Déclaration de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le projet de loi tendant à renforcer la maîtrise du risque technologique, Paris le 13 février 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Nous nous retrouvons aujourd'hui, pratiquement 5 mois après la catastrophe de l'usine AZF à Toulouse, à l'occasion de l'examen en Conseil des Ministres d'un projet de loi tendant à renforcer la maîtrise du risque technologique. C'est un texte qui constitue une étape d'un programme d'ensemble que je voudrais tracer devant vous. Avant de vous le présenter, je souhaiterais faire avec vous un petit retour en arrière pour que nous constations ensemble l'ampleur du travail réalisé ces derniers mois et les efforts encore à accomplir.
La catastrophe survenue le 21 septembre 2001 sur le site de l'établissement Grande Paroisse - AZF à Toulouse, qui a entraîné la mort d'une trentaine de personnes, provoqué plusieurs milliers de blessés dont des dizaines très gravement et des dégâts matériels estimés à plusieurs milliards d'euros, a rappelé brutalement la vulnérabilité de nos sociétés au risque industriel. De multiples démarches ont été engagées, non seulement pour comprendre les causes et les circonstances de l'explosion, mais aussi pour comprendre les raisons de l'ampleur des conséquences et pour réfléchir aux moyens d'éviter qu'un tel événement ne se reproduise à l'avenir, en France, mais aussi en Europe.
Brièvement, je rappellerai que, pour ce qui concerne Toulouse, outre l'enquête judiciaire qui se poursuit et l'enquête interne menée par le Groupe Totalfinaelf, nous avons demandé à l'Inspection générale de l'environnement d'examiner la manière dont était contrôlé ce site. Son rapport a été remis le 24 octobre 2001. Jean-Claude Gayssot a demandé pour sa part un rapport sur la façon dont s'est développé l'urbanisme autour des sites à risques à Toulouse, que le Conseil Général des Ponts et Chaussées lui remettra prochainement. Par ailleurs, de multiples expertises ont été réalisées et sont encore en cours pour ce qui concerne les installations voisines du site.
Dès le 28 septembre, le Premier Ministre a souhaité que soit organisé un large débat national sur le risque industriel. 26 tables rondes régionales et une table ronde nationale se sont tenues entre le 15 novembre 2001 et le 11 décembre 2001 sous mon autorité et sous celles de Marie-Noëlle Lienemann et de Christian Pierret. Philippe Essig, chargé de la coordination de l'ensemble de la démarche a remis son rapport au Gouvernement au début de cette année. Une concertation avec les partenaires sociaux à l'initiative d'Elisabeth Guigou a porté sur le renforcement de l'intervention des représentants du personnel et sur les améliorations de la prévention des risques professionnels liés aux travaux exécutés par des entreprises extérieures dans les entreprises à risques.
Parallèlement, l'Assemblée nationale a mis en place à la mi-octobre une Commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles. François Loos, son Président, et Jean-Yves Le Déaut, son rapporteur, viennent de rendre public leur rapport. Un débat sur le risque s'est tenu au Sénat en novembre 2001. Au plan européen, enfin, le Parlement a émis une résolution à ce sujet en octobre 2001. Les ministres en charge de l'environnement des pays de l'Union Européenne ont débattu de cette question lors du Conseil du 29 octobre 2001 à partir d'un mémorandum préparé par la France.
Et je suis loin d'être exhaustif. Tous ceux qui se sont exprimés partagent le même constat insupportable : notre vigilance collective sur les questions de risque industriel s'est affaiblie au fil des années, tant au niveau des entreprises qu'au niveau des organisations syndicales, des pouvoirs publics européens, nationaux ou des élus locaux, des associations, des parlementaires. J'ai senti en réaction une forte demande de débat et une volonté de faire de multiples propositions sur les questions du risque. Je ne citerai qu'un chiffre : plus de 7000 personnes ont participé aux débats régionaux que nous avons organisés.
