Texte intégral
Messieurs les vice-présidents,
Madame la déléguée,
Madame la secrétaire générale,
Mesdames, Messieurs,
Ce Conseil National des Villes est le second que j'ai le plaisir d'installer : soyez tous les bienvenus, soyez remerciés de l'engagement que vous avez accepté de prendre pour les trois ans à venir et soyez déterminés à prendre toute votre place.
Je voudrais tout d'abord saluer l'action de Laurent Cathala et Gilles de Robien, qui, en qualité de vice-présidents, ont animé la précédente assemblée. Laurent Cathala a souhaité passer la main et je tiens aujourd'hui à le remercier pour le travail accompli. Je remercie Gilles de Robien d'avoir accepté de poursuivre sa mission et je salue Claude Dilain, qui succède à Laurent Cathala. Je suis persuadé que son engagement comme maire de Clichy-sous-Bois constitue le gage d'une action efficace comme vice-président du Conseil.
Cette 2ème installation impose un certain "devoir de bilan", de mon action au sein du gouvernement. C'est aussi l'occasion de rappeler l'action du précédent CNV.
Le premier ministre et moi-même avions, en 1998, tracé quelques priorités :
- renouer le pacte républicain, autour d'un ensemble de droits et devoirs, avec l'objectif d'égal accès de tous au service public et la nécessité de repenser la ville comme espace de cohésion sociale et territoriale ;
- faire du CNV un espace de confrontation entre les logiques de l'Etat, des élus, des professionnels et des habitants, une instance libre, indépendante, ne craignant pas d'interpeller le gouvernement, la DIV, les élus, et professionnels, pour un renouvellement permanent de l'action publique ;
- inscrire la ville française dans une réflexion et une stratégie européennes.
Ces priorités ont été des chantiers pour le ministre de la ville comme pour le CNV.
Si j'évalue rapidement, mais avec le plus d'objectivité possible, notre action, je dirais que dans certains domaines, nous sommes allés plus vite et plus loin que je ne l'imaginais à l'époque et, que dans d'autres, le chemin à parcourir est encore important.
- Nous avons bien avancé dans le domaine de la cohésion territoriale. La nouvelle génération de contrats de ville, les GPV et les importants moyens engagés pour le renouvellement urbain, couplés avec les réorganisations territoriales, souvent plus rapides que prévues, en agglomérations et en pays, constituent une étape décisive pour la cohésion territoriale de notre pays. Nous en verrons les bénéfices s'engranger rapidement. Ces nouveaux dispositifs contractuels ont été l'occasion de vérifier que, progressivement mais sensiblement, l'objectif, d'une meilleure mobilisation de tous les acteurs concernés, est en passe de réussir: qu'il s'agisse des départements, des régions, des bailleurs institutionnels, de l'éducation nationale, des progrès notables ont été accomplis, une culture de projet a pris racine, des savoir-faire se développent.
- Nous avons aussi fait des progrès importants, sur la question de la démocratie locale, le CNV ayant participé cette évolution positive. Après des années d'incantations pour tenter de mobiliser la société civile, nous l'avons vu ré-émerger dans tous les domaines, organisée en associations, se diffusant en réseaux, exigeant d'aller encore plus loin que la démocratie représentative, pour créer des formes de démocratie participative tout à fait novatrices. La loi sur la démocratie de proximité a pu s'appuyer sur ce mouvement pour poser le socle du minimum nécessaire en la matière.
En 3 ans, le festival international de la ville et ses "places publiques" inventées et réalisées par le CNV, sont devenus le rendez-vous annuel de la participation des habitants. Il s'agit d'un instant précieux de rencontres, d'échanges et de mobilisation citoyenne. Mais ne nous leurrons pas, une telle dynamique si elle est essentielle, n'en reste pas moins fragile : je vous demande de l'entretenir, de l'encourager, d'aider à ce qu'elle s'inscrive durablement dans notre culture et celle de nos institutions. C'est pourquoi, le 18 mai dernier lors des rencontres nationales sur la démocratie locale, j'ai chargé votre Conseil d'animer une "conférence permanente de la démocratie locale", mission qui se trouve aujourd'hui consacrée par les termes du nouveau décret. La loi généralisant les conseils de quartiers dans les communes de plus de 80 000 habitants va nécessairement créer un appel d'air intéressant dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que vous suiviez le développement de ces nouvelles formes de démocratie de proximité.
