Interview de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, à France 28 mars 2002, sur le "dysfonctionnement grave" concernant le suicide en garde à vue de l'auteur de la fusillade de Nanterre et sur la législation en vigueur du port d'armes en France.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Monsieur Vaillant, bonjour. On peut s'interroger tout de même sur le fait que R. Durn n'ait pas été mieux gardé, gardé différemment. Comment expliquer que cet homme qui, il y a vingt-quatre heures à peine, a tué tout de même huit personnes, blessé grièvement quatorze autres, ait pu ainsi se jeter par une fenêtre de ce qui est le quartier général de la police en France ?
- "D'abord, permettez-moi de vous dire que mon émotion va d'abord et encore aux victimes d'hier, de cette tragédie où j'étais dès trois heures du matin, ces huit victimes, tous ces blessés, y compris ceux qui luttent encore contre la mort. Et donc, mon attention ne peut être détournée, y compris par ce que vous venez d'évoquer et sur lequel, bien sûr, je vais revenir. Ne nous écartons pas de l'émotion, du recueillement et évitons toute polémique sur ce drame !"
Question technique, M. Vaillant ...
- "Oui, j'ai bien compris. Mais je voulais vous faire part, moi, de ma solidarité, qui est celle de l'émotion et du recueillement à l'égard de toutes ces victimes et de ces familles. Concernant ce que vous avez dit, il s'agit, à mon avis, d'un dysfonctionnement grave. C'est pour cela qu'avec ma collègue, M. Lebranchu, dès que j'ai été informé de cet événement de ce matin, nous avons décidé qu'il y ait une enquête commune police-justice, dans le cadre du nouveau code de procédure pénale dans son article 15.2, pour faire la vérité et la transparence sur les conditions dans lesquelles, sous le contrôle du parquet, cette garde à vue et cet interrogatoire ont été effectués. Il est clair qu'il faut que nous sachions et que des sanctions soient prises. Moi, je peux vous dire que s'il y a eu dysfonctionnement avéré, les sanctions seront prises."
Est-ce qu'il y a quelque chose déjà qui vous frappe dans la manière dont ont été conduits les interrogatoires depuis l'arrestation et qui vous amène à lancer cette enquête interne ?
- "Non, cette enquête, non pas interne mais justice-police, ensemble pour faire la lumière et savoir s'il y a eu des dysfonctionnements. Moi, je ne peux pas, à la place où je suis - je n'étais pas dans ces locaux - je ne peux pas dire ce qui s'est exactement passé. Je regrette beaucoup, bien évidemment, vous pouvez l'imaginer, comme ministre de l'Intérieur mais c'est aussi le sentiment de ma collègue M. Lebranchu et c'est donc ensemble que nous avons décidé cette enquête commune police-justice pour faire la lumière sur cette affaire. Encore une fois, bien évidemment, cela est inacceptable."
Autre question : le fait que cet homme ait pu disposer d'un port d'armes en bonne et due forme, étant donné ses antécédents, non pas judiciaires mais psychiatriques ne vous amène-t-il pas, peut-être, à penser à une révision éventuelle de l'autorisation de port d'armes dans notre pays ?
- "Il faut appeler les choses par leur nom précis. M. Durn ne disposait pas d'un port d'armes. Il a, en janvier 1997 je crois, obtenu une autorisation de détenir des armes pour effectuer du tir dans le cadre d'un club. Cette autorisation, d'ailleurs, n'a pas été renouvelée trois ans après, en 2000. En même temps, la question des armes, vous avez raison de la poser. Sans polémique, moi, je vous le dis, il y a trop d'armes qui circulent en France. Ma priorité a été d'abord de demander aux forces de police, à travers les préfets, de faire la chasse au trafic d'armes, notamment les armes de guerre qui viennent des Balkans ; il y a eu déjà des drames et c'est inacceptable. La deuxième chose, c'est de légiférer, avec la loi de sécurité quotidienne : c'est ce que nous avons fait. Je voulais plus de sévérité encore ; hélas, le Sénat n'a pas souhaité me suivre au nom de la liberté des chasseurs et des sportifs. Je peux vous dire, dans le cadre de cette loi de sécurité quotidienne, dont les décrets d'application vont bientôt être au Conseil d'Etat, il y aura la capacité pour le préfet - ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant - de retirer les armes sur la base de quelqu'un qui peut être dangereux pour autrui ou pour lui-même. Et puis, par ailleurs, nous avons souhaité - j'ai souhaité - un fichier de ceux qui justement, poseraient un problème en détenant des armes. Voilà des choses que j'ai voulues : c'est la loi du 15 novembre 2001 qui l'a décidé et il faut que cela rentre en application. Ce n'était pas le cas par le passé, ni en 1997, ni en 1998, ni en 2000 puisque la loi n'est que de 2001, puisque je l'ai fait au Parlement en novembre 2001."
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 mars 2002)