Flexibilité du système électrique : contribution du pilotage de la demande des bâtiments et des véhicules électriques
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Présentation
Avec la fermeture des centrales au charbon et de tranches nucléaires et la montée en puissance des productions variables éolienne et solaire, le pilotage de la demande d’électricité, facilitée par les technologies numériques, peut contribuer à conserver la nécessaire flexibilité du système électrique français et européen. RTE a établi pour 2035 qu’un pilotage intelligent de la recharge des véhicules électriques (VE) et l’introduction de la recharge bidirectionnelle (« vehicle to grid ») peuvent permettre, malgré la consommation supplémentaire d’électricité, de réduire l’appel de puissance lors des pointes de demande et de récupérer une énergie décarbonée qui à défaut ne serait pas valorisée. Le rapport suggère d’imposer les techniques nécessaires sur les véhicules et les bornes de recharge.L’apparition d’incitations tarifaires liées à des prix « dynamiques » de l’électricité sera progressive. Néanmoins le secteur du bâtiment représente un potentiel important de flexibilité. Le rapport propose donc des mesures « sans regret », concernant notamment la gestion technique des bâtiments tertiaires, des solutions simples pour le pilotage des consommations appuyées sur le compteur Linky, le développement des pompes à chaleur et l’accompagnement des professionnels et des consommateurs dans les transitions à venir.Le rapport estime à l’horizon 2050 un potentiel de déplacement des consommations d’électricité liées au bâtiment et au VE qui pourrait atteindre 65 TWh/an (soit 15 % des consommations anticipées) et un évitement potentiel de puissance à la pointe jusqu’à 47 GW ; compte tenu de coûts d’investissements modestes, le pilotage de la demande devrait ainsi figurer en bonne place parmi les solutions de flexibilité (aux côtés notamment du stockage stationnaire).
Sommaire
SYNTHESE
TABLE DES RECOMMANDATIONS
INTRODUCTION
1 Le besoin d’équilibre du système électrique - de l’effacement à la flexibilité
1.1 Un système électrique historiquement robuste
1.2 Des évolutions importantes attendues d’ici 2035
1.3 Se projeter après 2035
1.4 De nouveaux modèles d’affaires à inventer pour des prestataires de flexibilité
2 Le véhicule électrique
2.1 Les enjeux de l’électromobilité pour le système électrique : enseignements d’une étude RTE
2.2 L’état des lieux pour la recharge « intelligente » des VE et le V2G
2.2.1 Le véhicule électrique : description et état des technologies
2.2.1.1 Descriptif sommaire du véhicule électrique
2.2.1.2 État des normes relatives aux interfaces de recharge et aux bornes et points de recharge
2.2.1.3 Les modes de recharge selon la norme NF 61851-1
2.2.1.4 Les différents types de connecteurs selon les normes NF 62196-2 et NF 62196-3
2.2.2 Les infrastructures de recharge
2.2.2.1 Les réseaux de bornes publiques
2.2.2.2 Les réseaux de bornes privées
2.2.3 Le pilotage de la recharge
2.2.4 Le « vehicle to grid » (V2G)
2.2.5 Perspectives d’utilisation des batteries en usage stationnaire
2.3 Conclusions concernant le véhicule électrique
3 Le bâtiment
3.1 Le bâtiment tertiaire
3.1.1 Les données et études disponibles
3.1.1.1 La consommation d’électricité des bâtiments tertiaires
3.1.1.2 Les études sur l’effacement et la flexibilité dans les bâtiments tertiaires
3.1.2 L’automation au service de la flexibilité
3.1.2.1 Un marché de l’automation dynamique
3.1.2.2 Une réglementation qui devrait accélérer le développement du marché
3.1.2.3 Le bâtiment intelligent et la flexibilité
3.1.3 Le potentiel et les conditions de la flexibilité des bâtiments tertiaires
3.2 Le bâtiment résidentiel
3.2.1 Les consommations électriques de l’habitat
3.2.2 Le compteur Linky et ses possibilités
3.2.3 Des solutions de flexibilité « internet pures » qui contournent Linky
3.2.4 Les appareils de la maison communicants
3.2.5 Attentes et protection du consommateur
3.2.6 Intérêt économique de la flexibilité de la consommation électrique dans l’habitat : état des lieux
3.2.7 Les potentiels de flexibilité des différents usages de l’électricité
3.2.7.1 L’ensemble « chauffage-ventilation-climatisation » (CVC)
3.2.7.2 La production d’eau chaude sanitaire
3.2.7.3 Les autres usages de l’électricité dans le bâtiment résidentiel
3.2.8 L’autoconsommation, niche pour le pilotage
3.3 Conclusions concernant le bâtiment
ANNEXES
Annexe 1 : Lettre de mission
Annexe 2 : Liste des acronymes utilisés
Annexe 3 : Liste des personnes rencontrées ou interrogées
Synthèse
