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© François Guillot/AFP

Immigration et population étrangère en France : quelles sont les statistiques utilisées ?

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

La politique migratoire de la France est un thème récurrent du débat public. Quelles sont les données chiffrées qui alimentent le débat ? Que peut-on mesurer ? Qui fournit des statistiques ?

L'article L123-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoit que : "Chaque année avant le 1er octobre, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'asile, d'immigration et d'intégration. Ce rapport indique et commente les données quantitatives relatives à l'année civile précédente [...]".

Ce rapport annuel (intitulé "Les étrangers en France") livre une vue d'ensemble des statistiques disponibles et des services qui en sont à l'origine.

Immigrés et étrangers

La définition d'un "immigré" a été fixée conjointement en 1991 par l'Institut national d'études démographiques (INED), l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et le Haut Conseil à l'intégration (HCI). Il s'agit d'une personne née étrangère à l’étranger, venue s’installer en France pour un an au moins (qu’elle ait acquis ou non la nationalité française par la suite). Les personnes nées françaises à l’étranger et vivant en France ne font ainsi pas partie des immigrés.

Les catégories d’"étranger" et d’"immigré" ne se recouvrent pas totalement : les immigrés, "nés étrangers à l’étranger", peuvent devenir français ou rester étrangers.
Les étrangers peuvent être  :

  • nés à l’étranger, ils sont alors immigrés ;
  • ou nés en France (de parents étrangers), dans ce cas ils ne sont pas immigrés.

Les flux migratoires entre immigration et émigration

L'immigration

Le flux d’immigration est estimé à partir de différentes données administratives. 

Les statistiques relatives à l'immigration faisant l'objet d'une publication sont avant tout extraites de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) gérée par la direction des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'intérieur. Les délivrances des titres de séjour dans les préfectures y sont enregistrées. Pour connaître, sur l'année en cours, le nombre d'étrangers entrés en France pour s'y installer, la DGEF comptabilise les titres de séjour délivrés suite à une première demande. Le terme de "primo-délivrance" est alors employé.

La délivrance d'un titre de séjour est considérée comme une primo-délivrance dans les cas suivants :

  • lorsqu'aucun titre de séjour antérieur ne figure dans le dossier du ressortissant étranger ;
  • lorsqu'une période d'un an ou plus entre la date de fin de validité d'un titre antérieur et la date de début de validité du titre délivré s'est écoulée (dans ce cas, les documents provisoires sont pris en compte pour le calcul de l'interruption du droit au séjour).

Cependant, le nombre de primo-délivrances calculé à partir de l'application AGDREF ne correspond pas nécessairement à des entrées physiques sur le territoire. Les primo-délivrances au cours d'une année peuvent en effet correspondre à :

  • des entrées réelles dans l'année ou au cours des années précédentes, certains étrangers étant titulaires d'un document provisoire durant plusieurs mois avant la délivrance d'un titre de séjour ;
  • des admissions exceptionnelles au séjour de personnes déjà présentes sur le territoire, en situation irrégulière avant de déposer leur demande de titre ;
  • l'obtention d'un titre de séjour par des étrangers en situation régulière détenteurs d'un document de voyage ou d'un visa de court séjour (trois mois au plus) ;
  • l'obtention d'un titre de séjour à leur majorité par des étrangers entrés mineurs dans le cadre du regroupement familial au cours des années précédentes.

Les statistiques définitives de délivrance des titres pour une année donnée ne sont arrêtées qu'au 31 décembre de l'année suivante en raison du délai variable entre le dépôt d'une demande de titre et sa délivrance.

Mais, tous les ressortissants étrangers s'installant en France ne sont pas soumis à l'obligation de détenir un titre de séjour. Il s'agit :

  • des étrangers mineurs ;
  • des ressortissants de l’Union européenne (UE), des pays de l'Espace économique européen (EEE) et de la Confédération suisse.

Ces personnes peuvent partiellement être comprises dans certaines statistiques dans la mesure où :

  • les mineurs étrangers doivent demander un titre de séjour à partir de l'âge de 16 ans pour exercer une activité professionnelle ;
  • les ressortissants de l’UE, des pays de l'EEE et de la Suisse peuvent obtenir un titre s'ils en font la demande.

Concernant les mineurs, le ministère de la justice communique des statistiques relatives aux "mineurs non accompagnés", c'est-à-dire les mineurs étrangers qui sont confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance.

Par ailleurs, les titulaires d'un titre de séjour diplomatique (une carte spéciale délivrée par le ministère des Affaires étrangères) ne sont pas comptabilisés par l'application AGDREF.

En 2022, 320 330 premiers titres de séjour ont été délivrés, d'après les statistiques les plus récentes de la DGEF.

Le flux d'immigration peut également être évalué a posteriori au travers des enquêtes annuelles de recensement conduites par l'Insee. Cela permet de comptabiliser toutes les nationalités ainsi que les mineurs.
Pour savoir combien de personnes sont entrées en France l'année n-1, l'Insee utilise l’enquête de recensement qui se déroule au début de l'année en cours. Elle demande aux personnes nées à l’étranger la date de leur arrivée en France. Si une personne déclare être arrivée au cours de l'année n-1, ou si elle déclare qu’elle résidait à l’étranger au 1er janvier de l'année n-1, elle est comptabilisée dans les entrées de l'année n-1.


