Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, candidat du Mouvement des citoyens à l'élection présidentielle de 2002, sur les mesures qu'il propose en matière de politique du travail, axées sur le redéploiement des moyens publics, notamment budgétaire, Créteil le 23 mars 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Discour électoral à Créteil, le 23 mars 2002

Texte intégral

Le projet républicain que je propose au pays est la seule alternative au déclin programmé de la France au sein d'un grand marché dérégulé, ouvert à tous les vents de la mondialisation financière. Vous le sentez bien au fond de vous-mêmes, et les Français le mesurent de plus en plus : Ni Jacques Chirac, ni Lionel Jospin ne portent un projet pour notre pays. Leur politique est celle du chien crevé au fil de l'eau.
Au-delà des programmes chatoyants, ou des invectives suivies de repentance, ils ont montré, au sommet européen de Barcelone, leur connivence sur l'essentiel : la privatisation des services publics, le report à 63 ans de l'âge de la retraite ; tous deux proposent une Constitution européenne qui fondrait la France dans un super-Etat bureaucratique où s'engloutiraient définitivement, avec la Constitution française, notre souveraineté et notre liberté.
Dans ce déclin programmé, tous ceux qui vivent de leur travail sont livrés comme fétus de paille au grand vent de la mondialisation financière. Des pans entiers de notre industrie sont sacrifiés : Alcatel, Moulinex, Alstom... Les fonds de pension anglo-saxons exigent des taux de rentabilité de 15% quand la croissance n'atteint pas 3%. Après des vagues sans précédent de privatisations depuis sept années, les centres de décision industriels partent à l'étranger (Usinor, EADS, l'agrochimie de Rhône Poulenc vendue à Bayer). L'intérêt industriel comme l'intérêt national sont envoyés aux oubliettes. Partout l'Etat se met aux abonnés absents et prêche la résignation.
Un des nombreux points communs aux deux candidats du pareil au même, c'est le mépris du travail.
L'un, dont la démagogie est sans rivage, promet de baisser les impôts et d'abord pour les plus riches alors qu'en trente ans de carrière il n'a fait qu'augmenter les prélèvements qui pèsent sur les salariés (impôts et charges sociales), qui sont passés de 1970 à 1999 de 38,5 à 48,1% du PIB.
L'autre, qui a déclarée ouverte, en 1983, la parenthèse libérale, promet de " présider autrement ", ce qui en langage clair veut dire continuer comme avant : Or depuis 1983, le partage des revenus a été sans cesse défavorable au travail au profit du capital :
v 1983 : 72,3% au facteur travail ; 27,7% au capital
v 1998 : 64,5% au facteur travail ; 35,5% au capital Il n'en est pas allé de même pour les coûts du logement puisque le poids des loyers dans le budget des ménages locataires est passé de 10,3% en 1984 à 15,9% en 1996.
La France s'est considérablement enrichie depuis 10 ans mais cela ne profite qu'à 10% des Français, ceux-là mêmes auxquels on promet des baisses d'impôts.
Il est vrai que c'est là que nos deux compères trouvent leur base sociale, celle de la minorité " branchée ", les idéologues de l'ex-nouvelle économie qui considèrent qu'eux seuls ont besoin de travailler. Les autres, les " beaufs ", les " prolos ", les " archaïques qui refusent de s'adapter " devant être maintenus aux lisières de l'assistance juste ce qu'il faut pour maintenir la paix sociale et constituer des consommateurs amorphes.
L'un des plus ardents soutiens de Jacques Chirac est Loana, chargée de faire miroiter aux jeunes l'illusion du gain facile grâce à une seule recette miracle : être
" sympa " et sourire aux médias.
Lionel Jospin, lui, a le soutien des " bobos ". Soixante-huitards solidement attachés au pouvoir et à leurs rentes, ils ont inventé une foule de métiers inutiles.
Ils gèrent leurs affaires au sein du système, selon un principe bien rodé de renvoi d'ascenseur, généralement financé sur fonds publics.
Quant au Parti communiste, il tourne le dos au monde du travail pour se mettre dans la roue du Parti socialiste au nom d'une pseudo modernité dont il s'adonne à pratiquer tous les rites. Robert Hue a, paraît-il, refusé le mot d'ordre proposé par son conseil en communication, Frédéric Beigbeder " hue coco ". L'eût-il accepté que nous n'en eussions pas été surpris.