A la suite de cette grande mobilisation, il est aujourd'hui possible de tracer un programme d'ensemble sur la question du risque technologique. Le plus grand défi qui est devant nous est d'être en mesure de faire que, désormais, la vigilance reste permanente sur les questions de risque. C'est une action durable de nature multiple que le Gouvernement se propose d'engager pour y arriver. Nous sommes donc au début d'un processus qui devra être construit avec l'ensemble des partenaires concernés. Les dispositions législatives incontournables ont été rassemblées dans le projet de loi présenté ce matin. Mais bon nombre d'autres éléments ne sont pas de nature législative. Ils doivent faire l'objet de travaux qui débuteront dès aujourd'hui.
Je vais vous décrire ce programme en évoquant tour à tour ces trois principaux volets, à savoir :
- Etre en mesure de faire que toutes les installations industrielles présentant des risques soient moins dangereuses, notamment par ce que l'on appelle la réduction du risque " à la source " ;
- Etre en mesure de limiter les conséquences d'un accident éventuel et d'en surmonter au mieux les effets ;
- Renforcer la vigilance de tous sur les questions de risque.
Etre en mesure de faire que toutes les installations industrielles présentant des risques soient moins dangereuses
C'est, bien entendu, la priorité des priorités aujourd'hui réaffirmée.
Avant d'évoquer les dispositions prévues dans le projet de loi sur cette question, je voudrais vous décrire plusieurs des mesures non législatives que le Gouvernement se propose de mettre en uvre.
Il est avant tout nécessaire pour cela de mieux connaître les risques et les moyens de les prévenir. A cet égard, l'expertise et la recherche publique seront renforcées. Le mouvement engagé en 2002 pour renforcer les moyens de l'INERIS a vocation à se poursuivre dans les prochaines années. Les partenariats français et européens de l'INERIS seront développés. J'attends des industriels qu'ils se mobilisent également pour renforcer leur propre expertise dans le domaine.
La législation sur les installations classées constitue au niveau européen une référence pour prévenir les accidents et les pollutions. Sa mise en uvre doit malgré tout être encore renforcée. Des réglementations techniques prises sur le fondement du code de l'environnement et propres à certains secteurs à risque seront élaborées ou actualisées. Elles s'appuieront sur les meilleures technologies disponibles en matière de prévention des accidents et de limitation de leurs effets. Elles seront complétées par des guides techniques.
En particulier, les réglementations applicables aux activités impliquant des nitrates d'ammonium mis en cause dans l'explosion d'AZF seront renforcées. D'ores et déjà, au plan communautaire, la France a proposé que la directive Seveso 2 soit modifiée par modification et sévérisation des dispositions visant les nitrates d'ammonium, comme elle l'avait évoqué dans son mémorandum présenté lors du Conseil des ministres de l'environnement du 29 octobre 2001. Cette modification devrait intervenir dans le courant de cette année sur la base d'un amendement proposé par notre pays. Le prochain Conseil environnement, le 4 mars, permettra de faire le point sur ce sujet.
Certaines activités particulièrement dangereuses, comme les dépôts de gaz liquéfiés ou les silos de stockage de céréales, sont aujourd'hui insuffisamment, voire pas du tout réglementées par les dispositions relevant de la directive Seveso 2. Pour ce type d'activités, je proposerai prochainement une modification des seuils de la nomenclature des installations classées. Enfin, je souhaite que les autorisations d'exploiter les installations les plus dangereuses soient délivrées par arrêté du ministre en charge de l'environnement après instruction par l'inspection des installations classées, de façon à assurer un traitement plus homogène de ces installations. Je proposerai prochainement une modification du code de l'environnement en ce sens.
Le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale a mis en évidence que les investissements pour la réduction du risque à la source pouvaient être coûteux et que les exploitants pouvaient hésiter à les engager spontanément, du fait des conséquences potentielles sur l'équilibre économique de l'activité. Cela pose la question des voies pour les encourager à réaliser de tels investissements, y compris en allant plus loin que ce qui résulte de la réglementation.
Le rapport de l'Assemblée suggère des pistes à étudier en ce sens (crédit d'impôt sûreté, aides directes à l'investissement, possibilité d'exonération de taxe professionnelle). Le Gouvernement étudiera ces pistes en vue de la préparation de la prochaine loi de finances.
