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© Damien Meyer / AFP

Le traité sur la Charte de l'énergie en 7 questions

Temps de lecture  7 minutes

Par : La Rédaction

La France n'est plus officiellement partie au traité sur la Charte de l'énergie (TCE) depuis le 8 décembre 2023. Le 30 mai 2024, le Conseil de l'UE a officiellement approuvé le retrait de l'UE du TCE. Mais, en quoi consiste ce traité international et pour quelles raisons s'en retirer ? Le point en sept questions.

Le traité sur la Charte de l'énergie (TCE) est un accord international visant à promouvoir la coopération dans le secteur de l'énergie. Il vise à assurer la sécurité énergétique grâce à des marchés plus ouverts et concurrentiels. Il a été signé en 1994 par l'ensemble des États membres de l'Union européenne (UE) et les pays de la Communauté des États indépendants de l'ex-URSS, dont la Russie.

Ses dispositions permettent :

  • le développement d'un marché ouvert et concurrentiel de l'énergie ;
  • la protection des investissements étrangers ;
  • la lutte contre les distorsions de marchés ou les entraves à la concurrence ;
  • la garantie de flux de transit transfrontaliers des matières et produits énergétiques au moyen de réseaux (pipelines...) ;
  • la reconnaissance de l'importance des flux de capitaux destinés à financer les échanges de matières et produits énergétiques et à investir dans ce secteur ;
  • la création de conditions stables et équitables pour les investisseurs.

Au 19 octobre 2022, date de publication du rapport du HCC et avant le retrait de l'UE du traité, le TCE regroupait 54 parties contractantes réunies dans la Conférence sur la Charte de l'énergie, dont :

  • les États membres de l'UE ;
  • le Royaume-Uni ;
  • la Norvège (non ratifié) ;
  • la Suisse ;
  • la Turquie ;
  • le Japon ;
  • des États d'Asie centrale et occidentale.

La Conférence sur la Charte de l'énergie compte des membres observateurs, dont les États-Unis, le Canada ou des organisations internationales.

Plusieurs pays se sont retirés du TCE (Russie en 2009, Italie en 2015) ou ont annoncé leur retrait (Pays-bas, Espagne, Pologne, Slovénie, France…). L'Australie a mis fin à l'application provisoire du traité en 2021.

Le 30 mai 2024, le Conseil a officiellement approuvé le retrait de l'UE et d'Euratom du TCE. Quatre décisions constituent les deux piliers d'un compromis appelé "feuille de route belge" (élaboré durant la présidence belge du Conseil). Lors de sa dernière session plénière en avril 2024, le Parlement européen avait déjà approuvé ce retrait. Le retrait du TCE prendra effet un an après la réception de la notification par le dépositaire du traité tandis que les États membres qui le souhaitent seront autorisés à soutenir la modernisation du traité lors de la prochaine conférence sur la Charte de l'énergie, qui se tiendra fin 2024. Ce retrait de l'UE permet de débloquer le processus de modernisation du TCE pour ses parties contractantes non membres de l'UE.

Deux textes ont été publiés au Journal officiel du 9 décembre 2023 : 

Le retrait de la France avait été annoncé, lors d'une conférence de presse à l'issue du Conseil européen, le 21 octobre 2022, par Emmanuel Macron. Cette annonce faisait suite au rapport du Haut Conseil sur le climat (HCC), organisme indépendant placé auprès du Premier ministre, portant sur la mise en œuvre des politiques nationales de réduction des gaz à effet de serre. 

Le TCE permet le règlement des différends :

  • entre pays par voie diplomatique ;
  • entre investisseurs et pays hôtes à l'aide de tribunaux.

Ce traité accorde une protection juridique aux investisseurs. Si un différend entre un pays hôte et un investisseur n'a pas été réglé à l'amiable dans un délai de trois mois, l'investisseur peut le soumettre :

  • aux juridictions judiciaires ou administratives ;
  • aux procédures de règlement des différends convenues préalablement ;
  • à une procédure d'arbitrage internationale.

Les conséquences en matière de contentieux pour les parties signataires sont à l'origine du processus de modernisation du TCE engagé en 2017.

Le TCE établit dans quelles conditions une partie contractante peut se retirer du traité. L'article 47-3 prévoit une "clause de survie" en faveur des investissements fossiles selon laquelle les dispositions du traité continuent de s'appliquer sur une période de 20 ans après le retrait d'un pays.

L'article 47-2 du traité prévoit que le retrait d'une partie du TCE est effectif un an après sa notification à la Conférence sur la Charte de l'énergie.

Ce mécanisme de protection des investissements a montré toute sa portée dans des contentieux qui ont opposé des investisseurs à des États à la suite de changements de politique ou de réglementation dans le secteur de l'énergie : arrêt d'infrastructures fossiles, réduction des tarifs de l'électricité en faveur des plus défavorisés…

Les négociations pour moderniser le TCE ont été lancées lors de la Conférence sur la Charte de l'énergie des 27 et 28 novembre 2017. Elles se sont achevées le 23 juin 2022 mais elles n'ont pas été finalisées.

La modernisation du TCE porterait sur :

  • l'extension de la liste des matières et produits énergétiques :
  • l'exclusion de la protection des investissements dans les énergies fossiles sur les territoires des parties contractantes qui le souhaitent ;
  • la réaffirmation du droit des États signataires à mettre en place des mesures législatives selon leurs objectifs de politiques publiques ;
  • des dispositions permettant de réduire les délais et les coûts des contentieux manifestement irrecevables ou abusifs ;
  • l'introduction d'un nouvel article confirmant la non-applicabilité du TCE dans l'UE ;
  • un renforcement des clauses relatives à la responsabilité sociale et environnementale applicables aux entreprises concernées.

Fin 2024, les parties contractantes devraient se réunir afin d'aboutir à l'adoption d'un accord modernisé.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé dans un arrêt du 2 septembre 2021 que le mécanisme de règlement des différends n'est pas conforme au droit européen. Toutefois, les tribunaux internationaux ne s'estiment pas tenus de respecter cet arrêt.

Un rapport du Haut Conseil sur le climat (HCC), organisme indépendant placé auprès du Premier ministre, portant sur la mise en œuvre des politiques nationales de réduction des gaz à effet de serre souligne que "le TCE, y compris dans une forme modernisée, n'est pas compatible avec le rythme de décarbonation du secteur de l'énergie et l'intensité des efforts de réduction d'émissions nécessaires pour le secteur à l'horizon 2030".

Le HCC ajoute que les risques de contentieux induits par le mécanisme de règlement des différends peuvent être une entrave dans les politiques de décarbonation mises en place par les États, rejoignant sur cet avis de nombreuses organisations non gouvernementales.

Le rapport conclut que "le retrait coordonné du TCE par la France et les États membres de l'UE apparaît comme l'option la moins risquée pour permettre l'atteinte des objectifs climatiques et le respect des rythmes de décarbonation nécessaires à l'horizon 2030".

Seule cette option garantit la fin des protections octroyées aux nouveaux investissements fossiles. Elle permet de restaurer la souveraineté énergétique et climatique. Ce retrait doit s'accompagner d'une neutralisation de la "clause de survie".