Texte intégral
(Discours à Saint-Joseph (Martinique) le 31 mars 2002)
Sans attenter au caractère convivial et champêtre de ce rassemblement, je voudrais profiter de la présence de nombreux responsables économiques et sociaux pour vous dire quelques mots de ma vision du développement économique et social outre-mer.
Remerciements
- au maire M. Anathase JEANNE-ROSE
- aux personnalités présentes
Je veux profiter de l'occasion qui m'est donnée pour dire que nos compatriotes ont une vision souvent déformée de l'économie des départements d'outre-mer :
· ce sont des économies dynamiques, qui créent beaucoup d'emplois, même si cela reste insuffisant pour répondre à l'arrivée nombreuse des jeunes sur le marché du travail :
· ce sont des économies qui s'inscrivent dans un environnement naturel et social fragile : soumis aux attaques répétées de l'urbanisation, de la pollution, d'une circulation automobile envahissante...
· le secteur public est souvent présenté comme envahissant, alors que les départements d'outre-mer sont souvent sous-administrés, et qu'en termes d'équipements publics, malgré les efforts de rattrapage depuis 1997, il reste beaucoup à faire en matière d'éducation, de santé, de logement, de sécurité, pour assurer une véritable égalité des chances.
C'est pour répondre à ces défis particuliers que toute notre politique a été axée sur l'aide à la création d'entreprises et d'emplois :
- la loi d'orientation représente un effort financier de l'Etat trois fois supérieur à celui de la période précédente (Gouvernements Balladur et Juppé) : 530 millions d' (3,5 milliards de F. sont consacrés chaque année au soutien de l'économie et de l'emploi pour les quatre DOM ;
- les contrats de plan Etat-Régions ont été accrus de 50 % par rapport à la période précédente
- les fonds structurels européens ont été doublés, et avec les contrats de plan, représentent un investissement de 8 milliards d' pour l'outre-mer sur la période 2000-2006.
- toutes les entreprises de moins de 10 salariés bénéficient d'une exonération totale des charges sociales patronales, et pour les secteurs économiques les plus exposés à la concurrence ou les plus porteurs (agriculture, industrie, tourisme, NTIC, etc.) toutes les entreprises quelle que soit leur taille ;
- les projets "Initiatives jeunes" :sont des aides à la mobilité et à la qualification professionnelles (sur un projet précis) ou à la création d'entreprises : plus de 1.100 jeunes en ont bénéficié en Guadeloupe (600 créations d'entreprises), 450 en Martinique (230 créations d'entreprises) ;
- les entreprises exportatrices bénéficient d'aides à la création d'emplois nouveaux, versées sur 10 ans de façon dégressive ;
- les aides fiscales à l'investissement ont été revues : la droite avait beaucoup attaqué le gouvernement pour la remise en cause de la loi Pons, pourtant injuste et opaque, qui ne profitait qu'à quelques centaines de très gros contribuables ; après une étroite concertation avec les milieux professionnels et les chambres consulaires, nous avons créé un mécanisme plus équitable, plus transparent et surtout plus efficace : la défiscalisation au bénéfice de l'outre-mer a été multipliée par 1,5 entre 1998 et 2001.
- le congé de solidarité permet de financer des préretraites en contrepartie de l'embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée.
Toutes ces mesures ont commencé à produire leurs effets : le chômage a baissé depuis deux ans de 16 % en Guadeloupe, de 17 % en Martinique, et pour les moins de 25 ans, de 35 % en Guadeloupe et de 30 % en Martinique. La baisse a également été massive pour les chômeurs de longue durée. C'est aussi parce que ces résultats sont là que je refuse que l'on qualifie outre-mer d'assistanat ce que l'on appellerait en métropole solidarité.
Nous disposons donc d'outils efficaces et de résultats significatifs qui donnent à notre démarche une vraie crédibilité.
Il faut aller plus loin. C'est pourquoi j'ai proposé la tenue, dans chaque département et territoire d'outre-mer, d'Etats généraux du développement durable, dès le début de la prochaine législature.
Ces Etats généraux réuniraient toutes les forces vives, élus locaux, employeurs, syndicats, associations, pour définir des objectifs de développement pour les quinze prochaines années.
C'est une durée nécessaire pour relever le défi du chômage et de la précarité, elle assure une visibilité à moyen et long terme dont les acteurs économiques ont besoin, la stabilité des règles et des objectifs est une sécurité pour tous.
La vocation de ces Etats généraux sera de définir les grands objectifs en matière d'emploi, de formation, de développement économique, d'environnement, d'équipements collectifs. J'ai proposé qu'ils débouchent sur un contrat de développement durable à l'horizon de quinze ans entre l'Etat et les régions d'outre-mer. Ces contrats intégreraient les engagements financiers et les outils législatifs nécessaires pour atteindre les objectifs définis.
Ceux qui affectent de croire qu'il n'y a plus de distinction entre la droite et la gauche m'ont demandé où était la différence avec la seule proposition pour l'outre-mer qui figure dans le programme du candidat du RPR, celle d'une loi de programmation sur quinze ans. La similitude des durées ne doit pas faire illusion. Les deux propositions n'ont rien de commun : d'un côté, une procédure de décision centralisée, de l'autre, une démarche d'élaboration décentralisée ; d'un côté, le seul discours de l'Etat, de l'autre, la parole des acteurs locaux ; d'un côté, la loi, de l'autre, le contrat. Où donc se trouve l'étatisme et où se trouve le dialogue social ?