Pendant que les bobos s'amusent, le peuple souffre et s'enfonce dans une insécurité sociale généralisée :
v C'est partout la précarité des emplois qui se développe avec des " aides à l'emploi " qui subventionnent les emplois à bas salaire et à temps partiel, qui deviennent autant de trappes à pauvreté ou s'emprisonnent majoritairement une population féminine et jeune. Le premier salaire des jeunes a baissé de 25% en 10 ans, alors que le niveau de ce premier salaire exerce un effet déterminant sur le déroulement de la carrière professionnelle.
v C'est la précarité dans l'emploi avec les licenciements de masse au premier froncement de sourcil d'un actionnaire étranger qui n'obtient pas ses 15% de rentabilité alors que la politique de la Banque de Francfort impose une limitation de la croissance à 2,5%, afin de conjurer les démons de l'inflation et d'assurer la survie du nouveau veau d'or qu'est l'euro.
v C'est l'aggravation des conditions d'emploi, par l'abrogation des lois sociales de la III° République sur le travail de nuit des femmes, par application des directives approuvées par nos ministres à Bruxelles. Les gouvernements qui ne défendent plus la souveraineté nationale et populaire ont pris l'habitude de tenir des discours sociaux à Paris et d'adopter à Bruxelles des mesures de régression sociale.
v C'est, au nom de la flexibilité, la marche inflexible vers l'exclusion : Nul n'est aujourd'hui à l'abri de perdre son emploi et de sombrer en quelques mois dans la précarité.
v Le travail méconnu, c'est la dégradation de la personne par le développement de l'assistanat du berceau au tombeau : de l'allocation pour les jeunes à l'allocation de dépendance pour les personnes âgées...
v C'est l'insécurité dans les relations de travail qui progresse avec l'effacement du rôle de la loi au profit du contrat.
v C'est la précarité de la famille, pourtant considérée par tous comme l'ultime refuge contre la déchéance qui est tolérée voire encouragée et vantée. C'est la difficulté pour les femmes à concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle et familiale.
v Cette politique est un véritable sacrifice de ce qui fait la véritable compétitivité de la France.
La France a une tradition industrielle fondée sur l'excellence de ses ingénieurs et sa main-d'oeuvre, la qualité de sa recherche, son talent, universellement reconnu, pour l'innovation, et la qualité de ses infrastructures.
Le sacrifice organisé de notre cohésion sociale au nom du techno-libéralisme, la rupture de toutes les synergies qui faisaient la solidité de la maison France, la destruction organisée de l'école livrée à l'idéologie soixante-huitarde au mépris de la tradition et de l'idée républicaines, le démantèlement de nos services publics sur l'autel de la concurrence de Bruxelles, ne vont laisser à la France d'autres atouts que le dumping fiscal et social sans fin et la beauté de ses paysages, si du moins il nous reste assez d'agriculteurs pour les entretenir.
Seule la conception républicaine de la société et de l'Etat est capable de rétablir la sécurité sociale et de rendre justice au travail.
Il faut, en premier lieu, en finir avec le travail précaire.
Les mesures d'exonération de charges sociales (mesures SMIC, financement des 35h00 et PPE) sont une subvention à ce que l'on appelle pudiquement " les nouvelles formes d'emploi ", soit les contrats à durée déterminée, l'intérim, et surtout le travail à temps partiel non désiré.
Elles concernent surtout les jeunes et les femmes pour des salaires compris entre le SMIC et 1,4 fois le SMIC. Dès que l'on franchit ce seuil, les financements disparaissent, ce qui contribue à créer de véritables " trappes à pauvreté " dans lesquelles sont emprisonnés un nombre considérable de nos concitoyens.
Ces mesures n'aident pas les entreprises à recruter des travailleurs qualifiés, n'améliorent pas les revenus du salaire direct et ne font pas une différence suffisante avec les revenus d'assistance. Il faut cesser ces subventions publiques et perverses aux emplois précaires en allégeant les charges sur les 5000 premiers francs (750 euros) de salaire.
Il faut accroître les revenus du salaire direct
Il est souvent trop peu avantageux de quitter un revenu d'assistance pour reprendre un travail ou une activité économique. Pour accroître les revenus du salaire direct, sans alourdir les charges des entreprises, les cotisations, salariales et employeurs, sur la partie inférieure du salaire doivent être allégées de manière très importante.