- Faire du CNV un espace de confrontation des logiques, une instance libre et indépendante n'hésitant pas à interpeller. Là encore, je crois que nous pouvons dire "mission accomplie". Le Premier Ministre et moi-même, bien que présidant sur le papier cette instance, lui avons laissé toute liberté de manoeuvre pour travailler et élaborer des recommandations. A travers une quinzaine d'avis, diverses notes et interventions publiques, ainsi que ses rapports d'activité, le CNV a joué pleinement son rôle. C'est parfois difficile à admettre cela crée parfois quelques tensions Je sais aussi que le CNV sortant a parfois eu l'impression de ne pas être assez entendu, pris en compte ; c'est peut être un "dommage collatéral" de son autonomie. La politique de la ville a la chance de bénéficier d'un dispositif riche, avec un ministère, une DIV, un CNV. Chacun a son rôle, son économie et doit les tenir, avec les autres. Je considère pour ma part que c'est un des atouts des gouvernements depuis 20 ans de s'être dotés d'un ensemble de conseils consultatifs qui, associant la société civile, enrichissent la réflexion politique et stimulent son action. Mais il est évident que ces structures n'ont de sens que si elles sont comprises et acceptées. C'est notre devoir de responsable d'accepter les critiques, de tirer le meilleur parti des apports et suggestions, pour la transformation de l'action publique. La multiplicité des avis et des idées ne devrait pas perturber le politique car c'est elle, en réalité, qui renforce son rôle d'arbitre et lui donne tout son sens.
Sur les autres priorités évoquées ci-dessus, je dois dire que j'ai été parfois plus perplexe, parfois impatient, parfois même déçu.
- Ainsi, si nous pouvons être satisfaits des avancées dans le domaine de la cohésion territoriale, il me semble que nous avons encore beaucoup à faire s'agissant de la cohésion sociale. Vous l'avez souligné dans votre dernier avis "sur la mise en égalité des communes les plus déshéritées et pour l'amélioration des GPV".
La crise économique et sociale a été longue et nous en paierons longtemps encore les conséquences : trop de familles, d'individus ont été littéralement "cassés" par le chômage, trop d'enfants de chômeurs ne réussissent pas à reprendre pied, à se projeter dans une vie normale, sans repli sur soi, ni trafics, ni violence
Par ailleurs, l'immigration pendant trop longtemps n'a pas été accompagnée : on s'est trop borné à la compter, à affirmer la nécessité de l'intégration, sans en comprendre les difficultés pour les uns et pour les autres, en sous-estimant les efforts immenses exigés de chacun, en appréhendant insuffisament le choc des cultures, des modes de vie. On a parfois ainsi fragilisé les parents, leurs valeurs familiales, leur savoir-faire en matière d'autorité et d'éducation, pensant que l'école républicaine permettrait à leurs enfants de "griller les étapes", de sauter d'une culture à l'autre, sans dommage. On a parlé de "contrat social", "de pacte républicain" sans l'expliquer, sans en détailler les contraintes et les avantages, sans remettre en discussion les termes de ce pacte, c''est à dire sans permettre sa compréhension et son appropriation par chacun.
On a laissé le travail social traditionnel, l'accompagnement individuel s'affaiblir, en croyant le compenser par une simple offre renforcée de services.
On a trop pensé parfois que la politique de la ville suffirait à combattre les conséquences de la pauvreté. Le CNV qui vous a précédé l'a dit : le renouvellement urbain ne "réussira" que s'il marche sur ses deux jambes : cohésion territoriale et cohésion sociale. C'est dans cet esprit que j'ai signé avec madame la secrétaire d'État au logement une lettre de mission conjointe Conseil National des Villes/Conseil National de l'Habitat. En vous demandant de travailler ensemble sur le concept même et les méthodes du renouvellement urbain, au-delà des géographies prioritaires, en veillant à bien articuler les volets urbain et humain de la démarche.
- Dans le domaine de la lutte contre la délinquance, le Gouvernement a mis en oeuvre une réforme pleine de promesses avec la police de proximité : mais celle-ci prendra du temps à trouver sa mesure, à transformer durablement les pratiques professionnelles et la culture policière. La prévention situationnelle est parvenue à mieux protéger les biens, mais s'est traduite par un glissement de la délinquance vers les atteintes aux personnes et vols avec violence. Les CLS ont redonné vigueur au partenariat pour lutter contre l'insécurité mais l'ont, dans un premier temps trop recentré sur la seule police. Heureusement, les dernières évolutions, la loi sur la sécurité au quotidien, ont, conformément aux recommandations du CNV dans son avis sur les CCPD/CLS, réaffirmé le rôle pivôt du maire.
