Rapport d'information (...) par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la prise en charge des troubles psychiques des personnes placées sous main de justice

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La santé mentale, désignée grande cause nationale en 2025, est identifiée comme l'un des enjeux majeurs du XXIe siècle, avec une augmentation marquée des troubles psychiques, accentuée depuis la crise sanitaire. Le rapport est consacré à la place des troubles psychiques dans le champ pénal, en milieu fermé comme en milieu ouvert. Les sortants de prison et les personnes suivies en milieu ouvert et dont les soins sont parfois ordonnés par la justice en lien avec les motifs de leur condamnation doivent également faire l'objet d'une attention particulière, même s'ils accèdent aux soins dans le cadre du droit commun. Le défaut de prise en charge de cette population revêt en effet des enjeux à la fois sanitaires et sécuritaires à travers les risques de réitération et de récidive.

La première partie du rapport fait état d'une prévalence alarmante des troubles psychiques au sein de la population pénale et d'une dynamique d'aggravation inquiétante. Elle analyse également les facteurs de pénalisation de la maladie mentale, dérive alimentée par la crise de trois services publics : la santé, la justice et la prison.

La deuxième partie est consacrée à la prise en charge des troubles psychiques en détention. Elle met en évidence le fossé qui se creuse entre l'explosion des besoins et la dégradation des capacités de réponse. Les investissements et efforts consentis pour y structurer un parcours de soins sont en particulier profondément mis à mal par la surpopulation.

La troisième partie est centrée sur le milieu ouvert. Elle met en lumière les défaillances majeures de l'action publique à la sortie de prison : l'accès aux soins y est paradoxalement encore plus difficile, y compris dans le cadre de soins pénalement ordonnés. Plus encore, la mission observe une véritable crise des soins pénalement ordonnés : de plus en plus prescrits par les juridictions, ils sont de moins en moins applicables et appliqués. 

La quatrième partie porte une attention spécifique à la situation des mineurs et jeunes majeurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le champ pénal. En dépit de données lacunaires, tout indique que leurs besoins de prise en charge sont plus criants encore, mais que les réponses sont pour ce public encore plus insuffisantes.

De manière générale, la mission appelle à prioriser l'amont, ce qui implique de mieux repérer les troubles dès l'enfance, notamment à l'école, de mieux accompagner les enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance, laquelle apparaît aujourd'hui comme le maillon le plus défaillant de l'action publique.

Enfin, au-delà du manque de moyens, cette politique publique est considérablement affaiblie par des cloisonnements et des incompréhensions, voire des tensions, entre les acteurs qui prennent part à sa mise en œuvre, comme le montre la cinquième partie. Sa gouvernance et son pilotage, profondément défaillants, doivent impérativement être refondés.

Le rapport formule une centaine de préconisations, couvrant l'ensemble de ces dimensions.

PRÉCONISATIONS DES RAPPORTEURES
SYNTHÈSE
INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : TROUBLES PSYCHIQUES ET POPULATION PÉNALE : UNE AMPLEUR ALARMANTE, UNE DYNAMIQUE INQUIÉTANTE

I. UNE PRÉVALENCE ALARMANTE AU SEIN D'UNE POPULATION QUI NE CESSE D'AUGMENTER
A. EN MILIEU FERMÉ, UNE SURREPRÉSENTATION DES TROUBLES À TOUS LES STADES DE LA DÉTENTION
1. Un constat ancien confirmé par des études récentes
2. Une part importante de pathologies préexistant à l'incarcération
3. En sortie de détention deux tiers des hommes et trois quarts des femmes présentent un trouble psychiatrique ou lié à une substance 
4. Un cumul de troubles psychiatriques et addictifs qui complexifie la prise en charge
5. Carences éducatives, traumatismes précoces et spirale pénale enclenchée dès l'enfance
6. Indicateur de souffrance psychique, la prévalence des idées et conduites suicidaires
B. UNE TRÈS FORTE AUGMENTATION DES BESOINS EN MILIEU OUVERT COMME EN MILIEU FERMÉ
1. En détention, un constat empirique d'augmentation des troubles psychiques et du nombre de personnes qui n'y ont pas leur place
2. En milieu ouvert, une augmentation des besoins de prise en charge, dont témoigne très partiellement celle des soins pénalement ordonnés