En outre, il faut assouplir l'application des 35H00 qui interdit le recours aux heures supplémentaires : si, pendant leur temps libre, les " bobos " veulent faire du vélo, les travailleurs, eux, veulent du boulot et élever leur revenu.
Réduire le coût du travail non qualifié
Nous sommes dans un situation paradoxale : l'essentiel des charges pèse sur les 15 000 premiers francs de salaire. Les bas salaires cotisent plus, en pourcentage, que les gros !
Abaisser les coûts de gestion pour faciliter les embauches dans les entreprises Il existe 35 dispositifs différents d'exonération de charges sociales. En pratique cela veut dire qu'une PME ou un artisan ne peuvent plus remplir eux-mêmes les bulletins de paye et doivent faire appel à un comptable, soit un coût moyen de 15 000 FF par an.
Simplifier le code du travail
Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage. Le code du travail a grossi de plus de 100 pages durant la décennie, sous l'effet de la prolifération de mesures dérogatoires. La prolifération réglementaire est ainsi devenue la voie française vers la précarité et la flexibilité totale du marché.
Tout cela pénalise autant les employeurs que les salariés en empêchant les uns et les autres de déterminer clairement leurs droits et obligations.
En bref, notre système de charges sociales et de réglementation du travail est devenu une incitation au non-travail et s'oppose à ce que les travailleurs précaires puissent sortir de leur situation.
Je vous propose de mettre le travail et les travailleurs au coeur du projet républicain.
La France et les Français ont besoin de révolutions légales:
Le Gouvernement mis en place au lendemain des élections législatives, convoquera une conférence des revenus ayant pour objectifs :
v une réforme de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail,
v le remplacement de l'ensemble des aides à l'emploi par un dégrèvement unique sur les charges sociales, s'inscrivant dans une réforme du mode de calcul des cotisations sociales,
v le relèvement programmé du SMIC de 25 % sur cinq ans et des minima de branche.
v et enfin une extension et une simplification des modalités de l'intéressement.
La plupart des mesures proposées appellent, tantôt la négociation collective entre les partenaires sociaux, tantôt une concertation tripartite entre l'État, le patronat et les syndicats, tantôt une concertation entre l'État et les syndicats de fonctionnaires.
Adapter les lois sur les 35h00
Dans l'optique du " partage du travail ", vieille lune malthusienne, le dispositif sur les 35h00 cherche à interdire aux employeurs de s'entendre avec les salariés pour maintenir les horaires existants tout en versant les majorations de salaire résultant d'un dépassement de la durée légale. Le blocage des salaires qui résulte de la réduction de la durée du travail est accru par les mécanismes visant à empêcher le recours aux heures supplémentaires.
Cette contrainte doit être assouplie dans des limites raisonnables : toutes les heures accomplies au-delà de 35 heures doivent donner lieu à majoration de salaire et d'une manière générale les entreprises, qui le souhaitent, et singulièrement les PME, doivent pouvoir le faire.
Naturellement l'assouplissement du régime des heures supplémentaires devra s'accompagner de mesures renforçant le pouvoir de négociation des salariés, y compris dans les PME où seront désignés des délégués soit par branche soit par bassin d'emploi : possibilité de refuser les heures supplémentaires, introduction dans les accords contractuels de modulation ou d'annualisation des horaires, de dispositions préservant les salariés du "travail au sifflet ".
Simplifier et alléger les charges sociales
Dès 2003, une franchise de cotisations salariales et patronales sera appliquée sur les premiers 750 euros (5000 francs) de salaires, et remplacera les systèmes actuels d'exonérations, très lourds à gérer pour les entreprises et qui constituent une subvention au travail précaire 1
v Les cotisations patronales, actuellement assises sur les salaires, seront, à partir de 2004, graduellement remplacées par une taxe assise sur la valeur ajoutée comptable de l'entreprise : un prélèvement unique remplacera ainsi l'enchevêtrement complexe de cotisations et d'exonérations ciblées actuellement en vigueur.
v Les cotisations salariales, sauf les cotisations de retraite, seront, à partir de 2004 et dans une proportion importante, remplacées par une majoration de la CSG qui deviendra déductible de l'impôt sur le revenu.
v Les cotisations retraites resteront assises sur la totalité du salaire à l'exception des 5000 premiers francs.
