Bien que les fraudeurs restent "très minoritaires", la fraude sociale "agit comme une corruption lente et insidieuse du corps social de la nation", et entretient un sentiment d'injustice : c'est ce qu'écrit le HCFiPS dans un rapport publié le 25 septembre 2024.
Soucieux de contribuer à la lutte contre la fraude (à distinguer de l'erreur, non intentionnelle), le HCFiPS formule pas moins de 81 recommandations, insistant notamment sur des "marges de manœuvre en matière de prévention."
Une fraude importante aux cotisations sociales
Le HCFiPS évalue à environ 13 Md€ le manque à gagner lié à la fraude sociale : il s'agit d'un montant théorique minimal, qui n’intègre ni l’ensemble du champ des prestations, ni tous les risques.
Le rapport distingue :
- les fraudes constatées, à hauteur de 2,1 Md€, y compris 0,5 Md€ de fraudes évitées (stoppées avant versement de la prestation) ;
- les montants effectivement recouvrés, évalués à 600 millions d'euros.
Pour rappel, le HCFiPS note que "l’essentiel de la fraude trouve son origine dans les pertes associées aux cotisations" sociales, alors que "la part des assurés, et notamment des titulaires de minima sociaux est faible dans l’ensemble", à l'encontre de certains discours.
Dans le détail :
- le réseau de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) est la première victime de la fraude sociale, avec 6,91 Md€ de cotisations qui seraient éludées du fait du travail dissimulé ;
- pour la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la fraude au revenu de solidarité active (RSA) représenterait 1,54 Md€ (et 1,05 Md€ pour la prime d'activité) ;
- le préjudice de la fraude pour l’assurance-maladie s'élève à 1,71 Md€, en raison des pratiques de certains acteurs (infirmiers, transport…) ;
- seule la branche vieillesse est quasiment exempte de fraude.
Un recouvrement très limité
Le niveau de recouvrement est "très en-deçà des évaluations ou des détections". Dans la lutte contre le travail dissimulé, seules 10% des sommes redressées sont recouvrées : l’Urssaf a le plus souvent pour interlocuteur une personne morale "susceptible de disparaître rapidement, en organisant son insolvabilité", particulièrement dans le domaine de la sous-traitance.
Prévention, transversalité : les préconisations du HCFiPS
Le rapport souligne le "très fort investissement" des agents chargés des contrôles, "avec des résultats qui s'améliorent d'année en année". Pour autant, il est impossible de détecter "ni a fortiori, recouvrer 100% des sommes fraudées."
Pour le HCFiPS, le tout-contrôle serait coûteux en ressources humaines, potentiellement "contreproductif en termes d'accès aux droits", symboliquement stigmatisant.
Dans une perspective plus préventive, il propose par exemple d'agir sur le cadre juridique : "une norme illisible, mal construite, trop permissive" peut être "fraudogène" ; il s'agit, dès la rédaction des textes, de proposer "des parades" à la fraude potentielle, en systématisant les études d'impact.
Une meilleure coordination, entre organismes de sécurité sociale (fichiers) ou avec les organismes complémentaires, actuellement "extrêmement lacunaire", serait une autre piste.
Le HCFiPS prône aussi une approche transversale passant par une "nouvelle organisation de la lutte contre les fraudes", avec un pilotage interministériel soutenu au niveau national et local.
En dernier lieu, mettant en avant les nombreuses récentes affaires de vols de données, le HCFiPS appelle à lutter contre les risques d'usurpation d'identité numérique.