Contrôle du groupe de crèches privées "La Maison Bleue"

Remis le :

Auteur(s) : Dominique Blanc ; Éric Ginésy ; Taoufik Chegra ; Isabelle Rougier ; Marie-Odile Saillard

Auteur(s) moral(aux) : Inspection générale des affaires sociales

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Le rapport sur La Maison Bleue, 4e du secteur en France en nombre de crèches, est le premier contrôle d'un groupe de crèches privées, en application des nouvelles compétences confiées à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) dans le cadre de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Il fait suite aux rapports de l'Igas portant sur la qualité de l'accueil en crèches et sur les micro-crèches.

Les investigations de l'Igas se sont déroulées de mars à décembre 2024 au siège du groupe. La mission d'inspection s'est rendue dans dix-sept crèches.

Le rapport met en évidence des défaillances en matière de qualité d'accueil du jeune enfant, tout en soulignant qu'une stratégie de redressement de cette qualité a été récemment engagée et met en avant l'engagement des professionnels en la matière. Des non-conformités à la règlementation ont été constatées (fausses déclarations, perception de prestations par des moyens frauduleux, anomalies dans les comptes sociaux), qui conduisent à saisir le procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Enfin, le rapport relève des pratiques d'optimisation financière et des indicateurs de fragilité économique.

Le rapport propose également des mesures spécifiques visant à mieux réguler le secteur en créant notamment une instance de suivi des groupes privés de crèches (à caractère lucratif et non lucratif).

Le rapport définitif de l'IGAS contient des informations couvertes par le secret des affaires protégé par la loi. C'est pourquoi, en application des articles L. 311-6 et suivants du CRPA et L151-1 et suivants du code de commerce, et à la demande expresse du groupe LMB, ces informations ont été occultées.

A l'occasion de ce premier contrôle, l'Igas a développé une démarche partenariale visant à recueillir, auprès des acteurs publics, au premier rang desquels la Cnaf, les informations qu'ils détenaient sur le groupe, et plus largement sur le secteur des crèches. Elle a ainsi bénéficié de la collaborations d'autres caisses nationales de sécurité sociale, des directions d'administration centrale des ministères sociaux et des ministères économiques et financiers, notamment la direction générale des finances publiques. Les conseils départementaux concernés ont fortement participé en transmettant la quasi-totalité des rapports de contrôle des services de protection maternelle et infantile (PMI) réalisés en 2022-2023.

SYNTHÈSE 
RECOMMANDATIONS DE LA MISSION 

1 LES ETATS FINANCIERS ARRETES A FIN 2023 COMPORTENT DES ANOMALIES FINANCIERES ET DES INCERTITUDES COMPTABLES 

1.1 LE DISPOSITIF DE MAITRISE DES RISQUES FINANCIERS PRESENTE DES FAIBLESSES SUBSTANTIELLES 

1.2 LES ETATS FINANCIERS COMPORTENT DES ANOMALIES QUI FONT PESER DES INCERTITUDES SUR LE PERIMETRE DU GROUPE
1.2.1 Toutes les filiales ne figurent pas dans l'annexe des comptes sociaux de LMB SAS 
1.2.2 Une augmentation massive du nombre de filiales entre 2022 et 2023 déclarées dans l'annexe des comptes de LMB SAS qui n'est pas expliquée
1.2.3 Plusieurs établissements fermés continuent à recevoir des flux financiers pour des montants très significatifs 

1.3 BIEN QU'IL EXISTE DES INDICES DE PERTES DE VALEUR, AUCUNE DEPRECIATION N'EST APPLIQUEE SUR DES AGREGATS FINANCIERS SIGNIFICATIFS 
1.3.1 LMB SAS ne déprécie pas les titres de participations de ses filiales
1.3.2 Les fonds commerciaux auraient dû être dépréciés pour un montant que la mission n'est pas en mesure de chiffrer 
1.3.3 Les écarts d'acquisition auraient également dû faire l'objet d'une dépréciation 