- Mais au-delà des questions de structure, comme vous l'aviez souligné dans votre avis et comme le montre chaque jour la réalité de terrain, la question majeure reste celle du fonctionnement au quotidien de ces instances pour avoir plus de prise sur le réel, et renforcer l'efficacité des activités de prévention.
Ainsi, tout l'accent mis, sous mon impulsion, sur la veille éducative, la lutte contre l'échec scolaire et la prévention précoce procède d'un même souci : arrêtons de croire et de faire croire que plus de police et plus de justice réussiront, seules, à régler le problème de la délinquance si nous ne nous battons pas vraiment aux niveaux des racines des difficultés, pour redonner, à tous les enfants et tous les jeunes et à leurs familles, l'envie et la croyance en un avenir possible.
Le décret portant réforme du CNV, que j'ai proposé au Premier ministre, a réaffirmé la légitimité du conseil, héritier, entre autres, du Conseil National de prévention de la délinquance initié par Gilbert Bonnemaison, à travailler sur les questions de prévention et de lutte contre la délinquance. La création d'une section permanente chargée de suivre les conseils locaux de prévention de la délinquance et les contrats locaux de sécurité me paraît, à cet égard, particulièrement utile. Si la police et la justice constituent des éléments importants de ces stratégies, je redis ici avec vigueur que les élus, à qui il est le plus souvent demandé de rendre des comptes, sont les premiers concernés. Ils doivent pouvoir prendre leurs responsabilités aux cotés des institutions chargées de la répression, pour prévenir la délinquance, faciliter la réinsertion des délinquants, et venir en aide aux victimes; le secteur associatif et l'ensemble des services publics doivent être associés étroitement à ces démarches et intégrer cette préoccupation de paix sociale dans leur action. J'attends donc de votre CNV, que j'ai voulu élargi et diversifié dans sa composition, toutes propositions pour rendre effectif et efficace ce partenariat sur le terrain. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais elles sont sans cesse à réaffirmer. Il nous faut leur donner le maximum d'opérationnalité. J'attends de vous, et de votre regard attentif, que vous débusquiez ce qui en limite l'efficacité pour nous aider à améliorer l'efficacité de ces actions. Nous ne gagnerons pas la bataille du renouvellement urbain si nous n'endiguons pas efficacement la délinquance.
- Si nous avons bien progressé sur la démocratie locale, corollaire naturel de la décentralisation, le CNV qui vous a précédé a souligné, à juste titre, à diverses reprises, que l'Etat tarde à tirer les conséquences, politiques et organisationnelles de la décentralisation : l'empilement des niveaux de compétence, les circonscriptions administratives, incohérentes entre elles, gênent le partenariat local, les compétences se chevauchent, les agents de l'État au niveau local n'ont pas toujours les marges de manoeuvre ni les délégations qui seraient indispensables pour de vrais remodelages, en fonction des terrains et de vraies contractualisations.
D'autre part, il est évident que les moyens exceptionnels relevant de la politique de la ville ne suffisent pas à rétablir de manière durable les déséquilibres de fond qui marquent nos territoires. Si la loi SRU a introduit des mesures qui conduiront, à terme, à rééquilibrer la charge des logements sociaux, si les agglomérations permettent de lisser la répartition de la taxe professionnelle à ce niveau, il n'en reste pas moins que des inégalités parfois graves et dommageables subsistent. Je souhaite qu'une réforme de la DGF soit mise en oeuvre, et qu'elle aille plus loin que l'actuelle DSU.
Le CNV sortant s'est plusieurs fois exprimé sur ces sujets, j'attends de vous que vous approfondissiez ces questions et formuliez des propositions précises et opérationnelles pour franchir, dans de bonnes conditions, cette nouvelle étape de la décentralisation.
Il y a vingt ans, quand nos prédécesseurs ont inventé la politique de la ville, la grande novation qu'elle apportait consistait à associer les collectivités locales à l'action du Gouvernement, pour mieux traiter les problèmes urbains.
