Texte intégral
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du CNRA,
Monsieur le représentant du ministre de la Recherche,
Mesdames, Messieurs,
La loi du 17 janvier 2001 que j'ai eu l'honneur de présenter au Parlement au lendemain de ma nomination, constitue une étape historique dans le développement de l'activité archéologique.
En effet, jusqu'à cette date, l'activité des archéologues s'appuyait sur la seule la loi dite "Carcopino" du 27 septembre 1941, validée à la Libération, alors que les conditions de son exercice et le contexte économique et social n'avaient cessé d'évoluer. Certes, le fondement même de cette discipline reposait et repose toujours sur cette soif insatiable de nos sociétés à connaître leur passé. Cette quête des origines dont on perçoit souvent qu'elles fascinent d'autant qu'elles sont plus lointaines, s'exerçait pour l'essentiel à l'occasion d'opérations de longue durée et sur des territoires de taille réduite dûment sélectionnés. Cette archéologie dite "programmée" était l'oeuvre d'érudits tant professionnels (CNRS, Universitaires) que bénévoles.
Au cours des années soixante-dix, le développement des grands projets d'aménagement en milieu urbain comme en milieu rural avec les grands tracés linéaires et les ZAC en périphérie des villes, l'ampleur et la profondeur rarement atteintes jusque là des creusements, ont multiplié les risques encourus par les vestiges du passé. La prise de conscience de la communauté scientifique a été accélérée par l'irruption de scandales restés célèbres qui ont vu disparaître à jamais des traces précieuses d'un passé pourtant fondateur, que ce soit à Marseille où le retentissement du possible anéantissement du passé grec fut immense, à Paris, à Orléans ou à Poitiers.
L'Etat à qui la loi de 1941 a confié un rôle de gardien de ces vestiges qu'une atteinte même infime peut conduire à effacer irréversiblement, a dû s'organiser pour réagir. A-t-il trouvé, à l'époque, les bons modes d'organisation ?
L'impasse dans laquelle nous nous sommes trouvés à la fin des années 80 soulignée par une longue série de rapports, depuis celui de Jacques Soustelle en 1975, en passant par ceux de MM. Christian Goudineau en 1990, Marc Gauthier en 1993 et 1996 - je ne les cite pas tous - a bien montré le hiatus croissant entre un corpus juridique devenu inadapté et une pratique sociale en plein bouleversement.
L'association para-administrative créée par le ministère de la culture en 1973 (AFAN) avait pris de telles dimensions, le statut de ses personnels s'avérait tant inadéquat, le dispositif de financement des fouilles était si aléatoire, qu'une réforme radicale s'imposait.
Il convient en effet de rappeler qu'en 1974, premier exercice budgétaire complet de l'AFAN, le total des sommes gérées par cette association s'élevait à environ 2,5 millions de francs. Une bonne appréciation de l'activité de l'AFAN aujourd'hui est fournie par le montant des commandes : à la fin de l'année 2001, il atteint 651 millions de francs.
En 1973, le personnel de l'AFAN était constitué par deux ou trois personnes chargées de mettre en place les financements décidés par le ministère de la culture. A la fin de 2001, l'effectif, en équivalent temps plein, est de 1479 personnes, dont 82 % de contrats à durée indéterminée (1216 personnes) et 18% de contrats à durée déterminée (263 personnes). Cette réforme fut l'oeuvre du Parlement et de toute la communauté scientifique, s'appuyant sur les conclusions du rapport de MM. Demoule, Pécheur et Poignant qui se déroula sur toute l'année 2000. La loi du 17 janvier 2001 affirme l'unicité de l'archéologie, l'archéologie préventive en faisant intégralement partie.
Elle identifie clairement les acteurs publics de cette discipline scientifique : à l'Etat revient la garde et la gestion de ce patrimoine et donc l'initiative du lancement des opérations archéologiques. Au nouvel établissement public qui succède à l'AFAN, la loi confie l'exécution des opérations conformément aux prescriptions édictées par l'Etat.
Le régime financier est clarifié, grâce à la création d'une redevance à caractère fiscal, dont l'assiette est l'opération d'aménagement elle-même et l'investigation archéologique qu'elle engendre, redevance qui garantit aussi une réelle mutualisation de la ressource sur l'ensemble du territoire. C'est en cela aussi affirmer le caractère de service public de l'archéologie.
