Texte intégral
J'adresse mes excuses à ceux que je devais rencontrer au Foyer " Soleil des Tanneries " et notamment à ceux qui devaient, dans cette opération, lire et faire lire, nous montrer ce que des personnes d'un certain âge dotées d'une maîtrise parfaite de la langue, cultivées, peuvent apporter à des jeunes publics qui ont un problème avec la langue française, avec sa maîtrise. Ce qui prouve, d'ailleurs, à quel point des hommes et des femmes peuvent transmettre ce qu'ils ont de meilleur et de plus précieux, et retrouver auprès d'un public de jeunes parfois en difficulté ce rôle plein dans la société auquel les personnes âgées dans notre pays sont de mieux en mieux préparées et appelées à répondre par le prolongement même de l'espérance de vie.
En tout cas, je voudrais remercier tous ceux qui m'ont accueilli aujourd'hui. Vous dire que, comme je me bats pour une société plus juste, donc fondée sur la solidarité, cela va concerner de plus en plus les personnes âgées à l'évidence.
Car l'allongement de la durée de la vie fait que notre pays connaît un bouleversement social majeur dont nous n'avons pas encore tout à fait pris toute la mesure, une véritable révolution des âges. En un siècle, l'espérance de vie a progressé quasiment autant que durant tout le reste de l'histoire de l'humanité qui a précédé.
Ce progrès est une très grande chance puisque tous les ans, l'espérance de vie des Français augmente de trois mois, pour ceux qui naissent aujourd'hui, et l'on dit même qu'un enfant sur deux qui naît aujourd'hui sera centenaire, ce qui est faramineux par rapport à ce qui pouvait exister au XVIIème siècle, au XVIIIème, au XIXème siècle et même pendant toute une partie de ce siècle. J'ai eu des discussions avec le Pr Beaulieu qui m'a dit que non seulement sur le nombre des centenaires mais sur le nombre de personnes qui vont atteindre des âges absolument faramineux, ceux que l'on considère aujourd'hui comme presque des phénomènes de la longévité, on est devant une évolution extrêmement profonde. C'est une évolution heureuse parce que nous vivons plus longtemps et en meilleure forme. Cette réalité nouvelle bouleverse une partie de nos représentations culturelles et de notre organisation sociale. Ceux qui ont le goût de la littérature se souviendront que dans la littérature classique, en fait romantique, celle que l'on célèbre aujourd'hui de Victor Hugo à Alexandre Dumas et bien sûr chez Balzac, dans " La femme de trente ans ", quand on parlait de femmes de trente ans, on en évoquait la splendeur avec nostalgie ! et de " splendides vieillards " qui, bien souvent, n'avaient pas quarante ans. Ce sont des changements majeurs qui sont en train de s'opérer.
Nous vivons un triple bouleversement :
- Au plan culturel : parce que cela va modifier profondément les rapports entre les générations ;
- Au plan social : parce que la retraite ne rimera plus avec la vieillesse, que l'allongement de la durée de la vie permettra une reconquête du temps. On peut dire sans paradoxe que beaucoup de retraités d'aujourd'hui sont jeunes, avant d'avancer en âge. Mesurons ce que cela signifie : davantage de liberté, plus de chance de se consacrer, un jour, à ce que l'on n'a pu entreprendre ou développer (culture, loisirs, vie associative mais aussi apprentissages, formation).
- Ce sont bien sûr des bouleversements économiques : les retraités acteurs économiques majeurs, par leur propre consommation, mais aussi par le soutien qu'ils apportent souvent à leurs enfants, petits enfants ; d'ailleurs, ne pensons pas que la politique en direction des seniors soit seulement une politique s'appliquant seulement aux personnes âgées. Quand on crée des emplois jeunes, quand on crée de l'emploi, on lève des angoisses, des inquiétudes y compris chez les grands-parents très souvent. Il faut avoir à l'esprit dans une politique économique et sociale globale ces liens affectifs profonds qui existent entre les différentes générations. Mais cela va modifier les termes de l'équilibre financier des régimes de retraite.
Nous devons nous préparer à ces défis et aussi bien sûr dans d'autres pays, en particulier dans les pays développés ou les plus riches, dans lesquels l'espérance de vie progresse. Les espérances de vie sont affectées par des mortalités infantiles importantes mais une fois passées ces années où la mort frappe dans les pays en développement, là-aussi les hommes et les femmes tendent à vivre plus vieux, même si cela n'est pas la même chose que dans nos pays. D'ailleurs, aujourd'hui, s'ouvre à Madrid " La conférence mondiale sur le vieillissement ". Paulette Guinchard-Kuntsler s'y rendra demain. Je salue Elisabeth Guigou, qui nous rejoint après avoir reçu un certain nombre de délégations.
Face à cette révolution des âges, je veux rappeler la nécessaire solidarité entre les générations, réaffirmer avec force le pacte humain et social qui doit rassembler les hommes et les femmes de notre pays tout au long de leur vie. C'est à partir de ce socle de principes, de cette conception de la solidarité que mon gouvernement a engagé puis conduit des réformes importantes.
NOTRE BILAN
* Nous avons soutenu et reconnu les droits des personnes âgées, en particulier les plus fragiles. Le droit à la dignité affirmée pour tous et particulièrement l'Allocation Personnalisée d'Autonomie qu'Elisabeth Guigou et Paulette Guinchard-Kunstler ont mis en place après de longues discussions et de négociations avec les départements et je remercie un homme comme Pierre-Joël Bonté d'avoir été un interlocuteur précieux à cet égard et c'est bien aussi parce qu'il y avait des solutions innovantes qui étaient recherchées ici, à Clermont, à Riom, dans le département que j'ai souhaité justement dans ce département traiter ces thèmes.
