Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, à ITélé le 15 novembre 2011, sur les agences de notation, la lutte contre la fraude sociale, l'instauration d'un jour de carence pour les arrêts-maladie dans la fonction publique et la proposition de l'UMP de créer un "droit à l'achat" pour les locataires de HLM.

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Média : Itélé

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER Benoist APPARU, sans uniforme gouvernemental ! 0,4 % de croissance au 3ème trimestre en France, c'est peu, même si c'est mieux que prévu, on prévoyait 0,3. On... pas de quoi triompher quand même.
 
BENOIST APPARU Pas de triomphalisme, mais une petite bouffée d’oxygène, parce que c'est effectivement mieux que prévu, donc ça nous permet de se dire que l’on aura la prévision de croissance sur laquelle est fondée l’hypothèse budgétaire 2011, sera à peur près validée d’ici ... l’année, il reste 0,2 à faire, ce n'est pas forcément évident, mais en tout cas, ça nous donne des perspectives intéressantes pour 2011.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ce qui se passe en France, fait que le pays ne mérite pas son triple A, c'est une agence germano-portugaise qui a rendu ce rapport. Que lui répondre ?
 
BENOIST APPARU Que ce n'est pas à elle de le décider et que nous, on fait tout pour se mettre en ligne et respecter nos engagements. Quel est l’objectif ? Ce n'est pas de garder le triple A pour le triple A, il ne s’agit pas non plus de flinguer les agences de notation, c'est un thermomètre. Il s’agit de se dire que quoi qu’il arrive, il faut réduire notre dépense. Pourquoi ? Parce que les banques, parce que ceux qui nous prêtent de l’argent, n’ont plus confiance dans la signature des Etats, et donc, impératif pour nous, respecter la trajectoire que nous avons annoncée à Bruxelles, de réduction de nos déficits.
 
CHRISTOPHE BARBIER On paie déjà l’argent plus cher que les Allemands...
 
BENOIST APPARU Bien sûr.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce à dire que la perte du triple A, finalement, ne sera pas grave ?
 
BENOIST APPARU Ça veut juste dire que l’on s’engage dans une spirale négative et descendante, comme ce que l’on a pu voir sur d’autres pays, je pense à l’Espagne, je pense à l’Italie, je pense à la Grèce...
 
CHRISTOPHE BARBIER Donc il faut l’éviter quand même.
 
BENOIST APPARU Et donc il faut l’éviter, quoi qu’il arrive. Là encore, sincèrement, je sais que l’on a la facilité de dire : c'est à cause des banques, c'est à cause des agences de notation, c'est à cause de qui vous voulez. Non, c'est d’abord à cause de ceux, nous, tous confondus, qui avons trop dépensé. Le reste, c'est une sanction, c'est un jugement, mais la conséquence première c'est la dépense publique.
 
CHRISTOPHE BARBIER Bruxelles veut encadrer néanmoins les agences de notation, c'est un peu un sabre de...
 
BENOIST APPARU Bien sûr.
 
CHRISTOPHE BARBIER ... mais enfin, quand on voit la boulette de STANDARD & POOR'S, faudrait peut-être faire plus.
 
BENOIST APPARU Eh bien ça veut dire que...
 
CHRISTOPHE BARBIER Il faut des sanctions ?
 
BENOIST APPARU ... c'est indispensable qu’il y ait un tiers extérieur qui puisse juger de la qualité des dépenses publiques. Indispensable.
 
 
CHRISTOPHE BARBIER C'est les agences.
 
BENOIST APPARU Les agences.
 
CHRISTOPHE BARBIER ... notées, quand même, les agences, aussi.
 
BENOIST APPARU A condition, à condition effectivement qu’on soit sûr que ces agences ne fassent pas de boulettes. Elles en ont fait régulièrement, on l’a vu avec les subprimes qui étaient notés Triple A, on l’a vu ces dernières semaines avec un fax, un mail ou je ne sais quoi, qui part dans tous les sens avec une fausse information, donc oui, à un moment, il faut pouvoir sanctionner ceux qui font mal leur boulot. Vu l’impact, l’importance qu’ont les agences de notation, quand une banque est dégradée par erreur, eh bien son cours s’effondre, les épargnants qui avaient investi dans la banque sont ruinés.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il faut punir l’agence.
 
