Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur l'originalité de la Corse, son identité culturelle, la nécessité de revenir à l'Etat de droit et d'éradiquer la violence, et sur les grandes lignes de la politique gouvernementale pour la Corse, proposée à l'occasion de la discussion du contrat de plan, Ajaccio le 6 septembre 1999.

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Circonstance : Déplacement de M. Jospin en Corse les 6 et 7 septembre 1999

Texte intégral

Monsieur le Président de l'assemblée,
Monsieur le Président du Conseil exécutif,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Mesdames, Messieurs,
Je m'exprime pour la première fois devant l'assemblée de la collectivité territoriale de Corse. Je le fais avec la volonté de dialoguer avec les élus de Corse, en souhaitant que cet échange se prolonge au-delà de cette seule séance. Mes deux précédents déplacements en Corse en tant que Premier ministre ont eu lieu dans des circonstances tragiques : au lendemain de l'assassinat du préfet Claude ERIGNAC, puis pour l'hommage solennel qui lui a été rendu à Ajaccio par les plus hautes autorités de la République. Ce crime a soulevé l'émotion et l'indignation dans l'île, en même temps qu'il choquait profondément l'opinion continentale. Depuis, la Corse a connu des moments difficiles. J'entends bien n'en laisser aucun dans l'ombre. Il y a trop de non-dit entre les Corses et l'Etat. Il faut que nous nous parlions davantage et avec franchise.
C'est dans cet esprit que je voudrais d'abord évoquer devant vous la vision
-personnelle et politique- que j'ai de la Corse, en revenant sur les événements qu'elle a connus depuis dix-huit mois ; puis je vous exposerai les grandes lignes de la politique que le Gouvernement propose pour l'île, à l'occasion de la discussion du contrat de plan.
I - La vision que j'ai de la Corse et des Corses se fonde sur cinq convictions.
J'ai d'abord pleinement conscience que la Corse est un ensemble géographique et humain profondément original. Je suis venu plusieurs fois en Corse à titre privé. Je suis reparti chaque fois ébloui par sa beauté et marqué par la chaleur des accueils. Séjour après séjour, j'ai mieux compris la personnalité de la Corse. Mariage de la roche et de l'eau, la Corse des villages, des montagnes et de la forêt incarne admirablement et singulièrement le monde méditerranéen. J'ai ainsi rejoint les rangs si nombreux des amoureux de la Corse, qui savent combien votre île est belle et généreuse. Des Corses m'ont parlé de leur île mieux que je ne le fais ici. Ils m'ont appris à aimer la Corse, à respecter les Corses.
Aujourd'hui, à ma place, celle de chef du Gouvernement, je continue de reconnaître les spécificités de la Corse. Je suis convaincu qu'il faut en tenir le plus grand compte dans la définition et la mise en uvre de la politique du Gouvernement pour l'île.
Ma deuxième conviction est que la Corse doit se garder de la tentation de l'isolement. L'histoire de la Corse traduit, me semble-t-il, l'ambivalence de sa population à l'égard de ce qui est extérieur à l'île. Comme beaucoup d'autres populations insulaires, les Corses cherchent à échapper à l'isolement en multipliant les échanges ; et, en même temps, ils redoutent de perdre leur identité dans ces relations. Les mouvements d'ouverture et de repli coexistent ou se succèdent. Pour ma part, j'ai confiance dans la personnalité de la Corse. Et je pense qu'elle a plus à craindre d'un isolement que d'une hypothétique dilution -à laquelle je ne crois pas. Car son identité est forte.
Ma troisième conviction est que l'attachement très majoritaire des Corses à la nation est profond. Les liens entre la Corse et la France continentale sont étroits, solides et durables. La nature de ce lien, la participation active des Corses -et certains très illustres- aux moments importants de notre histoire contemporaine, l'inscription de leur île dans la République, le sacrifice d'un grand nombre d'entre eux dans les combats des deux conflits mondiaux, la présence de nombreux Corses dans nos élites ou corps administratifs : tout cela le souligne, la Corse est une part de la nation française, et la nation française ne serait pas complète sans les Corses.
Jeudi prochain sera célébré l'anniversaire de la Libération de la Corse qui annonçait, le 9 septembre 1943, la Libération de la France tout entière. La ferveur qui se manifeste chaque année -et qui se manifestera encore- à cette occasion traduit la fierté des Corses d'avoir joué un rôle important en ce moment décisif de notre histoire.
