSA) et de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Nous aurons à coup sûr des débats sur le périmètre de ce gel, notamment concernant l'AAH, qui représenterait 160 millions d'euros d'économies.

J'entends aussi bien les voix qui s'élèvent pour souligner la singularité de la politique d'autonomie que celles qui insistent sur l'importance d'un gel uniforme pour renforcer l'acceptabilité et la lisibilité de la mesure.

En revanche, ce qui relève du courage politique ne doit pas tourner à l'acharnement. Comment justifiez-vous, madame la ministre, de réduire, en sus de cette mesure déjà difficile, le bénéfice de la prime d'activité pour les bénéficiaires de l'AAH au sein du PLF ?

Quant au financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM), dont l'activité ne cesse d'augmenter du fait du vieillissement de la population, le budget prévoit une augmentation de 2 % des crédits - soit 15 millions d'euros - alors que l'extension de la prime du Ségur à cette profession coûte, dans le même temps, 34 millions d'euros. Afin de résoudre l'équation, vous comptez sur "une mesure d'efficience à venir en 2026". Pouvez-vous préciser ce point et nous assurer que vous ne financerez pas le Ségur par une augmentation des mesures de placement exercées par les mandataires ?

Mme Chantal Deseyne. - Je relaie une question d'Alain Milon : l'expérimentation du dispositif d'accès direct, arrivé à échéance en juillet 2025, a démontré toute sa pertinence pour accélérer la mise à disposition de médicaments innovants au bénéfice des patients, et renforcer l'attractivité du système de santé français, en complément des dispositifs d'accès précoce existants.

L'article 34 du PLFSS pour 2026 va dans le bon sens : il vise à harmoniser les dispositifs d'accès dérogatoire et à clarifier leur articulation, en recentrant notamment l'accès direct sur les médicaments innovants disposant de données cliniques définitives. Toutefois, selon l'étude d'impact annexée à cet article, la publication du décret d'application n'est envisagée que pour le premier semestre 2026, si le calendrier est respecté.

D'ici là, plusieurs innovations thérapeutiques demeurent en attente, alors qu'elles pourraient relever du dispositif d'accès direct. Cette situation risque de créer une période de rupture pour les patients comme pour les établissements de santé, alors même que la dynamique engagée par l'expérimentation a démontré son efficacité et son utilité.

Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour éviter cette discontinuité, notamment en prolongeant temporairement le dispositif expérimental jusqu'à la publication du décret, afin de garantir la continuité des soins, de prévenir toute errance thérapeutique et de préserver l'attractivité de la France pour l'innovation en santé ?

Mme Anne Souyris. - L'efficience est très présente dans ce texte, mais qu'entend-on par là ? S'agit-il d'économies quantitatives ou d'apprécier ce qui est utile pour le patient ? Dans un contexte de financiarisation de la santé, un certain nombre d'actes - par exemple, des radios panoramiques systématiques chez le dentiste - ne sont pas utiles aux patients et coûtent cher à la sécurité sociale. Pouvez-vous donc préciser cette notion d'efficience ? Des objectifs sont-ils fixés afin de lutter contre la financiarisation ?

Le PLFSS prévoit une baisse des tarifs de remboursement de certains actes dont la hausse paraît suspecte. On comprend bien l'idée. Mais ce qui serait intéressant, ce serait d'empêcher la prescription d'actes, d'ailleurs toujours par les mêmes structures, qui ne servent à rien. La simple baisse des tarifs de remboursement aura pour seul effet d'augmenter le reste à charge pour les patients. Est-ce vraiment utile en termes d'économies ? Et n'est-ce pas contreproductif en termes de qualité des soins et du point de vue du principe d'égalité ?

Je salue la prise en charge, prévue à l'article 19, de prestations d'accompagnement préventif dédiées pour les ALD. C'est vraiment une avancée. Toutefois, ce qui est indiqué à la dernière ligne de l'exposé des motifs m'inquiète un peu : "En parallèle, le Gouvernement saisira la HAS sur les critères d'admission en affection de longue durée afin de clarifier l'articulation avec ce nouveau dispositif." J'espère que ce ne sera pas un prétexte pour revoir ces critères à la baisse ; nous avons déjà eu quelques petits signaux d'alerte.

Dans ce PLFSS, il n'y a rien, ou presque, sur la santé environnementale. Or, du point de vue de la prévention, nous aurions intérêt à avoir une véritable réflexion, par exemple, sur le lien entre le réchauffement climatique et les questions de santé publique.

