Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur l'entrée de la France dans la société de l'information, la maîtrise des nouvelles technologies de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel et la nécessité d'adapter la règlementation et la fiscalité, Paris le 4 novembre 1998.

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Circonstance : Visite de M. Poncelet au salon Networld-Interop 1998, à Paris le 4 novembre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président Directeur général,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour le Président du Sénat un grand plaisir de répondre à l'invitation de M. Patrick Jacquemin, Président Directeur général de Ziff-Davis France, pour venir visiter ce salon, qui est devenu en six ans le rendez-vous annuel majeur de l'industrie informatique, des télécommunications et de l'Internet.
Ma visite du salon, hélas trop rapide, m'a donné l'occasion de voir miroiter les instruments de la modernité.
Fruit du talent des organisateurs et de l'inventivité des exposants, ce déploiement technologique démontre que la France est en passe d'assumer pleinement son entrée dans la société de l'information.
Or, vous le savez mieux que moi, la France revient de loin.
Il a, en effet, fallu compter avec ce que le Général de Gaulle, confronté aux défis de la modernisation, appelait, avec compréhension, le penchant de nos compatriotes pour " la splendeur de la marine à voile et la douceur des lampes à huile ".
Dans cet effort de conversion des Français à l'univers des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le Sénat a pris toute sa part. Je tiens, en la matière, à rendre tout d'abord un hommage appuyé à mon prédécesseur, le Président René Monory, qui a permis à la Haute Assemblée d'être à la pointe des nouvelles technologies.
Son action a été relayée en direction de l'opinion publique par de nombreux sénateurs, qui se qualifient bien volontiers eux-mêmes de " croisés " des nouvelles technologies.
Parmi ceux-là, je citerai, en particulier, MM. Pierre Laffitte, René Trégouët, Adrien Gouteyron, Franck Sérusclat ou encore Alain Gérard ou Claude Huriet, qui oeuvrent, chacun, inlassablement à promouvoir auprès des Français la nécessité d'entrer dans la société de l'information.
A travers leurs travaux, ils ont, avec lucidité et détermination, appelé nos concitoyens à ne pas nier une évidence : qu'on en soit le chantre ou le détracteur, la maîtrise des nouvelles technologies constitue un facteur essentiel de survie à l'ère de la mondialisation.
Aujourd'hui, les Français ont compris qu'il ne s'agissait pas de céder à une mode, mais de raccrocher la France à une locomotive porteuse de croissance et d'emplois.
Or, Mesdames et Messieurs, c'est sur vous, vous qui êtes les acteurs de cette grande aventure industrielle et commerciale, que repose en grande partie l'aptitude de notre pays à relever ce défi.
La tâche sera rude, car il faut se mesurer à un marché très capitalistique, dominé par une Amérique qui a su, dans ce domaine, pleinement engranger les dividendes du libéralisme.
Dans ce combat, nous, les politiques, avons le devoir de concourir à votre succès, en vous appuyant par tous les moyens.
A cet égard, si nous ne pouvons, ni ne devons prétendre agir à votre place, il nous appartient de créer les conditions juridiques et fiscales appropriées.
Adaptation des règles applicables, politique d'allégement des charges, canalisation de moyens financiers, promotion du capital-risque, telles sont les principales pistes d'action dont le politique doit s'inspirer pour soutenir votre combat.
Vous avez donc compris que le politique, et tout particulièrement le Sénat, a pris la pleine mesure de l'enjeu de cette bataille.
A l'heure du numérique, devenu vecteur universel, à l'heure de la fusion des trois mondes de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel et à l'heure où les réseaux sont devenus les artères d'un monde unifié, gardons en mémoire le titre de l'ouvrage d'Andy Grove, Président fondateur, comme vous le savez, de la société Intel : " Seuls les paranoïaques survivent ". Cette formule célèbre n'est pas une provocation, mais suggère la nécessité d'une adaptation permanente, qui vous oblige à rester sans cesse sur le qui-vive, et auquel il serait suicidaire de tourner le dos.
Ce constat ne doit pas pour autant nous rendre aveugles aux limites de la société de l'information.
Ces limites ne sauraient, en aucun cas, tenir lieu d'alpha et d'oméga aux Français. Si nous ne prenons pas le temps de la réflexion sur la finalité de cette société de l'information, et c'est le devoir des politiques d'y veiller, celle-ci risque de se résumer à une fuite en avant technologique désespérée et désespérante où s'imposeront, sans partage, une nouvelle forme de pensée unique et une américanisation totale.
Vous le savez, ce qui est sans âme ne peut avoir de sens. C'est pour cette raison que j'insisterai, à nouveau, sur le fait qu'on ne peut se contenter de promouvoir des " tuyaux ", qui restent des instruments et qui ne seront jamais une fin en soi.
Si le rendez-vous des informations, des débats et des idées est manqué, l'adhésion des Français à cette nouvelle société manquera aussi. Quelle serait alors la signification de cette société ?
Pour ma part, et ce sera ma conclusion, je veillerai à ce que le Sénat soit aussi un combattant des contenus, car c'est à nous d'injecter la démocratie dans ces " tuyaux ", le Sénat pouvant ainsi jouer pleinement son rôle de " chambre de rassurance " en faveur d'une vision humaine et humaniste de la société de l'information.
(source http://www.senat.fr, le 18 février 2002)