Le présent rapport est issu d’un travail interne du Conseil général de l’économie, constituant le «thème de l’année» de sa section «Innovation, compétitivité, modernisation» pour 2019. Après un rapport réalisé en 2018-2019 sur le stockage d’électricité, il est en effet apparu pertinent d’explorer le sujet du pilotage de la demande au service de la flexibilité du système électrique, dans le contexte du développement des technologies numériques.Le champ d’investigation de la mission était volontairement limité aux secteurs du bâtiment (tertiaire et habitat) et du véhicule électrique (VE).Le système électrique français suscite aujourd’hui peu d’inquiétude quant à la sécurité d’approvisionnement du pays. Toutefois, à partir de 2030-2035, se créeront progressivement en France les conditions d’un pilotage de la demande d’électricité, en réponse –à côté notamment du stockage -à un besoin accru de flexibilité sur le système électrique, suite à l’arrêt de moyens de production pilotables et à la montée en puissance des énergies éolienne et solaire photovoltaïque sur la «plaque» électrique ouest-européenne. Au-delà des questions de sécurité d’approvisionnement, la croissance du parc d’énergies renouvelables créera en effet des périodes où le coût marginal de production sera très faible ou nul, avec le risque de prix momentanément négatifs ou de «déversements» de production. Il importe aussi de veiller à ce qu’une utilisation accrue de l’électricité,envisagée pour décarboner des usages essentiels (mobilité, chauffage), ne se fasse pas au détriment de l’équilibre du système électrique, mais contribue au contraire à son optimisation.On passera ainsi progressivement d’une gestion de pointes de consommation assez rares et intervenant en hiver (avec notamment des mécanismes d’effacement) à une flexibilité généralisée faisant appel, toute l’année, au pilotage de la demande comme de l’offre.Plusieurs facteurs contribueront à cette évolution vers le pilotage de la demande : -(i) des variations importantes de prix de gros sur le marché de l’électricité, qui créeront une incitation pour les fournisseurs à moduler leurs tarifs de manière «dynamique» et pour leurs clients à moduler en conséquence leurs consommations;-(ii) la montée en puissance programmée du véhicule électrique, dont la recharge devra être pilotée pour éviter l’aggravation des pointes de consommation mais qui offrira progressivement une importante capacité de stockage d’électricité dans les batteries, partiellement mobilisable pour contribuer à l’équilibre du système électrique; -(iii) dans une moindre mesure, le maintien anticipé d’une consommation électrique importante pour le chauffage des bâtiments et la préparation d’eau chaude sanitaire (la pénétration de la pompe à chaleur1venant à peu près compenser les gains d’efficacité), qui incitera au pilotage des consommations dans un contexte de prix variables;-(iii) des technologies numériques qui créent les conditions techniques et économiques nécessaires; en particulier, les véhicules électriques sont déjà des objets connectés et le compteur Linky permet la diffusion descendante d’informations tarifaires «dynamiques», utilisables par certains objets de la maison qui deviennent communicants (pompes à chaleur, radiateurs, etc.) et par des boîtiers domotiques. 1En remplacement des énergies fossiles dans les bâtiments existants ou pour les nouvelles surfaces construites
Flexibilité du système électrique: contribution du pilotage de la demande des bâtiments et des véhicules électriques6Une protection adéquate des consommateurs, notamment domestiques, tant du point de vue de leurs données privées que d’un partage équitable de la valeur économique associée à cette flexibilité, peut ouvrir la voie à une large diffusion des contrats, services et équipements correspondants, avec des surcoûts très faibles.Les problématiques sont très différentes pour le véhicule électrique, à l’aube d’un développement dont les conditions techniques se décident dès maintenant, mais dont l’empreinte sur le système électrique ne se fait pas encore sentir, et pour le bâtiment, où le parc existant tient une part prépondérante (y compris par sa «thermo sensibilité», qui joue un rôle dimensionnant pour le système électrique) mais est marqué par une grande inertie amortissant l’effet des décisions. Dans tous les cas, les constantes de temps propres aux domaines concernés (le système électrique, le bâtiment, le parc de véhicules automobiles) et le besoin d’appropriation de la problématique par les responsables et le public conduisent les rédacteurs du présent rapport à prôner une démarche résolue d’anticipation et donc à proposer de prendre dès à présent –ou pour les quelques années qui viennent -des mesures «sans regret» qui faciliteront les transitions ultérieures.Le domaine offrant les opportunités les plus manifestes est celui du véhicule électrique (VE). Le rapport de synthèse publié par RTE en mai 2019 met en lumière de manière très claire, à l’horizon 2035, les risques associés à une recharge non correctement pilotée, mais surtout les bénéfices importants, en termes physiques, économiques et écologiques à attendre d’un pilotage intelligent et de la recharge bidirectionnelle («vehicle to grid»): alors même que la consommation additionnelle d’électricité atteindra 40 TWh dans son scénario Opéra (version haute), l’appel de puissance à la pointe sera réduit de 5,2GW et plus du tiers de cette consommation nouvelle (13,8 TWh) sera assurée par de l’énergie décarbonée «fatale », à coût marginal nul ou très