Je n'ai pas bien compris en quoi consistaient les maisons France Santé, notamment en termes de structuration. S'agit-il de centres de santé ? De maisons de garde ? De nouvelles structures de permanence des soins ?

L'expérimentation relative aux haltes soins addictions, dont trois évaluations ont montré le caractère extrêmement positif, en termes tant de santé publique que d'économies pour la sécurité sociale, prend fin cette année. J'espère que ces structures seront pérennisées.

Mme Jocelyne Guidez. - À mon sens, la psychanalyse pourrait faire partie des prestations non efficientes ; nombre d'associations, le délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement et la HAS ne reconnaissent pas l'efficacité de cette pratique. Serait-il envisageable d'exclure la psychanalyse ou des prestations s'y référant d'une prise en charge intégrale ?

Le PLFSS pour 2026 prévoit une baisse de 22,3 millions d'euros d'aides aux postes pour les entreprises adaptées, soit la suppression de 3 000 postes financés. Cela fragiliserait directement l'emploi dans les entreprises adaptées. Le Gouvernement entend-il revoir la trajectoire budgétaire appliquée à ces entreprises adaptées ?

Dans le même esprit, l'extension du Ségur aux entreprises adaptées, prévue par un accord de branche du 4 juin 2024, va contraindre les employeurs à verser une prime, alors même que leur situation financière ne le permet pas. C'est incompréhensible. Est-il envisagé d'exclure les entreprises adaptées du Ségur ?

Mme Maryse Carrère. - Dans le dossier de presse qui nous a été communiqué, il est évoqué une baisse du taux de remboursement des cures thermales. Mais aucune disposition en ce sens, semble-t-il, ne figure dans le texte qui a été transmis à l'Assemblée nationale. Réduire la prise en charge des cures thermales reviendrait à fragiliser près de 500 000 patients. La mesure de déremboursement partiel est-elle abandonnée ? Ou bien envisagez-vous de procéder par voie réglementaire ? En réponse à un député, vous avez indiqué qu'une telle évolution permettrait de faire rentrer dans le "droit commun" le remboursement du thermalisme. Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendez par "droit commun" ?

Nous avons noté dans le PLFSS pour 2026 une augmentation de l'objectif des dépenses de la branche autonomie de 3,5 %. Y aura-t-il suffisamment de financements pour couvrir les besoins réels des Ehpad en matière de personnels, d'entretien, de matériel, d'investissement et de revalorisation des salaires ? Selon de nombreux rapports, la trajectoire financière prévue ne permet pas d'atteindre les objectifs annoncés, notamment les 0,8 équivalent temps plein (ETP) par résident à l'horizon 2030 dans les Ehpad.

Mme Marie-Pierre Richer. - Je relaie une question posée lundi dernier lors du colloque de l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées (APHPP). L'article L. 821-3 du code de la sécurité sociale prévoit que les indemnités de fonction des élus locaux doivent être en partie exclues du calcul des ressources pour l'allocation aux adultes handicapés (AAH), mais aucun décret d'application n'a été publié à ce jour. Ce sont donc les règles de droit commun sur les revenus d'activité qui s'appliquent en pratique. À l'approche des élections municipales, le Gouvernement entend-il publier rapidement le décret, afin de rendre effectif le droit de toute personne handicapée à exercer un mandat électif dans les mêmes conditions que tout autre citoyen ?

Mme Laurence Muller-Bronn. - Plusieurs rapports préconisent d'exclure les soins en ostéopathie des contrats responsables des mutuelles, ce qui suscite une vive inquiétude parmi ces professionnels de santé, mais également chez les patients. Je le rappelle, l'ostéopathie est une profession de santé agréée, dont l'efficacité en termes de prévention et de soulagement des douleurs chroniques en fait un soin plébiscité par les malades. Si ces rapports n'ont heureusement pas conduit le ministère à prendre une telle mesure d'exclusion de l'ostéopathie, pouvez-vous nous assurer que ce ne sera pas le cas ? Un décret est-il en préparation à cet égard ? Si oui, pouvez-vous nous en détailler le contenu ?

Le PLFSS comprend un volet sur le financement des unités de soins palliatifs. Actuellement, plus d'une vingtaine de départements en sont totalement dépourvus. L'engagement qui a été pris de déployer ces unités sur l'ensemble du territoire sera-t-il concrétisé ? Si oui, dans quels départements et à quelle échéance ?