1.4 LES CREANCES SUR LA CAF INSCRITES DANS LES COMPTES SOCIAUX SONT SURESTIMEES 

1.5 LE NIVEAU DES INDUS CAF LIES AUX CONTROLES SUR PLACE AUGMENTE DE FAÇON CROISSANTE 

1.6 UNE DEFAILLANCE DANS LE SUIVI DES ACTIFS CONDUIT A DES ECARTS SIGNIFICATIFS ENTRE LES COMPTES SOCIAUX ET LE REGISTRE DES IMMOBILISATIONS 
1.6.1 La défaillance du suivi des investissements constitue un risque financier non pris en compte par le groupe 
1.6.2 Le changement des durées d'amortissement de LMB SAS en 2023 semble viser une amélioration de la rentabilité opérationnelle

1.7 DES LOYERS FICTIFS ONT ETE DECLARES A LA CNAF PAR LES CRECHES DU GROUPE GEREES EN DSP JUSQU'EN 2022 

1.8 LE GROUPE N'A PAS PROVISIONNE AU TITRE DES INDEMNITES DE DEPART A LA RETRAITE

1.9 DES RECLASSEMENTS DE POSTES DANS LES COMPTES CONSOLIDES EN AUTRES PRODUITS OPERATIONNELS ONT POUR CONSEQUENCE D'AMELIORER D'UNE MANIERE ARTIFICIELLE LE RESULTAT OPERATIONNEL

1.10 LES ENJEUX FINANCIERS LIES AUX RISQUES ET AUX ANOMALIES NON PRIS EN COMPTE PAR LE GROUPE LORS DE L'ARRETE DES COMPTES 2023 EST ESTIME XXXXXXXXXXXXXXXXX

2 LES EXCEDENTS D'EXPLOITATION NE SUFFISANT PLUS A FINANCER SA CROISSANCE ET SON DEVELOPPEMENT A L'INTERNATIONAL, LE GROUPE A RECOURU MASSIVEMENT A L'EMPRUNT, METTANT EN PERIL LA CONTINUITE D'EXPLOITATION

2.1 LE CYCLE D'EXPLOITATION DES CRECHES EN FRANCE EST EXCEDENTAIRE, UNE PARTIE DE CES EXCEDENTS ETANT LIEE A DES INDUS CAF ET A LA NON-APPLICATION DE CERTAINES CLAUSES DES DSP 
2.1.1 Les différents modèles de crèche de LMB France sont tous excédentaires en moyenne
2.1.2 Le pilotage de l'activité opérationnelle est essentiellement orienté vers un objectif de rentabilité 
2.1.3 La rentabilité observée découle en partie d'indus CAF et de l'absence de reversement d'une partie des sommes dues aux délégants
2.1.4 La rentabilité des crèches françaises permet de couvrir la quasi-totalité des pertes de la société mère

2.2 POUR FINANCER SA CROISSANCE, D'ABORD EN FRANCE PUIS A L'ETRANGER, LE GROUPE A RECOURU MASSIVEMENT A LA DETTE 
2.2.1 Le groupe a crû en France de façon rapide, en fonction des opportunités d'acquisitions, de l'obtention de nouveaux contrats de DSP et par la création de nouvelles crèches en gestion directe
2.2.2 Le groupe a financé sa croissance en recourant massivement à des financements bancaires et obligataires puis à de la dette privée, tout en bénéficiant d'importants subsides publics qui ont financé ses investissements en France 

2.3 LA POLITIQUE D'ENDETTEMENT MENACE LA PERENNITE DU GROUPE A COURT TERME
2.3.1 La stratégie d'investissement adoptée s'est révélée inadaptée au changement d'environnement financier 2.3.2xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx 

3 LA GOUVERNANCE DU GROUPE EST CONCENTREE SUR LE PRESIDENT ET SON ORGANISATION EN FRANCE N'EST PAS ADAPTEE AU DEVELOPPEMENT DE SON ACTIVITE 