II. LA PÉNALISATION DE LA MALADIE MENTALE : UNE DÉRIVE ALIMENTÉE PAR LA CRISE DU SOIN, DE LA JUSTICE ET DE LA PRISON
A. L'EFFONDREMENT DE LA PSYCHIATRIE PUBLIQUE : LA DÉFAILLANCE DES PRISES EN CHARGE EN AMONT DU PARCOURS JUDICIAIRE
1. Le défaut de soins, facteur de passage à l'acte délictuel ou criminel
2. "Des gens arrivent en prison parce qu'ils ne sont pas soignés dehors et y reviendront pour la même raison"
B. UNE JUSTICE DE PLUS EN PLUS DÉMUNIE : UNE PRISE EN COMPTE INSUFFISANTE DES TROUBLES PSYCHIQUES
1. Des freins croissants au recours à l'irresponsabilité pénale
2. Des facteurs de surincarcération des personnes souffrant de troubles psychiques
C. LA DÉTENTION : DE PLUS EN PLUS PATHOGÈNE ET SURPÉNALISANTE
1. Une détention de plus en plus pathogène
2. Une détention de plus en plus surpénalisante

DEUXIÈME PARTIE : EN DÉTENTION, EXPLOSION DES BESOINS, DÉGRADATION DES CAPACITÉS DE PRISE EN CHARGE

I. UNE ORGANISATION ENTRAVÉE PAR UN MANQUE DE MOYENS ET DES CONTRAINTES CARCÉRALES CROISSANTS
A. UNE ARCHITECTURE DE SOINS INCOMPLÈTE ET SOUS-DIMENSIONNÉE
1. Les grands principes de la prise en charge
2. Une architecture à trois niveaux théorique et très incomplète
3. Une présence inégale des CSAPA, maillon indispensable
B. LE SOIN À L'ÉPREUVE D'UNE PÉNURIE DE MOYENS
1. Un modèle de financement de plus en plus déconnecté des besoins
2. Une pénurie de soignants qui s'aggrave à tous les niveaux
C. UN ENVIRONNEMENT DE PLUS EN PLUS HOSTILE AUX SOINS, DES CONTRAINTES CARCÉRALES CROISSANTES
1. Un accès aux soins de plus en plus entravé par la surpopulation et le manque de surveillants
2. Des problèmes de locaux aggravés par la surpopulation
3. Une part massive de rendez-vous non honorés, un gaspillage de ressources rares
4. Des extractions médicales de plus en plus difficiles à obtenir
5. Entre refus et demandes stratégiques de soin
6. Des contraintes carcérales croissantes, une sécurité plus incertaine
D. LA TÉLÉCONSULTATION
1. Un déploiement chaotique et très incomplet
2. Un outil très peu investi en psychiatrie en raison de freins multiples
3. Des réticences très fortes dans le domaine de la santé mentale

II. UN PARCOURS DE SOIN HÉTÉROGÈNE, MARQUÉ PAR DES CARENCES ET DES RUPTURES
A. UN ACCÈS AUX SOINS AMBULATOIRES INÉGAL ET APPAUVRI
1. La consultation d'entrée, outil essentiel du repérage fragilisé par la pénurie de moyens et la surpopulation
2. Hors consultation d'entrée et urgences, un accès aux soins ambulatoires inégal et atrophié 
3. D'importantes marges d'amélioration de la délivrance des médicaments 
4. La prise en charge des troubles addictifs : une approche morcelée, sous-dotée et mal articulée avec la psychiatrie
B. MALGRÉ DES AVANCÉES NOTABLES, UNE HOSPITALISATION ENCORE DIFFICILE D'ACCÈS ET SOUVENT INADAPTÉE
1. Le développement des UHSA, avancée majeure mais encore très loin de couvrir les besoins d'hospitalisation complète
2. Des SMPR à l'accès restreint et au positionnement incertain
3. Un recours forcé à la psychiatrie de droit commun au prix de graves dysfonctionnements
C. UNE PRISE EN CHARGE TRÈS INÉGALE, DES ANGLES MORTS 
1. Une situation très hétérogène selon le régime de détention
2. Une situation particulièrement critique dans certains territoires
3. Des publics vulnérables ou plus éloignés du soin qui doivent faire l'objet d'une attention renforcée
D. LA PRÉVENTION, PARENT PAUVRE
1. Des actions ponctuelles et résiduelles
2. Une politique de réduction des risques et des dommages encore très largement empêchée
3. La prévention du suicide : les limites d'une politique sans prise sur les causes

TROISIÈME PARTIE : ENTRE CARENCES ET RUPTURES DE SOINS : EN MILIEU OUVERT, UN PARCOURS QUI (RE)-CONDAMNE ? 

