Synthèse finale des chefs d'Etat et de gouvernement réunis en Conseil européen à Rhodes sur la préparation du marche unique, le 3 décembre 1988.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil européen de Rhodes les 2 et 3 décembre 1988

Texte intégral

L'Acte unique prévoit qu'à la fin de 1988 et de 1990, le Conseil fera le bilan des progrès accomplis dans la voie de l'établissement du marché intérieur, et définira "les orientations et conditions nécessaires pour assurer progrès et équilibre dans l'ensemble des secteurs concernés". 1) La communication de la Commission est riche et stimulante. Le rapport décrit bien l'état des travaux : 108 directives approuvées par le Conseil sur les 279 nécessaires à l'achèvement du marché unique. Il nous faut forcer l'allure pour avoir terminé dans quatre ans. Mais ne minimisons pas la portée politique de ce qui a été fait : une transformation et une mobilisation des opinions publiques ; une évolution des mentalités ; à nouveau, une volonté de gagner.
- La Commission a souligné à juste titre que certains sujets prennent du retard : l'harmonisation fiscale ; la liberté de circulation des personnes, les normes agro-alimentaires ou vétérinaires. J'ajouterai à sa liste l'énergie par exemple, qui a besoin, elle aussi, d'un marché vraiment unique. Prenons garde, d'une façon générale, à ne pas fragmenter le marché unique, par des mesures nationales différentes des normes communautaires.
- La Commission met l'accent sur la suppression des frontières, condition nécessaire de la libre circulation et elle a raison de le faire.
- La proposition que fait le Chancelier Kohl en matière de police mérite toute notre attention. Notre position sur ces questions est claire : nous adhérons totalement à l'objectif de suppression des frontières ; mais il nous faut inventer des méthodes souples, efficaces, permettant de contrôler ailleurs qu'aux frontières le banditisme et les trafics illégaux.
- 3) Lorsque nous avons négocié l'Acte unique, j'avais insisté sur l'équilibre entre libéralisation et harmonisation. C'est surtout pour vérifier, que l'équilibre était bien respecté, que la France avait demandé un rapport d'étape.
Je prendrai trois exemples pour illustrer cette préoccupation : A) Il y a tout d'abord l'équilibre à observer entre ouverture du marché intérieur et relations de la Communauté avec le reste du monde. On nous reproche de vouloir faire de l'Europe une forteresse. Pour notre part, nous approuvons totalement la position commune exprimée au Conseil européen de Hanovre. Cette position peut se résumer en une phrase simple et qui devrait devenir notre mot d'ordre "l'Europe est ouverte. Elle le sera après 1992. Mais que les pays tiers en fasse autant". B) Il y a ensuite l'équilibre à respecter entre la libération des mouvements de capitaux et l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne. Cette libération va activer la concurrence entre produits et établissements financiers, bénéficier au consommateur, à l'industrie : tant mieux. Mais, et on l'a découvert un peu tard, cette concurrence doit être loyale : dans un espace unique, elle ne peut en aucun cas se fonder sur ce dopage des Etats qu'est la fiscalité : sinon, aux jeux Olympiques du marché intérieur, certains seront disqualifiés. On a décidé à Hanovre d'harmoniser les fiscalités de l'épargne. La Commission déposera ses propositions avant la fin de l'année et le Conseil décidera avant le 30 juin 1989 ! Il y a là en effet un déséquilibre à corriger et un parallèlisme à rétablir entre libéralisation et harmonisation. Et puis, pour poursuivre avec le même exemple, comment imaginer qu'un pays puisse simultanément respecter une stricte discipline de changes, libérer les mouvements de capitaux et conserver une politique monétaire indépendante ? C'est impossible. Certains ont choisi de ne pas se lier à une discipline de changes : c'est leur droit. La France, elle, a choisi une autre voie : celle du renforcement significatif du SME. Grâce à l'initiative du Chancelier Kohl, une procédure a été définie : le Comité, présidé par J. Delors, se réunit. Il nous fera part de ses conclusions au Conseil européen de Madrid.
- C) il y a une troisième forme d'équilibre : celle qui existe entre le marché et les individus, le producteur et le consommateur, l'économique et le social. L'achèvement du marché unique sera un bénéfice économique pour tous : il ne le sera peut-être pas pour chacun, et il ne le sera que si tout le monde en est persuadé. C'est pourquoi la dimension sociale est primordiale. Nous y travaillons. La Présidence grecque a fait progresser le travail sur les textes concernant l'hygiène, la santé et la sécurité dans l'entreprise. Les présidences espagnole et française, en liaison avec la Commission, continueront dans cette voie et défricheront d'autres terrains : la consolidation dans nos douze pays des droits fondamentaux des salariés. La promotion des négociations collectives à l'échelle communautaire, afin que celles-ci puissent déboucher, ainsi que le prévoit l'Acte unique, sur les accords collectifs européens, qui pourraient porter, par exemple, sur l'introduction des nouvelles technologies et sur la formation.