On a parfois aussi reproché à la loi d'orientation de n'être intervenue qu'à la fin de la législature actuelle. Il est vrai qu'elle a été précédée - et j'en rends hommage aux deux ministres qui ont conduit successivement cette démarche, Jean-Jack Queyranne et Christian Paul - d'un intense travail de consultation et de négociation. Je suis même enclin à penser qu'au delà de la cohérence et de l'ampleur de son dispositif, c'est dans cette maturation collective que réside le succès rencontré par la loi d'orientation.
A la démarche des Etats généraux que je vous propose, s'ajoutent d'autres propositions que j'ai formulées dans mon programme et qui s'appliqueront naturellement outre-mer comme en métropole :
- le chèque emploi-salarié, pour supprimer les formalités administratives des toutes petites entreprises ;
- la conférence annuelle économique et sociale, pour corriger les inégalités de revenus, de salaires et de fiscalité ; grâce à l'Observatoire des prix institué par la loi d'orientation, cette conférence annuelle pourra être régionalisée dans les DOM où il y existe une impérieuse nécessité de développer le dialogue social ;
- le droit à la formation tout au long de la vie et la création d'un compte-formation, pour offrir à tous une deuxième chance et des perspectives de promotion professionnelle.
Enfin, j'ai proposé des mesures spécifiques pour les entreprises d'outre-mer :
- afin de répondre au problème récurent de financement des petites et moyennes entreprises, la négociation, avec les collectivités locales, de la création de fonds régionaux de garantie et de capital-risque ;
- un fonds d'aide à l'exportation, qui contribuera au financement des études de marché pour les entreprises exportatrices ;
- la mise en place d'un programme spécial "Cadres pour l'outre-mer", valable pour le secteur privé comme pour le secteur public, permettant aux jeunes diplômés d'outre-mer d'y exercer des responsabilités.
Ici, comme en métropole, contre la résignation au chômage, contre le fatalisme de l' échec et de l'exclusion, la bataille pour l'emploi et le développement économique, sera, avec la sécurité, la grande priorité du projet que je propose aux Français.
(Discours à La Trinité (Martinique) le 31 mars 2002)
Quelle joie de me retrouver parmi vous ici, en Martinique, où je suis venu si souvent au cours des années écoulées !
Je remercie de leur accueil :
- le maire de la commune, Louis-Joseph MANSCOUR, continuateur d'une longue tradition socialiste et qui incarne en même temps avec conviction son avenir ;
- Madeleine de GRANDMAISON, vice-présidente du Conseil régional, qui exprime avec talent la part que prend à cette campagne le Parti Progressiste martiniquais : l'alliance de la rose et du balisier a toujours été, pour la Martinique, synonyme d'espérance et de prospérité ;
- le sénateur Claude LISE, président du Conseil général, ami de longue date que je remercie chaleureusement d'avoir accepté de présider mon comité de soutien, qui est ici comme à Paris une des voix fortes et respectées d'une Martinique moderne, responsable et solidaire.
Au cours de ces heures passées en Martinique, comme hier en Guadeloupe, je veux à la fois :
- vous dire combien la vision que je porte en moi de la France et de la République fait toute leur place aux départements et collectivités d'outre-mer : l'outre-mer enrichit la République, par sa diversité, ses identités, ses cultures ;
- présenter aux Martiniquais et aux Guadeloupéens le projet sur lequel je m'engage, devant les Françaises et les Français, à l'occasion de cette élection présidentielle, et dans le cadre de ce projet, le contrat pour l'outre-mer que je suis venu vous présenter.
Les grands enjeux de l'élection présidentielle concernent directement les départements d'outre-mer :
- l'emploi et le développement économique, pour que le chômage continue à reculer, en métropole comme en Martinique,
- la justice sociale et la solidarité, pour garantir le niveau et l'avenir des retraites,
- l'égalité des chances, dans le domaine de l'éducation et de la qualité des services publics, en matière de santé ou d'équipements pour les personnes âgées ou handicapées,
- la lutte contre l'insécurité et pour une justice égale pour tous,
- la préservation de l'environnement, en utilisant mieux les énergies renouvelables,
- la place de la France et de l'Europe dans le monde, face aux défis de la mondialisation.
Je n'aurai donc pas deux discours, un à Paris et un en Martinique. Les engagements que je prends pour la France sont naturellement des engagements pour l'outre-mer.
Pour répondre aux défis du XXIè siècle, il faut présider autrement. Il faut une présidence active, qui mobilise résolument les forces de notre pays pour le plein emploi. Pour rendre la France plus sûre, traiter fermement toutes les causes de la violence afin que chaque délit trouve sa sanction, il faut une présidence qui montre l'exemple en matière de respect du droit. Il faut surtout une France juste, qui garantit les chances de chacun et les droits de tous. D'une France moderne, qui passera un contrat nouveau avec sa jeunesse pour réussir son entrée dans le XXIè siècle. D'une France forte, qui sera un acteur actif de la construction politique de l'Europe et respecté dans le monde.