C'est une réforme essentielle parce qu'elle va permettre de mieux répondre aux besoins des personnes âgées fragiles et particulièrement aussi de leurs familles.
C'est aussi parce que de cette façon, on aborde les problèmes et je l'ai vu avec beaucoup d'émotion, de respect, de tristesse dans une certaine mesure mais d'une tristesse apaisée par le dévouement des personnels engagés dans l'unité consacrée aux soins des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer à Clermont-Ferrand tout à l'heure. Un certain nombre d'hommes et de femmes ont besoin d'être accompagnés dans leur humanité, même s'ils ont perdu une partie de leur lucidité ou de leur capacité à échanger. Et c'est un témoignage de civilisation qu'une société ou qu'un pays traite humainement des hommes et des femmes qui non seulement ne sont plus producteurs, mais qui ne sont pas toujours même encore en mesure d'assumer les actes essentiels de la socialité ou le font alors par des cheminements plus mystérieux où la tendresse, l'attention aux autres, les signes, les sourires remplacent l'intelligibilité habituelle de nos échanges. C'est pourquoi ce moment a été pour moi profondément émouvant. Même si j'avais pu être confronté en dehors de ma famille, dans un milieu amical, à ces réalités.
C'est pourquoi nous avons mis en uvre un plan spécifique pour les malades atteints d'Alzheimer avec notamment la création de 7 000 places d'accueil de jour et de 3 000 places d'hébergement temporaires est décidée.
* Nous avons privilégié les retraites les plus petites. Je sais que les retraités ont souvent le sentiment de n'avoir pas été associés à la croissance ou au fruit de la croissance au cours des dernières années. Pourtant, leur pouvoir d'achat a augmenté - moins que celui des actifs certes - mais il a augmenté alors qu'il avait nettement reculé entre 1993 et 1997. Un effort complémentaire a été fait pour les retraités non imposables, qui par ailleurs sont désormais exonérés de la CRDS. Je voudrais également rappeler que des réformes sans précédent ont été menées en direction de certaines professions, pour mettre à niveau par exemple la protection sociale agricole et des retraites agricoles qui ont beaucoup progressé, tout en restant faibles, depuis 5 ans.
* Nous avons également créé l'Allocation équivalent retraite qui assure aux chômeurs qui ont cotisé 40 annuités et qui n'ont pas 60 ans une garantie de ressources jusqu'à 60 ans de 5.752 F. Ce dispositif est opérationnel aujourd'hui.
* Enfin, nous avons engagé les mesures nécessaires à une réforme de notre système de retraite. Lorsque j'entends certains responsables de l'opposition se plaindre de la concertation que nous avons conduite, je me demande s'ils regrettent vraiment la démarche abrupte et autoritaire d'Alain Juppé et qui a abouti à un total blocage. La concertation et le dialogue ne sont jamais superflus : aujourd'hui, l'idée d'une réforme de notre système s'est imposée sur la base d'un diagnostic relativement partagé, dans un climat apaisé.
C'était ma volonté, lorsque j'ai créé le conseil d'orientation des retraites qui a permis à l'ensemble des acteurs concernés de travailler ensemble. Je regrette le choix du MEDEF de ne pas y participer, alors qu'il souhaite pourtant, dit-il, le dialogue. Il est, de tous les partenaires sociaux -syndicaux ou patronaux- le seul dans ce cas.
C'est dans le même esprit que j'ai créé dès 1998 le fond de réserve pour les retraites, qui rassemble une épargne collective sur nos rentrées fiscales collectives et les mettent en réserve et permettra de contribuer à la sécurisation du financement au-delà de 2020. En créant ce fond, nous avons voulu marquer que même si nous étions capables de rassembler des ressources collectives, financées par la collectivité et reversées à une autre partie de la collectivité, celle des retraités, gérées par l'Etat avec une participation ou un contrôle des partenaires sociaux, nous marquions là une différence par rapport à ceux qui veulent introduire une réforme des retraites sur la base de la capitalisation, c'est-à-dire de fonds de pensions individuels. La philosophie et les propositions qui sont les miennes dans cette campagne s'inscrivent totalement et exclusivement dans le cadre de la retraite par répartition, de la solidarité collective entre les générations.
Réaffirmer ce pacte social c'est reconnaître et renforcer le rôle et la place de toutes les générations dans notre société ; c'est mieux prendre en charge le vieillissement ; c'est garantir les retraites par la consolidation du système de la répartition.
1. JE VEUX MIEUX RECONNAITRE LE ROLE ET LA PLACE DE TOUTES LES GENERATIONS DANS NOTRE SOCIETE.
* Je n'accepte pas que des hommes et des femmes ne puissent accéder à des formations professionnelles à 40 ans parce qu'ils sont considérés comme trop vieux par les entreprises ! Il est choquant que des entreprises n'embauchent plus au-delà de 55 ans, voire de 50 ans !