Il serait vain, pour autant, de ne pas reconnaître que la relation des Corses avec l'Etat -et même avec les Français du continent- n'est pas vécue, de part et d'autre, sans difficultés. On ne peut nier ni l'oubli dans lequel trop longtemps a été laissée la Corse, suscitant parfois un sentiment d'abandon ; ni la méconnaissance fondée sur des images stéréotypées, que trop de continentaux, encore aujourd'hui, manifestent à l'égard de cette île. Ces attitudes ont pu laisser des traces dans une communauté humaine fière de son passé. Mais il est vrai aussi que certains comportements n'ont pas toujours donné de l'île la meilleure image.
La quatrième conviction que je vous livre -et elle est essentielle- est que rien ne sera possible en Corse, au plan politique ou économique, si la société corse, dans son ensemble, ne condamne pas solennellement la violence, si elle ne proclame pas que cette violence n'a pas de raison d'être un élément constitutif de l'identité corse et qu'elle a aujourd'hui un caractère profondément anachronique.
Il n'y a aucune fatalité de la violence en Corse. Il n'y a aucun déterminisme historique ou culturel qui rendrait, ici, la violence " normale " ou " acceptable ". La violence contre l'Etat ne peut être justifiée d'aucune manière dès lors qu'elle vise un Etat démocratique, dès lors que nous vivons dans une démocratie. Chacun a la possibilité d'exprimer toute opinion par l'élection au suffrage universel -la composition de cette assemblée en témoigne-, puis par la délibération. D'ailleurs, les victimes de cette violence sont d'abord, on le sait, les Corses eux-mêmes.
Cette violence, et la clandestinité qui l'accompagne et la nourrit, donnent le sentiment d'être devenues, pour ceux qui la pratiquent, une fin en soi, comme un univers dont ils ne savent plus se déprendre. Il leur faudra s'en délivrer.
Avec l'assassinat de Claude ERIGNAC, un pas symbolique a été franchi dans l'inacceptable. Rien ne permet de justifier un tel acte, destructeur pour la Corse. Rien. Le refus de certains responsables de condamner ses auteurs est incompréhensible. Il heurte profondément la majorité des Français, en Corse comme sur le Continent. Je me félicite des avancées déterminantes qu'ont connues les enquêtes menées par la police judiciaire sous l'autorité des magistrats. Je souhaite qu'elles se prolongent le plus rapidement possible pour permettre la manifestation complète de la vérité.
Moralement condamnable, cette violence est politiquement suicidaire. Loin d'unir la Corse, elle la divise profondément. Loin de contribuer à accroître les responsabilités confiées aux Corses, elle y fait obstacle car elle donne le sentiment d'une inaptitude à résoudre démocratiquement les problèmes de l'île. Elle ne construit rien, elle ne conduit qu'à l'échec, dans une spirale sans espoir.
Il est de l'intérêt de la Corse et de tous ceux qui se préoccupent de son avenir qu'il y soit définitivement renoncé. Condamner la violence comme arme du combat politique ne signifie aucun renoncement aux objectifs poursuivis. Je ne demande rien de tel. Je ne réprouve aucune idée, même si je ne les approuve pas toutes. Je demande seulement qu'elles soient défendues au grand jour et de façon démocratique. La condamnation de la violence est en réalité la condition préalable à toute évolution, autant que la réponse de la raison à une exigence morale. La renonciation à la violence est la condition pour construire la Corse de demain.
Cinquième et dernière conviction : le respect de la loi républicaine et celui des particularités de l'île sont parfaitement compatibles. Le respect de la loi demeure un objectif fondamental de la politique de l'Etat. Cette politique n'est pas dirigée contre les Corses. Elle est au service de la Corse et des Corses. Ceux-ci souhaitent ce respect de la règle commune, démocratiquement adoptée, sans lequel aucune société ne peut vivre en paix, aucun citoyen se sentir libre, aucune économie se développer.
Le préfet ERIGNAC avait commencé à mettre en uvre cette politique. Sa mort tragique a ouvert une période que je voudrais évoquer.
Cet assassinat a conduit le Gouvernement à accentuer avec vigueur sa politique d'établissement de l'Etat de droit. Pour la mettre en uvre, le préfet BONNET a été désigné par le conseil des ministres. J'ai rendu hommage au courage dont celui-ci a fait preuve en acceptant la succession du préfet assassiné et en supportant les conditions de vie contraignantes que sa sécurité lui imposait, contraintes qui étaient un facteur d'isolement.
