Interview de Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, à RMC Info le 31 octobre 2025, sur les arrêts maladies, le doublement des franchises médicales, l'allocation aux adultes handicapés et la vaccination obligatoire pour les soignants et les résidents des EHPAD.

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Média : RMC Info

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Il est 7 h 11, et vous êtes bien sur RMC, et à la télé, sur RMC Story. Réduire le déficit de la sécu : voilà l'objectif affiché du Gouvernement. Où trouver l'argent ? Qui va payer quel type d'économie ? Bonjour Stéphanie RIST.

STÉPHANIE RIST
Bonjour Apolline.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes la ministre de la Santé. Vous vous occupez aussi des familles, de l'autonomie, des personnes handicapées. Merci d'avoir choisi RMC ce matin. Alors que vous êtes en plein débat sur le budget de la sécurité sociale. Ça a commencé lundi à l'Assemblée, et qu'on a de très nombreuses questions à vous poser. D'abord, sur la question des arrêts maladie. Vous voulez limiter à 15 jours la durée des arrêts maladie. Pourquoi et pour quelles économies ?

STÉPHANIE RIST
Oui, j'entends votre question. Je vais y répondre. Mais d'abord, je voudrais dire que ce budget de la sécurité sociale, il demande un effort collectif, c'est vrai, pour diminuer le trou de la Sécu. Mais il propose aussi une augmentation de 5 milliards pour les dépenses en santé. Mais peut-être, on pourra y revenir.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire qu'effectivement, il y a un objectif d'économie, mais vous voulez dire : "On ne va pas brader la santé" ? Vous voulez déjà nous rassurer ?

STÉPHANIE RIST
Il y a un objectif de maîtrise des dépenses, et notamment sur les arrêts maladie dont on sait que le chiffre flambe. On est à des augmentations de 60 à 80 % ces dix dernières années, en plus d'arrêts maladie. On est dans un objectif de maîtrise. Pourquoi ? Parce qu'on veut pouvoir faire des mesures nouvelles, des réformes, continuer les réformes. On va peut-être parler de l'accès aux soins, avec les maisons France Santé. On peut parler du congé supplémentaire de naissance, le remboursement des fauteuils roulants pour les personnes en situation de handicap. Toutes ces mesures, elles sont financées seulement si on arrive à maîtriser nos dépenses.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, maîtriser les dépenses, vous le disiez, ça commence par les arrêts maladie, limité à 15 jours. Pourquoi ?

STÉPHANIE RIST
Alors, j'entends, sur ce sujet, les professionnels qui racontent la rigidité que pourrait entraîner cette mesure. Et le débat parlementaire, puisqu'actuellement, c'est en commission, c'est-à-dire que c'est les Députés qui débattent du sujet. Puis, la semaine prochaine, je serai avec eux dans l'hémicycle pour pouvoir faire avancer cette copie. Comme vous le savez, c'est un texte qui va évoluer, puisqu'il n'y a pas de 49.3.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais au moment où on se parle, vous souhaitez quoi ?

STÉPHANIE RIST
On souhaite appeler une responsabilité, là aussi collective, sur la diminution des arrêts maladie. Alors, il y a plein d'enjeux sur cette diminution d'arrêt maladie. Il y a évidemment, avant l'arrêt, il faut que les gens, au travail, par exemple, aient plus de mesures pour qu'ils soient moins mis en arrêt. Il faut que quand ils aient besoin d'un arrêt, réellement, ils soient en arrêt. Il ne faut plus qu'il y ait d'arrêt de complaisance. Il n'y en a pas beaucoup, des arrêts de complaisance, mais il y en a encore. Il faut que ça s'arrête. Il faut que les malades puissent être revus régulièrement.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, quand vous dites revus régulièrement, on arrive encore à cette question des 15 jours. Jusqu'à présent, les médecins pouvaient parfois prescrire des arrêts de très longue durée, jusqu'à trois mois ou six mois. Là, c'est 15 jours. Alors, certes, renouvelable, mais ça imposera de revoir un médecin tous les 15 jours. C'est pour tout type de pathologie ?