Si je suis élu Président de la République, je demanderai au gouvernement de mettre en uvre un plan pour l'emploi des plus de 50 ans. L'expérience acquise, le savoir-faire, la culture d'un métier, sont des atouts formidables et qui doivent être transmis. Il est en plus absurde de dire que l'on a un problème pour le financement des retraites, de dire qu'il faudrait, comme le prétendent certains, allonger l'âge de la retraite et en même temps, de faire partir systématiquement en pré-retraite à 58 ans, 56 ans, parfois à 54 ans des hommes et des femmes qui cessent d'être des cotisants, pour toucher des pré-retraites en attendant de toucher leur retraite. C'est tout simplement absurde économique et c'est un gâchis social et intellectuel. Il va donc falloir changer nos attitudes collectives à l'égard de ce que l'on appelle les travailleurs les plus expérimentés, mettre fin aux discriminations. Ce sera d'ailleurs une nécessité pour avancer vers le plein emploi parce qu'on sait qu'il y a dans les dix ans, 5 millions de personnes qui vont partir à la retraite et que même si nous sommes encore en situation de chômage, malgré les progrès faits, il faut déjà se poser le problème du remplacement de ceux qui vont partir à la retraite.
* Je veux aussi que soit mieux reconnu ce qu'apportent les retraités à la vie économique en termes de transmission des valeurs et en capacité à créer du lien social. Je pense à leur investissement dans le milieu associatif (accompagnement scolaire, parrainage, gardes d'enfants, aide aux personnes en difficulté, conciliation en matière judiciaire, de médiateur de quartier). Il y a là une capacité à intervenir, à se faire entendre qui est irremplaçable.
Ils ont aussi ce rôle de relais, d'écoute, de conseils et de médiation. Le temps de la retraite est ainsi de plus en plus à la fois un temps d'accomplissement personnel et l'occasion d'un engagement citoyen.
Je proposerai que le gouvernement réfléchisse aux formes concrètes que pourrait prendre cette reconnaissance, par exemple par la création d'un statut du bénévole qui concernerait directement les retraités.
De la même manière, les organisations de retraités se sont renforcées. Elles jouent un rôle dans la défense de leurs intérêts mais aussi dans la réflexion sur les évolutions auxquelles notre société est confrontée. Il me paraît indispensable de leur assurer une meilleure représentation. Le rôle du Comité National des Retraités et Personnes Agées (CNRPA) doit également être renforcé, et il doit être présidé par un retraité. Localement, les CODERPA doivent disposer des moyens de leur action.
2. JE VEUX ENSUITE POURSUIVRE L'EFFORT POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DU VIEILLISSEMENT.
La vieillesse constitue parfois, malheureusement, une épreuve : physique, morale.
La solitude est le quotidien de trop de retraités, en particulier les femmes âgées, plus souvent veuves. Ce phénomène est moralement insupportable. Tout doit être fait pour prévenir ces situations humaines difficiles, faites d'abandon affectif, d'indifférence, d'isolement social et de repli, par là même aussi d'étiolement.
En particulier, les personnes âgées hospitalisées doivent bénéficier d'une prise en charge spécifique : le développement des services ou des unités de gériatrie, déjà engagé, a vocation à se poursuivre.
Travailler aux côtés des personnes âgées est un beau et vrai métier.
Nous devons amplifier la politique du soutien et du soin à domicile. Nous devons faire évoluer la qualité de vie des personnes âgées dans les services qui les hébergent, comme nous devrons prendre des mesures pour faire baisser le coût de la part financière supportée par les personnes âgées ou leur famille en établissement. Pour réussir cette évolution de la qualité, les métiers qui accompagnent les personnes âgées seront reconnus, revalorisés, et développés.
Parler de la souffrance qui peut parfois accompagner l'âge, c'est parler d'un immense défi : le développement de la maladie d'Alzheimer, qui prend aujourd'hui des proportions qui sont alarmantes. Un plan a été mis en place. Pour autant, face aux 500 000 malades attendus dans les années qui viennent, il semble impératif de faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer une grande cause nationale en mobilisant toutes les énergies pour prévenir la maladie et accompagner les malades et leur famille. C'est un enjeu de respect et de dignité. J'ajoute aussi que l'effort de recherche doit être absolument accentué, parce que même s'il n'y a pas aujourd'hui encore d'espérances directes et concrètes, on peut penser notamment avec tout ce que va permettre le décryptage du génome que des progrès considérables peuvent être apportés.
3. JE VEUX, ENFIN, CONSOLIDER NOTRE SYSTEME DE RETRAITE PAR REPARTITION.
- Les Français sont attentifs aux conditions de leur retraite future et c'est normal. Ils veulent que leur soient garanties des conditions de vie satisfaisantes. Mais leur préoccupation ne s'explique pas seulement par des considérations financières. Je ne veux pas oublier la dimension humaine, psychologique d'un départ - ou d'une entrée - en retraite.
- C'est pourquoi nous avons à inventer un modèle social plus souple, plus libre, davantage choisi pour mieux répartir les différents temps de la vie, satisfaire des besoins de souplesse nouveaux pour mieux harmoniser le temps de formation initial qui dure plus longtemps, tout au long de la vie -c'est une démarche que je propose-, le temps de travail, le temps familial, le temps de loisirs .
- Tracer l'avenir de notre système de retraite ne se résume pas à l'énoncé d'options techniques mais consiste bien à exprimer un choix d'avenir pour notre société.
