Entre 1993 et 1995, les "allégements Balladur" instaurent les premières mesures de baisse ciblée du coût du travail. Elles sont efficaces dans un contexte de chômage de masse touchant en priorité les travailleurs les moins qualifiés. Viennent par la suite des dispositifs dégressifs articulés avec le passage aux 35 heures (1996-2005), puis l'élargissement des exonérations à des salaires éloignés du SMIC (2013-2019).
Le cumul de ces mesures sur trois décennies a conduit à une réduction massive du coût du travail au niveau du SMIC. Outre un coût de 75 milliards d'euros pour les finances publiques en 2023, soit 2,7 points de produit intérieur brut (PIB), l'efficacité de ces mesures est moindre que dans les années 1990. Missionnés par la Première ministre Élisabeth Borne fin 2023, les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer ont rendu le 3 octobre 2024 leur rapport sur les politiques d'exonérations de cotisations sociales.
Des "trappes à bas salaires" ?
Les effets des exonérations de cotisations sociales sont abordés différemment :
- taux marginaux de prélèvement élevés ou "trappes à bas salaires" pour les économistes ;
- ampleur du coût pour augmenter le salaire net pour les employeurs ;
- faible dynamique salariale pour les représentants des salariés.
Le rapport insiste sur la difficulté de mettre en évidence l'impact causal de la pente des allégements sur les "trappes à bas salaires", du fait de leur caractère graduel sur les décennies. Les auteurs soulignent cependant que "des taux marginaux de prélèvement atteignant 80% pour une part importante de salariés ne peuvent qu’avoir des effets importants dans la durée."
Les auteurs soulignent par ailleurs que la dégradation des finances publiques peut nécessiter de réduire le volume des exonérations patronales en conservant deux objectifs :
- une montée en gamme des emplois ;
- le maintien du niveau d'emploi.
Des scénarios de réforme
Le rapport avance des pistes de réforme. Le scénario central propose de :
- réduire les exonérations de cotisations de 4,05 points au niveau du SMIC ;
- supprimer les réductions de taux de cotisations de 6 points et 1,8 point correspondant à l'ancien crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et la loi du 22 mai 2019 sur la croissance et la transformation des entreprises applicables jusqu'à un salaire équivalent à 2,5 et 3,5 SMIC.
Ce scénario favorise des cotisations moins élevées entre 1,2 et 1,9 SMIC, avec une réduction de 5,7 points de cotisations pour les salariés rémunérés 1,6 SMIC.
Cette réforme aboutirait à :
- 10 000 à 20 000 équivalents temps plein supplémentaires ;
- moins d'emplois au SMIC ;
- moins de salariés retenus au SMIC ;
- plus d'emplois rémunérés au-delà de 1,2 SMIC.