STÉPHANIE RIST
Alors, vous savez, je suis rhumatologue. Et il y a quelques semaines encore, je continuais mes consultations le lundi matin. Donc, je vois bien la difficulté que pourrait entraîner cette rigidité. Et je crois que ce débat doit avoir lieu à l'Assemblée.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais en fait, vous avez l'air, quand je vous entends, de déjà renoncer à cette mesure. En fait, vous n'êtes pas hyper favorable à l'idée de devoir imposer de retourner tous les 15 jours chez le médecin.

STÉPHANIE RIST
C'est une question de méthode. Il n'y a pas de 49.3. Mon boulot, moi, c'est qu'il y ait un budget de la Sécurité sociale adopté à la fin de l'année, parce que, comme je vous l'ai dit, ça va permettre toutes ces mesures nouvelles.

APOLLINE DE MALHERBE
Et je suis très surprise. Pardon, vous êtes ministre de la santé, je vous pose cette question des arrêts et vous avez l'air de déjà considérer qu'au fond, ce n'est pas une très bonne proposition.

STÉPHANIE RIST
Non, je vous dis que le débat, il est dans la main des parlementaires, que cette mesure, elle est nécessaire dans le sens où elle entraîne une diminution, une revoyure, déjà, un meilleur suivi des patients, parce qu'au bout de 15 jours, si le malade va mieux, il peut retourner au travail. Mais surtout, il est revu. Et que si ça va moins bien, il y a peut-être des mesures qui doivent être prises.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que tel que vous l'imaginez, ça concerne toutes les pathologies ? Évidemment, les questions qui se posent, c'est par exemple si c'est en effet, par exemple, une souffrance, un burn-out, le fait de revoir le médecin tous les 15 jours, peut tout à fait répondre à ce que vous dites, c'est-à-dire à la nécessité, soit de voir que ça va mieux, soit au contraire, de pouvoir adapter peut-être le traitement. Mais si vous vous êtes cassé la jambe, par exemple, on sait déjà que pendant 5 semaines, vous n'allez pas pouvoir retourner travailler, ça ne sert à rien de devoir le renouveler au bout de 15 jours, on est d'accord ?

STÉPHANIE RIST
Je comprends, je suis d'accord avec vous. La question est de suivre les recommandations de la Haute Autorité de Santé, qui est une autorité indépendante et qui propose des durées d'arrêt-maladie. En fait, l'idée est d'emmener les professionnels vers… de coller au plus près de ces recommandations. Mais j'entends la rigidité…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais il pourrait y avoir une distinction entre les types de pathologies ?

STÉPHANIE RIST
Il y a dans les recommandations, il peut y avoir des différences.

APOLLINE DE MALHERBE
Doublement des franchises médicales, ça, ça fait évidemment beaucoup réagir les malades, sentiment de payer deux fois, c'est-à-dire, à la fois sur son salaire, mais aussi sur ses franchises. Qu'est-ce que vous répondez ?

STÉPHANIE RIST
Moi, j'appelle ça des forfaits de responsabilité. C'est très important, cette question, parce que des Français sont inquiets en ce moment sur cette mesure. Il faut rappeler qu'un Français sur 3 ne paye pas les franchises de médicaments, ces forfaits de responsabilité : tous les plus fragiles, les femmes enceintes, les mineurs, les personnes qui ont la complémentaire santé solidaire. Le débat parlementaire pourra se faire sur qui paye ou qui ne paye pas ses franchises, mais il ne me semble pas injuste que les gens qui puissent payer 42 euros en moyenne par an en plus de leur boîte de vie…

APOLLINE DE MALHERBE
Et à partir de quand est-ce que vous considérez qu'ils peuvent payer ? À partir de quel niveau de vie vous considérez qu'ils ont les moyens de payer ?

STÉPHANIE RIST
À l'heure actuelle, il y en a un sur trois qui ne les payent pas. Et demain, ça sera la même chose. Le texte ne change pas ça à ce stade.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire que ceux qui les payent, en revanche, le paieront plus ?