3.1 LA GOUVERNANCE DU GROUPE EST CONCENTREE SUR LE PRESIDENT, LES AUTRES INSTANCES STATUTAIRES N'EXERÇANT, LORSQU'ELLES EXISTENT, QU'UNE PARTIE DE LEURS PREROGATIVES
3.1.1 La réorganisation de l'actionnariat de la SAS LMB en 2016 a permis au président fondateur de contrôler, via sa société ICAROS, la SAS faîtière
3.1.2 Les instances de gouvernance prévues ne sont pas toutes en place et, lorsqu'elles le sont, n'exercent pas pleinement leurs prérogatives

3.2 L'ORGANISATION DE LMB FRANCE, AU NIVEAU CENTRAL ET TERRITORIAL, N'EST PAS ADAPTEE AU DEVELOPPEMENT DE L'ACTIVITE
3.2.1 L'évolution des effectifs du siège est corrélée à la croissance du nombre de crèches 
3.2.2 La répartition des effectifs du siège central ne correspond pas à au niveau de développement actuel du groupe 
3.2.3 Le groupe a mis en place à compter de 2019 des directions régionales dont l'organisation n'est toujours pas stabilisée 
3.2.4 Les fonctions de siège sont insuffisamment organisées pour accompagner au mieux les besoins des crèches 

4 LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES SE CARACTERISE PAR DES NON-CONFORMITES REGLEMENTAIRES CONCERNANT LA REPRESENTATION DU PERSONNEL, LA PARTICIPATION, ET LES RATIOS D'ENCADREMENT DES ENFANTS 

4.1 POUR ASSURER LE RESPECT DES EXIGENCES REGLEMENTAIRES EN MATIERE DE REPRESENTATION DU PERSONNEL ET DE PARTICIPATION, XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
4.1.1 Certaines obligations liées à la réglementation dans le domaine des relations sociales ne sont pas mises en œuvre 
4.1.2 Certaines entreprises ne respectent pas leurs obligations règlementaires en matière de participation  4.1.3xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx 

4.2 LA RECHERCHE D'UNE OPTIMISATION DE LA MASSE SALARIALE ACCROIT LES TENSIONS SUR LES CRECHES DANS UN CONTEXTE DE PENURIE DE PROFESSIONNELS ET CONDUIT A UN NON-RESPECT FREQUENT DES RATIOS DE PERSONNEL 
4.2.1 LMB se distingue des autres gestionnaires lucratifs privés sur certains indicateurs RH 
4.2.2 La masse salariale fait l'objet d'un pilotage fin dans un objectif d'optimisation qui met sous tension les crèches 
4.2.3 Les non-conformités réglementaires et les dysfonctionnements les plus récurrents relevés lors des contrôles PMI portent sur les ressources humaines
4.2.4 Les conditions de qualification et de probité des personnels ne sont pas pleinement sécurisées ... 
4.2.5 Les difficultés RH non résolues peuvent créer des situations de crise durables par une réactivité insuffisante du gestionnaire 

4.3 LES EFFORTS DEPLOYES POUR ATTIRER ET FIDELISER LES SALARIES, ET POUR AMELIORER LEURS QUALIFICATIONS, NE SONT PAS SUFFISANTS AU REGARD DES CARACTERISTIQUES DU MARCHE DE L'EMPLOI DANS LE SECTEUR DES CRECHES
4.3.1 La politique de formation est dynamique mais insuffisante pour garantir la bonne qualification des personnels de crèche dans un contexte de turn-over élevé 
4.3.2 Les efforts faits pour favoriser l'attractivité et la fidélisation des salariés prennent place au sein d'une politique salariale peu attractive 

5 BIEN QUE NOMBREUX ET RENFORCES DANS LA PERIODE RECENTE, LES OUTILS MIS EN PLACE POUR GARANTIR LA QUALITE DE L'ACCUEIL EN CRECHE NE SONT PAS SUFFISANTS AU REGARD DES RISQUES CONSTATES 

