Le projet du gouvernement
Le projet de loi de finances pour 2026 est présenté dans un contexte politique particulier. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a renoncé recourir à l'article 49.3 de la Constitution pour le faire adopter. Il entend faire évoluer au cours des débats parlementaires son texte initial et a précisé que l'objectif de déficit public pourra être assoupli, mais qu'à la fin il "devra être à moins de 5% du PIB".
Pour l'heure, le projet de budget 2026 ambitionne de redresser les comptes publics par :
- des hausses de recettes fiscales, en particulier par un effort supplémentaire des contribuables les plus aisés à hauteur de 6,5 milliards d'euros (Md€) et par la suppression de 23 niches fiscales pour un gain d'environ 5 Md€ (la France en compte actuellement 474 pour un coût total de 85 Md€) ;
- une baisse des dépenses de l’État, hors Défense nationale, qui représente deux tiers de l’effort budgétaire total.
Le gouvernement table en 2026 sur des prévisions de croissance de 1% (après 0,7% en 2025) et d'inflation de 1,3% (contre 1,1% cette année). Il projette de ramener le déficit public à 4,7% du PIB en 2026 (après 5,4% en 2025 et 5,8% en 2024) et sous les 3% en 2029. La part de la dette publique atteindrait quasiment 118% du PIB (+2 points par rapport à 2025).
Les mesures concernant les particuliers
Le PLF 2026 prévoit de geler le barème de l'impôt sur le revenu. D'ordinaire, ce barème est indexé sur l'inflation.
La contribution différentielle sur les plus hauts revenus (CDHR), introduite par la loi de finances pour 2025, est reconduite en 2026 afin que les quelque 24 000 foyers les plus aisés (dont le revenu annuel dépasse 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple) soient imposés à un taux moyen minimum de 20%.
Une nouvelle taxe sur le patrimoine financier, visant les actifs des sociétés dites "holdings", est instaurée pour faire échec aux stratégies de contournement de l’impôt. Les actifs affectés à une activité professionnelle ne seront pas concernés.
L’abattement actuel de 10% sur les pensions de retraite, qui bénéficie principalement aux retraités imposables, va être remplacé par un abattement forfaitaire de 2 000 € pour un célibataire et de 4 000 € pour un couple. Pour le gouvernement, cette réforme permettra "de mettre à contribution les retraités les plus aisés" et de rendre "le dispositif plus favorable" pour les petits retraités.
La réduction d’impôt pour frais de scolarité dans le secondaire et le supérieur est supprimée, de même que l’exemption d’impôt sur les indemnités journalières pour affection longue durée (ALD).
L'article 23 revoit la fiscalité sur les tabacs et instaure une nouvelle taxe sur les liquides de vapotage pour cigarettes électroniques (de 30 à 50 centimes par flacon de 10 millilitres selon le taux de nicotine contenu).
Concernant le logement, la réduction d'impôt sur le revenu "Madelin" ou "IR-PME" est modernisée. En 2026, les aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' resteront recentrées sur les logements prioritaires, comme c'est déjà le cas depuis fin septembre 2025.
Le dispositif dit "Coluche" est assoupli : le plafond des dons aux associations venant en aide aux plus démunis ouvrant droit à une réduction d’impôt de 75% est porté à 2000 € par an, contre 1000 € aujourd'hui.
Les mesures touchant les entreprises
La surtaxe exceptionnelle sur les bénéfices des 400 plus grandes entreprises, instaurée par la loi de finances pour 2025, est prolongée en 2026 mais est divisée par deux par rapport à l’an dernier. Sont concernés les grands groupes dont le chiffre d’affaires réalisé en France atteint ou dépasse 1 Md€ et qui sont redevables de l’impôt sur les sociétés.
Pour alléger les impôts des petites et moyennes entreprises (PME) et de taille intermédiaire (ETI), le PLF prévoit de reprendre la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) jusqu'à son extinction totale en 2028.