Aujourd'hui, le pas que nous devons franchir et réussir, consiste à apprendre à gouverner autrement, à associer la société civile à l'action des pouvoirs publics. C'est un nouveau point d'appui qui a progressivement pris forme et force, notamment au cours des trois dernières années. Il nous faut collectivement en tirer le meilleur dans le traitement des problèmes urbains.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 27 février 2002)
Madame la déléguée,
Madame la secrétaire générale,
Mesdames, Messieurs,
Ce Conseil National des Villes est le second que j'ai le plaisir d'installer : soyez tous les bienvenus, soyez remerciés de l'engagement que vous avez accepté de prendre pour les trois ans à venir et soyez déterminés à prendre toute votre place.
Je voudrais tout d'abord saluer l'action de Laurent Cathala et Gilles de Robien, qui, en qualité de vice-présidents, ont animé la précédente assemblée. Laurent Cathala a souhaité passer la main et je tiens aujourd'hui à le remercier pour le travail accompli. Je remercie Gilles de Robien d'avoir accepté de poursuivre sa mission et je salue Claude Dilain, qui succède à Laurent Cathala. Je suis persuadé que son engagement comme maire de Clichy-sous-Bois constitue le gage d'une action efficace comme vice-président du Conseil.
Cette 2ème installation impose un certain "devoir de bilan", de mon action au sein du gouvernement. C'est aussi l'occasion de rappeler l'action du précédent CNV.
Le premier ministre et moi-même avions, en 1998, tracé quelques priorités :
- renouer le pacte républicain, autour d'un ensemble de droits et devoirs, avec l'objectif d'égal accès de tous au service public et la nécessité de repenser la ville comme espace de cohésion sociale et territoriale ;
- faire du CNV un espace de confrontation entre les logiques de l'Etat, des élus, des professionnels et des habitants, une instance libre, indépendante, ne craignant pas d'interpeller le gouvernement, la DIV, les élus, et professionnels, pour un renouvellement permanent de l'action publique ;
- inscrire la ville française dans une réflexion et une stratégie européennes.
Ces priorités ont été des chantiers pour le ministre de la ville comme pour le CNV.
Si j'évalue rapidement, mais avec le plus d'objectivité possible, notre action, je dirais que dans certains domaines, nous sommes allés plus vite et plus loin que je ne l'imaginais à l'époque et, que dans d'autres, le chemin à parcourir est encore important.
- Nous avons bien avancé dans le domaine de la cohésion territoriale. La nouvelle génération de contrats de ville, les GPV et les importants moyens engagés pour le renouvellement urbain, couplés avec les réorganisations territoriales, souvent plus rapides que prévues, en agglomérations et en pays, constituent une étape décisive pour la cohésion territoriale de notre pays. Nous en verrons les bénéfices s'engranger rapidement. Ces nouveaux dispositifs contractuels ont été l'occasion de vérifier que, progressivement mais sensiblement, l'objectif, d'une meilleure mobilisation de tous les acteurs concernés, est en passe de réussir: qu'il s'agisse des départements, des régions, des bailleurs institutionnels, de l'éducation nationale, des progrès notables ont été accomplis, une culture de projet a pris racine, des savoir-faire se développent.
- Nous avons aussi fait des progrès importants, sur la question de la démocratie locale, le CNV ayant participé cette évolution positive. Après des années d'incantations pour tenter de mobiliser la société civile, nous l'avons vu ré-émerger dans tous les domaines, organisée en associations, se diffusant en réseaux, exigeant d'aller encore plus loin que la démocratie représentative, pour créer des formes de démocratie participative tout à fait novatrices. La loi sur la démocratie de proximité a pu s'appuyer sur ce mouvement pour poser le socle du minimum nécessaire en la matière.
En 3 ans, le festival international de la ville et ses "places publiques" inventées et réalisées par le CNV, sont devenus le rendez-vous annuel de la participation des habitants. Il s'agit d'un instant précieux de rencontres, d'échanges et de mobilisation citoyenne. Mais ne nous leurrons pas, une telle dynamique si elle est essentielle, n'en reste pas moins fragile : je vous demande de l'entretenir, de l'encourager, d'aider à ce qu'elle s'inscrive durablement dans notre culture et celle de nos institutions. C'est pourquoi, le 18 mai dernier lors des rencontres nationales sur la démocratie locale, j'ai chargé votre Conseil d'animer une "conférence permanente de la démocratie locale", mission qui se trouve aujourd'hui consacrée par les termes du nouveau décret. La loi généralisant les conseils de quartiers dans les communes de plus de 80 000 habitants va nécessairement créer un appel d'air intéressant dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que vous suiviez le développement de ces nouvelles formes de démocratie de proximité.