I. LA SORTIE DE PRISON, UN MOMENT CHARNIÈRE À HAUT RISQUE QU'ON NE PEUT PLUS IGNORER
A. UN MOMENT DE VULNÉRABILITÉ ACCRUE
B. UNE PRÉPARATION INSUFFISANTE, DES OBSTACLES MAJEURS AU RELAIS DE SOIN
1. Brièveté des séjours, imprévisibilité de la sortie
2. La consultation de sortie : une mise en œuvre très inégale
3. Les CSAPA référents, un dispositif pertinent mais en deçà des besoins et insuffisamment intégré à l'offre de soins
4. Un défaut de coordination criant
C. ENTRE PRÉCARITÉ ET DÉMARCHES ADMINISTRATIVES : UN PARCOURS SEMÉ D'EMBÛCHES
1. L'absence de logement stable, comme facteur de rupture du soin
2. Des freins administratifs à lever d'urgence
3. Les assistantes sociales, maillon indispensable mais trop rare 
D. DES SOINS INDISPONIBLES, DÉPRIORISÉS OU REFUSÉS EN SORTIE DE DÉTENTION
1. Une offre de soins aussi absente qu'avant la détention 
2. Un public mal accepté, voire rejeté par le circuit sanitaire

II. LES SOINS PÉNALEMENT ORDONNÉS : UNE INFLATION D'OBLIGATIONS, UN RECUL DU SOIN
A. UNE INFLATION DES SOINS PÉNALEMENT ORDONNÉS
1. Des injonctions de soins en augmentation malgré une pénurie de médecins coordonnateurs qui fragilise le dispositif 
2. Une tendance à l'"industrialisation" des obligations de soins
B. UN DISCRÉDIT CROISSANT, UNE MISE EN ŒUVRE DÉFAILLANTE 
1. Le soin sous contrainte pénale, une mesure contestée dès son principe 
2. Un ciblage largement inadéquat
3. Des soignants mis en difficulté
4. Une mise en œuvre défaillante
C. UNE MESURE MASSIVEMENT INOPÉRANTE CONFRONTÉE À L'INDISPONIBILITÉ OU AU REFUS DU SOIN
1. Des mesures qui submergent des structures de soin déjà saturées et suscitent un rejet croissant
2. Plus la justice ordonne, plus le soin abandonne
3. Vers un meilleur ciblage des obligations de soins : des évolutions procédurales à explorer, des évaluations à conduire

III. DES INITIATIVES LOCALES POUR PALLIER CES DÉFAILLANCES STRUCTURELLES : ACCOMPAGNER LA SORTIE, RECRÉER DES PONTS VERS LE SOIN
A. FACE AUX LIMITES DU DROIT COMMUN, DES APPELS À CRÉER DES DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES
B. L'ÉMERGENCE DE STRUCTURES SPÉCIALISÉES EN MILIEU OUVERT
C. LES ÉQUIPES MOBILES TRANSITIONNELLES

QUATRIÈME PARTIE : LES MINEURS : À BESOINS PLUS CRIANTS, RÉPONSES PLUS INSUFFISANTES

I. DES BESOINS "INDÉCENTS"
A. DES DONNÉES RARES MAIS RÉVÉLATRICES, DES OBSERVATIONS CONVERGENTES
1. Une seule étude nationale globale, ancienne mais révélatrice 
2. Une étude de référence en centre éducatif fermé : un faisceau d'indicateurs alarmants 
3. L'observation de troubles plus fréquents, plus sévères, plus complexes
4. Des addictions plus diversifiées, presque généralisées 
B. UNE DOUBLE FAILLITE EN AMONT : AIDE SOCIALE À L'ENFANCE ET PÉDOPSYCHIATRIE SINISTRÉES
1. Le délabrement de l'ASE, "catastrophe sanitaire"
2. L'effondrement de la pédopsychiatrie