Mme Brigitte Bourguignon. - Élaborer un PLFSS, c'est, certes, mobiliser des moyens et fixer des orientations, mais c'est parfois aussi savoir assouplir les règles, afin que les dispositifs votés puissent devenir réellement efficients, et accompagner l'innovation.

Vous avez évoqué le maillage territorial. Dans certains territoires ruraux, l'installation d'officines et de pharmacies fait cruellement défaut. Je connais dans mon département des communes de moins de 2 500 habitants qui ont des projets en la matière, mais qui ne sont pas suffisamment accompagnées. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a abordé cette problématique. Nous avons besoin de visibilité.

La semaine dernière, nous avons auditionné M. Lecerf, président du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). L'une de nos priorités partagées est d'éviter les ruptures de parcours pour les personnes âgées entre le domicile et les Ehpad. Il existe des solutions innovantes : l'habitat intermédiaire en fait partie. Le problème est qu'il manque toujours un acteur ou un morceau de financement à la clé. Pourquoi ne pas utiliser les expérimentations au titre de l'article 51 pour couvrir les projets concernés pendant vingt-quatre ou trente-six mois, avec un calendrier lisible et, si possible, un guichet unique et une clause de revoyure ? Dans une période où les Ehpad manquent de place et où les domiciles ne sont plus sécurisés, je pense que nous ne pouvons plus attendre pour tester de solutions pragmatiques.

Mme Céline Brulin. - "Volonté de dialogue", dites-vous...

À peu près tout le monde juge l'Ondam que vous proposez intenable. Or lorsque l'Ondam pour 2025 a subi un dépassement de 0,5 %, le Gouvernement a pris des mesures d'économies, sans consulter le Parlement ni les acteurs concernés, et certains professionnels, comme les kinésithérapeutes, entre autres, ont vu leur revalorisation retardée de six mois. Le fait de présenter cette année un Ondam aussi faible ne signifie-t-il pas qu'il est quasiment certain qu'il sera dépassé et donc que le Gouvernement prendra demain des mesures qui ne sont pas sur la table aujourd'hui, mais qu'il conviendrait d'annoncer dès à présent, ne serait-ce que pour la clarté des débats et la démocratie ?

Vous indiquez que, sur les franchises médicales et les participations forfaitaires, l'effort demandé serait "modéré". Je n'utiliserai pas ce qualificatif, puisque vous prévoyez un quadruplement de ces franchises et participations forfaitaires en trois ans.

Vous avez aussi dit que la protection sociale des Français était, en quelque sorte, "offerte". Non, elle ne l'est pas ! Ce sont nos concitoyens, salariés et employeurs, qui cotisent. Je crois qu'il est toujours utile de le rappeler...

On entend également qu'il faut "responsabiliser" les patients. C'est peut-être vrai pour certains. Mais lorsque 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant, lorsque nous subissons des pénuries de médicaments, qui doit être "responsabilisé" ?

Les complémentaires santé vont répercuter sur leurs assurés l'effort de plus de 1 milliard d'euros qui leur est demandé.

Je vous rejoins sur les dépassements d'honoraires, qui sont un vrai problème éthique, économique et social. Mais le fait de les taxer va se répercuter sur les patients, qui n'ont parfois pas d'autre choix que de consulter ces professionnels pratiquant des dépassements. Pourquoi ne pas plutôt plafonner ces dépassements, voire les interdire, afin d'éviter qu'une éventuelle taxation ne se répercute sur les patients ?

Voilà quelques années, une réflexion avait commencé à s'amorcer pour que le financement, notamment, des hôpitaux - j'élargirai le propos à la santé en général - ne soit pas uniquement basé sur des tarifications à l'activité. Un financement plus populationnel, par forfait, était envisagé. Cette réflexion semble avoir disparu des radars... Le mode actuel de financement encourage de fait la multiplication des actes, quand d'autres systèmes permettraient peut-être de limiter ceux qui sont inutiles, voire inefficients.

Dans sa "volonté de dialogue", le Gouvernement est-il prêt à ouvrir le débat sur les exonérations de cotisations sociales, qui représentent aujourd'hui à peu près quatre fois le montant du déficit de la sécurité sociale ? Les exonérations sur les seuls apprentis ne me semblent pas être la cible à privilégier...