BENOIST APPARU Eh bien il faut punir l’agence à ce moment-là.
 
CHRISTOPHE BARBIER 5 000 emplois supprimés en France, pour PEUGEOT, ça sera sans doute annoncé aujourd'hui, sur 6 000 au total dans le monde. Que faire, que peut faire le gouvernement pour empêcher cela ?
 
BENOIST APPARU Ecoutez, on va déjà attendre l’annonce, et puis à ce moment-là, effectivement, le gouvernement français prendra ses responsabilités. Eric BESSON travaillera évidemment avec les dirigeants de PEUGEOT pour que ce type d’annonce, un, ne soit pas faite, PEUGEOT assure d’ailleurs la plupart de ses productions en France, c'est plutôt bien par rapport à d’autres grandes entreprises...
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous pensez à RENAULT.
 
BENOIST APPARU Je n’ai cité personne, mais par rapport à d’autres grandes entreprises, RENAULT produit la plupart de ses véhicules en France...
 
CHRISTOPHE BARBIER PEUGEOT, oui.
 
BENOIST APPARU PEUGEOT, pardon, produit la plupart de ses véhicules en France, on e, verra les conséquences plus tard.
 
CHRISTOPHE BARBIER C'est la recherche, c'est la recherche et le développement qui seraient touchés, pas bon signe pour l’avenir.
 
BENOIST APPARU Pas bon signe, effectivement. La croissance de demain se prépare par la recherche et le développement, c'est pour ça que l’Education, la Recherche, Enseignement supérieur, doit être le projet présidentiel par excellence, parce que si on veut se différencier des grands pays émergeants, ce n'est par la capacité de production que l’on y arrivera, c'est par l’intelligence que l’on sera capable de mettre en place, de produire et d’inventer dans notre pays.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors, aujourd'hui, le projet du président en déplacement à Bordeaux, c'est de cibler les fraudes aux arrêts maladie. Vous cherchez des bouc-émissaires pour justifier les déficits sociaux ?
 
BENOIST APPARU Ce n'est pas une question de bouc-émissaire. Quand vous avez, dans les estimations diverses et variées, 40 à 50 milliards d’euros qui partent en fumée tous les ans en fraude sociale ou en fraude fiscale, ce n'est pas un petit sujet !
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors, on dit 4 milliards chez Xavier BERTRAND, 20 milliards chez les députés, d’où sortent ces chiffres ?
 
BENOIST APPARU Regardez... regardons les chiffres. Mais, ce sont des estimations, là encore, je ne peux pas vous garantir que l’on en a 40 comme ça, à la virgule près, simplement les estimations qui sont les vôtres, par exemple quand on regarde le nombre de salariés, le nombre de cotisations sociales qui sont payées par rapport à ça, eh bien on peut en déduire des taux de fraude. On a fait un plan, là, de réduction des déficits, 7 milliards. Au mois de juillet c’était 11 milliards, ça fait 20 milliards, et on demande à toute une série de secteurs professionnels, de faire attention, de serrer un peu la ceinture. En face de ça, vous avez potentiellement 20 à 40 milliards d’euros, en fraude fiscale et sociale, j’ai bien mis les deux, qui sont en jeu, et, oui, s’attaquer à ça, c'est naturel. Il y a des gens qui bossent, c'est normal que celui qui « fraude » ou l’entreprise qui « fraude », soient sanctionnés et punis.
 
CHRISTOPHE BARBIER 30 % de jours d’arrêts maladie en plus chez les fonctionnaires, que dans le privé. C'est des tirs-au-flanc les fonctionnaires ?
 
BENOIST APPARU Non, c'est n'est pas des tirs-au-flanc, il faut arrêter cet espèce de schéma qui consiste à dire que les fonctionnaires bossent mal. Moi je bosse tous les jours avec des fonctionnaires, ils bossent très bien. Je le vois dans ma municipalité comme dans mon ministère.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais enfin, ils s’arrêtent plus, quand même.
 