Pour ce qui concerne les aides directes, en particulier celles qui pourraient être attribuées par les collectivités locales, la principale condition à remplir est la compatibilité avec le cadre communautaire qui régit les aides d'Etat. Le Gouvernement saisira donc la Commission afin de pouvoir appliquer aux investissements de réduction des risques à la source l'encadrement des aides à la protection de l'environnement, ou bien de définir un cadre adapté, et de voir autorisées dans ce cadre les interventions des collectivités.
Un des outils essentiels de la maîtrise des risques est l'étude de danger, dont le rapport parlementaire vient de rappeler le rôle focal. Le recours à la tierce expertise des études de danger des industriels sera systématisé pour les établissements SEVESO seuil haut. La pratique de la tierce expertise sera rendue plus performante et crédible au travers d'une charte de l'expertise qui énoncera des exigences de qualités de l'expertise et les conditions d'indépendance et de reconnaissance de cette qualité. Un groupe national de coordination des tiers experts sera créé et animé par l'INERIS en vue d'une meilleure cohérence scientifique. L'intervention d'experts étrangers sera encouragée, comme cela a été le cas pour l'organisme hollandais TNO à Toulouse.
L'évaluation des risques et la détermination des conséquences d'un accident nécessitent d'être mieux harmonisés. Un comité d'experts en risque industriel rattaché au Conseil supérieur des installations classées auprès du ministre chargé de l'environnement sera institué à cette fin. Ce comité devra notamment déterminer les fonctions de sécurité qui devraient faire l'objet de spécifications nationales. Pour ce qui concerne le management de la sécurité, le directive Seveso 2 prévoit l'obligation de mettre en place un système de gestion de la sécurité et en décrit son contenu. Le comité d'experts évaluera la mise en uvre de cette disposition et proposera les évolutions éventuelles à y apporter. Enfin, le Conseil supérieur des installations classées renforcé disposera d'un pouvoir d'auto-saisine et de celui de commander des expertises.
Lors des débats menés ces derniers mois, deux questions ont fait l'objet de multiples interventions : le rôle des salariés et de leurs représentants dans la prévention des risques professionnels ainsi que les moyens de faire face aux risques présentés par la multiplicité d'intervenants sur un même site d'une part, la question du transport des matières dangereuses d'autre part,
Le premier point constitue l'un des volets du projet de loi présenté ce matin. Il s'agit de répondre aux situations très complexes résultant du recours à la sous-traitance, en donnant au responsable de l'établissement dangereux une maîtrise globale du risque sur son site. Une obligation nouvelle d'évaluation des risques et de définition des mesures de prévention, menés en commun par l'entreprise donneuse d'ordre et les entreprises extérieures, est instaurée, le responsable de l'établissement dangereux s'assurant du respect des mesures décidées. Les salariés disposeront d'une représentation du personnel qui, par la mise en place d'un comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail doté de deux formations, l'une d'établissement, l'autre de site, contribuera à l'analyse des risques et proposera des mesures de prévention sur l'ensemble du site. Une formation d'accueil à caractère pratique, adaptée aux risques spécifiques de l'établissement, devra être dispensée aux salariés des entreprises extérieures avant le début de leur intervention. Leur employeur devra, de son côté, leur assurer une formation préparatoire à cette intervention. Des moyens de prévention et de secours, chargés de veiller en permanence à la sécurité des travailleurs, devront être mis en place. Il s'agit, à travers les dispositions de ce projet de loi sur ce volet, d'avancées importantes quant au rôle des salariés dans les questions de sécurité les concernant et, au delà, d'avancées marquantes du droit du travail.