En mutualisant une ressource affectée, elle instaure entre les opérateurs et les territoires archéologiques une façon d'égalité d'accès et de traitement. Je ne souhaite évidemment pas, dans ces propos liminaires, entrer dans les détails du dispositif qui a été assemblé et qui s'apprête à fonctionner : les exposés et les débats à venir permettront d'en évoquer un certain nombre.
Je voudrais simplement tracer les quelques axes de la volonté qui a présidé à l'élaboration du nouveau dispositif. Il faut rappeler le contexte international dans lequel s'inscrit notre législation : lorsqu'a été publiée en septembre 1995, pour entrer en vigueur le 10 janvier 1996, la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), signée à Malte le 16 janvier 1992, la France répondait déjà largement aux engagements souscrits dans un texte à la conception duquel ses représentants avaient pris une large part.
Le dispositif qui se met en place aujourd'hui répond plus complètement aux objectifs assignés par cette convention qui affirme notamment qu'il y a lieu d'intégrer les préoccupations de sauvegarde archéologique dans les politiques d'aménagement urbain et rural et de développement culturel. Je veux rappeler ici brièvement les grands traits caractéristiques de ce traitement de l'archéologie préventive.
C'est tout d'abord l'affirmation que l'archéologie préventive, dans sa totalité, du diagnostic à la publication des résultats des recherches conduites, relève de la recherche archéologique, qu'elle ne peut être scindée en une partie scientifique et une autre partie qui relèverait d'un secteur particulier du bâtiment et travaux publics.
C'est aussi l'affirmation que les activités composant l'archéologie préventive relèvent du service public avec tout ce que cela inclut dans l'égalité de traitement des citoyens, dans la disjonction entre l'importance des travaux et la capacité financière de l'aménageur, dans l'indépendance des acteurs archéologiques par rapport aux préoccupations d'ordre économique des aménageurs.
C'est pourquoi la loi a doté l'établissement public national de droits exclusifs, s'agissant de l'exécution des opérations de diagnostic et de fouilles d'archéologie préventive ; le monopole ainsi institué, qui place ces opérations hors du marché, n'est pas absolu contrairement à ce que l'on entend puisque, pour l'exécution de sa mission, l'établissement public doit associer les services archéologiques des collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public, il peut également faire appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique.
Ainsi l'ensemble des acteurs de l'archéologie peuvent donc trouver leur place dans ce dispositif. Rappelons qu'en l'espèce le Conseil constitutionnel a jugé qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté du commerce et de l'industrie des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Le dispositif législatif et réglementaire mis en place ne doit surtout pas être considéré comme un soubresaut de forces qui s'opposeraient au développement économique et social.
Il s'agit bien plutôt de la conciliation des exigences de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et de ce développement. Je voudrais indiquer ici que si Lyon nous accueille aujourd'hui, cela tient en grande partie, Monsieur le Maire, à l'attention que vous portez au développement culturel et dont le patrimoine constitue pour vous un acteur essentiel. Convention Patrimoine avec un volet archéologique en cours d'approfondissement, coopération entre l'Etat, vos services de l'urbanisme et vos services culturels pour la production de l'inventaire de la ville, parce que, à Lyon, le développement urbain est associé au développement de la mémoire raisonnée.
Il faut considérer que cette exigence de sauvegarde du patrimoine prend la forme de recueil d'information pour étude, bien plus souvent que la conservation intégrale qui provoque de légitimes inquiétudes chez les aménageurs. Le temps consacré à cette étude n'est pas contradictoire avec la réalisation d'équipements, d'établissements humains modernes. Une étude faite dans la sérénité et le déroulement normal d'une opération n'est- elle pas moins coûteuse, à maints égards, que l'arrêt brusque d'un chantier pour découverte fortuite qui donnerait lieu à une fouille menée dans la hâte ?
Il nous appartient maintenant de faire vivre cette construction.