Ces trois mesures auront un effet bénéfique sur l'emploi:
- le remplacement des cotisations patronales par une taxe assise sur la valeur ajoutée délivrera les entreprises qui emploient une main d'oeuvre abondante d'un handicap important ;
-
- les coûts de gestion des entreprises seront allégés, puisque les formalités administratives seront simplifiées.
-
- Les salaires nets seront relevés. Je proposerai une augmentation de 25 % du SMIC sur cinq ans et le relèvement des grilles de salaires à commencer par les minima de branches.
-
Clarifier les modalités de l'intéressement
L'intéressement des salariés aux fruits de l'expansion et à la marche de l'entreprise est une préoccupation ancienne, promue jadis par le général de Gaulle, mais qui serait judicieuse aujourd'hui, pour remédier au nomadisme du capital et au mépris dans lequel sont tenus les salariés des entreprises, sacrifiés sur l'autel des cours de bourse.
Je propose de - rééquilibrer les revenus des salariés et des actionnaires.
- d'impliquer les salariés dans la stratégie de l'entreprise, qui est un 1 Il s'agit essentiellement des mesures Aubry I et II, des mesures SMIC et de la PPE. facteur de compétitivité et de performance à l'époque où la force de production ne réside plus tant dans le muscle que dans le savoir et dans l'engagement dans l'entreprise. - d'organiser la réappropriation du capital de nos entreprises, aujourd'hui largement possédées par des fonds étrangers.
-
- En favorisant l'apparition de noyaux stables d'actionnaires, l'actionnariat des salariés, dès lors qu'il ferait l'objet d'une gestion collective et mutualisée, peut contribuer à renforcer leur indépendance et à lutter contre les prédateurs boursiers. Après une montée en régime, un flux annuel de 3% du PIB permettrait en quelques années d'atteindre un cumul suffisant (10% du capital productif) pour produire un effet significatif.
Pour y parvenir, l'ensemble des dispositifs existants (intéressement, participation, épargne salariale) sera fusionné en un seul. Les actions, acquises à un prix hors marché financier, négocié au sein de chaque entreprise, seront détenues par des associations de salariés actionnaires ou par des salariés de l'entreprise elle-même. Tous les moyens affectés à des régimes dérogatoires d'incitation à l'épargne seront transférés au nouveau régime, l'impôt sur les bénéfices distribués aux salariés étant supprimé.
Ces régimes n'auront pas pour but ni de financer les retraites ni de les compléter, ni de se substituer aux régimes de répartition actuellement en vigueur, que j'entends au contraire défendre bec et ongles.
Plus généralement nous devons nous doter à nouveau d'une politique industrielle. Je m'engage à recréer sur les ruines de l'ectoplasmique Secrétariat d'Etat à l'Industrie, un grand ministère du Développement Technologique. Celui-ci aura pour mission d'enrayer le mouvement de délocalisation industrielle qui ravage des pans entiers de notre industrie : je pense en particulier à l'industrie électronique.
Une loi de programmation portera à 3 % du PIB l'effort de recherche et de développement technologique.
Il est temps de remettre un pilote dans l'avion !
Il est temps de remettre le monde du travail et de la production au coeur du projet républicain, au coeur de l'avenir. C'est cela aussi revaloriser et reconsidérer le travail. La France doit mobiliser tous ses atouts. Le premier d'entre eux, c'est la capacité de travail, d'invention, d'entreprise et de création de son peuple. C'est cette nouvelle alliance que je vous propose autour d'un Etat stratège réformé entre tous ceux qui travaillent et qui créent !
Et bien entendu pour cela, il faut que le monde du travail bouge et se bouge.
Revaloriser le rôle des syndicats
La Conférence des revenus constituera le premier temps d'une politique de relance de la négociation sociale. Il n'est pas possible de débureaucratiser le droit du travail sans réformer les relations collectives. L'une des raisons pour lesquelles la réglementation a proliféré de façon anarchique, c'est précisément la faiblesse des syndicats et l'absence de réel pouvoir des comités d'entreprise.
