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Dans un contexte marqué par la crise américaine des opioïdes (depuis 25 ans, les États-Unis ont été touchés par plus de 800 000 décès liés à des surdoses d'opioïdes), la France connaît, depuis plusieurs années, une évolution notable de la consommation d'opioïdes, et des mésusages et surdoses associés. En 2024, des antalgiques opioïdes ont été prescrits à près de 12 millions de Français.
Si les antalgiques non opioïdes restent majoritaires, les opioïdes représentent aujourd'hui 22 % de la consommation d'antalgiques en France (tramadol ou codéine). La part des opioïdes forts (oxycodone, morphine) ne dépasse pas 2 % mais progresse rapidement ; leurs ventes ont progressé de 59 % depuis 2010.
Face à la volonté légitime de soulager la douleur, l'usage d'opioïdes est devenu un réflexe, tant pour les patients qui les réclament que pour les professionnels qui les prescrivent. Les mésusages s'accentuent : selon la Haute Autorité de santé (HAS), ce sont désormais 29 % des usagers de codéine et 39 % des usagers de tramadol qui présentent des pratiques de mésusage. En réaction à cette trajectoire préoccupante, les autorités sanitaires ont resserré les conditions de prescription ; par ailleurs, les opioïdes font désormais l'objet d'un plafonnement de leur durée de prescription et ceux classés comme stupéfiants (tramadol et codéine) doivent être prescrits par une ordonnance numérique ou sécurisée.
Les rapporteures formulent une vingtaine de recommandations visant à renforcer la politique de prise en charge de la douleur et de gestion des conduites addictives, regroupées sous trois thématiques principales :
- renforcer l'information et faciliter l'orientation des patients pour lutter contre le risque de dépendance et les mésusages ;
- mieux sensibiliser les professionnels de santé aux risques liés aux opioïdes et poursuivre l'encadrement des prescriptions ;
- approfondir et compléter la politique de réduction des risques.
L'ESSENTIEL
I. MALGRÉ UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE, L'IMPROBABLE SCÉNARIO D'UNE CRISE À L'AMÉRICAINE
A. LA CRISE AMÉRICAINE DES OPIOÏDES : D'UNE SURPRESCRIPTION GÉNÉRALISÉE À UNE HÉCATOMBE
1. D'une libéralisation de la prescription d'opioïdes encouragée par des politiques commerciales agressives à une vague de pharmacodépendance
2. Un resserrement brutal des conditions de prescription et le déport vers le marché noir
3. La multiplication des surdoses mortelles, liée à l'arrivée de substances plus puissantes et plus difficiles à doser, les fentanyloïdes, désormais associés à des psychostimulants
B. EN FRANCE, UNE PROGRESSION PRÉOCCUPANTE DES MÉSUSAGES ET DES SURDOSES PROVOQUÉE PAR UNE SOUS-ESTIMATION DES RISQUES PAR LES PATIENTS ET LES PROFESSIONNELS
1. Une évolution préoccupante de la consommation, des mésusages et des surdoses
2. Une progression des mésusages portée par une sous-estimation des risques par les patients comme par les professionnels de santé
C. L'IMPROBABLE SCÉNARIO D'UNE CRISE À L'AMÉRICAINE EN FRANCE
1. Un encadrement globalement sécurisé de la promotion et de la prescription d'opioïdes, et un suivi rigoureux de l'addictovigilance
2. Des fragilités et des signaux préoccupants à ne pas négliger
II. LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE DOIT DÉFINIR UN PLAN D'ACTION POUR LUTTER CONTRE LA DOULEUR ET LES CONDUITES ADDICTIVES
A. RÉINVESTIR DANS UNE POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
1. Un objectif relégué au second plan conduisant à des carences persistantes
2. Une nécessité : dessiner les contours d'un nouveau plan national de lutte contre la douleur