La politique d'affirmation du respect de la loi a eu des résultats qui ne sont pas contestables, en termes de sécurité, de lutte contre les fraudes ou de rétablissement de l'égalité devant l'impôt. L'action contre la délinquance économique et financière est une priorité de l'Etat. Ces résultats sont redevables aux magistrats et aux fonctionnaires qui, tous, ont travaillé dans des conditions souvent difficiles. Je leur rends hommage.
Une dérive grave s'est produite. Je me suis déjà exprimé plusieurs fois sur l'affaire dite " des paillotes ". J'y reviens en quelques mots devant vous. Plusieurs agents de l'Etat ont reconnu avoir participé à la destruction illégale de paillotes. Il appartient à la Justice, en toute indépendance, de se prononcer sur les responsabilités de chacun. La façon dont elle procède doit vous convaincre que la loi est bien la même pour tous. Les actes illégaux qui ont été commis l'ont été en contradiction totale avec la politique du Gouvernement. Faire respecter l'Etat de droit ne peut naturellement se faire que par les seuls moyens du droit. Quant aux constructions sur le domaine public maritime qui ont été reconnues illégales par une décision de justice -laquelle n'est plus susceptible de recours-, elles devront être détruites à l'initiative de leur occupant ou, à défaut, le seront par l'autorité publique.
Désormais, l'Etat est représenté dans la région et le département de Corse du sud par M. Jean-Pierre LACROIX, et en Haute-Corse par M. Christian SAPPEDE. Ils ont pour instruction d'appliquer la politique du Gouvernement dans toutes ses dimensions, en établissant des relations de confiance avec les élus de la Corse et en restant à l'écoute de sa population. Je tiens à leur exprimer mon soutien dans leur mission.
Le respect de la loi républicaine n'empêche en rien le respect des particularismes corses. Riche de son histoire, marquée par sa nature insulaire, enchâssée dans la Méditerranée, voulant faire vivre sa langue et sa culture, la Corse a une identité forte, que chacun connaît et reconnaît. Cette identité a toute sa place dans la République et dans la Nation.
II - C'est ainsi que nous pourrons travailler, ensemble, à construire l'avenir de la Corse.
La collectivité de Corse a reçu de larges compétences en matière de développement économique, social et culturel. Il appartient à l'Etat, dans l'exercice de ses propres compétences, de s'associer à l'action de la collectivité.
Les pouvoirs publics peuvent appuyer l'épanouissement de l'identité culturelle corse. Le Gouvernement est particulièrement attaché au développement des langues régionales. Il a souhaité que la France engage la ratification de la charte européenne. Il entend qu'un grand nombre des mesures que la charte propose soient adoptées. Le Gouvernement est prêt à favoriser l'usage de la langue corse, qui est une langue vivante, expression d'une riche culture. Il fera en sorte que l'enseignement de la langue corse soit possible pour tous ceux qui le souhaitent. Mais il n'est pas envisageable d'imposer à tous l'enseignement de la langue corse. Car ce serait une mesure contraire aux libertés individuelles.
Le développement de la culture corse continuera d'être encouragée, en particulier pour accroître pour tous l'offre culturelle et favoriser la création qui permet à la culture corse de demeurer vivante. Le Gouvernement apportera en particulier son appui à la création musicale et artistique en langue corse.
En Corse, comme ailleurs, la formation est un chantier essentiel. Il est vrai que le taux de qualification des actifs reste ici largement insuffisant -un tiers n'ont aucun diplôme- et le taux de réussite au baccalauréat est sensiblement inférieur à la moyenne nationale. Il convient donc de continuer à moderniser le dispositif de formation initiale pour améliorer ses performances et favoriser l'émergence d'une culture scientifique et professionnelle, de l'école à l'université. En s'ouvrant sur tout le territoire de l'île, l'Université peut participer, avec le concours de grands organismes de recherche, tel l'INRA, au maillage technologique de la Corse. Pour l'Université, l'objectif doit être d'achever le pôle de Corte et de développer le pôle de Bastia sur les formations technologiques et celui d'Ajaccio sur des formations relatives à la filière touristique.
L'agriculture reste une composante importante pour le développement économique de la Corse. Certes, elle doit prendre en compte des handicaps structurels : le relief dans la majeure partie de l'île, le manque d'eau, l'étroitesse du marché intérieur, une situation foncière complexe. Mais nous pouvons améliorer l'organisation collective et la formation des exploitants. Une autre difficulté importante est actuellement la situation financière du secteur, marquée par un endettement excessif, provoqué par des difficultés économiques réelles et un laxisme préoccupant dans l'octroi et l'utilisation des prêts. Le Gouvernement a abordé cette question de l'endettement, en tenant compte de la situation des exploitants mais en évitant désormais toute fuite en avant, préjudiciable à la viabilité économique des exploitations.