- Je veux redire mon attachement à notre système de protection sociale, et à l'idée même de la solidarité nationale qui se concrétise dans le système dit de répartition. Je refuse la perspective, prônée par certains, d'une privatisation de cette solidarité. Le pacte Républicain est aussi un pacte social, le pacte social est le ciment de notre nation, qu'il rassemble par-delà les âges et les situations sociales. Le contrat entre les générations est l'une de ses expressions les plus remarquables. Ce pacte doit être réaffirmé : c'est mon projet pour les cinq années à venir. Les fonds de pension, même " à la française " ne sont ni justes ni sûrs : parce qu'ils distinguent les individus selon leurs patrimoines ou leurs revenus et certains pourront s'assurer des retraites auxquels d'autres ne pourront pas accéder, et la faillite récente de plusieurs de ces fonds aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne démontre là que c'est une voie risquée quand ils sont menés par des gestionnaires sans scrupules ! Les retraités britanniques en font actuellement l'amère expérience.
Ma volonté est de préserver les droits qu'ont acquis les retraités actuels et garantir l'avenir des retraités de demain. Une politique des retraites passe nécessairement par la garantie du niveau des pensions. L'augmentation du niveau de vie des retraités au cours des trente dernières années, le recul de la pauvreté des personnes âgées qui était avant massive sont une des grandes conquêtes de la fin du XXè siècle. La réforme du système des retraites ne doit pas passer par la remise en cause de cet acquis social.
Je demanderai au gouvernement qui se mettrait en place si les Français me font confiance d'engager des négociations dans le cadre de la première conférence économique et sociale avec les partenaires sociaux mais je veux ici marquer les orientations qui doivent guider ces travaux. Ceux-ci, en tout cas, devront aboutir pour l'été 2003.
Je veux mettre en avant quatre orientations :
- la réforme des retraites passe d'abord par une réforme de la politique de l'activité. la France est mal placée puisque le taux d'emploi des plus de 55 ans est l'un des plus bas de tous les pays industrialisés. Cela implique de ne plus favoriser les départs en pré-retraite.
- la retraite doit ensuite être conçue comme la poursuite d'un projet de vie. Le débat sur les retraites doit être l'occasion de prendre la mesure d'aspirations et de besoins nouveaux. Il doit permettre de tenir compte de la diversité des parcours professionnels, sans remettre en cause le droit à la retraite à 60 ans. Ainsi, les centaines de milliers d'hommes et de femmes qui ont commencé à travailler jeunes devront pouvoir prendre leur retraite dès qu'ils ont atteint le seuil des 40 ans de cotisation, sans attendre l'âge de 60 ans. A l'inverse, il me paraît normal que ceux qui commencent à travailler plus tard puissent travailler plus longtemps. Chacun doit être à même de choisir entre son âge de départ à la retraite et son niveau de retraite. La retraite progressive doit être envisagée. Les jeunes doivent pouvoir cotiser pour la période correspondant à leurs études, s'ils souhaitent préserver du temps pour leur avenir.
De même, je suggère que la pénibilité du travail soit mieux prise en compte, dans le privé comme dans le public.
- En troisième lieu, il me paraît indispensable d'instaurer un équilibre équitable entre les régimes de retraites des salariés du privé et ceux des fonctionnaires.
La réforme à venir impliquera un effort, c'est indiscutable. Il serait démagogique de prétendre le contraire puisque la démographie fait que le nombre des actifs cotisants par rapport au nombre des inactifs qui reçoivent des prestations -les retraités-, va se déséquilibrer inévitablement. D'ailleurs, le fait qu'on ait créé 2.100.000 emplois pendant cette période a été une contribution pour rendre moins difficile la solution du problème de la retraite parce qu'on a plus de 2.000.000 de personnes de plus qui cotisent aujourd'hui qu'hier ! Le fait de réduire le chômage aide aussi à apporter des solutions. Le fait de remettre au travail des hommes et des femmes de plus de 50 ans aide à trouver des solutions. Nous devons poursuivre cette mise en activité du maximum d'hommes et de femmes mais le déséquilibre en tout état de cause existe. Nous voulons consolider le système de retraite par répartition, garantir le niveau des retraites : cela passe par un effort, une contribution. Une part en sera assurée solidairement, par le biais du fond de réserve des retraites, dont la dotation continuera de s'accroître. Une part cependant concerne les salariés. Cet effort doit être assumé par tous, équitablement.
Cela ne signifie pas que sa nature doive être la même pour tous. Il me paraît souhaitable, de préserver la diversité des régimes. Toute réforme concernant la fonction publique devra notamment poser la question des modalités d'intégration des primes dans le calcul de la retraite. Au-delà, deux voies sont envisageables : l'augmentation des cotisations ou l'allongement de la durée des cotisations : puisque nous vivons plus longtemps, il n'est pas anormal de travailler plus longtemps. Mais c'est la négociation qui devra permettre de déterminer la solution la mieux adaptée, collectivement.
- Enfin, nous pourrons développer l'épargne salariale, comme nous avons commencé à le faire, sous le contrôle des partenaires sociaux. Il ne s'agit pas de fonds de pension individuels, mais de complément collectif. Ce n'est pas pour moi le cur de la réforme mais d'un dispositif additionnel, du " troisième étage " du système. La droite propose des fonds de pension à la française ; elle tente aujourd'hui de faire croire que c'est anodin : si ça l'est, on ne comprend pas pourquoi elle a voté puis refusé d'abroger la loi Thomas ; on ne comprend pas pourquoi depuis 5 ans, elle explique que l'avenir passe par la capitalisation individuelle. Pour ma part, je dis clairement que l'épargne salariale que nous proposons s'inscrit dans la continuité des dispositifs existants, et ne doit pas se substituer à la retraite par répartition de quelque manière que ce soit.
