L'essentiel du projet de loi
Le projet de loi a pour finalité de fournir un cadre permettant des restitutions d’objets entrés dans le domaine public, sans que le législateur n'ait à intervenir au cas par cas pour autoriser leur sortie de ce domaine. Il s'inscrit dans la continuité de deux lois-cadres précédentes :
- la loi du 22 juillet 2023 qui permet la restitution des biens culturels ayant été spoliés aux juifs pendant la période nazie, entre 1933 et 1945 ;
- la loi du 23 décembre 2023 sur la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques.
Actuellement, chaque restitution de bien culturel pillé doit faire l'objet d'une loi spécifique, qui crée une dérogation au principe d'inaliénabilité des collections publiques, prévue par l'article L. 451-5 du code du patrimoine.
Le projet de loi insère directement dans le code du patrimoine une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres qui ont fait l'objet, entre 1815 et 1972, d’une appropriation illicite : par vol, pillage, cession ou libéralité obtenues par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer.
L'ensemble des biens énumérés à l'article L2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques sont concernés (sauf les documents entrés dans les collections de la Bibliothèque nationale de France dans le cadre du dépôt légal et les archives publiques). Les biens incorporés dans les collections publiques par dons et legs ou, pour les collections ne relevant pas de l’État, ceux qui ont été acquis avec l’aide de l’État, sont également compris dans les biens pouvant être restitués (dérogation à l'article L.451-7 du code du patrimoine), sauf clause contraire stipulée dans la libéralité concernée et échec de la procédure prévue à cet effet.
Les biens listés par le texte pourront sortir des collections publiques afin d'être restitués à un État étranger qui en a été privé (et uniquement à cette fin). Seuls les États dont le territoire actuel est celui d'origine des biens pourront se voir restituer ces biens. La décision de sortie des collections ne pourra intervenir que par décret en Conseil d’État après avis, si besoin, d'une commission scientifique bilatérale sur la détermination de l’État d'origine du bien.
Contexte du projet de loi
Le président de la République s'était engagé, lors de son discours à Ouagadougou le 28 novembre 2017, à engager un mouvement de restitution de biens culturels auprès des États du continent africain. La question de la création d'une loi-cadre accélérant la restitution des biens culturels avait été relancée lors de l'examen de la loi du 16 juillet 2025 relative à la restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire (le "tambour parleur" Djidji Ayôkwê). Le présent projet de loi va dans ce sens, en facilitant le processus de restitution des œuvres relevant du domaine public. Son périmètre géographique est universel. La ministre de la culture indique que ce texte permettra à un peuple de se réapproprier des éléments fondamentaux de son patrimoine.
Afin d’assurer la coordination avec le cadre juridique actuel en matière de lutte contre le trafic illicite de biens culturels, le texte organise, autour d’une date pivot de césure, le 24 avril 1972, deux régimes successifs de restitution :
- un premier régime, créé par le projet de loi, pour la période allant du 10 juin 1815 (lendemain de l'Acte final du congrès de Vienne, soit le règlement des conquêtes napoléoniennes) au 23 avril 1972 ;
- un second régime de nature juridictionnelle, créé par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui voit sa portée renforcée. Ce régime relève de l'application de la Convention de l'Unesco de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, entrée en vigueur à partir du 24 avril 1972. Ce régime impose la saisine du juge d’une action en nullité de l’appropriation illicite du bien culturel en cause, permettant le cas échéant sa restitution à l’État d'origine.
Le projet de loi s'appliquera aux demandes de restitution en cours d’examen à la date de sa publication.
L'avis du Conseil d’État sur le projet de loi
Dans un avis du 23 juillet 2025, le Conseil d’État suggère quelques clarifications du texte. Il rappelle qu’en l’absence d’un motif impérieux, le simple intérêt général qu’il peut y avoir à déclasser un bien doit être mis en balance avec les éventuelles atteintes portées à l’intégrité du domaine public et à la continuité des services publics auxquels le domaine public est affecté. Il propose également de préciser que le régime relevant de l'Unesco est applicable "quelle que soit la date de ratification de chaque partie", afin d'assurer son effectivité sur la période démarrant à compter de l'entrée en vigueur de la Convention (1972), et non de sa ratification par la France (1997) et ainsi éviter un vide juridique de 24 ans. Il recommande enfin de clarifier l'application du dispositif de restitution d'un bien à ceux acquis par dons et legs.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.