II. DES DIFFICULTÉS ACCRUES D'ACCÈS À DES SOINS COORDONNÉS ET ADAPTÉS
A. UNE PRISE EN CHARGE DES MINEURS PRIVÉS DE LIBERTÉ HÉTÉROGÈNE
1. Des capacités de prise en charge variables selon type d'établissement
2. Des angles morts et des carences
B. EN MILIEU OUVERT, UNE PRISE EN CHARGE TRÈS LACUNAIRE ET INÉGALE QUI REPOSE SUR DES PARTENARIATS FRAGILES
1. Une prise en charge inégale, un fossé qui se creuse entre l'offre et la demande 
2. Une orientation médico-sociale entravée pour les mineurs en situation de handicap
C. DES FREINS QUI S'ADDITIONNENT : RUPTURES FRÉQUENTES, PUBLIC DIFFICILE D'ACCÈS, INDISPONIBILITÉ DES PSYCHOLOGUES
1. Des parcours faits de successions de ruptures
2. Un public difficile à mobiliser, souvent éloigné du soin
3. Des psychologues de la PJJ en perte de capacité d'action
4. Des structures encore largement hors champ : renforcer le contrôle des établissements de la PJJ et de l'ASE

CINQUIÈME PARTIE : UNE GOUVERNANCE À DÉCLOISONNER ET UN PILOTAGE À RENFORCER AU SERVICE D'UNE RÉPONSE PLUS INTÉGRÉE ET EFFICIENTE

I. UNE POLITIQUE PUBLIQUE MINÉE PAR LE CLOISONNEMENT ET LA FRAGMENTATION INSTITUTIONNELLE
A. UNE POLITIQUE PUBLIQUE QUI FABRIQUE SON PROPRE ÉCHEC À L'INTERSECTION DE TROIS SERVICES PUBLICS EN CRISE
1. Une situation qui achève d'asphyxier l'administration pénitentiaire
2. Un malaise croissant parmi les professionnels de la PJJ, une action éducative mise à mal
3. Un système de santé débordé, des soignants en prise avec un sentiment d'échec massif
4. Une justice submergée par un système qui produit massivement de la délinquance et de la récidive
B. UNE POLITIQUE PUBLIQUE AFFAIBLIE PAR LE CLOISONNEMENT, LES INCOMPRÉHENSIONS ET UNE COORDINATION LACUNAIRE
1. Entre santé et pénitentiaire : une articulation toujours insuffisante, des tensions persistantes
2. Un dialogue à structurer entre justice et psychiatrie 
3. Un décloisonnement nécessaire au sein même du champ sanitaire
4. Engager une concertation interinstitutionnelle sur l'avenir de la prison en y intégrant la question de la régulation carcérale
C. STRUCTURER LE DÉVELOPPEMENT D'ALTERNATIVES À L'INCARCÉRATION FONDÉES SUR UNE APPROCHE INTÉGRÉE
1. De l'expérimentation locale au pilotage national : cadrer et accompagner le développement des justices résolutives de problèmes
2. L'expérimentation AILSI, alternative à l'incarcération fondée sur le rétablissement et le décloisonnement

II. UN PILOTAGE À REFONDER
A. UN PILOTAGE DÉFAILLANT, UNE GOUVERNANCE À REPENSER
B. UN PILOTAGE AVEUGLE : DES DONNÉES LACUNAIRES, UNE CULTURE DE L'ÉVALUATION ENCORE TROP ABSENTE
C. UN EFFORT DE FORMATION MASSIF À DÉPLOYER 

EXAMEN PAR LE COMITÉ
ANNEXE N° 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES
ANNEXE N° 2 : LETTRE DE L'ASSOCIATION DES SECTEURS DE PSYCHIATRIE EN MILIEU PÉNITENTIAIRE ET DE L'ASSOCIATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ EXERÇANT EN PRISON À LA MINISTRE DU TRAVAIL, DE LA SANTÉ, DES SOLIDARITÉS ET DES FAMILLES EN DATE DU 4 MAI 2025