La réforme du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), envisagée en 2025, est revue : le seuil de droit commun est relevé à 37 500 € de chiffre d’affaires annuel afin de répondre aux difficultés rencontrées par les auto-entrepreneurs. Pour les travaux immobiliers, le seuil spécifique de 25 000 € fixé par la loi de finances pour 2025 est maintenu.
Afin de lutter contre la concurrence déloyale de grandes plateformes, notamment chinoises (comme Shein ou Temu), une taxe de 2 € sur les petits colis (de moins de 150 €) destinés aux particuliers et provenant de l'étranger (hors UE) est instituée. Cette taxe s'appliquera dans l’attente d’un dispositif devant intervenir au niveau européen à l’automne 2026.
Un recentrage de certaines aides de l’État aux entreprises (économie attendue de plus de 1,5 Md€) et du compte personnel de formation sont aussi annoncés.
Dans la continuité du PLF 2025, plusieurs dispositions en faveur des agriculteurs sont reconduites (déduction pour épargne de précaution, crédit d’impôt en faveur du bio...).
La maîtrise des dépenses de l'État
Le projet de loi prévoit de ralentir la hausse des dépenses publiques, pour diminuer leur part dans le PIB. En 2026, les dépenses de l’État s’élèveront à près de 501 Md€, soit +10,5 Md€ par rapport à 2025 (au sein du périmètre de dépenses de l’État).
Les moyens consacrés aux "priorités de la Nation" seront augmentés. Le budget de "Défense" atteindra 57,1 Md€. Il bénéficiera d'un effort de 6,7 Md€, soit plus que l'évolution prévue par la dernière loi de programmation militaire, pour poursuivre la modernisation des armées et le financement des investissements jugés nécessaires dans le contexte international. 830 postes supplémentaires sont programmés.
Les autres ministères régaliens disposeront aussi d'un budget en hausse (+0,6 Md€ pour l’Intérieur et +0,2 Md€ pour la Justice) et d'effectifs supplémentaires (+1 600 postes chacun), notamment pour lutter contre la criminalité organisée et le narcotrafic, dans le prolongement de la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
Les budgets de l'Éducation nationale et la recherche croîtront, pour leur part, de 0,4 Md€, en particulier pour financer la réforme du recrutement et de la formation initiale des enseignants et la création d’environ 8 820 postes ainsi que pour poursuivre les mesures déjà engagées dans le cadre de la loi de programmation de la recherche 2021-2030.
De même, les crédits relevant du ministère de la transition écologique progresseront afin de poursuivre la décarbonation de l’économie.
La dépense sera maîtrisée sur les autres crédits ministériels, notamment par une rationalisation des interventions de l’État avec la suppression des doublons. Une réduction de 3 000 emplois est prévue (caisses de sécurité sociale comprises et hors réforme de la formation initiale des professeurs).
La participation des collectivités à l’effort de redressement
Les collectivités locales seront associées aux efforts de maîtrise du déficit public. En parallèle, le poids des normes sera réduit afin de redonner le pouvoir d’agir aux élus.
Les collectivités les plus exposées financièrement à la conjoncture et au vieillissement démographique seront accompagnées, avec en particulier la mobilisation du fonds de sauvegarde pour un montant trois fois supérieur par rapport à 2024 à destination des départements les plus fragiles. L’accompagnement des collectivités faisant face à des événements climatiques d’ampleur sera également augmenté et simplifié.
L'avis du Haut Conseil des finances publiques
Dans un avis du 9 octobre 2025, le Haut Conseil des finances publiques souligne que "la très forte incertitude politique actuelle et ses conséquences budgétaires et financières sont porteuses de risques importants sur la trajectoire de réduction du déficit public à laquelle notre pays s’est engagé". Le Haut Conseil considère que le scénario économique qui lui a été soumis est réaliste pour 2025 mais repose pour 2026 sur des hypothèses optimistes.