M. Daniel Chasseing. - Le déficit de la sécurité sociale, de 23 milliards d'euros en 2025, atteindra peut-être 30 milliards en 2027. Le nombre de retraités augmente, passant de 4 millions en 1980 à 20 millions en 2025. La suspension de la réforme des retraites va représenter un coût supplémentaire de 7 milliards d'euros en 2030, année où le déficit du système de retraites atteindra 14 milliards d'euros. La hausse du nombre de personnes de plus de 85 ans va entraîner une augmentation des besoins de prise en charge dépendance et ALD.

La CNSA privilégie le maintien à domicile et la création de maisons d'autonomie ou maisons partagées. Dans ce cas, il faut augmenter le nombre de postes en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et en services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), ainsi que dans les Ehpad, où il n'y aura alors plus que des personnes très dépendantes. Quelle est votre vision à cet égard, madame la ministre ?

Avec mes collègues Céline Brulin et Jean Sol, nous avons remis un rapport sur la dégradation de la santé mentale, première cause de suicide des 12-24 ans. Nous avons noté de problèmes de manque de personnel : le nombre de pédopsychiatres a diminué de 40 % depuis 2010 alors celui des enfants hospitalisés a doublé au cours de la même période. Or nous avons aussi constaté combien les infirmiers en pratique avancée (IPA) en psychiatrie étaient utiles aux équipes médicales. Pourquoi ne pas commencer par augmenter le nombre de postes en IPA psychiatrie ? Michel Barnier avait parlé de "grande cause nationale". Il n'y a pas de grande cause nationale sans financements.

Mme Marion Canalès. - L'article 28, qui supprime la visite obligatoire de reprise du travail lors d'un retour de congé maternité, ne va pas vraiment, me semble-t-il, dans le sens de la santé des femmes. Qu'en pensez-vous ?

Les groupes privés de crèches ont une pratique de plateforme d'intermédiation. Ils se rémunèrent en prélevant à leur profit une partie du prix de la réservation facturée à l'entreprise réservataire. Il y a là un vrai sujet.

Dans le département de la Gironde, 150 personnes relevant normalement de la politique du handicap sont prises en charge par l'ASE.

Je préférerais parler de fiscalité "sanitaire" ou "de santé", plutôt que "comportementale". Si la fiscalité ne fait évidemment pas tout, on peut tout de même faire beaucoup, notamment en matière de prévention. Soyons offensifs.

À l'instar de ma collègue Anne Souyris, je salue l'avancée prévue à l'article 19 tout en m'interrogeant sur la signification de ce qui est indiqué dans l'exposé des motifs quant aux critères d'admission au sein du statut des ALD...

Le Sénat a adopté un texte très important sur la lutte contre le narcotrafic. Mais nous aimerions bien aussi des engagements forts de la part du ministère de la santé, qui reste muet sur la question des stupéfiants.

Nous aimerions bien aussi l'entendre sur le protoxyde d'azote. Le ministre Neuder avait évoqué une interdiction de la vente aux particuliers ou, au moins, aux mineurs. Je pense qu'il est temps de passer à la vitesse supérieure.

Mme Monique Lubin. - Voilà quelques années, nous avions obtenu des engagements gouvernementaux sur la création de cinq résidences de répit partagé. Les crédits pour les deux premières ont été mobilisés. Les mesures de financement des trois autres auraient dû figurer en loi de finances pour 2024, ce qui n'a pas été le cas. Et, à ma connaissance, elles ne figurent pas non plus dans le PLFSS pour 2026. Qu'en est-il réellement ?

Mme Corinne Féret. - Nous vous rejoignons sur un point : il faut qu'un PLFSS soit voté. Mais pas à n'importe quel prix ! En l'occurrence, votre projet ne va pas du tout dans le sens de la justice sociale.

À nos yeux, le "forfait de responsabilité", dont Mme de Montchalin a parlé voilà quelques jours, consiste à culpabiliser bon nombre de nos concitoyens : doublement des franchises, remise en cause des arrêts de travail, remise en cause des critères des ALD, etc. C'est particulièrement injuste de s'attaquer ainsi à ceux qui sont les plus fragiles : car quand on est malade, on est bien en situation de fragilité.

Vous n'avez pas répondu : le gel prévu à l'article 44 concerne-t-il toutes les prestations sociales ? Car ce qui est indiqué n'est pas très clair. Et si cela concerne bien toutes les prestations sociales, c'est, là encore, particulièrement injuste !