faible.A long terme, c’est-à-dire en 2050 et au-delà, la quasi-totalité du parc de véhicules particuliers devrait être constituée de véhicules électriques (l’interdiction de vente de véhicules thermiques entrant en vigueur en 2040). Le présent rapport estime que le potentiel offert par le VE (si les dispositions sont prises pour encourager la pénétration des solutions techniques pertinentes) concerne un déplacement temporel de consommation d’électricité d’au minimum 25TWh/an et une pointe de consommation évitée de plus de 10 GW (par rapport à un scénario sans développement du véhicule électrique). En conséquence, les rédacteurs recommandent aux pouvoirs publics de s’orienter résolument vers le pilotage et la recharge bidirectionnelle, partout où ces techniques peuvent trouver un marché dans les prochaines années, en créant par anticipation les conditions techniques adéquates. Le développement des moyens pilotables de recharge, pour les bornes publiques mais surtout dans le domaine privé, constitue une première priorité. L’adaptation des véhicules (dans le cadre européen) et des bornes à la recharge bidirectionnelle en est une autre, indispensable pour limiter les coûts d’équipement à des niveaux très modestes, par l’industrialisation des solutions. Des évolutions de notre droit de l’énergie et de notre fiscalité devront accompagner la recharge bi-directionnelle, notamment quant à l’usage des réseaux publics.Dans le bâtiment tertiaire, les logiques économiques devraient à terme prévaloir pour permettre aux occupants de bénéficier de la variabilité des prix de l’électricité –plutôt que de la subir –en s’appuyant sur des moyens techniques comme la GTB et des bâtiments «smart grid ready». L’analyse des études existantes conduit à retenir essentiellement, comme sources de flexibilité de la demande,les grands
Flexibilité du système électrique: contribution du pilotage de la demande des bâtiments et des véhicules électriques7commerces alimentaires et surtout les bureaux, pour les usages thermiques (chauffage et eau chaude sanitaire) et la climatisation. Dans l’habitat,le chauffage, l’eau chaude sanitaire et les «produits blancs» (lavage-séchage –hors froid) offrent également un potentiel significatif, grâce au compteur communicant Linky (utilisé comme canal pour les informations tarifaires «dynamiques» venant des fournisseurs) et/ou à des solutions domotiques, associées à des appareils bientôt tous communicants (radiateurs, pompes à chaleur, chauffe-eau, thermostats, produits blancs). Le consommateur aura le choix au sein d’une variété de propositions provenant des fournisseurs d’électricité, d’acteurs spécialisés ou des géants d’internet, avec différents degrés de maîtrise ou de délégation de la gestion de sa consommation, comme de partage ou non de ses données.A l’horizon 2050, les rédacteurs évaluent les potentiels de déplacements de consommation –qui s’opèrent essentiellement au sein d’une même journée –à environ 15 TWh/an pour le bâtiment tertiaire et 25 TWh/an pour l’habitat; l’appel de puissance évitable en pointe à l’horizon 2050 est d’environ 10 GW pour le tertiaire et de 27 GW pour l’habitat.Le présent rapport émet des recommandations qui visent à anticiper, dès les prochaines années (dans un contexte où l’incitation économique est encore faible), les évolutions techniques et sociologiques nécessaires, en favorisant l’introduction de GTB dans les bâtiments tertiaires, l’émergence de tarifs dynamiques, la diffusion sur le marché d’équipements et de solutions appuyés sur le compteur Linky, le développement des pompes à chaleur comme moyen de chauffage dans l’habitat collectif, la labellisation «Energy smart» des appareils domestiques rendus communicants, la rénovation thermique des bâtiments chauffés à l’électricité, le développement de l’autoconsommation (en tant que marché de niche pour le pilotage de la consommation) et l’accompagnement des professionnels et des consommateurs dans les transitions à venir.Une action résolue et convenablement rythmée, dès maintenant,permettra ainsi au pilotage de la demande dans les secteurs du bâtiment et du véhicule électrique d’offrir progressivement, et pour un coût d’investissement faible, un potentiel de déplacement –essentiellement infra-journalier -des consommations d’électricité de l’ordre de 65 TWh/an (soit de l’ordre de 15 % des consommations anticipées pour 2050) et d’évitement de puissance, lors des plus fortes pointes de consommation en hiver, allant jusqu’à 47GW (soit près de la moitié du niveau de la pointe maximale envisagée). Il s’agit donc d’une des cartes à disposition dans le jeu plus vaste des sources de flexibilité offertes sur la plaque ouest-européenne, qui comporte aussi le pilotage de la demande industrielle, les solutions «classiques» du côté de l’offre (hydraulique, nucléaire, moyens fossiles «résiduels») et bien entendu le stockage stationnaire.
Fiche technique
Type de document : Rapport d'étude
Pagination : 119 pages
Poids du fichier numérique : 5 Mo
Édité par : Ministère de l'économie et des finances
Collection :