CONCLUSION
La politique des retraites n'est pas seulement une affaire de choix financiers, même si ceux-ci ne peuvent être éludés. Elle renvoie au nouveau contrat social que les Français attendent dans une société en voie d'évolution rapide. La retraite, synonyme de pauvreté il y a 30 ans est aujourd'hui promesse de nouvelles activités ou de nouveaux engagements. C'est une chance à saisir, et à garantir.
(Source http://www.lioneljospin.net, le 11 avril 2002)
En tout cas, je voudrais remercier tous ceux qui m'ont accueilli aujourd'hui. Vous dire que, comme je me bats pour une société plus juste, donc fondée sur la solidarité, cela va concerner de plus en plus les personnes âgées à l'évidence.
Car l'allongement de la durée de la vie fait que notre pays connaît un bouleversement social majeur dont nous n'avons pas encore tout à fait pris toute la mesure, une véritable révolution des âges. En un siècle, l'espérance de vie a progressé quasiment autant que durant tout le reste de l'histoire de l'humanité qui a précédé.
Ce progrès est une très grande chance puisque tous les ans, l'espérance de vie des Français augmente de trois mois, pour ceux qui naissent aujourd'hui, et l'on dit même qu'un enfant sur deux qui naît aujourd'hui sera centenaire, ce qui est faramineux par rapport à ce qui pouvait exister au XVIIème siècle, au XVIIIème, au XIXème siècle et même pendant toute une partie de ce siècle. J'ai eu des discussions avec le Pr Beaulieu qui m'a dit que non seulement sur le nombre des centenaires mais sur le nombre de personnes qui vont atteindre des âges absolument faramineux, ceux que l'on considère aujourd'hui comme presque des phénomènes de la longévité, on est devant une évolution extrêmement profonde. C'est une évolution heureuse parce que nous vivons plus longtemps et en meilleure forme. Cette réalité nouvelle bouleverse une partie de nos représentations culturelles et de notre organisation sociale. Ceux qui ont le goût de la littérature se souviendront que dans la littérature classique, en fait romantique, celle que l'on célèbre aujourd'hui de Victor Hugo à Alexandre Dumas et bien sûr chez Balzac, dans " La femme de trente ans ", quand on parlait de femmes de trente ans, on en évoquait la splendeur avec nostalgie ! et de " splendides vieillards " qui, bien souvent, n'avaient pas quarante ans. Ce sont des changements majeurs qui sont en train de s'opérer.
Nous vivons un triple bouleversement :
- Au plan culturel : parce que cela va modifier profondément les rapports entre les générations ;
- Au plan social : parce que la retraite ne rimera plus avec la vieillesse, que l'allongement de la durée de la vie permettra une reconquête du temps. On peut dire sans paradoxe que beaucoup de retraités d'aujourd'hui sont jeunes, avant d'avancer en âge. Mesurons ce que cela signifie : davantage de liberté, plus de chance de se consacrer, un jour, à ce que l'on n'a pu entreprendre ou développer (culture, loisirs, vie associative mais aussi apprentissages, formation).
- Ce sont bien sûr des bouleversements économiques : les retraités acteurs économiques majeurs, par leur propre consommation, mais aussi par le soutien qu'ils apportent souvent à leurs enfants, petits enfants ; d'ailleurs, ne pensons pas que la politique en direction des seniors soit seulement une politique s'appliquant seulement aux personnes âgées. Quand on crée des emplois jeunes, quand on crée de l'emploi, on lève des angoisses, des inquiétudes y compris chez les grands-parents très souvent. Il faut avoir à l'esprit dans une politique économique et sociale globale ces liens affectifs profonds qui existent entre les différentes générations. Mais cela va modifier les termes de l'équilibre financier des régimes de retraite.
Nous devons nous préparer à ces défis et aussi bien sûr dans d'autres pays, en particulier dans les pays développés ou les plus riches, dans lesquels l'espérance de vie progresse. Les espérances de vie sont affectées par des mortalités infantiles importantes mais une fois passées ces années où la mort frappe dans les pays en développement, là-aussi les hommes et les femmes tendent à vivre plus vieux, même si cela n'est pas la même chose que dans nos pays. D'ailleurs, aujourd'hui, s'ouvre à Madrid " La conférence mondiale sur le vieillissement ". Paulette Guinchard-Kuntsler s'y rendra demain. Je salue Elisabeth Guigou, qui nous rejoint après avoir reçu un certain nombre de délégations.
Face à cette révolution des âges, je veux rappeler la nécessaire solidarité entre les générations, réaffirmer avec force le pacte humain et social qui doit rassembler les hommes et les femmes de notre pays tout au long de leur vie. C'est à partir de ce socle de principes, de cette conception de la solidarité que mon gouvernement a engagé puis conduit des réformes importantes.
NOTRE BILAN
* Nous avons soutenu et reconnu les droits des personnes âgées, en particulier les plus fragiles. Le droit à la dignité affirmée pour tous et particulièrement l'Allocation Personnalisée d'Autonomie qu'Elisabeth Guigou et Paulette Guinchard-Kunstler ont mis en place après de longues discussions et de négociations avec les départements et je remercie un homme comme Pierre-Joël Bonté d'avoir été un interlocuteur précieux à cet égard et c'est bien aussi parce qu'il y avait des solutions innovantes qui étaient recherchées ici, à Clermont, à Riom, dans le département que j'ai souhaité justement dans ce département traiter ces thèmes.
C'est une réforme essentielle parce qu'elle va permettre de mieux répondre aux besoins des personnes âgées fragiles et particulièrement aussi de leurs familles.
