Pour l'anniversaire de la loi du 13 avril 2016 qui interdit l'achat d'acte sexuel, l'Observatoire national des violences faites aux femmes publie un état des lieux sur le système prostitutionnel en France. Il montre que les violences prostitutionnelles touchent quasiment exclusivement les filles et les femmes.
Les statistiques sur lesquelles s'appuie l'Observatoire émanent des services de justice et de police, ainsi que des associations d’aide aux victimes et des centres d’écoute auprès des victimes renforcés depuis la vague #Metoo.
+140% de victimes mineures enregistrées en 8 ans
Sur l’année 2024, il a été enregistré 1 579 victimes de proxénétisme ou de recours délictuel à la prostitution parmi les 12 486 personnes victimes d’exploitation sexuelle. 94% des victimes sont des femmes dont 42% sont mineures. Dans 9 cas sur 10, les mis en cause sont des hommes. En application de la loi de 2016, 1 146 clients ont été verbalisés pour avoir acheté des actes sexuels (recours à la prostitution).
De 2016 à 2024, les mises en cause pour exploitation sexuelle remontées auprès des services du ministère de l'intérieur ont plus que doublé, en particulier celles impliquant des victimes mineures (+140%). Le nombre de condamnations prononcées par les juridictions a également plus que doublé (+106%).
L'augmentation du nombre de victimes pourrait, en partie, être liée à une prise de conscience plus aiguë du phénomène de violences sexuelles depuis #Metoo ainsi qu'aux diverses initiatives mises en place par les institutions (services d’écoute pour les violences sexuelles ou la prévention de l’enfance en danger, enquêtes de police plus systématiques, évolution de la loi...).
Le phénomène reste largement sous-évalué. Le document note que le nombre de victimes ne permet pas de connaître le nombre de personnes effectivement en situation de prostitution, car "lorsque l'infraction de recours à la prostitution n'est pas délictuelle, les victimes sont peu enregistrées".
Facteurs de vulnérabilité
Parmi les éclairages apportés par les associations actives auprès des victimes (Mouvement du Nid, Bus des femmes, 3919 violences femmes info, accueil téléphonique du 119 pour l'enfance en danger), il est mis en avant des facteurs de vulnérabilité chez les personnes en situation de prostitution :
- avoir été victime d'un viol ;
- avoir subi des violences intrafamiliales au cours de l'enfance ;
- avoir été victime de violences de la part de son conjoint ;
- avoir subi de la cyberviolence.
Les parcours de sortie de la prostitution (PSP), mis en place depuis la loi du 13 avril 2016, sont inégalement répartis sur le territoire. Parmi les 2 102 PSP recensés en 2024, 40% sont concentrés dans cinq départements : Paris (148), le Rhône (89 PSP), les Bouches-du-Rhône (49 PSP), l'Isère et la Haute-Garonne (39 PSP chacun). 52% des associations qui les copilotent avec les préfets déplorent un manque de stratégie départementale.
Dans son introduction, la secrétaire générale de la Miprof (mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains) caractérise les violences prostitutionnelles de pilier du patriarcat conduisant à une réification des femmes et des enfants qui les subissent.