5.1 AU-DELA DES ASPECTS LIES AUX RESSOURCES HUMAINES, LA PRISE EN CHARGE DES ENFANTS DANS LES CRECHES FAIT APPARAITRE DES DIFFICULTES QUI METTENT EN JEU LA QUALITE DE L'ACCUEIL 
5.1.1 La sécurisation du cadre d'accueil peut être affectée par une réactivité parfois insuffisante pour répondre aux besoins 
5.1.2 Le défaut d'hygiène et d'entretien des locaux est régulièrement pointé par les rapports PMI 
5.1.3 Les besoins des crèches semblent couverts de manière satisfaisante s'agissant de l'alimentation et des consommables 

5.2 LE GROUPE A STRUCTURE UNE DEMARCHE D'AUDIT INTERNE VISANT A GARANTIR LA QUALITE DE L'ACCUEIL DANS LES CRECHES, QUI N'EST PAS ENCORE COMPLETEMENT DEPLOYEE 
5.2.1 Bien qu'accompagnée, la mise en œuvre du projet éducatif de La Maison Bleue peut trouver des difficultés à s'appliquer au regard du contexte RH 
5.2.2 Les autres aspects du fonctionnement des crèches font l'objet d'audits Qualité 

5.3 LE RECUEIL DE LA SATISFACTION DES PARENTS EST MIS EN OEUVRE A TRAVERS DES ENQUETES REGULIERES QUI POURRAIENT ETRE MISES DAVANTAGE A PROFIT DANS LE REPERAGE DES CRECHES EN DIFFICULTE 

5.4 LA POLITIQUE DE REDUCTION DES RISQUES SE STRUCTURE ET SE RENFORCE 
5.4.1 Bien que perfectible, le suivi des évènements indésirables au sein des crèches est réalisé dans un cadre structuré, de plus en plus approprié par les directeurs de crèche
5.4.2 L'information obligatoire des conseils départementaux prévue par l'article R. 2324-5 du CSP n'est pas mise en œuvre de façon systématique
5.4.3 Les outils de détection et de signalement des situations de maltraitance se sont renforcés dans la période récente, mais des progrès restent à faire concernant la prévention

5.5 LE CONTROLE DES PMI EST INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE PAR LE GROUPE 

5.6 LE PILOTAGE DE LA QUALITE S'EST FORTEMENT STRUCTURE DEPUIS 2022 SANS CONDUIRE A LA MISE EN PLACE D'UN ACCOMPAGNEMENT FORMALISE AUX CRECHES LES PLUS EN DIFFICULTE 
5.6.1 Le pilotage de la qualité prend une dimension plus transversale 
5.6.2 Le pilotage de la qualité s'appuie sur des indicateurs qui rendent compte de la mise en œuvre des différents processus et outils mis en place 
5.6.3 Les aspects relatifs à la qualité occupent une place limitée dans les indicateurs de performance qui déterminent la part variable des directeurs de crèches et de leur hiérarchie 
5.6.4 Le pilotage de la qualité ne s'accompagne pas d'une organisation opérationnelle, portée au niveau du siège central, visant à apporter un appui renforcé aux crèches les plus en difficulté

6 RECOMMANDATIONS AUX ORGANISMES PUBLICS ET AUX ADMINISTRATIONS

6.1 UN PARTAGE EN CONTINU D'INFORMATIONS ET DE METHODE A ETE ETABLI AVEC LA CNAF 

6.2 LISTE DES RECOMMANDATIONS
6.2.1 Renforcer l'organisation du contrôle des crèches et groupes de crèches
6.2.2 Améliorer le contrôle par la branche famille des aides versées en fonctionnement et en investissement 
6.2.3 Assurer le respect des règles applicables aux personnels des crèches 
6.2.4 Sécuriser le régime de délégation de service public (DSP)

OBSERVATIONS DU GROUPE DE CRÈCHES PRIVÉES LA MAISON BLEUE ET RÉPONSES DE LA MISSION IGAS
PIÈCES JOINTES ENVOYÉES PAR LE GROUPE CRÈCHES PRIVÉES LA MAISON BLEUE 
LISTE DES ANNEXES 
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
SIGLES UTILISÉS
LETTRE DE MISSION 

  • Type de document : Rapport d'inspection
  • Pagination : 128 pages
  • Édité par : Inspection générale des affaires sociales