La maîtrise du risque à la source dans les sites dangereux, dont une option porte sur la réduction des stocks, impose par ailleurs d'intégrer la question des transports de matières dangereuses dans les études de danger. De plus, le développement de la multimodalité pose avec une acuité accrue la question de la sécurité au sein des lieux de rupture de charge ou de concentration de moyens de transports, comme les ports, les gares, les parkings pour poids lourds. Une réflexion sera engagée avec les exploitants par Jean-Claude Gayssot sur le renforcement des mesures à prendre, qui sera déclinée au niveau local en liaison avec les collectivités concernées. En site urbain, les flux de transports de marchandises dangereuses doivent être organisés à l'échelle des agglomérations, en complément des analyses qui seront réalisées aux abords des sites. Il sera donc proposé aux collectivités locales de prévoir un volet spécifique au transport de marchandises dangereuses dans le chapitre relatif au transport de marchandises des Plans de déplacements urbains.
Enfin, il y a la question du contrôle par les pouvoirs publics des installations dangereuses. Les moyens de l'inspection des installations classées ont augmenté de près de 40% depuis 1997, alors qu'ils avaient stagné sous les deux gouvernements précédents. Cette évolution doit se poursuivre au cours des prochaines années , comme nous y invitent le rapport de la Cour des comptes et le rapport de la Commission d'enquête parlementaire. De même, les moyens de la direction de la prévention des pollutions et des risques seront renforcés, en particulier, au sein de cette direction, ceux du service de l'environnement industriel chargé de la mise en uvre de la plupart des mesures. De plus, la consolidation des missions exercées par cette direction, et notamment par ce service seront des paramètres importants pour l'organisation future du ministère en charge de l'environnement. Outre ces augmentations de moyens, le pilotage de l'inspection des installations classées au sein des DRIRE sera renforcé afin d'améliorer l'exercice de l'autorité et le reporting, accentuer les compétences techniques et la capacité à s'appuyer sur une tierce expertise dès qu'elle est nécessaire. Enfin, des pôles de compétences régionaux sur les risques seront créés et une réflexion sur le fonctionnement et la composition des Conseils départementaux d'hygiène sera engagée.
Enfin, la collaboration entre les services de l'inspection des installations classées et ceux de l'inspection du travail sera développée. Je peux vous indiquer que les deux directeurs compétents ont déjà demandé à ces services de travailler ensemble par une instruction commune du 14 Décembre dernier. Cette instruction prévoit l'échange d'informations sur la situation des établissements à risques, des actions de contrôle conjointes et une instruction cohérente des dossiers de sécurité remis par les industriels. Par ailleurs, les synergies existantes avec les services de prévention des caisses régionales d'assurance-maladie seront renforcées.
Quant à l'organisation même des DRIRE, vous savez que le Premier Ministre le 11 décembre 2001 a demandé aux ministres en charge de lui faire des propositions. Vous connaissez ma position sur ce sujet. Elle va au delà des propositions faites dans un rapport récent sur l'organisation des services de l'Etat en charge de l'environnement du Préfet Dubois. J'en ai fait part aux ministres concernés. Je crois que le problème est posé et qu'il devra trouver sa réponse dans l'organisation future de ce ministère.
Les services centraux de l'Etat concernés par la politique des risques industriels renforceront leur collaboration avec les administrations étrangères équivalentes. Les inspections de sites conjointes avec des autorités étrangères seront développées. Des échanges d'inspecteurs avec d'autres Etats européens seront mis en place. Dans le cadre de son programme d'inspection annuel des services déconcentrés, l'inspection générale de l'environnement examinera plus particulièrement le suivi des établissements industriels dangereux. La formation initiale et continue des agents des services de l'Etat concernés par la politique des risques industriels sera renforcée et améliorée dans le domaine des risques industriels. Elle sera périodiquement réactualisée pour tenir compte de l'évolution de l'état de l'art technologique.
Tous les développements que je viens de faire sur la prévention des risques illustrent l'éventail des outils que le Gouvernement va mobiliser pour améliorer la maîtrise du risque à la source.
Je vais être plus court sur les deux autres volets.
Etre en mesure de limiter les conséquences d'un accident éventuel et en surmonter au mieux les effets
Dès lors que, malgré toutes les mesures prises pour le prévenir, il n'est pas possible d'exclure la survenue d'un accident, des mesures doivent être envisagées pour réduire ses conséquences s'il survient.