C'est aussi parce que de cette façon, on aborde les problèmes et je l'ai vu avec beaucoup d'émotion, de respect, de tristesse dans une certaine mesure mais d'une tristesse apaisée par le dévouement des personnels engagés dans l'unité consacrée aux soins des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer à Clermont-Ferrand tout à l'heure. Un certain nombre d'hommes et de femmes ont besoin d'être accompagnés dans leur humanité, même s'ils ont perdu une partie de leur lucidité ou de leur capacité à échanger. Et c'est un témoignage de civilisation qu'une société ou qu'un pays traite humainement des hommes et des femmes qui non seulement ne sont plus producteurs, mais qui ne sont pas toujours même encore en mesure d'assumer les actes essentiels de la socialité ou le font alors par des cheminements plus mystérieux où la tendresse, l'attention aux autres, les signes, les sourires remplacent l'intelligibilité habituelle de nos échanges. C'est pourquoi ce moment a été pour moi profondément émouvant. Même si j'avais pu être confronté en dehors de ma famille, dans un milieu amical, à ces réalités.
C'est pourquoi nous avons mis en uvre un plan spécifique pour les malades atteints d'Alzheimer avec notamment la création de 7 000 places d'accueil de jour et de 3 000 places d'hébergement temporaires est décidée.
* Nous avons privilégié les retraites les plus petites. Je sais que les retraités ont souvent le sentiment de n'avoir pas été associés à la croissance ou au fruit de la croissance au cours des dernières années. Pourtant, leur pouvoir d'achat a augmenté - moins que celui des actifs certes - mais il a augmenté alors qu'il avait nettement reculé entre 1993 et 1997. Un effort complémentaire a été fait pour les retraités non imposables, qui par ailleurs sont désormais exonérés de la CRDS. Je voudrais également rappeler que des réformes sans précédent ont été menées en direction de certaines professions, pour mettre à niveau par exemple la protection sociale agricole et des retraites agricoles qui ont beaucoup progressé, tout en restant faibles, depuis 5 ans.
* Nous avons également créé l'Allocation équivalent retraite qui assure aux chômeurs qui ont cotisé 40 annuités et qui n'ont pas 60 ans une garantie de ressources jusqu'à 60 ans de 5.752 F. Ce dispositif est opérationnel aujourd'hui.
* Enfin, nous avons engagé les mesures nécessaires à une réforme de notre système de retraite. Lorsque j'entends certains responsables de l'opposition se plaindre de la concertation que nous avons conduite, je me demande s'ils regrettent vraiment la démarche abrupte et autoritaire d'Alain Juppé et qui a abouti à un total blocage. La concertation et le dialogue ne sont jamais superflus : aujourd'hui, l'idée d'une réforme de notre système s'est imposée sur la base d'un diagnostic relativement partagé, dans un climat apaisé.
C'était ma volonté, lorsque j'ai créé le conseil d'orientation des retraites qui a permis à l'ensemble des acteurs concernés de travailler ensemble. Je regrette le choix du MEDEF de ne pas y participer, alors qu'il souhaite pourtant, dit-il, le dialogue. Il est, de tous les partenaires sociaux -syndicaux ou patronaux- le seul dans ce cas.
C'est dans le même esprit que j'ai créé dès 1998 le fond de réserve pour les retraites, qui rassemble une épargne collective sur nos rentrées fiscales collectives et les mettent en réserve et permettra de contribuer à la sécurisation du financement au-delà de 2020. En créant ce fond, nous avons voulu marquer que même si nous étions capables de rassembler des ressources collectives, financées par la collectivité et reversées à une autre partie de la collectivité, celle des retraités, gérées par l'Etat avec une participation ou un contrôle des partenaires sociaux, nous marquions là une différence par rapport à ceux qui veulent introduire une réforme des retraites sur la base de la capitalisation, c'est-à-dire de fonds de pensions individuels. La philosophie et les propositions qui sont les miennes dans cette campagne s'inscrivent totalement et exclusivement dans le cadre de la retraite par répartition, de la solidarité collective entre les générations.
Réaffirmer ce pacte social c'est reconnaître et renforcer le rôle et la place de toutes les générations dans notre société ; c'est mieux prendre en charge le vieillissement ; c'est garantir les retraites par la consolidation du système de la répartition.
1. JE VEUX MIEUX RECONNAITRE LE ROLE ET LA PLACE DE TOUTES LES GENERATIONS DANS NOTRE SOCIETE.
* Je n'accepte pas que des hommes et des femmes ne puissent accéder à des formations professionnelles à 40 ans parce qu'ils sont considérés comme trop vieux par les entreprises ! Il est choquant que des entreprises n'embauchent plus au-delà de 55 ans, voire de 50 ans !
Si je suis élu Président de la République, je demanderai au gouvernement de mettre en uvre un plan pour l'emploi des plus de 50 ans. L'expérience acquise, le savoir-faire, la culture d'un métier, sont des atouts formidables et qui doivent être transmis. Il est en plus absurde de dire que l'on a un problème pour le financement des retraites, de dire qu'il faudrait, comme le prétendent certains, allonger l'âge de la retraite et en même temps, de faire partir systématiquement en pré-retraite à 58 ans, 56 ans, parfois à 54 ans des hommes et des femmes qui cessent d'être des cotisants, pour toucher des pré-retraites en attendant de toucher leur retraite. C'est tout simplement absurde économique et c'est un gâchis social et intellectuel. Il va donc falloir changer nos attitudes collectives à l'égard de ce que l'on appelle les travailleurs les plus expérimentés, mettre fin aux discriminations. Ce sera d'ailleurs une nécessité pour avancer vers le plein emploi parce qu'on sait qu'il y a dans les dix ans, 5 millions de personnes qui vont partir à la retraite et que même si nous sommes encore en situation de chômage, malgré les progrès faits, il faut déjà se poser le problème du remplacement de ceux qui vont partir à la retraite.