B. RENFORCER LA POLITIQUE DE RÉDUCTION DES RISQUES EN MATIÈRE D'ADDICTIONS
1. Poursuivre les efforts pour améliorer l'accès aux traitements par agonistes opioïdes
2. Élargir la politique de réduction des risques et favoriser la responsabilisation des usagers
C. FORMER LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET ACCOMPAGNER L'ÉVOLUTION DES PRATIQUES
1. Améliorer la formation des professionnels de la santé en matière de prise en charge de la douleur et des conduites addictives
2. Soutenir et accompagner l'évolution des pratiques professionnelles
LISTE DES RECOMMANDATIONS
I. RENFORCER L'INFORMATION ET FACILITER L'ORIENTATION DES PATIENTS POUR LUTTER CONTRE LE RISQUE DE DÉPENDANCE ET LES MÉSUSAGES
II. MIEUX SENSIBILISER LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ AUX RISQUES LIES AUX OPIOÏDES ET POURSUIVRE L'ENCADREMENT DES PRESCRIPTIONS
III. APPROFONDIR ET COMPLÉTER LA POLITIQUE DE RÉDUCTION DES RISQUES
LISTE DES SIGLES
AVANT PROPOS
I. LA HAUSSE DE LA CONSOMMATION D'OPIOÏDES, MULTIFACTORIELLE, NÉCESSITE UN SUIVI ET UNE VIGILANCE ACCRUS
A. LA HAUSSE DE LA CONSOMMATION D'OPIOÏDES, SIGNE D'UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR, MAIS PORTEUSE DE NOUVEAUX RISQUES
1. Malgré des insuffisances persistantes, des progrès importants ont été accomplis dans la prise en charge de la douleur
a) Des progrès notables accomplis
b) Des insuffisances persistantes
2. Le médecin généraliste est le principal acteur de la prise en charge de la douleur
a) Une prévalence importante des douleurs chroniques parmi les Français
b) Un rôle de primo-prescripteur largement dévolu au médecin généraliste
3. Le risque de banalisation de la consommation d'opioïdes ne doit pas être négligé
a) Une consommation d'opioïdes forts en hausse, parallèle à une diminution de celle des opioïdes faibles
b) Des indicateurs alarmants relatifs au nombre de décès et d'hospitalisations liés aux surdoses d'opioïdes
B. UNE AUGMENTATION PRÉOCCUPANTE DES MÉSUSAGES ET DES TROUBLES LIÉS À L'USAGE
1. La progression des mésusages et des usages détournés
a) Les enquêtes d'addictovigilance démontrent une augmentation des mésusages
b) Des usages détournés de plus en plus diversifiés
2. Des prescriptions parfois inadaptées au niveau de risque associé à la consommation de médicaments opioïdes
a) Des effets secondaires importants, incluant la dépendance mais ne s'y limitant pas
b) Des risques liés aux interactions médicamenteuses peu pris en compte
c) Des prescriptions hors indications fréquentes, malgré les recommandations de la HAS
3. Les risques liés aux opioïdes, notamment la dépendance, sont insuffisamment évalués par les médecins
a) Une sous-estimation du risque et des symptômes de la dépendance, liée au déficit de formation initiale et continue des professionnels de santé
b) Un défaut d'utilisation des outils existants afin d'évaluer les risques
c) Le manque de coordination entre les professionnels de santé accroît les risques de mésusage
4. Des mésusages favorisés par la méconnaissance des consommateurs des risques associés aux substances opioïdes
a) Une méconnaissance des risques associés aux substances consommées
b) L'automédication : une pratique répandue et problématique
II. SI LA FRANCE N'APPARAÎT PAS EXPOSÉE À UNE CRISE DES OPIOÏDES À L'AMÉRICAINE, LA MAÎTRISE DE CE RISQUE NÉCESSITE DE RENFORCER L'ACCOMPAGNEMENT DES USAGERS ET DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
A. UN CADRE DE PRESCRIPTION ET DE DÉLIVRANCE DES OPIOÏDES GLOBALEMENT SÉCURISÉ
1. Une régulation stricte de l'information promotionnelle relative aux médicaments opioïdes, doublée d'une politique active de pharmaco- et d'addictovigilances
a) Une régulation stricte de la publicité des médicaments soumis à prescription