Ce projet s'adresse naturellement aussi aux Martiniquais. Les propositions qu'il comporte seront appliquées en Martinique, avec s'il le faut les adaptations nécessaires. La République doit savoir s'adapter à des réalités différentes de celles de l'hexagone. La République, une et indivisible, doit aussi être diverse et accueillante aux différences. La République outre-mer ne peut pas être, pour moi, la République de l'uniformité. L'unité, oui, l'uniformité, non !
.
Au nom de ces réalités différentes, certains ont voulu mettre la question au centre du débat politique. Les mêmes qui, hier, instruisaient en permanence contre la gauche un procès en " largage " de l'outre-mer ont créé beaucoup de confusion dans ce débat. Je pense en particulier au Président sortant, qui a tenu des discours différents, selon les lieux, selon les moments, selon les interlocuteurs : à Cayenne, en novembre 1997, il refusait que l'on modifie le statut départemental, mais ici même, en Martinique, en mars 2000, il défendait l'idée de statuts à géométrie variable ! Il est vrai qu'en matière de géométrie variable, nous avons affaire à un expert !
Face à cette dangereuse confusion, la méthode proposée par le Gouvernement, à la suite notamment du rapport de Claude Lise et Michel Tamaya, écarte toute aventure institutionnelle. Elle s'inspire des valeurs de la gauche, parce qu'elle est fondée sur la transparence et la démocratie :
- transparence, puisque ce sont les élus, dans le cadre du Congrès, qui formulent des propositions ;
- démocratie, puisque ce sont les populations concernées qui se prononcent avant que le Parlement ne traduise, dans la loi, les évolutions négociées.
J'ai déjà eu l'occasion de le faire, mais devant vous pour que mes engagements soient connus de tous, je veux rappeler les principes qui me guident en matière d'évolution statutaire :
- d'abord, l'unité de la République, à laquelle les Martiniquais, comme toutes les populations d'outre-mer, sont profondément attachés ;
- ensuite, le lien avec l'Europe, qui par les organisations communes de marché ou les fonds structurels, est un facteur de développement économique ;
- le troisième principe est celui de l'égalité des droits, qui est au cur du pacte républicain entre l'outre-mer et la Nation. Il n'y aura pas d'évolution institutionnelle qui se traduirait par une régression des droits sociaux ;
- enfin, la consultation des populations est un préalable à toute évolution institutionnelle, à plus forte raison si elle devait entraîner une révision de la Constitution.
Là encore, notre démarche se distingue clairement de celle de la droite : à plusieurs reprises, Jacques Chirac a indiqué qu'une modification de la Constitution devait intervenir préalablement aux choix d'éventuelles modifications statutaires, ce qui signifie que les grandes lignes de cette évolution seraient arrêtées avant toute consultation des populations. Décider d'abord, consulter ensuite, ce n'est pas ma conception de la démocratie !
Dans le cadre que j'ai rappelé, rien ne s'opposerait à des évolutions différentes pour chacun des départements. Je sais que le Congrès des élus départementaux et régionaux, en Martinique, a beaucoup avancé dans sa réflexion. Au début du mois de mars, des propositions ont été formulées. C'est sur cette base que le prochain Gouvernement pourra engager la concertation avec les élus, avant la consultation des populations. Si au terme de cette démarche, il apparaît qu'une révision constitutionnelle est nécessaire pour faire aboutir les changements proposés, j'y suis disposé dès lors qu'elle ne remettrait en cause ni l'unité de la République, ni l'égalité des droits.
Mais je n'ai pas, vous le savez, la religion des changements institutionnels : ils sont légitimes s'ils sont nécessaires, c'est-à-dire s'ils répondent à une demande de responsabilités nouvelles et à une exigence d'amélioration des conditions du développement économique. Si, au contraire, les Martiniquais préféraient conserver ou simplement adapter leur statut actuel, ils le pourront naturellement.
En Martinique, comme dans le reste de l'outre-mer et dans l'hexagone, l'emploi reste la toute première des priorités. Ici, comme là-bas, nous avons commencé à faire reculer le chômage : en deux ans, le chômage a reculé de 17 % en Martinique, et même de 30 % chez les jeunes de moins de 25 ans. C'est un résultat considérable : nous avons inversé la tendance, brisé la spirale du chômage. Ma volonté, avec vous, est d'aller plus loin et plus fort dans la même direction.
J'ai rappelé tout à l'heure, à Saint-Joseph, les outils d'une portée sans précédent mis en place par la loi d'orientation pour l'emploi et le développement économique. J'ai décrit la perspective que nous voulons mettre en place, dès le début de la prochaine législature, pour lancer les Etats généraux du développement durable.
Il s'agit, à travers cette démarche, d'inviter tous les acteurs de la société martiniquaise, élus locaux, chefs d'entreprises, syndicalistes, associations, toutes les forces vives de la Martinique, à définir eux-mêmes, avec l'aide des services de l'Etat, aux objectifs majeurs du développement économique et social, à un horizon qui ne soit pas celui du court terme.