- Faire du CNV un espace de confrontation des logiques, une instance libre et indépendante n'hésitant pas à interpeller. Là encore, je crois que nous pouvons dire "mission accomplie". Le Premier Ministre et moi-même, bien que présidant sur le papier cette instance, lui avons laissé toute liberté de manoeuvre pour travailler et élaborer des recommandations. A travers une quinzaine d'avis, diverses notes et interventions publiques, ainsi que ses rapports d'activité, le CNV a joué pleinement son rôle. C'est parfois difficile à admettre cela crée parfois quelques tensions Je sais aussi que le CNV sortant a parfois eu l'impression de ne pas être assez entendu, pris en compte ; c'est peut être un "dommage collatéral" de son autonomie. La politique de la ville a la chance de bénéficier d'un dispositif riche, avec un ministère, une DIV, un CNV. Chacun a son rôle, son économie et doit les tenir, avec les autres. Je considère pour ma part que c'est un des atouts des gouvernements depuis 20 ans de s'être dotés d'un ensemble de conseils consultatifs qui, associant la société civile, enrichissent la réflexion politique et stimulent son action. Mais il est évident que ces structures n'ont de sens que si elles sont comprises et acceptées. C'est notre devoir de responsable d'accepter les critiques, de tirer le meilleur parti des apports et suggestions, pour la transformation de l'action publique. La multiplicité des avis et des idées ne devrait pas perturber le politique car c'est elle, en réalité, qui renforce son rôle d'arbitre et lui donne tout son sens.
Sur les autres priorités évoquées ci-dessus, je dois dire que j'ai été parfois plus perplexe, parfois impatient, parfois même déçu.
- Ainsi, si nous pouvons être satisfaits des avancées dans le domaine de la cohésion territoriale, il me semble que nous avons encore beaucoup à faire s'agissant de la cohésion sociale. Vous l'avez souligné dans votre dernier avis "sur la mise en égalité des communes les plus déshéritées et pour l'amélioration des GPV".
La crise économique et sociale a été longue et nous en paierons longtemps encore les conséquences : trop de familles, d'individus ont été littéralement "cassés" par le chômage, trop d'enfants de chômeurs ne réussissent pas à reprendre pied, à se projeter dans une vie normale, sans repli sur soi, ni trafics, ni violence
Par ailleurs, l'immigration pendant trop longtemps n'a pas été accompagnée : on s'est trop borné à la compter, à affirmer la nécessité de l'intégration, sans en comprendre les difficultés pour les uns et pour les autres, en sous-estimant les efforts immenses exigés de chacun, en appréhendant insuffisament le choc des cultures, des modes de vie. On a parfois ainsi fragilisé les parents, leurs valeurs familiales, leur savoir-faire en matière d'autorité et d'éducation, pensant que l'école républicaine permettrait à leurs enfants de "griller les étapes", de sauter d'une culture à l'autre, sans dommage. On a parlé de "contrat social", "de pacte républicain" sans l'expliquer, sans en détailler les contraintes et les avantages, sans remettre en discussion les termes de ce pacte, c''est à dire sans permettre sa compréhension et son appropriation par chacun.
On a laissé le travail social traditionnel, l'accompagnement individuel s'affaiblir, en croyant le compenser par une simple offre renforcée de services.
On a trop pensé parfois que la politique de la ville suffirait à combattre les conséquences de la pauvreté. Le CNV qui vous a précédé l'a dit : le renouvellement urbain ne "réussira" que s'il marche sur ses deux jambes : cohésion territoriale et cohésion sociale. C'est dans cet esprit que j'ai signé avec madame la secrétaire d'État au logement une lettre de mission conjointe Conseil National des Villes/Conseil National de l'Habitat. En vous demandant de travailler ensemble sur le concept même et les méthodes du renouvellement urbain, au-delà des géographies prioritaires, en veillant à bien articuler les volets urbain et humain de la démarche.
- Dans le domaine de la lutte contre la délinquance, le Gouvernement a mis en oeuvre une réforme pleine de promesses avec la police de proximité : mais celle-ci prendra du temps à trouver sa mesure, à transformer durablement les pratiques professionnelles et la culture policière. La prévention situationnelle est parvenue à mieux protéger les biens, mais s'est traduite par un glissement de la délinquance vers les atteintes aux personnes et vols avec violence. Les CLS ont redonné vigueur au partenariat pour lutter contre l'insécurité mais l'ont, dans un premier temps trop recentré sur la seule police. Heureusement, les dernières évolutions, la loi sur la sécurité au quotidien, ont, conformément aux recommandations du CNV dans son avis sur les CCPD/CLS, réaffirmé le rôle pivôt du maire.