Vous voulez aussi geler l'AAH et d'autres prestations perçues par les personnes en situation de handicap. Dois-je vous rappeler que le quart de ces dernières vivent sous le seuil de pauvreté ?

Certes, 3,5 milliards d'euros de plus pour la branche autonomie, c'est une belle somme. Mais cela reste malheureusement très en deçà des besoins pour accompagner nos aînés dans leur vie d'aujourd'hui et leur vie future.

On parle chaque année d'une loi Grand âge, qui ne vient jamais. Pour accompagner encore une fois nos aînés, que ce soit à domicile ou dans des établissements, il faudrait ajouter 9 milliards d'euros de plus par an d'ici à 2030. C'est une somme colossale. Mais le vieillissement de la population est incontournable. La cinquième branche a bien été créée, mais il faut des moyens en plus.

L'an dernier, nous avions été alertés sur la situation financière extrêmement dégradée, voire catastrophique de la plupart des Ehpad publics dans nos territoires. Malheureusement, la situation ne s'est pas améliorée. Est-il prévu de reconduire dans ce PLFSS le fonds d'urgence de 300 millions d'euros que nous avions adopté pour les accompagner ?

Mme Émilienne Poumirol. - Je pense que l'Ondam ne signifie plus rien aujourd'hui ; nous aurions besoin d'une vision plus structurelle, à cinq ans ou dix ans.

Quand nous réclamons la transparence sur les prix des médicaments, on nous oppose toujours le fameux "secret des affaires". Nous avons des médicaments dont les prix sont extrêmement élevés, voire exorbitants, alors qu'ils n'ont rien d'innovant et qu'ils sont déjà amortis. Travaillons à la baisse des prix des médicaments trop chers.

Nous avons été alertés par des directeurs de centres hospitaliers universitaires (CHU) : les centres de soins non programmés viennent leur prendre des urgentistes. Il y a là un vrai risque de financiarisation de la santé. Il faut s'y attaquer.

Les docteurs juniors, que nous avons auditionnés la semaine dernière avec Corinne Imbert, sont très mécontents du mode de financement retenu, qui est particulièrement complexe. Eux proposent des solutions plus simples. Il faut avancer sur la simplification de cette rémunération, afin de répondre, au moins en partie, au problème des déserts médicaux.

Dans les centres d'oncologie, nous avons du mal à garder nos radiothérapeutes. Dans le privé, ils gagnent cinq fois plus. Cinq fois plus ! Les 200 millions d'euros supplémentaires que vous avez annoncés en faveur de l'attractivité dans les hôpitaux sont sans doute utiles, mais que comptez-vous faire pour véritablement lutter contre un tel déséquilibre entre les salaires du public et ceux du privé ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le PLFSS prévoit l'entrée en vigueur de la tarification dite Séraphin-PH dans le secteur médico-social. Celle-ci est très décriée par les professionnels, qui y voient un risque de logique de rentabilité au détriment de l'humain. Comment comptez-vous les protéger contre les risques de dégradation à la fois de leurs conditions de travail et des conditions de prise en charge ?

Nous reconnaissons tous que des effectifs supplémentaires sont nécessaires dans les MDPH. Mais, dans mon département, le Pas-de-Calais, qui n'est tout de même pas très riche, l'APA et la PCH n'ont été compensées, respectivement, qu'à 33 % et à 36 % par l'État. C'est donc le conseil départemental qui met la main à la poche. Qui va donc payer les emplois supplémentaires dans les MDPH ? Surtout que l'on s'apprête encore à ponctionner 4,7 milliards d'euros sur nos collectivités territoriales !

J'aimerais évoquer l'ASE. Dans notre département, nous avons 7 000 enfants placés, dont 18 % en situation de handicap. Certains vont d'ailleurs à l'école en Belgique, et on leur paye un taxi pour faire le trajet. Je pense que nous avons le devoir de les accueillir dans des structures en France ; en plus, cela permettrait de faire des économies. Je reçois beaucoup d'assistantes familiales. Nous sommes en surcapacité partout. Et les salaires de ces assistantes ne sont pas très importants. J'aimerais que l'on fasse de la question des enfants placés à l'ASE une priorité.

Mme Stéphanie Rist, ministre. - L'expérimentation sur l'accès direct a effectivement pris fin. Nous menons actuellement les concertations pour voir comment les choses peuvent évoluer.