Il s'agit aussi de répondre aux problèmes concrets de nos concitoyens, qui concernent directement leur vie quotidienne :
- nous voulons protéger les productions traditionnelles, la banane et la canne, défendre les organisations communes de marché mais aussi préparer les professions à s'adapter ;
- nous voulons encourager les autres productions agricoles dans une démarche de qualité et de sécurité alimentaire, en particulier pour l'élevage ;
- nous voulons favoriser un développement touristique renouvelé, plus harmonieusement inséré dans l'environnement et la société : la Martinique doit pouvoir valoriser davantage ses atouts ;
- à cet effet, nous veillerons à la qualité et à la régularité des transports aériens dans une approche de continuité territoriale ;
- nous voulons mieux utiliser les énergies renouvelables et les intégrer dans les programmes de logement et d'équipements publics ,
- nous voulons, avec la couverture logement universelle, garantir le droit de chacun à un logement décent et de qualité : il faudra, outre-mer, donner à cet objectif une dimension adaptée, qui passera nécessairement par une accentuation de l'effort pour supprimer l'habitat insalubre ;
- nous voulons développer les nouvelles technologies de l'information et la communication, qui sont un outil formidable pour l'égalité des chances , j'ai proposé, pour l'outre-mer comme pour l'ensemble du pays, que chaque jeune, dans les cinq ans qui viennent, puisse de l'école à l'Université, avoir accès à un ordinateur ;
- nous voulons aussi mieux assurer l'épanouissement des cultures dans leur diversité ; le Gouvernement a beaucoup agi pour favoriser la reconnaissance et l'enseignement des créoles, nous poursuivrons la mise en uvre de la Charte des langues et cultures régionales du Conseil de l'Europe.
Cette ambition est celle qui permettra à la Martinique d'affirmer toute sa place dans son environnement caribéen. L'outre-mer apporte en effet à notre pays une présence hors d'Europe, dans l'Océan Indien, en Amérique, dans le Pacifique. Il représente un atout incomparable pour son rayonnement.
Je veux faire partager cette conviction à l'Europe : l'élargissement de l'Union vers les pays d'Europe centrale et orientale ne doit pas se faire au détriment des relations que l'Europe doit préserver avec les pays du Sud. Ces relations sont une des conditions essentielles pour que l'Union européenne joue son rôle pour que la globalisation ne se fasse pas sans règles, pour qu'elle intègre la reconnaissance de la diversité des cultures. Quelle meilleure interface existe-t-il entre l'Europe et les pays du Sud que les régions et départements d'outre-mer ?
Grâce aux initiatives de la France, le traité d'Amsterdam reconnaît les spécificités et les handicaps des régions d'outre-mer. Ces principes ont cependant du mal à trouver une traduction concrète. Les régions françaises d'outre-mer, avec celles de l'Espagne et du Portugal, ont déjà pris des initiatives nombreuses et efficaces pour défendre leurs points de vue et leurs intérêts vis-à-vis de la Commission. Je proposerai la réunion périodique d'une "conférence des régions ultra-périphériques", regroupant les gouvernements et les autorités régionales pour mieux faire entendre notre voix en Europe.
Les collectivités d'outre-mer doivent aussi pouvoir s'appuyer sur la France pour s'affirmer dans leur environnement géographique. Il est temps qu'elles se voient reconnaître un rôle d'acteur à part entière de la vie internationale régionale. La coopération régionale doit être renforcée et rénovée. Je ne ferai pas comme le candidat du RPR qui affirmait à La Réunion, en mai 2001, qu'il n'y a pas de meilleurs représentants de la France dans les organisations diplomatiques régionales que les élus de l'outre-mer, et qui, deux mois plus tard, a refusé l'adhésion de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique à l'association des Etats de la Caraïbe. La loi d'orientation a prévu que les collectivités d'outre-mer qui le souhaitent doivent pouvoir adhérer aux organisations internationales de leur zone géographique. L'Etat les y aidera.
Pour donner à la coopération régionale une dimension humaine et concrète, qui bénéficie à La Réunion comme aux Etats partenaires, je proposerai un programme "Jeunes partenaires pour le co-développement", qui permette aux jeunes diplômés d'outre-mer de participer à des actions de coopération avec les pays voisins.
Martiniquaises, Martiniquais, mes chers compatriotes,
La gauche, depuis 1981, a profondément modifié le cours des choses outre-mer :
- 1981 : avec François Mitterrand, les lois de décentralisation ont marqué le tournant de la dignité et de la responsabilité politiques restaurées ;
- 1988 : à nouveau avec François Mitterrand, ce fut le début de la construction de l'égalité sociale, achevée le 1er janvier 2002 avec l'alignement du RMI.
- 1997 : la loi d'orientation et un ensemble de mesures économiques, sociales et institutionnelles sans précédent en faveur de l'outre-mer.
A chaque étape de ce chemin, on a bien vu la différence entre la gauche et la droite, les forces de progrès et les conservateurs.
La vision de la République et de la France que je porte en moi est aux couleurs de l'outre-mer :
- elle s'incarne dans le combat permanent contre toutes les discriminations,
- dans l'affirmation de l'égalité et de la solidarité nationale,
- dans la reconnaissance de la diversité des cultures
Je viens vous proposer d'écrire aujourd'hui ensemble une nouvelle page de notre histoire commune.
J'appelle la Martinique des villes et des mornes à se rassembler, comme elle le fit si souvent derrière Aimé Césaire, pour écrire les pages de fierté et de progrès de son histoire récente. Cette Martinique belle et forte, riche et fière des métissages qui ont façonné sa culture a déjà beaucoup apporté à la France.
Ensemble si vous le décidez, nous ferons des 21 avril et 5 mai une étape nouvelle pour une Martinique plus juste, dans une France solidaire.