L’examen du texte au Parlement
À l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a réussi en 40 jours qu'à examiner la partie "recettes" du budget, avant de la rejeter à la quasi-unanimité des députés (une seule voix pour). Elle a en grande partie réécrit et complété ce volet "recettes". Le gel du barème de l'impôt sur le revenu a été supprimé, l'abattement de 10% sur les pensions de retraite a été maintenu. Plusieurs mesures de défiscalisation ont été votées : totalité des heures supplémentaires...
La réduction d'impôt pour frais de scolarité et la défiscalisation des indemnités journalières pour ALD ont été rétablies. La contribution différentielle sur les hauts revenus a été prolongée jusqu'à ce que le déficit soit inférieur à 3%. Une mesure introduite par le gouvernement est venue, dans le cadre des héritages, mieux prendre en compte les familles recomposées.
Sur le sujet du verdissement des véhicules, un amendement du gouvernement a supprimé la prolongation d'une année, jusqu'à fin 2028, de la trajectoire de hausse du malus CO2 fixée dans le cadre de la loi de finances pour 2025.
Des nombreux amendements ont porté sur les impôts des plus fortunés : restauration de l'"exit tax" dans sa version avant 2019 ; transformation de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en un nouvel impôt sur la fortune improductive, dont l'assiette ne se limiterait plus aux biens immobiliers...En revanche, l'impôt minimum sur les très hauts patrimoines, dite "taxe Zucman allégée", proposé par le parti socialiste, a été rejeté.
Plusieurs amendements concernent le secteur du logement en crise, comme l'augmentation des plafonds d’opération du prêt à taux zéro (PTZ) ou encore la création d'un statut de bailleur privé, afin d'inciter fiscalement les particuliers à investir dans le logement locatif abordable. En échange, le gouvernement s'est engagé à réduire les prélèvements imposés aux bailleurs sociaux sur leurs recettes.
Sur le volet entreprises, un amendement du gouvernement a rehaussé le taux de la taxe exceptionnelle sur les bénéfices des très grandes entreprises et allégé celui applicable aux ETI (pour un rendement attendu de 6 Md€ contre 4 Md€ dans le texte initial). Les députés ont, de leur côté, créé une taxe sur les bénéfices des multinationales, doublé le taux de la taxe sur les services numériques dite taxe "Gafam" (de 3 à 6%). Une taxe exceptionnelle sur les "superdividendes" a été introduite. La taxe sur les rachats d'action des grandes entreprises a été alourdie. L'impôt sur les sociétés pour les PME a été allégé. L'avantage fiscal "pacte Dutreil", appliqué aux transmissions d'entreprises familiales, a été davantage encadré. Le crédit d'impôt recherche a été amendé : conditionnement du CIR au maintien de l'emploi en France pendant dix ans, nouveau crédit d’impôt innovation pour l’intelligence artificielle (CII-IA)...
Des mesures fiscales en soutien aux agriculteurs ont été ajoutées au texte : nouveau crédit d'impôt d'accompagnement à la transmission des exploitations...
Concernant les taxes, la taxe de 2 € sur les petits colis en provenance de l'étranger a été précisée par le gouvernement : la taxe sera payée par "le tuyau de la TVA" et non plus par celui des "droits de douane". Les députés ont voté de multiples amendements en matière de TVA, comme un taux réduit à 5,5% pour les abonnements d'électricité.
Au Sénat
Les sénateurs ont adopté la partie "recettes". À l’issue de leur vote, le déficit public s'établirait à 5,1% du PIB. Le déficit budgétaire atteindrait 132 Md€, en dégradation de 7,7 Md€.
