Déclarations de M. Georges Sarre, président du Mouvement des citoyens, sur le vote du MDC en faveur du projet de révision des lois bioéthiques, Assemblée nationale, les 15 et 22 janvier 2002.

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Circonstance : Intervention sur le projet de révision des lois bioéthiques à l'Assemblée nationale, les 15 et 22 janvier 2002

Texte intégral

15 janvier 2002
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
La révision des lois bioéthiques de 1994 devait intervenir au bout de cinq ans, c'est à dire en 1999. Nous sommes aujourd'hui en 2002, et les avancées des biotechnologies nous montrent chaque jour la nécessité de fixer un cap. Notre rôle, en tant que législateurs, n'est pas, bien au contraire, de mettre des freins à la recherche : quand un espoir peut être apporté aux malades, il faut s'en réjouir et l'encourager. Mais nous devons également garder à l'esprit que le débat est d'une portée plus large. M. Kouchner a déclaré hier que " ce débat éthique doit devenir clinique, au service de la personne malade ". Nous souhaiterions, nous, qu'il soit au service de l'Homme.
Le présent projet de loi introduit en effet des modifications devenues indispensables, dans le dispositif de 1994, et qui entendent répondre aux récentes annonces qui ont ébranlé l'opinion. Toute la question est donc de concilier l'exigence de progrès dans la recherche, qui profitera aux malades, l'exigence de compétitivité afin d'éviter la constitution de monopoles dans un domaine aussi crucial, et l'exigence humaniste d'une spécificité de tout ce qui touche à l'humain. En effet, si la condamnation du clonage reproductif est unanime, il reste encore beaucoup de questions à trancher.
C'est pourquoi je souhaiterais attirer l'attention sur quelques point particuliers de ce projet de loi, qui méritent une réflexion éclairée. Le premier concerne l'autorisation de la recherche sur les embryons surnuméraires. Ces embryons issus de fécondations in vitro et voués à la destruction par l'abandon du projet parental peuvent constituer une source pour la recherche, sans, nous semble-t-il, que soit mis en danger ce principe de respect dû à l'humain. Entre la destruction pure et simple, et l'utilisation à des fins thérapeutiques, après consentement du couple, quel est le destin le plus digne ? Des recherches ont lieu à tous les stades de la vie, et si celles sur les embryons aboutissent à la destruction de celui-ci, cette destruction était de toutes façons inévitable. Mais il faut bien sûr encadrer cette recherche, et ce d'autant plus qu'il n'existe pas actuellement d'unanimité entre les scientifiques sur la réalité d'une perspective de thérapie génique à partir de la recherche sur les cellules souches. Notre devoir est donc, sans freiner la science, de garantir que ses progrès ne se feront pas à n'importe quel prix.
Car il faut rester vigilants : le caractère encore expérimental de ces techniques engendre une compétition fondée essentiellement sur des profits hypothétiques, relayée par une large surenchère médiatique. Rappelons-le, selon des estimations crédibles, les perspectives thérapeutiques offertes par les thérapies cellulaires, géniques, et les cellules souches, regroupées sous le terme de médecine régénératrice, pourraient accroître de 25 % la valeur du marché pharmaceutique d'ici à 25 ans. De quoi susciter les pires convoitises.
C'est la raison pour laquelle la réflexion sur le présent projet de loi doit être l'occasion pour la France d'affirmer une position claire sur la question de la brevetabilité du vivant. Le fameux article 5 de la directive 98/44/CE de la Commission Européenne mérite d'être clairement explicité, voire réexaminé, dans la mesure où l'octroi de brevets pour des séquences du génome humain risque de permettre à des sociétés, en majorité américaines, de disposer d'un monopole sur l'exploitation de l'essentiel du génome humain. Il faut donc tout au moins établir un contrôle nécessaire, d'ordre éthique, sur les offices qui délivrent ces brevets.
La non-commercialisation du corps humain doit rester un de nos principes élémentaires, afin d'éviter toutes les dérives qu'une telle perspective de profit peut engendrer. Il ne faut pas perdre de vue dans nos travaux que, dans le contexte de la mondialisation, nos décisions auront un impact, tant sur le plan de la compétition entre pays développés que dans le cadre des rapports Nord-Sud. Toutes les mesures doivent être prises pour éviter la mise en place de trafics tels qu'il peut en exister actuellement pour les organes, et qui se feront toujours au détriment des plus pauvres.
Que ce débat ait lieu en dehors de toute pétition de principe et de toute idéologie, mais avec l'idée que les lois sur la bioéthique ont pour objet de préparer l'avenir, et d'encadrer des avancées scientifiques dont nous ne pouvons pas encore mesurer la portée, voilà qui est essentiel pour donner à la recherche française les moyens de progresser dans un sens qui soit conforme aux idéaux dont notre pays s'est toujours fait le défenseur.
(Source http://www.mdc-France.org, le 21 janvier 2002)
Projet de révision des lois bioéthiques du 22 janvier 2002
Explication de vote
Monsieur le président,
Mes chers collègues,
La loi que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui est aussi indispensable qu'attendue. Enfin, nous tentons de répondre aux questions que se posent l'opinion, les scientifiques, et tous ceux pour qui le progrès ne peut se concevoir sans une conscience éclairée.
Face aux avancées rapides d'une science trop souvent dépendante du marché des biotechnologies, et des effets d'annonce médiatiques, il est temps de dire où nous voulons aller, jusqu'où nous voulons aller, de définir les directions et les limites.
Le présent projet de loi permet de trancher des questions que la loi de 1994 avait laissées en suspens, que ce soit le sort réservé aux embryons surnuméraires ne faisant plus l'objet d'un projet parental, ou, plus largement, l'autorisation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il était essentiel de prendre position sur ces différents points, pour permettre à notre recherche de demeurer compétitive, pour empêcher la constitution de monopoles par les firmes américaines de biotechnologie, tout en fixant les indispensables règles éthiques sans lesquelles la science ne mène qu'aux pires errances.
Il nous semble que ce projet de loi offre les garanties de prudence minimale, qui préviendront les éventuelles dérives vers une marchandisation du corps humain ou de ses parties, marchandisation qui est la tentation toujours plus grande d'un capitalisme appliqué aux découvertes médicales, et qui ne peut que mettre en danger les plus faibles, les plus défavorisés, comme nous le montrent dramatiquement toutes les affaires de trafic d'organe.
Ce projet de loi, donc, montre la voie. Toutefois, il me paraît important ici d'appeler à la vigilance sur la question de la brevetabilité du vivant, et sur le danger qu'il y a à autoriser certaines firmes à s'approprier ce qui est avant tout le patrimoine de l'humanité. La voix de la France doit s'élever au niveau européen pour affirmer notre refus de voir confisquer à des fins de profit des découvertes utiles à l'ensemble de la recherche, et à l'humanité en général.
Le groupe RCV, dans sa presque totalité, vote le projet de loi gouvernemental.
(Source http://www.mdc-France.org, le 28 janvier 2002)