(Source http://www.lioneljospin.net, le 4 avril 2002)
Sans attenter au caractère convivial et champêtre de ce rassemblement, je voudrais profiter de la présence de nombreux responsables économiques et sociaux pour vous dire quelques mots de ma vision du développement économique et social outre-mer.
Remerciements
- au maire M. Anathase JEANNE-ROSE
- aux personnalités présentes
Je veux profiter de l'occasion qui m'est donnée pour dire que nos compatriotes ont une vision souvent déformée de l'économie des départements d'outre-mer :
· ce sont des économies dynamiques, qui créent beaucoup d'emplois, même si cela reste insuffisant pour répondre à l'arrivée nombreuse des jeunes sur le marché du travail :
· ce sont des économies qui s'inscrivent dans un environnement naturel et social fragile : soumis aux attaques répétées de l'urbanisation, de la pollution, d'une circulation automobile envahissante...
· le secteur public est souvent présenté comme envahissant, alors que les départements d'outre-mer sont souvent sous-administrés, et qu'en termes d'équipements publics, malgré les efforts de rattrapage depuis 1997, il reste beaucoup à faire en matière d'éducation, de santé, de logement, de sécurité, pour assurer une véritable égalité des chances.
C'est pour répondre à ces défis particuliers que toute notre politique a été axée sur l'aide à la création d'entreprises et d'emplois :
- la loi d'orientation représente un effort financier de l'Etat trois fois supérieur à celui de la période précédente (Gouvernements Balladur et Juppé) : 530 millions d' (3,5 milliards de F. sont consacrés chaque année au soutien de l'économie et de l'emploi pour les quatre DOM ;
- les contrats de plan Etat-Régions ont été accrus de 50 % par rapport à la période précédente
- les fonds structurels européens ont été doublés, et avec les contrats de plan, représentent un investissement de 8 milliards d' pour l'outre-mer sur la période 2000-2006.
- toutes les entreprises de moins de 10 salariés bénéficient d'une exonération totale des charges sociales patronales, et pour les secteurs économiques les plus exposés à la concurrence ou les plus porteurs (agriculture, industrie, tourisme, NTIC, etc.) toutes les entreprises quelle que soit leur taille ;
- les projets "Initiatives jeunes" :sont des aides à la mobilité et à la qualification professionnelles (sur un projet précis) ou à la création d'entreprises : plus de 1.100 jeunes en ont bénéficié en Guadeloupe (600 créations d'entreprises), 450 en Martinique (230 créations d'entreprises) ;
- les entreprises exportatrices bénéficient d'aides à la création d'emplois nouveaux, versées sur 10 ans de façon dégressive ;
- les aides fiscales à l'investissement ont été revues : la droite avait beaucoup attaqué le gouvernement pour la remise en cause de la loi Pons, pourtant injuste et opaque, qui ne profitait qu'à quelques centaines de très gros contribuables ; après une étroite concertation avec les milieux professionnels et les chambres consulaires, nous avons créé un mécanisme plus équitable, plus transparent et surtout plus efficace : la défiscalisation au bénéfice de l'outre-mer a été multipliée par 1,5 entre 1998 et 2001.
- le congé de solidarité permet de financer des préretraites en contrepartie de l'embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée.
Toutes ces mesures ont commencé à produire leurs effets : le chômage a baissé depuis deux ans de 16 % en Guadeloupe, de 17 % en Martinique, et pour les moins de 25 ans, de 35 % en Guadeloupe et de 30 % en Martinique. La baisse a également été massive pour les chômeurs de longue durée. C'est aussi parce que ces résultats sont là que je refuse que l'on qualifie outre-mer d'assistanat ce que l'on appellerait en métropole solidarité.
Nous disposons donc d'outils efficaces et de résultats significatifs qui donnent à notre démarche une vraie crédibilité.
Il faut aller plus loin. C'est pourquoi j'ai proposé la tenue, dans chaque département et territoire d'outre-mer, d'Etats généraux du développement durable, dès le début de la prochaine législature.
Ces Etats généraux réuniraient toutes les forces vives, élus locaux, employeurs, syndicats, associations, pour définir des objectifs de développement pour les quinze prochaines années.
C'est une durée nécessaire pour relever le défi du chômage et de la précarité, elle assure une visibilité à moyen et long terme dont les acteurs économiques ont besoin, la stabilité des règles et des objectifs est une sécurité pour tous.
La vocation de ces Etats généraux sera de définir les grands objectifs en matière d'emploi, de formation, de développement économique, d'environnement, d'équipements collectifs. J'ai proposé qu'ils débouchent sur un contrat de développement durable à l'horizon de quinze ans entre l'Etat et les régions d'outre-mer. Ces contrats intégreraient les engagements financiers et les outils législatifs nécessaires pour atteindre les objectifs définis.
Ceux qui affectent de croire qu'il n'y a plus de distinction entre la droite et la gauche m'ont demandé où était la différence avec la seule proposition pour l'outre-mer qui figure dans le programme du candidat du RPR, celle d'une loi de programmation sur quinze ans. La similitude des durées ne doit pas faire illusion. Les deux propositions n'ont rien de commun : d'un côté, une procédure de décision centralisée, de l'autre, une démarche d'élaboration décentralisée ; d'un côté, le seul discours de l'Etat, de l'autre, la parole des acteurs locaux ; d'un côté, la loi, de l'autre, le contrat. Où donc se trouve l'étatisme et où se trouve le dialogue social ?