Qu'est-ce que l'efficience ? Pour moi, ce qui est le plus efficient, c'est de ne pas être malade ! Le PLFSS contient une mesure destinée à éviter d'arriver en ALD ; c'est de la vraie prévention. L'assurance maladie va dépenser de l'argent pour éviter qu'il y ait plus de malades. Il y a un changement culturel à opérer, mais je pense que c'est l'avenir, surtout compte tenu de notre démographie. Des soins qui ne sont pas remboursés actuellement vont être pris en charge pour éviter que les gens ne tombent plus malades. Cela diminuera le nombre d'ALD.

J'en viens aux tarifs des actes de radiologie. L'assurance maladie paye parfois pendant cinq ans l'amortissement de matériel amorti au bout de trois, et ce delta de deux ans finit dans la poche du professionnel ! Nous tenons compte de cette réalité dans les discussions sur la baisse des tarifs.

Je crois effectivement qu'il faut aller vers de plus en plus de pertinence. Le PLFSS comporte une mesure visant à faire développer des outils numériques qui permettent d'être plus pertinents, notamment dans la prescription.

Dans les prochains jours, le Premier ministre aura l'occasion de préciser sa vision des maisons France Santé, qui sont, à mes yeux, un vrai levier dans l'accès aux soins.

L'expérimentation des haltes soins addictions, dont les rapports d'évaluation ont en effet confirmé l'intérêt, prend fin cette année. Mon cabinet est en train de travailler avec l'ensemble des parlementaires et des acteurs concernés sur les suites à y apporter.

Monsieur Chasseing, je vous rejoins sur l'importance de la psychiatrie. Entre 1990 et 2020, le budget de la psychiatrie avait diminué. Depuis 2020, nous l'avons augmenté de 42 % ; il y a là un vrai effort financier. Vous avez raison : c'est avec l'ensemble des professionnels - médecins scolaires, infirmières scolaires, IPA, etc. - que nous allons y arriver.

Madame Canalès, vous connaissez mon engagement sur la santé des femmes. Des mesures relatives à la ménopause viendront peut-être enrichir le texte au cours du débat ; c'est l'avantage de ne plus avoir recours au 49.3.

Plusieurs intervenants ont évoqué l'ASE. Nous continuons de mettre en œuvre le plan lancé par Catherine Vautrin pour renforcer le placement en accueil familial, avec une enveloppe de 55 millions d'euros dans le PLF.

Je relie la question des addictions en général à celle de la santé mentale.

À ma connaissance, le PLFSS ne prévoit aucune modification s'agissant de la psychanalyse.

La mesure réglementaire relative aux cures thermales, qui représente une économie de 200 millions d'euros, consiste à passer à un mode de remboursement non ALD. C'est pour cela que j'ai parlé de "droit commun". C'est une diminution, pas un déremboursement.

Sur les contrats responsables des complémentaires, il est prévu d'augmenter le délai de renouvellement des lunettes et des audioprothèses. Il n'est pas prévu d'action sur l'ostéopathie.

Neuf unités de soins palliatifs ont été ouvertes en 2025. À ce stade, quatre sont prévues en 2026. Nous restons sur la programmation prévue de 1 milliard d'euros.

Le PLFSS comporte bien une mesure permettant d'autoriser l'ouverture d'une pharmacie dans les villes de moins de 2 500 habitants.

Je rappelle que l'Ondam pour 2025 a été tenu grâce au mécanisme d'alerte.

Je maintiens l'expression "forfait de responsabilité". Et non, responsabilité ne veut pas dire culpabilité : élever un enfant pour qu'il devienne responsable, ce n'est pas vouloir qu'il devienne coupable. Collectivement, tous les secteurs vont devoir faire des efforts. Individuellement, les quelque 15 000 personnes qui consultent 25 généralistes par an ont peut-être aussi une responsabilité...

Et non, ce ne sont pas les plus fragiles qui seront touchés. Un assuré sur trois - cela représente 18 millions de personnes - ne paye pas les franchises ; les plus fragiles sont donc préservés.

Je rappelle que cela permet aussi de financer les mesures telles que le déploiement des maisons France Santé, ainsi que les mesures de prévention.

Concernant le financement à l'activité, les transformations sont en cours dans le secteur hospitalier, les financements d'expérimentations se faisant de plus en plus sur la base de forfaits.