Le Comité d'entreprise ne doit pas rester une instance purement consultative qu'on informe de décisions arrêtées de longue date. Il suffirait d'attribuer quelques pouvoirs décisionnels à cette instance, par exemple pour ce qui a trait aux horaires de travail, pour qu'elle acquiert, aux yeux des employeurs, une plus grande légitimité. Une table ronde sur l'évolution des pouvoirs dans l'entreprise sera appelée à débattre de ces évolutions.
Les entreprises qui s'engagent le plus dans cette voie devraient pouvoir adapter leurs statuts en conséquence. Dans cette perspective, la législation devrait leur offrir la possibilité d'adopter un nouveau statut, celui de Société Anonyme à Gestion Partagée, permettant l'association des salariés aux prises de décision avec un nombre de droits de vote au moins égal à la minorité de blocage, et avec fusion des institutions représentatives du personnel dans un Conseil d'entreprise.
Parallèlement, je proposerai des mesures tout aussi radicales pour soutenir l'activité des professions libérales et des travailleurs indépendants, des artisans et des commerçants, ainsi que pour permettre à ceux qui se retrouvent exclus de l'activité économique par cumul des handicaps, de retrouver le chemin du travail et la voie de leur épanouissement personnel et social. Il faudra favoriser la création et la transmission des entreprises, l'accès au crédit, l'allotissement des marchés publics.
Toutes ces mesures peuvent s'appliquer par un courageux redéploiement des moyens publics et notamment budgétaire. Mais cela demandera une volonté politique forte : c'est le sens de mon engagement.
Le service public devra être modernisé et non démantelé
L'actualité souligne tristement le bradage du service public sous la double férule de Jacques Chirac et Lionel Jospin. France Télécom était une entreprise rentable et innovante. Nous lui devons un maillage efficace du territoire avec le réseau de téléphonie fixe installé en un temps record, et, avec le Minitel, l'invention d'une technologie qui anticipait l'avènement d'Internet. En l'espace de trois ans, ce fleuron de la technologie française est devenue une société malade, criblée de dettes : 60 milliards d'euros officiellement.
Pourquoi cela ? Parce qu'on a pensé que l'acquisition de parts de marché à l'étranger comptait davantage que la mission de service public. La direction et la tutelle, c'est- à-dire le gouvernement, ont cru que la montée des cours de bourse allait financer le développement de l'entreprise. Ils ont multiplié les acquisitions hasardeuses. La chute de l'action grève aujourd'hui France Télécom d'une dette égale à deux fois celle de l'Etat plus de 60 Milliards d'euros.
Aux erreurs de management de France Telecom s'en est ajoutée une autre, bien plus importante à mes yeux : l'absence de contrôle de l'Etat. Ses représentants n'auraient pas dû accepter que l'entreprise paie ses acquisitions en actions garanties, autrement dit, en s'engageant, de façon aventureuse, à ce que l'action de France Telecom ne descende pas en-dessous de 100 euros. Aujourd'hui, le cours de France Telecom flirte avec les 30 euros et cette garantie plombe les comptes de l'entreprise de 5 milliards d'euros supplémentaires ! Voilà comment France Telecom - c'est- à-dire, demain l'ensemble des citoyens français - paiera une charge de la dette annuelle représentant 4 milliards d'euros, près de 30 milliards de Francs ! Le scandale de France Telecom s'annonce d'une gravité comparable à celui du Crédit Lyonnais. Les citoyens que nous sommes demandent des comptes. Je demanderai demain la création d'une Commission d'enquête parlementaire.
Comme dans le cas du Crédit Lyonnais, l'Etat a manqué à sa mission de contrôle. C'est en adoptant le credo des marchés financiers que l'Etat a laissé se créer le trou de France Telecom. Au conseil d'administration, le représentant de l'Etat s'est contenté d'approuver sans discussion les plans de développement de la direction. Voilà où mène le dogmatisme et la myopie des privatisations de Jacques Chirac, et les privatisations honteuses de Lionel Jospin. Et ils nous proposent de continuer !
Voilà où mène le laisser-faire tant vanté par les élites dirigeantes : en laissant gérer France Telecom - et EDF - comme si elles étaient des sociétés privées, le gouvernement a engendré l'irresponsabilité.
Le même scénario a été ouvert à Barcelone, avec l'ouverture à la concurrence en 2004 de la fourniture d'électricité aux entreprises, dernière marche avant l'ouverture du marché des particuliers.