- Mais au-delà des questions de structure, comme vous l'aviez souligné dans votre avis et comme le montre chaque jour la réalité de terrain, la question majeure reste celle du fonctionnement au quotidien de ces instances pour avoir plus de prise sur le réel, et renforcer l'efficacité des activités de prévention.
Ainsi, tout l'accent mis, sous mon impulsion, sur la veille éducative, la lutte contre l'échec scolaire et la prévention précoce procède d'un même souci : arrêtons de croire et de faire croire que plus de police et plus de justice réussiront, seules, à régler le problème de la délinquance si nous ne nous battons pas vraiment aux niveaux des racines des difficultés, pour redonner, à tous les enfants et tous les jeunes et à leurs familles, l'envie et la croyance en un avenir possible.
Le décret portant réforme du CNV, que j'ai proposé au Premier ministre, a réaffirmé la légitimité du conseil, héritier, entre autres, du Conseil National de prévention de la délinquance initié par Gilbert Bonnemaison, à travailler sur les questions de prévention et de lutte contre la délinquance. La création d'une section permanente chargée de suivre les conseils locaux de prévention de la délinquance et les contrats locaux de sécurité me paraît, à cet égard, particulièrement utile. Si la police et la justice constituent des éléments importants de ces stratégies, je redis ici avec vigueur que les élus, à qui il est le plus souvent demandé de rendre des comptes, sont les premiers concernés. Ils doivent pouvoir prendre leurs responsabilités aux cotés des institutions chargées de la répression, pour prévenir la délinquance, faciliter la réinsertion des délinquants, et venir en aide aux victimes; le secteur associatif et l'ensemble des services publics doivent être associés étroitement à ces démarches et intégrer cette préoccupation de paix sociale dans leur action. J'attends donc de votre CNV, que j'ai voulu élargi et diversifié dans sa composition, toutes propositions pour rendre effectif et efficace ce partenariat sur le terrain. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais elles sont sans cesse à réaffirmer. Il nous faut leur donner le maximum d'opérationnalité. J'attends de vous, et de votre regard attentif, que vous débusquiez ce qui en limite l'efficacité pour nous aider à améliorer l'efficacité de ces actions. Nous ne gagnerons pas la bataille du renouvellement urbain si nous n'endiguons pas efficacement la délinquance.
- Si nous avons bien progressé sur la démocratie locale, corollaire naturel de la décentralisation, le CNV qui vous a précédé a souligné, à juste titre, à diverses reprises, que l'Etat tarde à tirer les conséquences, politiques et organisationnelles de la décentralisation : l'empilement des niveaux de compétence, les circonscriptions administratives, incohérentes entre elles, gênent le partenariat local, les compétences se chevauchent, les agents de l'État au niveau local n'ont pas toujours les marges de manoeuvre ni les délégations qui seraient indispensables pour de vrais remodelages, en fonction des terrains et de vraies contractualisations.
D'autre part, il est évident que les moyens exceptionnels relevant de la politique de la ville ne suffisent pas à rétablir de manière durable les déséquilibres de fond qui marquent nos territoires. Si la loi SRU a introduit des mesures qui conduiront, à terme, à rééquilibrer la charge des logements sociaux, si les agglomérations permettent de lisser la répartition de la taxe professionnelle à ce niveau, il n'en reste pas moins que des inégalités parfois graves et dommageables subsistent. Je souhaite qu'une réforme de la DGF soit mise en oeuvre, et qu'elle aille plus loin que l'actuelle DSU.
Le CNV sortant s'est plusieurs fois exprimé sur ces sujets, j'attends de vous que vous approfondissiez ces questions et formuliez des propositions précises et opérationnelles pour franchir, dans de bonnes conditions, cette nouvelle étape de la décentralisation.
Il y a vingt ans, quand nos prédécesseurs ont inventé la politique de la ville, la grande novation qu'elle apportait consistait à associer les collectivités locales à l'action du Gouvernement, pour mieux traiter les problèmes urbains.
Aujourd'hui, le pas que nous devons franchir et réussir, consiste à apprendre à gouverner autrement, à associer la société civile à l'action des pouvoirs publics. C'est un nouveau point d'appui qui a progressivement pris forme et force, notamment au cours des trois dernières années. Il nous faut collectivement en tirer le meilleur dans le traitement des problèmes urbains.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 27 février 2002)