Madame Poumirol, nous devons en effet donner des perspectives pour les dix prochaines années : j'ai ainsi annoncé que nous préciserons, d'ici à la fin de l'année, les perspectives en matière d'investissements pour les établissements de santé, afin que les efforts fournis s'accompagnent d'une vision d'avenir et que les équipes hospitalières puissent se projeter.

S'agissant des centres de soins non programmés, la mesure prévue permet une régulation, avec une forme d'autorisation de l'agence.

Enfin, les docteurs juniors arriveront dans les territoires à partir de septembre 2026 : j'ai indiqué hier aux syndicats étudiants que ces praticiens étaient fort attendus, et que nous veillerons à leur apporter une rémunération et un encadrement appropriés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Monsieur Burgoa, vous évoquez le gel des prestations, dont celui de l'AAH : il est bien question d'une mesure générale de gel des prestations, sans distinction. Ce coup de frein est justifié par la nécessité de revenir sur une trajectoire de réduction du déficit : nous convergeons pour refuser de consacrer 70 milliards d'euros aux seuls intérêts de notre dette et devons donc agir pour alléger celle-ci, même si cela implique de prendre des mesures difficiles. Je rappelle qu'il est question d'un gel, et non pas d'une baisse des prestations, sans oublier que la mesure s'inscrit dans un contexte de faible inflation.

Dans le même ordre d'idées, la suppression de la prise en compte de l'AAH dans l'attribution de la prime d'activité ne fait plaisir à personne - moi y compris -, mais je précise qu'il s'agit de remédier à un dysfonctionnement, dans la mesure où un adulte en situation de handicap qui travaille davantage ne bénéficie pas d'un revenu supplémentaire : mécaniquement, ce dernier stagne, puis diminue, et il convient donc de corriger cette anomalie structurelle à terme.

Pour autant, il est exact que la mesure aura des répercussions sur le revenu des personnes, puisque le retrait de l'AAH du calcul aboutira à une diminution, voire à une suppression de la prime d'activité. Ce n'est certes guère satisfaisant, mais nous suivons une logique de recherche de réformes de structure qui doivent permettre de revenir à des logiques plus saines dans l'orientation de la dépense publique et des prestations sociales. Sur ce point également, nous débattrons et le Parlement votera.

Concernant la question des mandataires judiciaires, je tiens à vous assurer que la prime Ségur a été prise en compte et que les économies de fonctionnement portent sur les fonctions support, et non pas sur celles qui sont en lien avec l'accompagnement des personnes. Pour autant, il nous faudra revoir le fonctionnement de cette prestation : plusieurs travaux, conduits par l'Igas et par l'inspection générale des finances (IGF), sont en cours afin d'élaborer une refonte de la mesure de protection des majeurs.

Madame Guidez, je vais être très claire : la psychanalyse n'a pas sa place dans l'accompagnement et dans la prise en charge des personnes atteintes de troubles du neurodéveloppement. Je partage totalement la position de la HAS sur le sujet.

Même si la situation budgétaire est - vous le savez - très contrainte, l'enveloppe dédiée aux entreprises adaptées reste à 478 millions d'euros, ce qui est tout de même important. Avec mon collègue ministre du travail, nous veillerons à faire en sorte que d'éventuels gels ou mises en réserve n'entraînent pas une baisse par rapport à 2025.

Je prends bonne note de votre interpellation quant à l'application de la prime Ségur dans les entreprises adaptées. Nous examinerons cette question avec attention.

Madame Carrère, nous connaissons bien les problèmes liés au financement des Ehpad. Des mesures structurelles importantes sont mises en oeuvre. Le fonds d'urgence que vous avez voté pour 2025 est en train d'arriver dans les territoires. Vingt-trois départements expérimentent la fusion des sections soins et dépendance ; une évaluation aura lieu en 2026, l'objectif étant de pouvoir aller vers une généralisation. La révision des coupes Pathos est également prévue dans le PLFSS, ce qui permettra de mieux réajuster les enveloppes. Et les 4 500 ETP supplémentaires que j'ai évoqués viendront soutenir les équipes.

Il reste que les prix d'hébergement dans les Ehpad sont trop bas. Or le financement de ces établissements dépend aussi des choix politiques qui sont faits en la matière.

Madame Richer, le cumul de l'AAH avec l'indemnité pour les élus locaux est effectivement prévu dans la loi. Des caisses d'allocations familiales ont d'ores et déjà intégré ce dispositif. Certes, le décret annoncé s'est un peu perdu dans les méandres des changements gouvernementaux... Je vais reprendre cela en main. Vous avez raison : c'est le moment d'envoyer un message très fort pour rappeler qu'il faut avoir des candidats en situation de handicap sur les listes aux élections municipales.