Chacun a été frappé à Toulouse de la très grande proximité des usines à risque avec la population. C'est avant tout un héritage du passé, mais ceci montre aussi les limites des outils et des méthodes actuels de maîtrise de l'urbanisation. La loi traite aujourd'hui de manière satisfaisante le cas de l'implantation d'une installation dangereuse nouvelle sur un site nouveau. Par contre, il est nécessaire de la faire évoluer pour ce qui concerne l'implantation d'une installation dangereuse sur un site existant, et pour traiter la question de l'urbanisation autour des installations dangereuses existantes. Le projet de loi qui a été examiné ce matin en Conseil des Ministres tente d'apporter une première réponse à ces questions. C'est un sujet difficile, je crois que le projet de loi constitue une première étape qui devra évoluer en fonction de l'efficacité de sa mise en oeuvre, sachant que, sur ce type de problème, tout ne relève pas de la loi.
Pour ce qui concerne l'implantation ou la modification d'une installation dangereuse sur un site existant, le projet de loi propose d'étendre le mécanisme de l'indemnisation à la charge de l'industriel, tel qu'il existe aujourd'hui pour l'implantation d'une installation dangereuse sur un site nouveau.
Pour ce qui concerne les installations existantes, le projet de loi crée des Plans de prévention des risques technologiques (PPRT) pour, en complément des dispositions prévues par la législation des installations classées visant à réduire le risque à la source, proposer des mesures de prévention pour le voisinage. Le projet définit les mesures pouvant être appliquées dans les zones couvertes par le plan : les limitations de construction futures, les mesures constructives visant à renforcer la protection des tiers et un droit de préemption des biens au profit des communes. Pour accélérer la mise en uvre de ces dispositions, des conventions financières pourront être conclues entre les acteurs concernés localement, industries à l'origine des risques et collectivités locales. Le Gouvernement souhaite qu'un dispositif financier complémentaire à ces conventions soit défini dans un calendrier cohérent avec l'adoption du projet de loi. Il pourra prendre la forme de fonds mis en place au niveau régional et alimentés par les collectivités territoriales, les industriels et l'Etat. Les interventions respectives de l'Etat et des collectivités territoriales à ces fonds pourraient être discutées selon des formes proches de ce qui se fait dans les contrats de plans Etat-région. Les modalités de participation des industriels à ce dispositif doivent faire l'objet d'une concertation. Dans d'autres domaines, je pense en particulier aux réseaux de mesure de la qualité de l'air, une solution efficace a pu être trouvée.
Ces nouveaux outils juridiques doivent permettre d'engager une politique active de renouvellement urbain autour des sites existants. Cette démarche active est particulièrement nécessaire pour certains sites enserrés dans des périmètres de risques et qui doivent trouver des solutions équilibrées entre leur protection et l'évolution des attentes sociales et urbaines des habitants. Une meilleure maîtrise du risque à la source, des règles de construction adaptées, couplées avec une concertation renforcée avec les riverains, doivent permettre de répondre à ces enjeux.
Pour ce qui concerne les futures implantations, une réflexion concertée, dans le cadre des Directives Territoriale d'Aménagement (DTA) et des Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) prévus par la loi Solidarité et Renouvellement urbain (SRU), permettra dans chaque bassin d'activité d'identifier les équilibres nécessaires pour la localisation des sites à risques et leurs implications en termes de transports de marchandises dangereuses.
Au niveau européen, toujours à la suite du mémorandum déposé par la France le 29 octobre 2001, sachez que se tient cette semaine à Lille un séminaire sous l'égide de la Commission Européenne et relatif à la maîtrise de l'urbanisation autour des installations à risque. La encore, les conséquences à tirer des réflexions menées pourront être évoquées le 4 mars lors du Conseil environnement.