* Je veux aussi que soit mieux reconnu ce qu'apportent les retraités à la vie économique en termes de transmission des valeurs et en capacité à créer du lien social. Je pense à leur investissement dans le milieu associatif (accompagnement scolaire, parrainage, gardes d'enfants, aide aux personnes en difficulté, conciliation en matière judiciaire, de médiateur de quartier). Il y a là une capacité à intervenir, à se faire entendre qui est irremplaçable.
Ils ont aussi ce rôle de relais, d'écoute, de conseils et de médiation. Le temps de la retraite est ainsi de plus en plus à la fois un temps d'accomplissement personnel et l'occasion d'un engagement citoyen.
Je proposerai que le gouvernement réfléchisse aux formes concrètes que pourrait prendre cette reconnaissance, par exemple par la création d'un statut du bénévole qui concernerait directement les retraités.
De la même manière, les organisations de retraités se sont renforcées. Elles jouent un rôle dans la défense de leurs intérêts mais aussi dans la réflexion sur les évolutions auxquelles notre société est confrontée. Il me paraît indispensable de leur assurer une meilleure représentation. Le rôle du Comité National des Retraités et Personnes Agées (CNRPA) doit également être renforcé, et il doit être présidé par un retraité. Localement, les CODERPA doivent disposer des moyens de leur action.
2. JE VEUX ENSUITE POURSUIVRE L'EFFORT POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DU VIEILLISSEMENT.
La vieillesse constitue parfois, malheureusement, une épreuve : physique, morale.
La solitude est le quotidien de trop de retraités, en particulier les femmes âgées, plus souvent veuves. Ce phénomène est moralement insupportable. Tout doit être fait pour prévenir ces situations humaines difficiles, faites d'abandon affectif, d'indifférence, d'isolement social et de repli, par là même aussi d'étiolement.
En particulier, les personnes âgées hospitalisées doivent bénéficier d'une prise en charge spécifique : le développement des services ou des unités de gériatrie, déjà engagé, a vocation à se poursuivre.
Travailler aux côtés des personnes âgées est un beau et vrai métier.
Nous devons amplifier la politique du soutien et du soin à domicile. Nous devons faire évoluer la qualité de vie des personnes âgées dans les services qui les hébergent, comme nous devrons prendre des mesures pour faire baisser le coût de la part financière supportée par les personnes âgées ou leur famille en établissement. Pour réussir cette évolution de la qualité, les métiers qui accompagnent les personnes âgées seront reconnus, revalorisés, et développés.
Parler de la souffrance qui peut parfois accompagner l'âge, c'est parler d'un immense défi : le développement de la maladie d'Alzheimer, qui prend aujourd'hui des proportions qui sont alarmantes. Un plan a été mis en place. Pour autant, face aux 500 000 malades attendus dans les années qui viennent, il semble impératif de faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer une grande cause nationale en mobilisant toutes les énergies pour prévenir la maladie et accompagner les malades et leur famille. C'est un enjeu de respect et de dignité. J'ajoute aussi que l'effort de recherche doit être absolument accentué, parce que même s'il n'y a pas aujourd'hui encore d'espérances directes et concrètes, on peut penser notamment avec tout ce que va permettre le décryptage du génome que des progrès considérables peuvent être apportés.
3. JE VEUX, ENFIN, CONSOLIDER NOTRE SYSTEME DE RETRAITE PAR REPARTITION.
- Les Français sont attentifs aux conditions de leur retraite future et c'est normal. Ils veulent que leur soient garanties des conditions de vie satisfaisantes. Mais leur préoccupation ne s'explique pas seulement par des considérations financières. Je ne veux pas oublier la dimension humaine, psychologique d'un départ - ou d'une entrée - en retraite.
- C'est pourquoi nous avons à inventer un modèle social plus souple, plus libre, davantage choisi pour mieux répartir les différents temps de la vie, satisfaire des besoins de souplesse nouveaux pour mieux harmoniser le temps de formation initial qui dure plus longtemps, tout au long de la vie -c'est une démarche que je propose-, le temps de travail, le temps familial, le temps de loisirs .
- Tracer l'avenir de notre système de retraite ne se résume pas à l'énoncé d'options techniques mais consiste bien à exprimer un choix d'avenir pour notre société.
- Je veux redire mon attachement à notre système de protection sociale, et à l'idée même de la solidarité nationale qui se concrétise dans le système dit de répartition. Je refuse la perspective, prônée par certains, d'une privatisation de cette solidarité. Le pacte Républicain est aussi un pacte social, le pacte social est le ciment de notre nation, qu'il rassemble par-delà les âges et les situations sociales. Le contrat entre les générations est l'une de ses expressions les plus remarquables. Ce pacte doit être réaffirmé : c'est mon projet pour les cinq années à venir. Les fonds de pension, même " à la française " ne sont ni justes ni sûrs : parce qu'ils distinguent les individus selon leurs patrimoines ou leurs revenus et certains pourront s'assurer des retraites auxquels d'autres ne pourront pas accéder, et la faillite récente de plusieurs de ces fonds aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne démontre là que c'est une voie risquée quand ils sont menés par des gestionnaires sans scrupules ! Les retraités britanniques en font actuellement l'amère expérience.