Pour l'année 2020, le flux d'immigration est estimé à 215 000 personnes par l'Insee.

Les demandeurs d'asile

Les statistiques relatives aux demandeurs d'asile, qui peuvent être admis au séjour en France sous le statut de réfugié, de protégé subsidiaire ou d'apatride sont issues du croisement de plusieurs sources :

  • le système d’information de l’asile (SI asile) renseigné par les guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile (Guda) ;
  • l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui instruit les demandes d'asile ;
  • la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui statue sur les recours contre les décisions de l'Ofpra.

Pour 2022, les statistiques les plus récentes de la DGEF décomptent :

  • 137 046 demandes formulées dans les Guda ;
  • 134 454 décisions prononcées par l'Ofpra ;
  • 56 179 attributions de l'asile.

L’immigration irrégulière

Par définition, les étrangers entrant irrégulièrement sur le territoire français ne font pas l’objet d’un enregistrement et ne peuvent donc pas être dénombrés à partir de sources administratives.

Il est possible d’estimer le nombre d’étrangers en situation irrégulière en se référent au nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME).

L’AME est un dispositif prévu par le code de l'action sociale et des familles (articles L251-1 à L251-3) permettant à certains étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. Elle est attribuée sous conditions de résidence stable (trois mois de résidence ininterrompue en France) et de ressources.
Une base nationale de données des bénéficiaires de l'AME a été créée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) dans le cadre de la lutte contre la fraude (un titre annuel d'admission à l'AME désormais sécurisé étant remis en main propre au bénéficiaire).

368 890 étrangers en situation irrégulière ont fait valoir leur droit à l'AME selon le rapport annuel 2020  Les étrangers en France, de la DGEF.

Les interpellations d'étrangers en situation irrégulière font par ailleurs l'objet d'un suivi statistique.

L'émigration

Obtenir un droit de séjour n’oblige pas à demeurer dans le pays tout le temps de l'autorisation (que la durée soit limitée ou non). Une partie significative des immigrés quitte le territoire dans les années qui suivent leur arrivée.

En France, la mesure du flux d’émigration reste limitée tout comme dans la plupart des pays du monde. Certains pays, notamment en Europe du Nord (Danemark, Norvège, Pays-Bas, Suède, Islande) sont dotés de registres de population, qui permettent de mesurer l’émigration. En théorie, toute personne est tenue d’y déclarer non seulement son installation, mais aussi son départ (en pratique, moins de la moitié des sorties sont déclarées).

En rapprochant des données des recensements successifs pour estimer les flux d’entrées sur le territoire et des données de l’état civil, l'Insee calcule le solde migratoire. Elle peut ensuite en déduire les sorties du territoire en soustrayant les entrées au solde migratoire.


En 2021, ce sont ainsi 45 000 immigrés qui ont quitté la France, selon l'Insee.

À titre de comparaison, 131 000 personnes non-immigrées (nées en France ou nées françaises à l'étranger) ont quitté la France en 2021, toujours selon l'Insee.

Certaines sources administratives renseignent de façon très partielle sur le nombre d'étrangers quittant le territoire. Il s'agit des statistiques relatives aux éloignements d’étrangers en situation irrégulière (obligation de quitter la France) et aux retours aidés.

Ces statistiques sont élaborées par  :

Elles distinguent trois types de sortie du territoire :

  • les éloignements forcés, caractérisés par la prise d’une décision d’éloignement et sa mise en œuvre par la contrainte ;
  • les éloignements et départs aidés, caractérisés par le versement d’une aide au retour, regroupent les catégories suivantes ;
  • les éloignements et départs spontanés, sans contrainte et sans aide (dont la comptabilisation par les forces de l’ordre est nécessairement partielle).

D'après les statistiques les plus récentes de la DGEF, pour 2022 les sorties se répartissent en :

  • 11 410 retours forcés ;
  • 2 098 retours aidés ;
  • 1 888 retours spontanés.

La population étrangère en France

Deux sources permettent d'estimer le nombre de personnes étrangères vivant en France :

L'AGDREF ne comptabilise pas tous les étrangers comme les mineurs et les ressortissants européens, qui ne sont pas soumis à l’obligation de détenir un titre de séjour. La mise à jour ne se faisant pas en temps réel, l'AGDREF peut surévaluer la présence effective des titulaires d'une carte de séjour entre :

  • ceux qui ont quitté la France ;
  • les personnes décédées ;
  • les étrangers ayant acquis la nationalité française.

L'AGDREF recensait 3 833 443 titres de séjour valides en 2022.


Le recensement de l’Insee repose sur les déclarations des habitants enquêtés dans un échantillon représentatifs de logements. Les traitements statistiques opérés sur les données collectées permettent d’estimer le nombre de résidents français et étrangers, et parmi eux, de distinguer ceux qui sont immigrés.

 

Comparaisons internationales

Il est possible de comparer la situation de la France avec d'autres pays.

À l'échelle européenne, l'Office statistique de l'Union européenne, Eurostat, produit des statistiques en partenariat avec les instituts nationaux de statistique des États membres de l'UE, des pays de l'EEE et de la Suisse. Ces statistiques permettent notamment de comparer :

Au niveau international, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie des statistiques concernant les pays qui en sont membres :