Pour réduire les conséquences d'un accident, il est nécessaire également que chacun, pouvoirs publics, industriels, riverains d'une usine, sache comment se comporter en situation accidentelle. L'élaboration des plans particuliers d'intervention autour des établissements Seveso sera menée à terme. Ces plans feront l'objet d'exercices réguliers de la part des services de l'Etat. Des exercices de grande ampleur associant les populations seront également menés. Enfin, l'INERIS met actuellement en place une cellule technique d'appui opérationnelle en cas d'accident industriel. Elle pourra fournir tous les appuis techniques nécessaires aux services locaux en matière d'évaluation des risques lors de la survenue d'un accident.
Concernant le rôle des assurances, il ne faut pas qu'au traumatisme d'un accident industriel, s'ajoute, pour les victimes, celui des indemnisations. Pour ce faire, la collectivité nationale doit se fixer des règles strictes en matière de délais ou de qualité d'indemnisation. Je pense qu'on peut s'appuyer sur les propositions du rapport des parlementaires pour réfléchir aux moyens d'avancer dans ce sens, en alliant approche conventionnelle et encadrement législatif.
En outre, les industriels travaillant sur des sites sensibles devront disposer obligatoirement d'une assurance de responsabilité civile, sans garder à leur charge, par des moyens opaques, une part excessive des risques pris. Cette assurance devra être transparente, solvable et capable de gérer efficacement d'éventuels sinistres.
Enfin, face à son assureur, la victime d'une catastrophe se trouve souvent seule et démunie. L'Etat doit pouvoir se mobiliser dans les meilleurs délais pour informer, coordonner, concilier. Il nous faut instituer une cellule nationale permanente, capable de réagir très vite et disposant d'un réseau de représentants locaux préalablement identifiés.
Renforcer la vigilance de tous sur les questions de risque.
Je terminerai sur les mesures qui m'apparaissent nécessaires pour chacun d'entre nous renforce sa vigilance sur les questions de risque, pour que se développe une véritable culture de la sécurité en France. Je crois en effet qu'au delà des lois et des règlements, il faut que chacun d'entre nous s'approprie ces questions de risque
Le projet de loi prévoit que des comités locaux d'information et de prévention sur les risques technologiques seront créés par les préfets sur tout site comprenant une ou plusieurs installations SEVESO. Ils pourront recourir à des experts et faire procéder à toute évaluation quant aux risques. L'Etat accompagnera la mise en place des comités et assurera leur animation.
La large diffusion d'informations relatives aux enseignements tirés de l'analyse des accidents industriels constitue un élément essentiel du dispositif de prévention. Les efforts engagés pour mettre ces données sur le site Internet http://aria.environnement.gouv.fr à disposition de l'ensemble des entités qui ont à gérer les risques seront amplifiés. Une nouvelle présentation de l'échelle de gravité des incidents et accidents sera développée pour améliorer la lisibilité et le suivi du retour d'expérience. Enfin, les Systèmes d'Information Géographique sur les risques seront développés.
Enfin, les mesures que j'ai évoquées tout au long de mon intervention concernent l'ensemble des acteurs du risque. Elles devront, bien entendu, être construites en concertation avec tous les partenaires concernés, une partie de ces mesures, d'ailleurs, relevant de leur responsabilité propre. Je souhaite que les travaux nécessaires puissent débuter dans les meilleurs délais.
Il convient également, je crois, que nous ayons à l'avenir des rendez-vous réguliers sur la question du risque technologique. C'est un des moyens que je vois pour éviter que la vigilance s'affaiblisse à l'avenir. Je propose qu'une journée nationale de la sécurité industrielle soit organisée chaque année. Elle sera l'occasion de faire le bilan des politiques menées, au niveau national, mais aussi au niveau local. Elle pourra être l'occasion de mieux faire connaître les risques présentés par les usines dangereuses et, le cas échéant, de réaliser des exercices de crise. A cette occasion, un rapport préparé par mes services pourra être présenté par le Gouvernement devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques. Ce rapport, outre un bilan sur la mise en uvre des présentes mesures, préciserait le nombre et la nature des accident survenue au cours de l'année écoulée et les conséquences tirées de ces événements par les pouvoirs publics. La première journée de ce type pourrait se tenir dans un an.
Je vous remercie.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 20 février 2002)