STÉPHANIE RIST
Oui, ceux qui le payent le paieront plus, avec toujours un plafond, pour que les gens les plus malades n'aient pas à payer plus que le plafond. Et on reste le pays avec le reste à charge, le reste à payer, qui est le moins important du monde.

APOLLINE DE MALHERBE
Dans le budget de la Sécurité sociale, il y a aussi le vote de la suspension de la réforme des retraites, mais vous aviez des compensations pour le financer, notamment les taxes, la surtaxe sur les mutuelles. Ça, finalement, ça a été rejeté par les Députés. Où allez-vous trouver l'argent ?

STÉPHANIE RIST
Alors, la taxe sur les mutuelles, dans ce budget de la Sécurité sociale, je l'ai dit, c'est un effort partagé. Donc, c'est les assurés, c'est les industriels pharmaceutiques avec une taxe d'1,6 milliard, de baisse des tarifs des médicaments, et c'est aussi les complémentaires santés mutuelles, avec une taxe d'1,1 milliard dans ce budget, au démarrage du budget. Les parlementaires, pour l'instant, l'ont supprimé en commission. Nous allons voir, en séance, si c'est la même chose. Moi, je défendrais…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous espérez que ça revienne en séance ?

STÉPHANIE RIST
Alors, le texte revient comme le texte initial, en séance…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais je veux dire, vous espérez que cette surtaxe…

STÉPHANIE RIST
Oui, en tout cas, je la défendrai, pas parce que je veux cibler particulièrement les complémentaires. D'ailleurs, je vais lancer une mission avec des personnalités qualifiées qui vont travailler sur la complémentarité des mutuelles avec l'assurance-maladie, mais parce que je crois que cette copie est un effort partagé. Et je ne peux pas dire aux assurés, même ceux qui ont un peu plus de sous : "Vous allez payer des franchises", et dire aux mutuelles : "Vous, vous n'allez rien payer". C'est un effort partagé, ce budget, parce que collectivement, on doit baisser le trou de la Sécu.

APOLLINE DE MALHERBE
Je le disais, vous êtes également en charge de l'autonomie et des personnes handicapées. Il y a Sarah qui nous appelle au 3216. Bonjour, Sarah.

SARAH, HANDICAPEE
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Sarah, vous êtes dans le Val-d'Oise, à Taverny, et vous êtes en situation de handicap. Vous aviez une question pour la ministre, elle vous écoute.

SARAH
Oui, tout à fait. Bonjour à vous. Bonjour, madame la ministre. Aujourd'hui, ce matin, je voulais vous interpeller sur les inégalités qui subsistent entre les handicapés qui ont un taux de plus de 80 % et ceux qui sont entre 50 et 79 %, notamment arrivés au moment de la retraite, donc, qui n'est pas encore mon cas, parce que je suis encore loin de la retraite, mais…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez 28 ans, je crois, Sarah ?

SARAH
Voilà, tout à fait. Oui, oui. Mais étant donné que je suis engagée, voilà, moi, je trouvais ça important, ce matin, de vous poser cette question-là : pourquoi l'allocation handicapé ne se poursuit pas après le passage en retraite pour les personnes, justement, qui ont un taux entre 50 et 79 % ?

APOLLINE DE MALHERBE
Réponse de la ministre.

STÉPHANIE RIST
Oui, c'est un sujet identifié que ma collègue Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, qui est ministre déléguée au Handicap, a bien pris. Si vous êtes engagée, vous avez déjà dû, d'ailleurs, l'avoir récemment. Et je crois que le débat parlementaire va faire évoluer le texte pour une partie des gens sur ce sujet. Mais nous allons revoir ça avec le débat parlementaire.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous espérez, en tout cas, effectivement, que ça aille dans le sens d'une harmonisation entre les différents taux de handicap ?

STÉPHANIE RIST
Ce qu'on essaye de garder comme cap, c'est de la justice tout au travers de ce budget, c'est-à-dire que les plus fragiles soient protégés. C'est mon engagement en tant que…

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a aussi Pierre-Emmanuel qui est avec nous, qui, lui, nous appelle de Limoges. Vous êtes kiné, Pierre-Emmanuel. Bonjour. La ministre vous écoute.