Je déclare ouvert le colloque et je suis persuadé que vos travaux nous permettront de mettre en oeuvre ce dispositif de façon coordonnée et, je le souhaite, le plus consensuellement possible.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 7 février 2002)
Monsieur le Président du CNRA,
Monsieur le représentant du ministre de la Recherche,
Mesdames, Messieurs,
La loi du 17 janvier 2001 que j'ai eu l'honneur de présenter au Parlement au lendemain de ma nomination, constitue une étape historique dans le développement de l'activité archéologique.
En effet, jusqu'à cette date, l'activité des archéologues s'appuyait sur la seule la loi dite "Carcopino" du 27 septembre 1941, validée à la Libération, alors que les conditions de son exercice et le contexte économique et social n'avaient cessé d'évoluer. Certes, le fondement même de cette discipline reposait et repose toujours sur cette soif insatiable de nos sociétés à connaître leur passé. Cette quête des origines dont on perçoit souvent qu'elles fascinent d'autant qu'elles sont plus lointaines, s'exerçait pour l'essentiel à l'occasion d'opérations de longue durée et sur des territoires de taille réduite dûment sélectionnés. Cette archéologie dite "programmée" était l'oeuvre d'érudits tant professionnels (CNRS, Universitaires) que bénévoles.
Au cours des années soixante-dix, le développement des grands projets d'aménagement en milieu urbain comme en milieu rural avec les grands tracés linéaires et les ZAC en périphérie des villes, l'ampleur et la profondeur rarement atteintes jusque là des creusements, ont multiplié les risques encourus par les vestiges du passé. La prise de conscience de la communauté scientifique a été accélérée par l'irruption de scandales restés célèbres qui ont vu disparaître à jamais des traces précieuses d'un passé pourtant fondateur, que ce soit à Marseille où le retentissement du possible anéantissement du passé grec fut immense, à Paris, à Orléans ou à Poitiers.
L'Etat à qui la loi de 1941 a confié un rôle de gardien de ces vestiges qu'une atteinte même infime peut conduire à effacer irréversiblement, a dû s'organiser pour réagir. A-t-il trouvé, à l'époque, les bons modes d'organisation ?
L'impasse dans laquelle nous nous sommes trouvés à la fin des années 80 soulignée par une longue série de rapports, depuis celui de Jacques Soustelle en 1975, en passant par ceux de MM. Christian Goudineau en 1990, Marc Gauthier en 1993 et 1996 - je ne les cite pas tous - a bien montré le hiatus croissant entre un corpus juridique devenu inadapté et une pratique sociale en plein bouleversement.
L'association para-administrative créée par le ministère de la culture en 1973 (AFAN) avait pris de telles dimensions, le statut de ses personnels s'avérait tant inadéquat, le dispositif de financement des fouilles était si aléatoire, qu'une réforme radicale s'imposait.
Il convient en effet de rappeler qu'en 1974, premier exercice budgétaire complet de l'AFAN, le total des sommes gérées par cette association s'élevait à environ 2,5 millions de francs. Une bonne appréciation de l'activité de l'AFAN aujourd'hui est fournie par le montant des commandes : à la fin de l'année 2001, il atteint 651 millions de francs.
En 1973, le personnel de l'AFAN était constitué par deux ou trois personnes chargées de mettre en place les financements décidés par le ministère de la culture. A la fin de 2001, l'effectif, en équivalent temps plein, est de 1479 personnes, dont 82 % de contrats à durée indéterminée (1216 personnes) et 18% de contrats à durée déterminée (263 personnes). Cette réforme fut l'oeuvre du Parlement et de toute la communauté scientifique, s'appuyant sur les conclusions du rapport de MM. Demoule, Pécheur et Poignant qui se déroula sur toute l'année 2000. La loi du 17 janvier 2001 affirme l'unicité de l'archéologie, l'archéologie préventive en faisant intégralement partie.
Elle identifie clairement les acteurs publics de cette discipline scientifique : à l'Etat revient la garde et la gestion de ce patrimoine et donc l'initiative du lancement des opérations archéologiques. Au nouvel établissement public qui succède à l'AFAN, la loi confie l'exécution des opérations conformément aux prescriptions édictées par l'Etat.
Le régime financier est clarifié, grâce à la création d'une redevance à caractère fiscal, dont l'assiette est l'opération d'aménagement elle-même et l'investigation archéologique qu'elle engendre, redevance qui garantit aussi une réelle mutualisation de la ressource sur l'ensemble du territoire. C'est en cela aussi affirmer le caractère de service public de l'archéologie.