On a parfois aussi reproché à la loi d'orientation de n'être intervenue qu'à la fin de la législature actuelle. Il est vrai qu'elle a été précédée - et j'en rends hommage aux deux ministres qui ont conduit successivement cette démarche, Jean-Jack Queyranne et Christian Paul - d'un intense travail de consultation et de négociation. Je suis même enclin à penser qu'au delà de la cohérence et de l'ampleur de son dispositif, c'est dans cette maturation collective que réside le succès rencontré par la loi d'orientation.
A la démarche des Etats généraux que je vous propose, s'ajoutent d'autres propositions que j'ai formulées dans mon programme et qui s'appliqueront naturellement outre-mer comme en métropole :
- le chèque emploi-salarié, pour supprimer les formalités administratives des toutes petites entreprises ;
- la conférence annuelle économique et sociale, pour corriger les inégalités de revenus, de salaires et de fiscalité ; grâce à l'Observatoire des prix institué par la loi d'orientation, cette conférence annuelle pourra être régionalisée dans les DOM où il y existe une impérieuse nécessité de développer le dialogue social ;
- le droit à la formation tout au long de la vie et la création d'un compte-formation, pour offrir à tous une deuxième chance et des perspectives de promotion professionnelle.
Enfin, j'ai proposé des mesures spécifiques pour les entreprises d'outre-mer :
- afin de répondre au problème récurent de financement des petites et moyennes entreprises, la négociation, avec les collectivités locales, de la création de fonds régionaux de garantie et de capital-risque ;
- un fonds d'aide à l'exportation, qui contribuera au financement des études de marché pour les entreprises exportatrices ;
- la mise en place d'un programme spécial "Cadres pour l'outre-mer", valable pour le secteur privé comme pour le secteur public, permettant aux jeunes diplômés d'outre-mer d'y exercer des responsabilités.
Ici, comme en métropole, contre la résignation au chômage, contre le fatalisme de l' échec et de l'exclusion, la bataille pour l'emploi et le développement économique, sera, avec la sécurité, la grande priorité du projet que je propose aux Français.
(Discours à La Trinité (Martinique) le 31 mars 2002)
Quelle joie de me retrouver parmi vous ici, en Martinique, où je suis venu si souvent au cours des années écoulées !
Je remercie de leur accueil :
- le maire de la commune, Louis-Joseph MANSCOUR, continuateur d'une longue tradition socialiste et qui incarne en même temps avec conviction son avenir ;
- Madeleine de GRANDMAISON, vice-présidente du Conseil régional, qui exprime avec talent la part que prend à cette campagne le Parti Progressiste martiniquais : l'alliance de la rose et du balisier a toujours été, pour la Martinique, synonyme d'espérance et de prospérité ;
- le sénateur Claude LISE, président du Conseil général, ami de longue date que je remercie chaleureusement d'avoir accepté de présider mon comité de soutien, qui est ici comme à Paris une des voix fortes et respectées d'une Martinique moderne, responsable et solidaire.
Au cours de ces heures passées en Martinique, comme hier en Guadeloupe, je veux à la fois :
- vous dire combien la vision que je porte en moi de la France et de la République fait toute leur place aux départements et collectivités d'outre-mer : l'outre-mer enrichit la République, par sa diversité, ses identités, ses cultures ;
- présenter aux Martiniquais et aux Guadeloupéens le projet sur lequel je m'engage, devant les Françaises et les Français, à l'occasion de cette élection présidentielle, et dans le cadre de ce projet, le contrat pour l'outre-mer que je suis venu vous présenter.
Les grands enjeux de l'élection présidentielle concernent directement les départements d'outre-mer :
- l'emploi et le développement économique, pour que le chômage continue à reculer, en métropole comme en Martinique,
- la justice sociale et la solidarité, pour garantir le niveau et l'avenir des retraites,
- l'égalité des chances, dans le domaine de l'éducation et de la qualité des services publics, en matière de santé ou d'équipements pour les personnes âgées ou handicapées,
- la lutte contre l'insécurité et pour une justice égale pour tous,
- la préservation de l'environnement, en utilisant mieux les énergies renouvelables,
- la place de la France et de l'Europe dans le monde, face aux défis de la mondialisation.
Je n'aurai donc pas deux discours, un à Paris et un en Martinique. Les engagements que je prends pour la France sont naturellement des engagements pour l'outre-mer.
Pour répondre aux défis du XXIè siècle, il faut présider autrement. Il faut une présidence active, qui mobilise résolument les forces de notre pays pour le plein emploi. Pour rendre la France plus sûre, traiter fermement toutes les causes de la violence afin que chaque délit trouve sa sanction, il faut une présidence qui montre l'exemple en matière de respect du droit. Il faut surtout une France juste, qui garantit les chances de chacun et les droits de tous. D'une France moderne, qui passera un contrat nouveau avec sa jeunesse pour réussir son entrée dans le XXIè siècle. D'une France forte, qui sera un acteur actif de la construction politique de l'Europe et respecté dans le monde.