PIERRE-EMMANUEL, KINÉ
Oui, bonjour mesdames. Je vous appelle, je me fais un petit le… Je suis rapporteur, un petit peu, pour l'ensemble des kinés et des infirmiers, notamment, où on est vraiment en souffrance. Nos actes n'ont pas augmenté depuis très longtemps. Ça a dû être augmenté, au moins pour les kinés, cet été. Ça n'a pas été fait. Les infirmiers ont des actes qui ne sont pas payés, notamment pour les perfusions. Ils doivent repasser une deuxième fois. L'acte n'est pas payé. J'ai l'impression que… Ce n'est pas une impression, c'est que la santé faite par des médecins pour des médecins, et les paramédicaux, auxiliaires médicaux, que ce soit du plus bas au… Que ce soit les infirmiers, les kinés, peut-être même dans les hôpitaux, beaucoup de personnes sont laissées à l'abandon, les manipulateurs et compagnie. Et j'ai l'impression que la santé faite par des médecins pour des médecins, et tous les auxiliaires médicaux, on n'en parle pas. Tout le monde est en souffrance…

APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais que la ministre puisse vous répondre, Pierre-Emmanuel.

STÉPHANIE RIST
Oui, Pierre-Emmanuel, si vous êtes kiné, vous savez à quel point je suis engagée pour l'ensemble des professionnels. J'ai permis des évolutivités des métiers dans les lois que j'ai portées quand j'étais Députée. Donc, vous savez mon engagement sur le professionnel. On peut soigner un malade correctement que si on le fait en équipe. Mais pour répondre à votre question de revalorisation : le budget de la sécurité sociale comporte le budget nécessaire aux revalorisations qui sont prévues dans le cadre des négociations conventionnelles pour 2026.

APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais aussi vous poser une question sur la vaccination dans les EHPAD. On a parlé de la question de la vaccination des résidents des EHPAD, mais il y a moins de 20 % du personnel des EHPAD qui sont vaccinés contre la grippe et le Covid. Est-ce que vous voudriez rendre obligatoire cette vaccination pour les encadrants ?

STÉPHANIE RIST
Oui, ce qu'on a mis dans le budget, c'est qu'on le rend obligatoire si la Haute Autorité de Santé, encore une fois, qui est l'autorité indépendante dans notre pays, scientifique, qui nous dira s'il y a un intérêt pour les personnes âgées que les soignants ou les malades soient vaccinés. Vous savez, c'est un seul soignant sur cinq qui se fait vacciner de la grippe. C'est vraiment trop bas. C'est en ce moment qu'il faut se faire vacciner. Je recommande…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'il faut aller jusqu'à l'obligation ? Est-ce qu'il faut le dire : "Écoutez, si vous travaillez en EHPAD et au contact des personnes âgées, on oblige" ?

STÉPHANIE RIST
Pour répondre à cette question, on va y répondre de façon scientifique. Pour y répondre de façon scientifique, ce n'est pas le Gouvernement, c'est l'autorité indépendante, la Haute Autorité de Santé, qui nous dira s'il y a un intérêt scientifique.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais elle vous le dira quand ?

STÉPHANIE RIST
Elle va le dire dans le premier semestre 2026. Mais on a besoin…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que d'ici là ?

STÉPHANIE RIST
On a besoin que la mesure pourrait être appliquée l'année prochaine, puisse être mise déjà dans la loi. D'ici là, je recommande. Je le recommande, parce que le bénéfice individuel du vaccin de la grippe est montré. Quand vous faites un vaccin pour la grippe, vous avez moins de chances d'aller en réanimation. Tout le reste, c'est de la désinformation. Maintenant, ce que va dire la Haute Autorité, c'est : "Est-ce qu'il y a un intérêt aussi pour les patients, les personnes âgées, que les soignants soient vaccinés ?"


source : Service d'information du Gouvernement, le 4 novembre 2025