Comment en sommes nous arrivés là ? Depuis longtemps, le scénario de la privatisation d'EDF imprègne le cerveau de ceux qui nous gouvernent. La politique d'expansion à l'étranger d'EDF a affaibli les arguments des défenseurs du service public. Le front anti-français de Barcelone ne fait que souligner l'incohérence de notre politique industrielle.
Comment en effet défendre le principe du service public tout en pénétrant les marchés de nos partenaires ?
Comment leur refuser ce que nous leur imposons ?
Les premiers fossoyeurs du service public sont ceux qui l'ont laissé dériver.
Les dirigeants d'EDF nous ont placés devant un fait accompli. En deux ans, avec la complicité de J. Chirac et L. Jospin, ils ont imposé dans les faits la déréglementation qu'ils craignaient de faire voter par les représentants du peuple. Cette Europe qui se concocte dans les conclaves où on vote en catimini, qui se fait dans des conseils d'administration et non devant les Parlements, est une faute contre la démocratie. Les Français doivent en mesurer les conséquences : le programme électro-nucléaire sera remis en cause, parce que les investissements lourds, de longue durée, ne sont pas à la portée des investisseurs privés ; la sûreté des centrales ne peut pas être mise à la merci des logiques de profit à court terme ; le coût de l'électricité cessera d'être égal pour tous nos concitoyens, L'alimentation électrique en zone rurale sera remise en cause : en Grande-Bretagne il y a 5000 types de contrats d'abonnement différents. Et, pour les plus pauvres, qui n'ont pas droit au contrat, il y a un système de jetons payants... Veut-on en arriver là ?
Il est encore temps de réagir. Si je suis élu, je maintiendrai le statut public d'EDF. Je demanderai à Bruxelles la clause dérogatoire qui nous permettra de sauvegarder, à la Poste, dans les chemins de fer, le service public à la française.
C'est la garantie de l'égalité d'accès de tous les citoyens à des services essentiels, c'est la garantie de faire vivre l'ensemble de notre territoire et notamment l'espace rural. C'est un engagement de combat que je vous propose : avec le soutien de l'immense majorité de notre peuple, la bataille du service public sera gagnée.
Les Français doivent désavouer ceux qui ont déjà intériorisé la défaite. Lionel Jospin a déjà accepté de perdre la bataille du service public, parce qu'il ne l'a jamais menée. Jacques Chirac attend de Bruxelles les privatisations qu'il n'ose entreprendre à Paris.
L'alternative dépend de vous ! Pour défendre les conquêtes démocratiques et ouvrières du Peuple français, pour redresser l'Europe avec la démocratie, pour retrouver nos marges de liberté, il faut s'appuyer sur la souveraineté nationale, se tourner vers les citoyens et vers l'opinion publique française et européenne. Ne pas hésiter à saisir le Peuple, au besoin par la voie du référendum : C'est ce que je ferai sur la question essentielle du service public. Je m'y engage.
Vous le savez, le projet républicain que je propose est le seul en mesure de renvoyer dos à dos les acteurs de ce septennat d'abandon. Dites-le autour de vous : je suis le seul capable de les battre parce que je suis le seul capable de rassembler largement des citoyens qui comprennent que la gauche a depuis longtemps tourné le dos au peuple et la droite à la nation.
Invitez les citoyennes et les citoyens, autour de vous, à ne pas céder à la tentation du vote-défouloir, en faveur de candidats qui ne sont que les alibis de la résignation. Cela fait vingt ans que Jean-Marie Le Pen et Arlette Laguiller engrangent les voix des mécontents pour la plus grande tranquillité des pouvoirs établis. Ils ne les menacent pas. Je les dérange !
Je ne les laisserai pas déconstruire la République, oublier le peuple, dissoudre la France !
Ce choix capital ne repassera pas au cadran de notre Histoire. L'immense majorité des électeurs n'a pas fait son choix, lassée de la double impuissance qui nous fait dévaler la pente des abandons. J'ai confiance car les chances du sursaut sont intactes. Quelles que soient les difficultés, tout aujourd'hui est possible : 56 % des citoyens déclarent n'avoir pas fait leur choix définitif.
Aidez moi à rendre au monde du travail sa dignité !
Aidez moi à relever la France !
Source : www.chevenement2002.net