Ce projet s'adresse naturellement aussi aux Martiniquais. Les propositions qu'il comporte seront appliquées en Martinique, avec s'il le faut les adaptations nécessaires. La République doit savoir s'adapter à des réalités différentes de celles de l'hexagone. La République, une et indivisible, doit aussi être diverse et accueillante aux différences. La République outre-mer ne peut pas être, pour moi, la République de l'uniformité. L'unité, oui, l'uniformité, non !
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Au nom de ces réalités différentes, certains ont voulu mettre la question au centre du débat politique. Les mêmes qui, hier, instruisaient en permanence contre la gauche un procès en " largage " de l'outre-mer ont créé beaucoup de confusion dans ce débat. Je pense en particulier au Président sortant, qui a tenu des discours différents, selon les lieux, selon les moments, selon les interlocuteurs : à Cayenne, en novembre 1997, il refusait que l'on modifie le statut départemental, mais ici même, en Martinique, en mars 2000, il défendait l'idée de statuts à géométrie variable ! Il est vrai qu'en matière de géométrie variable, nous avons affaire à un expert !
Face à cette dangereuse confusion, la méthode proposée par le Gouvernement, à la suite notamment du rapport de Claude Lise et Michel Tamaya, écarte toute aventure institutionnelle. Elle s'inspire des valeurs de la gauche, parce qu'elle est fondée sur la transparence et la démocratie :
- transparence, puisque ce sont les élus, dans le cadre du Congrès, qui formulent des propositions ;
- démocratie, puisque ce sont les populations concernées qui se prononcent avant que le Parlement ne traduise, dans la loi, les évolutions négociées.
J'ai déjà eu l'occasion de le faire, mais devant vous pour que mes engagements soient connus de tous, je veux rappeler les principes qui me guident en matière d'évolution statutaire :
- d'abord, l'unité de la République, à laquelle les Martiniquais, comme toutes les populations d'outre-mer, sont profondément attachés ;
- ensuite, le lien avec l'Europe, qui par les organisations communes de marché ou les fonds structurels, est un facteur de développement économique ;
- le troisième principe est celui de l'égalité des droits, qui est au cur du pacte républicain entre l'outre-mer et la Nation. Il n'y aura pas d'évolution institutionnelle qui se traduirait par une régression des droits sociaux ;
- enfin, la consultation des populations est un préalable à toute évolution institutionnelle, à plus forte raison si elle devait entraîner une révision de la Constitution.
Là encore, notre démarche se distingue clairement de celle de la droite : à plusieurs reprises, Jacques Chirac a indiqué qu'une modification de la Constitution devait intervenir préalablement aux choix d'éventuelles modifications statutaires, ce qui signifie que les grandes lignes de cette évolution seraient arrêtées avant toute consultation des populations. Décider d'abord, consulter ensuite, ce n'est pas ma conception de la démocratie !
Dans le cadre que j'ai rappelé, rien ne s'opposerait à des évolutions différentes pour chacun des départements. Je sais que le Congrès des élus départementaux et régionaux, en Martinique, a beaucoup avancé dans sa réflexion. Au début du mois de mars, des propositions ont été formulées. C'est sur cette base que le prochain Gouvernement pourra engager la concertation avec les élus, avant la consultation des populations. Si au terme de cette démarche, il apparaît qu'une révision constitutionnelle est nécessaire pour faire aboutir les changements proposés, j'y suis disposé dès lors qu'elle ne remettrait en cause ni l'unité de la République, ni l'égalité des droits.
Mais je n'ai pas, vous le savez, la religion des changements institutionnels : ils sont légitimes s'ils sont nécessaires, c'est-à-dire s'ils répondent à une demande de responsabilités nouvelles et à une exigence d'amélioration des conditions du développement économique. Si, au contraire, les Martiniquais préféraient conserver ou simplement adapter leur statut actuel, ils le pourront naturellement.
En Martinique, comme dans le reste de l'outre-mer et dans l'hexagone, l'emploi reste la toute première des priorités. Ici, comme là-bas, nous avons commencé à faire reculer le chômage : en deux ans, le chômage a reculé de 17 % en Martinique, et même de 30 % chez les jeunes de moins de 25 ans. C'est un résultat considérable : nous avons inversé la tendance, brisé la spirale du chômage. Ma volonté, avec vous, est d'aller plus loin et plus fort dans la même direction.
J'ai rappelé tout à l'heure, à Saint-Joseph, les outils d'une portée sans précédent mis en place par la loi d'orientation pour l'emploi et le développement économique. J'ai décrit la perspective que nous voulons mettre en place, dès le début de la prochaine législature, pour lancer les Etats généraux du développement durable.
Il s'agit, à travers cette démarche, d'inviter tous les acteurs de la société martiniquaise, élus locaux, chefs d'entreprises, syndicalistes, associations, toutes les forces vives de la Martinique, à définir eux-mêmes, avec l'aide des services de l'Etat, aux objectifs majeurs du développement économique et social, à un horizon qui ne soit pas celui du court terme.