Les sénateurs ont maintenu le gel du barème de l'impôt tel que prévu par le PLF initial. Avec l'avis favorable du gouvernement, ils ont toutefois réindexé sur l'inflation la première tranche du barème (taux de 11%) afin de permettre à 200 000 foyers aux revenus modestes de ne pas devenir imposables l'an prochain. Ils ont reconduit l'exonération fiscale et sociale sur les pourboires jusqu'en 2026 (contre jusqu'en 2028 par les députés). La fiscalisation des indemnités journalières pour ALD, que souhaite l'exécutif, a été réduite de moitié (exonération de 50%). L'abattement actuel de 10% pour les retraités a été maintenu, mais avec un plafond abaissé à 3 000 euros (au lieu de 4 399 euros par foyer fiscal aujourd'hui), pour cibler les retraités les plus aisés.
Comme à l'Assemblée nationale, le champ de la nouvelle taxe sur les "holdings" a été limitée aux actifs immobiliers et aux biens dits somptuaires (yachts, voitures de sport, chevaux de course...). Le taux de la taxe a été relevé de 2% à 20% afin d’en faire un véritable outil anti-optimisation. L'IFI a été réformée : son assiette a été modifiée et son seuil d'entrée doublé (de 1,3 million à 2,57 millions d’euros) pour exclure les ménages du fait de la flambée des prix de l'immobilier.
Sur le volet entreprises, les sénateurs ont notamment refusé de reconduire en 2026 la taxe exceptionnelle sur les bénéfices des très grandes entreprises. Ils ont supprimé, comme les députés, la révision du régime de la franchise en base de TVA pour les auto-entrepreneurs. Ce régime est donc rétabli dans sa version en vigueur avant le 1er mars 2025, comme le prévoit d'ailleurs une loi du 3 novembre 2025.
De nombreux amendements sur la TVA ont été votés. La nouvelle taxe de 2 euros sur les petits colis extra-européens a été relevée à 5 euros. Comme à l'Assemblée nationale, la taxe sur les produits de vapotage a été rejetée. La taxe sur la consommation de gaz a été relevée, tandis que celle sur l'électricité abaissée pour que le pays soit moins dépendant énergiquement.
Le volet consacré aux finances des collectivités locales a été largement amendé : suppression du retour à une dotation de fonctionnement régional et des réductions d'assiette du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), extension de la "dotation élu local" conformément à la proposition de loi sur le statut de l'élu local...La liaison entre les taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière a été supprimée, afin que les communes puissent augmenter la première sans pénaliser les propriétaires résidant à l'année sur leur territoire. Un amendement, travaillé avec Régions de France, permettra aux régions d'augmenter jusqu'à 80 € le tarif plafond de la taxe sur les cartes grises (certificats d’immatriculation). L'expérimentation de la recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA) a été prolongée jusqu'à fin 2031 (au lieu de 2026).
Sur la partie "dépenses" non examinée par l'Assemblée nationale, le Sénat entend diminuer largement les dépenses publiques, tout en préservant les missions régaliennes. Il a d'ores et déjà augmenté les crédits du service civique pour accueillir environ 130 000 jeunes en 2026 et réduit le prélèvement sur les bailleurs HLM de 400 millions d’euros pour soutenir la production de logements sociaux. Des amendements du gouvernement ont rehaussé les crédits de la mission outre-mer, notamment pour financer les infrastructures en Nouvelle-Calédonie. Les crédits pour l'hébergement d'urgence ont de même été relevés.
Dans quels délais doit être voté le budget ?
Le Parlement dispose en principe de 70 jours pour "se prononcer" sur le PLF. Si tel n'était pas le cas, le gouvernement pourrait en théorie mettre en œuvre le budget par ordonnances. Ce recours aux ordonnances pour le budget, prévu par l'article 47 alinéa 3 de la Constitution de 1958, n'a jamais été utilisé. Le gouvernement pourrait également, si le budget était rejeté par le Parlement, recourir à une loi de finances spéciale, comme l'an dernier. Ce projet de loi devrait être normalement déposé avant le 19 décembre 2025.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.
Sources
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Légifrance :
Dossier législatif : Projet de loi de finances pour 2026 -
Collection des discours publics :
Conseil des ministres du 14 octobre 2025