b) Une politique active de pharmaco- et d'addictovigilances
2. Un encadrement rigoureux des conditions de prescription et de délivrance des médicaments opioïdes, récemment resserré
a) Le resserrement des conditions de prescription et l'encadrement de la durée de prescription
b) Le déploiement progressif des ordonnances sécurisées et numériques
c) Une politique de sensibilisation et de contrôle accrus des prescripteurs
d) Le renforcement de l'encadrement des conditions de dispensation des antalgiques opioïdes
3. Des normes perfectibles relatives au conditionnement et à l'étiquetage des médicaments opioïdes
a) Des évolutions à envisager concernant le conditionnement
b) Des marges de progression en matière d'étiquetage
B. UNE MAÎTRISE DES RISQUES CONDITIONNÉE À UN MEILLEUR ACCOMPAGNEMENT DES USAGERS ET DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
1. Une restriction de l'accès aux opioïdes non accompagnée comporterait un risque accru de détournements et de mésusages
a) Un risque de transmission de la demande du marché légal au marché illégal
b) Un contexte préoccupant marqué par la baisse de la production mondiale d'héroïne et l'émergence des nouveaux opioïdes de synthèse
c) Une progression toutefois encore limitée du marché illégal
2. Renforcer la politique de réduction des risques vis-à-vis des usagers
a) Favoriser l'accès aux traitements par agonistes opioïdes et à la naloxone
b) Promouvoir une politique de réduction des risques non stigmatisante à destination d'un public large
3. Agir en faveur de la prévention et de la dépendance
a) Encourager l'éducation thérapeutique des patients
b) Repositionner les opioïdes au sein d'un arsenal thérapeutique large incluant des alternatives médicamenteuses ou non
4. Faire évoluer la formation des médecins et consolider la structuration d'une offre de soins spécialisée
a) Améliorer la formation des médecins en matière de prise en charge de la douleur ainsi que de repérage et de gestion des conduites addictives
b) Consolider une offre de soins de proximité coordonnée entre médecine générale et structures spécialisées
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. COMPTE RENDU DE L'AUDITION EN RÉUNION PLÉNIÈRE
Audition de Mme Marie Jauffret-Roustide, sociologue
II. EXAMEN EN COMMISSION
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
TABLEAU DE MISE EN ŒUVRE ET DE SUIVI DES RECOMMANDATIONS
ANNEXES
TABLEAU RÉCAPITULATIF DES CONDITIONS DE PRESCRIPTION DES OPIOÏDES
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS (CNOP)
ASSOCIATION DES CENTRES D'ÉVALUATION ET D'INFORMATION SUR LA PHARMACODÉPENDANCE-ADDICTOVIGILANCE (CEIP-A)
HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ (HAS)
LES ENTREPRISES DU MÉDICAMENT (LEEM)
FÉDÉRATION ADDICTION
HALTE SOINS ADDICTIONS DE STRASBOURG
AUTO SUPPORT ET RÉDUCTION DES RISQUES PARMI LES USAGERS DE DROGUES (ASUD)
ASSOCIATION DE RÉDUCTION DES RISQUES SAFE
PR BENJAMIN ROLLAND, PSYCHIATRE ET ADDICTOLOGUE
MICHEL GANDILHON, EXPERT ASSOCIÉ AU PÔLE SÉCURITÉ-DÉFENSE DU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS (CNAM)
SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ÉVALUATION ET DE TRAITEMENT DE LA DOULEUR (SFETD)
OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES DROGUES ET DES CONDUITES ADDICTIVES (OFDT)
AMBASSADE DE FRANCE AUX ÉTATS-UNIS
DR SIBYLLE MAURIES, PRATICIEN HOSPITALIER
AGENCE DE L'UNION EUROPÉENNE SUR LES DROGUES (EUDA)
- Autre titre : Opioïdes en France : état des lieux, risques émergents et stratégies de prévention
- Type de document : Rapport parlementaire
- Pagination : 346 pages
- Édité par : Sénat
- Collection : Les Rapports du Sénat
- Numéro dans la série : 848