Il s'agit aussi de répondre aux problèmes concrets de nos concitoyens, qui concernent directement leur vie quotidienne :
- nous voulons protéger les productions traditionnelles, la banane et la canne, défendre les organisations communes de marché mais aussi préparer les professions à s'adapter ;
- nous voulons encourager les autres productions agricoles dans une démarche de qualité et de sécurité alimentaire, en particulier pour l'élevage ;
- nous voulons favoriser un développement touristique renouvelé, plus harmonieusement inséré dans l'environnement et la société : la Martinique doit pouvoir valoriser davantage ses atouts ;
- à cet effet, nous veillerons à la qualité et à la régularité des transports aériens dans une approche de continuité territoriale ;
- nous voulons mieux utiliser les énergies renouvelables et les intégrer dans les programmes de logement et d'équipements publics ,
- nous voulons, avec la couverture logement universelle, garantir le droit de chacun à un logement décent et de qualité : il faudra, outre-mer, donner à cet objectif une dimension adaptée, qui passera nécessairement par une accentuation de l'effort pour supprimer l'habitat insalubre ;
- nous voulons développer les nouvelles technologies de l'information et la communication, qui sont un outil formidable pour l'égalité des chances , j'ai proposé, pour l'outre-mer comme pour l'ensemble du pays, que chaque jeune, dans les cinq ans qui viennent, puisse de l'école à l'Université, avoir accès à un ordinateur ;
- nous voulons aussi mieux assurer l'épanouissement des cultures dans leur diversité ; le Gouvernement a beaucoup agi pour favoriser la reconnaissance et l'enseignement des créoles, nous poursuivrons la mise en uvre de la Charte des langues et cultures régionales du Conseil de l'Europe.
Cette ambition est celle qui permettra à la Martinique d'affirmer toute sa place dans son environnement caribéen. L'outre-mer apporte en effet à notre pays une présence hors d'Europe, dans l'Océan Indien, en Amérique, dans le Pacifique. Il représente un atout incomparable pour son rayonnement.
Je veux faire partager cette conviction à l'Europe : l'élargissement de l'Union vers les pays d'Europe centrale et orientale ne doit pas se faire au détriment des relations que l'Europe doit préserver avec les pays du Sud. Ces relations sont une des conditions essentielles pour que l'Union européenne joue son rôle pour que la globalisation ne se fasse pas sans règles, pour qu'elle intègre la reconnaissance de la diversité des cultures. Quelle meilleure interface existe-t-il entre l'Europe et les pays du Sud que les régions et départements d'outre-mer ?
Grâce aux initiatives de la France, le traité d'Amsterdam reconnaît les spécificités et les handicaps des régions d'outre-mer. Ces principes ont cependant du mal à trouver une traduction concrète. Les régions françaises d'outre-mer, avec celles de l'Espagne et du Portugal, ont déjà pris des initiatives nombreuses et efficaces pour défendre leurs points de vue et leurs intérêts vis-à-vis de la Commission. Je proposerai la réunion périodique d'une "conférence des régions ultra-périphériques", regroupant les gouvernements et les autorités régionales pour mieux faire entendre notre voix en Europe.
Les collectivités d'outre-mer doivent aussi pouvoir s'appuyer sur la France pour s'affirmer dans leur environnement géographique. Il est temps qu'elles se voient reconnaître un rôle d'acteur à part entière de la vie internationale régionale. La coopération régionale doit être renforcée et rénovée. Je ne ferai pas comme le candidat du RPR qui affirmait à La Réunion, en mai 2001, qu'il n'y a pas de meilleurs représentants de la France dans les organisations diplomatiques régionales que les élus de l'outre-mer, et qui, deux mois plus tard, a refusé l'adhésion de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique à l'association des Etats de la Caraïbe. La loi d'orientation a prévu que les collectivités d'outre-mer qui le souhaitent doivent pouvoir adhérer aux organisations internationales de leur zone géographique. L'Etat les y aidera.
Pour donner à la coopération régionale une dimension humaine et concrète, qui bénéficie à La Réunion comme aux Etats partenaires, je proposerai un programme "Jeunes partenaires pour le co-développement", qui permette aux jeunes diplômés d'outre-mer de participer à des actions de coopération avec les pays voisins.
Martiniquaises, Martiniquais, mes chers compatriotes,
La gauche, depuis 1981, a profondément modifié le cours des choses outre-mer :
- 1981 : avec François Mitterrand, les lois de décentralisation ont marqué le tournant de la dignité et de la responsabilité politiques restaurées ;
- 1988 : à nouveau avec François Mitterrand, ce fut le début de la construction de l'égalité sociale, achevée le 1er janvier 2002 avec l'alignement du RMI.
- 1997 : la loi d'orientation et un ensemble de mesures économiques, sociales et institutionnelles sans précédent en faveur de l'outre-mer.
A chaque étape de ce chemin, on a bien vu la différence entre la gauche et la droite, les forces de progrès et les conservateurs.
La vision de la République et de la France que je porte en moi est aux couleurs de l'outre-mer :
- elle s'incarne dans le combat permanent contre toutes les discriminations,
- dans l'affirmation de l'égalité et de la solidarité nationale,
- dans la reconnaissance de la diversité des cultures
Je viens vous proposer d'écrire aujourd'hui ensemble une nouvelle page de notre histoire commune.
J'appelle la Martinique des villes et des mornes à se rassembler, comme elle le fit si souvent derrière Aimé Césaire, pour écrire les pages de fierté et de progrès de son histoire récente. Cette Martinique belle et forte, riche et fière des métissages qui ont façonné sa culture a déjà beaucoup apporté à la France.
Ensemble si vous le décidez, nous ferons des 21 avril et 5 mai une étape nouvelle pour une Martinique plus juste, dans une France solidaire.
(Source http://www.lioneljospin.net, le 4 avril 2002)