BENOIST APPARU On a de bons fonctionnaires. Il se trouve qu’effectivement, il y a encore un certain nombre d’avantages, qui sont supérieurs dans la Fonction publique, au secteur privé, et qu’il faut, au fur et à mesure du temps, aligner. Le deal avec la Fonction publique, c'est quoi ? Le deal historique : vous avez la sécurité de l’emploi et donc vous avez cette protection absolue, et vous aurez des conditions de travail, rémunération notamment, un peu moindres que dans le privé. Eh bien cet équilibre-là, il faut impérativement le maintenir. Aujourd'hui, si effectivement, dans le privé, il y a des différences par rapport aux fonctionnaires, il faut réaligner l’ensemble.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le jour de carence, le fait qu’on ne les indemnise plus au premier jour d’arrêt maladie, les fonctionnaires, ça va être dissuasif ?
 
BENOIST APPARU Je ne sais pas si ça sera dissuasif, en tout cas, ça me parait une bonne idée pour les deux raisons que je viens d’évoquer : un, pour mieux lutter contre les fraudes, et deux, parce que, je me répète, il faut aligner public et privé.
 
CHRISTOPHE BARBIER C'est peut-être le un sur deux, la RGPP, qui font que les fonctionnaires craquent sous la charge de travail, non ?
 
BENOIST APPARU Il ne faut pas exagérer. Nous avons, à l’heure où nous parlons, un million de fonctionnaires de plus qu’en 1990. Je n’ai pas souvenir qu’en 1989, la France soit un pays sous-administré. On a quand même créé un million de postes de fonctionnaires. Je vous rappelle qu’à 40 000 heures en moyenne, ça fait la bagatelle de 40 milliards d’euros par an. 40 milliards d’euros par an, et donc, oui, le 1 sur 2, il faut le poursuivre.
 
CHRISTOPHE BARBIER L’UMP veut vendre les HLM à ceux qui les louent, à ceux qui les habitent, histoire de financer tout cela. Qui pourra, en pleine crise, s’acheter des logements HLM, même à 35 % en dessous du prix du marché ?
 
BENOIST APPARU Vous savez, quand vous regardez, quand vous faites des sondages auprès des acteurs HLM, ce n'est pas moi qui les fais, c'est l’Union sociale pour l’habitat, la fédération des HLM, vous avez 85 % des locataires HLM qui voudraient acheter leur logement
 
CHRISTOPHE BARBIER Ce n'est pas leurs moyens, ils n’ont pas les moyens.
 
BENOIST APPARU Ils on pas tous les moyens, mais grand nombre d’entre eux pourraient le faire, et on peut très bien imaginer un dispositif où pour quasi l’équivalent du loyer, ceux qui effectivement louent leur HLM, pourraient l’acheter, pour la même chose que le loyer. Et ça me parait une excellente idée, parce que ça veut dire que l’on fait des propriétaires, on donne une espérance aux plus modestes, de devenir propriétaire, de se constituer un patrimoine, de leur transmettre à leurs enfants, et au passage, on invente un nouveau modèle économique, moins basé sur l’argent public, plus basé sur les fonds propres des HLM.
 
CHRISTOPHE BARBIER 10 % réservés aux classes moyennes des HLM, c'est exclure les plus pauvres, quand même.
 
BENOIST APPARU Ce n'est pas ce qu’on fait, ce n'est pas la proposition...
 
CHRISTOPHE BARBIER C’est ce que propose l’UMP.
 
BENOIST APPARU Non non, non non. L’UMP propose, pas ça, l’UMP propose en plus du HLM, de créer une nouvelle catégorie de logements, intermédiaires pour les classes moyennes, qui s’ajoutent aux HLM, ce n'est pas en déduction du HLM.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous irez à Puteaux où 48 % des élus UMP ont un logement HLM, pour mettre un peu d’ordre ?
 
BENOIST APPARU On va regarder ça de près, parce que je trouve que la question morale au sein du monde HLM est très importante, mais à ce moment-là, ce n'est pas une question d’élus, ce n'est pas parce qu’on est élu qu’on a le droit ou qu’on n’a pas le droit à un logement social, c'est en fonction du salaire. Si vous avez les revenus pour être en HLM, eh bien vous avez droit d’y être, si vous n’avez pas les revenus pour être dans le HLM, vous sortez.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 15 novembre 2011