Je profite de l'occasion pour faire une nouvelle fois la promotion de la fameuse boîte à outils dédiée aux élus locaux. Je souhaite que celle-ci puisse aussi nourrir la réflexion des candidats : intégrer les questions d'accessibilité au moment de l'élaboration des programmes, c'est se donner la garantie d'avoir des projets véritablement inclusifs pour nos communes. Je vous invite vraiment à la consulter - elle est disponible en ligne et dans les préfectures - et à la faire connaître auprès de vos collègues et des élus locaux.

Je partage l'engagement de Mme Bourguignon et de Jean-René Lecerf en faveur de l'habitat intermédiaire, qui répond vraiment à une demande de la part des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Dans ce PLFSS, nous avons prévu d'investir 100 millions d'euros dans le soutien à la création de places d'habitat partagé. Plusieurs missions sur le modèle économique de cet habitat intermédiaire rendront d'ailleurs bientôt leurs conclusions. Faut-il passer par des expérimentations de type article 51 ? Je ne sais pas si c'est le bon cadre, mais je propose de continuer cette réflexion.

M. Chasseing a évoqué des créations de postes dans les Ssiad et les Saad. Comme je l'ai indiqué, le PLFSS prévoit bien des ETP supplémentaires dans les Ehpad. D'où l'importance qu'il soit voté ! J'ai assez confiance dans la Haute Assemblée pour cela ; mais vous connaissez la situation qui est celle de l'autre chambre... Ne pas voter de PLFSS, c'est renoncer à la possibilité d'avoir plus de postes en Ssiad et en Saad et c'est se priver des effectifs supplémentaires qui sont d'ores et déjà prévus pour les Ehpad, alors qu'ils sont - cela vient d'être rappelé -, ô combien, nécessaires.

Madame Lubin, vous avez évoqué les cinq résidences de répit partagé : deux projets sont d'ores et déjà lancés, tandis que les trois autres devraient suivre de manière imminente. Je peux en tout cas vous assurer que ces projets verront le jour.

Madame Féret, je vous rejoins sur les enjeux du grand âge et la nécessité de se projeter par le biais d'une programmation pluriannuelle, mais les soubresauts gouvernementaux ne nous aident pas à remettre le métier sur l'ouvrage, ni à engager une réflexion en profondeur sur le financement de la dépendance, alors qu'il s'agit d'un chantier structurant : nous aurions, là aussi, besoin de stabilité.

En revanche, la Drees a documenté les besoins de manière territorialisée, ce qui permettra d'anticiper les besoins qu'il faudra couvrir, avec de fortes disparités selon les territoires. Je souhaite engager un travail avec les acteurs du secteur, les agences régionales de santé (ARS) et les départements pour que nous puissions examiner ces besoins, anticiper et vous présenter un plan Grand Âge. En parallèle, il nous faut absolument réfléchir à un financement de la dépendance qui intégrerait les enjeux de financement de la protection sociale que nous avons déjà évoqués.

Enfin, madame Apourceau-Poly, je vous assure que Serafin-PH n'est pas un système de tarification à l'acte et que je le refuserais si tel était le cas. Le nouveau dispositif prévoit des dotations forfaitaires et des dotations variables en fonction de la complexité des situations d'accompagnement, le tout dans une logique de "sur-mesure".

Une fois encore, nous sommes persuadés que l'auto-détermination des personnes en situation de handicap doit guider la réponse qui leur est apportée. Trop ancien, notre système de tarification doit évoluer en prenant le temps nécessaire, en lien avec les professionnels du secteur et avec une vigilance particulièrement sur les financements.

Quant au financement des départements pour l'APA et l'AAH, un engagement a été pris sur la stabilisation du taux, qui avait tendance à diminuer en raison de la rapide progression des dépenses. Françoise Gatel et moi-même discutons avec les départements afin de déterminer la manière dont nous accompagnerons l'objectif d'une compensation à 50 %.

Je tiens à souligner, pour terminer, que ce PLFSS pour 2026 prévoit 300 millions d'euros supplémentaires pour aider les départements à assumer ces dépenses.

Mme Pascale Gruny, président. - Merci de votre participation, mesdames les ministres.


Source https://www.senat.fr, le 3 novembre 2025