Le chlordécone, un pesticide organochloré toxique et persistant, a été massivement utilisé pour combattre le charançon dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe, entre 1972 et 1993.
Alors que la dangerosité de ce pesticide est connue depuis 1969, il n'a été interdit qu'en 1990 mais a pu être commercialisé pendant deux années supplémentaires.
L'ensemble de l'environnement aux Antilles (terre, eau, rivières, mer, poissons, cheptels, fruits, légumes) est contaminé. Cette pollution massive et durable concerne en premier lieu la santé des populations. Selon une étude réalisée en 2018 par Santé publique France, 92% des Martiniquais et 95% des Guadeloupéens sont contaminés au chlordécone. Près de 77% des 12 700 travailleurs de la banane aux Antilles ont été possiblement exposés au chlordécone. La présence de ce pesticide a été détectée dans le sang maternel de 9 femmes sur 10.
Le président de la République a déclaré en septembre 2018, que l'usage du chlordécone avait été le "fruit d'un aveuglement collectif", obligeant l'État à "prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et à avancer dans le chemin de la réparation". Toutefois, selon l'auteur de la proposition de loi, aucun progrès depuis n'est intervenu. Il considère que la responsabilité de l'État doit enfin être officiellement reconnue dans le scandale sanitaire du chlordécone et ainsi ouvrir un droit à indemnisation pour les victimes de ce pesticide.
L'essentiel de la proposition de loi
La proposition de loi vise à reconnaître la part de responsabilité de l'État dans les préjudices sanitaires, écologiques et économiques liés au chlordécone, subis par la Guadeloupe et la Martinique et leurs populations. Les députés ont modifié le texte initial pour ajouter les préjudices moraux et les sénateurs pour remplacer la notion de "République française" par celle d'"État", juridiquement plus rigoureuse. Ils ont également précisé que l'État reconnaissait "sa part" de responsabilité afin de permettre la recherche de possibles coresponsabilités.
Le texte assigne, par ailleurs, à l’État des objectifs :
- de dépollution des terres et des eaux contaminées par le chlordécone, en érigeant comme priorité nationale la recherche scientifique sur ses effets sanitaires et environnementaux ;
- et d'indemnisation de toutes les victimes, qu'elles aient été contaminées dans le cadre d'une activité professionnelle ou non, et des territoires.
Les parlementaires et le gouvernement ont ajouté de nouveaux objectifs à l'État :
- conduire des actions visant à supprimer le risque d'exposition au chlordécone ;
- concentrer également la recherche sur les techniques de séquestration et de dégradation du chlordécone "permettant une décontamination à grande échelle des milieux naturels, une sécurisation des ressources et une minimisation de l'exposition alimentaire" ;
- caractériser les pathologies contractées par les femmes en raison d'une contamination au chlordécone, la recherche sur cette question en étant encore à ses balbutiements ;
- accompagner les pêcheurs et agriculteurs pour favoriser une production locale sans risque chlordécone.
L'évaluation de tous ces objectifs est confiée à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Il devra rendre un premier rapport un an après la promulgation de la loi, puis tous les trois ans pour, au besoin, renforcer les actions mises en œuvre.
À noter : un nouveau plan Plan Chlordécone 2021-2027 a été mis en place par le gouvernement et un Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) a été créé en 2020. Toutefois, pour les députés, ces mesures sont très insuffisantes.
La proposition de loi a été complétée de demandes de rapport au gouvernement :
- évaluant l’opportunité d'étendre le bénéfice du FIVP à l’ensemble des personnes souffrant d’une maladie résultant d’une exposition au chlordécone ;
- établissant la présence ou l’absence de chlordécone et de ses dérivés comme le Keldon dans les sols en France, en particulier dans les zones actuellement productrices ou ayant produit des pommes de terre, ou autres végétaux traités par cette molécule, ainsi que dans les zones agricoles de l’île de La Réunion où il aurait pu être utilisé.
Par amendement, le gouvernement a inscrit dans le texte les objectifs de la stratégie chlordécone, lui donnant ainsi une base juridique et pérenne.
Enfin, les sénateurs ont supprimé la taxe additionnelle de 15% introduite par les députés sur les bénéfices générés par l'industrie des produits phytosanitaires pour compenser les dépenses pour l’État engendrées par la proposition de loi. Ils ont estimé qu'elle se superposerait avec une taxe annuelle existante sur les industries de produits phytopharmaceutiques, plafonnée à 3,5% du chiffre d'affaires. Cette taxe est partiellement affectée au fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP).
L'Assemblée nationale doit à présent examiner le texte en deuxième lecture.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.