En mutualisant une ressource affectée, elle instaure entre les opérateurs et les territoires archéologiques une façon d'égalité d'accès et de traitement. Je ne souhaite évidemment pas, dans ces propos liminaires, entrer dans les détails du dispositif qui a été assemblé et qui s'apprête à fonctionner : les exposés et les débats à venir permettront d'en évoquer un certain nombre.
Je voudrais simplement tracer les quelques axes de la volonté qui a présidé à l'élaboration du nouveau dispositif. Il faut rappeler le contexte international dans lequel s'inscrit notre législation : lorsqu'a été publiée en septembre 1995, pour entrer en vigueur le 10 janvier 1996, la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), signée à Malte le 16 janvier 1992, la France répondait déjà largement aux engagements souscrits dans un texte à la conception duquel ses représentants avaient pris une large part.
Le dispositif qui se met en place aujourd'hui répond plus complètement aux objectifs assignés par cette convention qui affirme notamment qu'il y a lieu d'intégrer les préoccupations de sauvegarde archéologique dans les politiques d'aménagement urbain et rural et de développement culturel. Je veux rappeler ici brièvement les grands traits caractéristiques de ce traitement de l'archéologie préventive.
C'est tout d'abord l'affirmation que l'archéologie préventive, dans sa totalité, du diagnostic à la publication des résultats des recherches conduites, relève de la recherche archéologique, qu'elle ne peut être scindée en une partie scientifique et une autre partie qui relèverait d'un secteur particulier du bâtiment et travaux publics.
C'est aussi l'affirmation que les activités composant l'archéologie préventive relèvent du service public avec tout ce que cela inclut dans l'égalité de traitement des citoyens, dans la disjonction entre l'importance des travaux et la capacité financière de l'aménageur, dans l'indépendance des acteurs archéologiques par rapport aux préoccupations d'ordre économique des aménageurs.
C'est pourquoi la loi a doté l'établissement public national de droits exclusifs, s'agissant de l'exécution des opérations de diagnostic et de fouilles d'archéologie préventive ; le monopole ainsi institué, qui place ces opérations hors du marché, n'est pas absolu contrairement à ce que l'on entend puisque, pour l'exécution de sa mission, l'établissement public doit associer les services archéologiques des collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public, il peut également faire appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique.
Ainsi l'ensemble des acteurs de l'archéologie peuvent donc trouver leur place dans ce dispositif. Rappelons qu'en l'espèce le Conseil constitutionnel a jugé qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté du commerce et de l'industrie des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Le dispositif législatif et réglementaire mis en place ne doit surtout pas être considéré comme un soubresaut de forces qui s'opposeraient au développement économique et social.
Il s'agit bien plutôt de la conciliation des exigences de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et de ce développement. Je voudrais indiquer ici que si Lyon nous accueille aujourd'hui, cela tient en grande partie, Monsieur le Maire, à l'attention que vous portez au développement culturel et dont le patrimoine constitue pour vous un acteur essentiel. Convention Patrimoine avec un volet archéologique en cours d'approfondissement, coopération entre l'Etat, vos services de l'urbanisme et vos services culturels pour la production de l'inventaire de la ville, parce que, à Lyon, le développement urbain est associé au développement de la mémoire raisonnée.
Il faut considérer que cette exigence de sauvegarde du patrimoine prend la forme de recueil d'information pour étude, bien plus souvent que la conservation intégrale qui provoque de légitimes inquiétudes chez les aménageurs. Le temps consacré à cette étude n'est pas contradictoire avec la réalisation d'équipements, d'établissements humains modernes. Une étude faite dans la sérénité et le déroulement normal d'une opération n'est- elle pas moins coûteuse, à maints égards, que l'arrêt brusque d'un chantier pour découverte fortuite qui donnerait lieu à une fouille menée dans la hâte ?
Il nous appartient maintenant de faire vivre cette construction.
Je déclare ouvert le colloque et je suis persuadé que vos travaux nous permettront de mettre en oeuvre ce dispositif de façon coordonnée et, je le souhaite, le plus consensuellement possible.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 7 février 2002)