Ma volonté est de préserver les droits qu'ont acquis les retraités actuels et garantir l'avenir des retraités de demain. Une politique des retraites passe nécessairement par la garantie du niveau des pensions. L'augmentation du niveau de vie des retraités au cours des trente dernières années, le recul de la pauvreté des personnes âgées qui était avant massive sont une des grandes conquêtes de la fin du XXè siècle. La réforme du système des retraites ne doit pas passer par la remise en cause de cet acquis social.
Je demanderai au gouvernement qui se mettrait en place si les Français me font confiance d'engager des négociations dans le cadre de la première conférence économique et sociale avec les partenaires sociaux mais je veux ici marquer les orientations qui doivent guider ces travaux. Ceux-ci, en tout cas, devront aboutir pour l'été 2003.
Je veux mettre en avant quatre orientations :
- la réforme des retraites passe d'abord par une réforme de la politique de l'activité. la France est mal placée puisque le taux d'emploi des plus de 55 ans est l'un des plus bas de tous les pays industrialisés. Cela implique de ne plus favoriser les départs en pré-retraite.
- la retraite doit ensuite être conçue comme la poursuite d'un projet de vie. Le débat sur les retraites doit être l'occasion de prendre la mesure d'aspirations et de besoins nouveaux. Il doit permettre de tenir compte de la diversité des parcours professionnels, sans remettre en cause le droit à la retraite à 60 ans. Ainsi, les centaines de milliers d'hommes et de femmes qui ont commencé à travailler jeunes devront pouvoir prendre leur retraite dès qu'ils ont atteint le seuil des 40 ans de cotisation, sans attendre l'âge de 60 ans. A l'inverse, il me paraît normal que ceux qui commencent à travailler plus tard puissent travailler plus longtemps. Chacun doit être à même de choisir entre son âge de départ à la retraite et son niveau de retraite. La retraite progressive doit être envisagée. Les jeunes doivent pouvoir cotiser pour la période correspondant à leurs études, s'ils souhaitent préserver du temps pour leur avenir.
De même, je suggère que la pénibilité du travail soit mieux prise en compte, dans le privé comme dans le public.
- En troisième lieu, il me paraît indispensable d'instaurer un équilibre équitable entre les régimes de retraites des salariés du privé et ceux des fonctionnaires.
La réforme à venir impliquera un effort, c'est indiscutable. Il serait démagogique de prétendre le contraire puisque la démographie fait que le nombre des actifs cotisants par rapport au nombre des inactifs qui reçoivent des prestations -les retraités-, va se déséquilibrer inévitablement. D'ailleurs, le fait qu'on ait créé 2.100.000 emplois pendant cette période a été une contribution pour rendre moins difficile la solution du problème de la retraite parce qu'on a plus de 2.000.000 de personnes de plus qui cotisent aujourd'hui qu'hier ! Le fait de réduire le chômage aide aussi à apporter des solutions. Le fait de remettre au travail des hommes et des femmes de plus de 50 ans aide à trouver des solutions. Nous devons poursuivre cette mise en activité du maximum d'hommes et de femmes mais le déséquilibre en tout état de cause existe. Nous voulons consolider le système de retraite par répartition, garantir le niveau des retraites : cela passe par un effort, une contribution. Une part en sera assurée solidairement, par le biais du fond de réserve des retraites, dont la dotation continuera de s'accroître. Une part cependant concerne les salariés. Cet effort doit être assumé par tous, équitablement.
Cela ne signifie pas que sa nature doive être la même pour tous. Il me paraît souhaitable, de préserver la diversité des régimes. Toute réforme concernant la fonction publique devra notamment poser la question des modalités d'intégration des primes dans le calcul de la retraite. Au-delà, deux voies sont envisageables : l'augmentation des cotisations ou l'allongement de la durée des cotisations : puisque nous vivons plus longtemps, il n'est pas anormal de travailler plus longtemps. Mais c'est la négociation qui devra permettre de déterminer la solution la mieux adaptée, collectivement.
- Enfin, nous pourrons développer l'épargne salariale, comme nous avons commencé à le faire, sous le contrôle des partenaires sociaux. Il ne s'agit pas de fonds de pension individuels, mais de complément collectif. Ce n'est pas pour moi le cur de la réforme mais d'un dispositif additionnel, du " troisième étage " du système. La droite propose des fonds de pension à la française ; elle tente aujourd'hui de faire croire que c'est anodin : si ça l'est, on ne comprend pas pourquoi elle a voté puis refusé d'abroger la loi Thomas ; on ne comprend pas pourquoi depuis 5 ans, elle explique que l'avenir passe par la capitalisation individuelle. Pour ma part, je dis clairement que l'épargne salariale que nous proposons s'inscrit dans la continuité des dispositifs existants, et ne doit pas se substituer à la retraite par répartition de quelque manière que ce soit.
CONCLUSION
La politique des retraites n'est pas seulement une affaire de choix financiers, même si ceux-ci ne peuvent être éludés. Elle renvoie au nouveau contrat social que les Français attendent dans une société en voie d'évolution rapide. La retraite, synonyme de pauvreté il y a 30 ans est aujourd'hui promesse de nouvelles activités ou de nouveaux engagements. C'est une chance à saisir, et à garantir.
(Source http://www.lioneljospin.net, le 11 avril 2002)