Ces difficultés sérieuses ne doivent pas faire oublier les succès et les potentialités de l'agriculture corse. Il existe des productions traditionnelles de grande qualité, comme l'atteste la reconnaissance d'appellations d'origine contrôlée pour le miel, le vin et bientôt le fromage. Il convient de les valoriser. L'agriculture corse doit aussi mieux contribuer à l'occupation et à l'aménagement de l'espace rural, notamment en montagne. Les contrats territoriaux d'exploitation, l'une des innovations majeures de la loi d'orientation agricole, seront à cet égard un outil précieux.
L'agriculture doit mieux couvrir les besoins du marché insulaire et rechercher l'amélioration de la qualité pour permettre, au-delà de la saison touristique, l'exportation de produits à forte valeur ajoutée.
Des progrès importants sont donc possibles pour l'agriculture en Corse à la condition que soient confortées les exploitations viables, restructurée l'organisation collective, préservée la rigueur financière et améliorée la commercialisation. Ce sont quelques uns des objectifs proposés pour l'agriculture dans le prochain contrat de plan.
Le tourisme est un grand atout pour la Corse, ce que soulignent les excellents résultats de cette saison. Il y a encore place en Corse pour un développement de l'activité touristique, mais dans le respect de l'environnement et notamment du littoral. Le principal axe d'effort proposé consiste à accroître la professionnalisation des acteurs de la filière, pour améliorer l'accueil et proposer des formes de tourisme diversifiées et de qualité.
Il y a aussi place en Corse pour un développement industriel. L'île peut accueillir avec succès des entreprises industrielles à forte valeur ajoutée, pour lesquelles les coûts liés à l'insularité ont une faible importance relative. Je suis convaincu que des entreprises peuvent réussir en Corse dans les domaines des nouvelles technologies. J'en visiterai une cet après-midi. Les entreprises en Corse sont souvent de très petite taille et isolées. Nous devons donc encourager les démarches groupées pour l'accès aux nouveaux marchés, aux savoir-faire et aux nouvelles technologies et favoriser le renouvellement du tissu industriel par la prospection, l'accueil d'entreprises, et l'accompagnement d'activités nouvelles. Je saluerai demain l'excellente initiative de la technopole de Bastia.
La question des transports est à l'évidence d'une grande importance pour la Corse. Votre collectivité dispose de très larges compétences dans ce domaine, pour les dessertes aériennes et maritimes comme pour les transports routiers et ferroviaires. Elle a ainsi la possibilité de définir et de mettre en uvre, dans une approche intermodale, une politique des transports globale au service du développement économique et social de la Corse.
Pour le transport entre la Corse, le continent et l'étranger, l'Etat est prêt, au titre de ses propres responsabilités, à accompagner, conformément au principe de continuité territoriale, cette politique globale. Elle doit être fondée sur une conception ambitieuse du service public, celui-ci devant naturellement répondre aux exigences légitimes de régularité exprimées par la population. A l'intérieur de la Corse, la mise à niveau du réseau routier doit être poursuivie. L'Etat est prêt à participer à cet effort nécessaire, bien que le réseau routier national ait été transféré à la collectivité depuis la loi de 1991. La modernisation du chemin de fer doit également intervenir. Elle est proposée dans le contrat de plan.
Le développement de la Corse doit se faire en préservant l'environnement. La question de l'élimination des déchets reste cruciale. Il est nécessaire de poursuivre activement la résorption des décharges illégales et de créer des filières de tri et de valorisation. La maîtrise de l'eau est essentielle pour la Corse. L'amélioration des réseaux et l'équipement en stations d'épuration devront être poursuivis.
Je n'oublie pas la question de la fiscalité. Le Gouvernement est prêt à engager une réflexion sur les dispositions fiscales propres à encourager le développement économique de l'île. Un bilan de la zone franche devra être effectué en 2000. Pour ce qui est de la fiscalité sur les successions, les dispositions dérogatoires existant en Corse, sur la base des arrêtés dits " Miot ", n'avaient pas d'effet économique favorable, mais au contraire des inconvénients certains, en encourageant le maintien de l'indivision. Il ne me semble donc pas souhaitable, dans l'intérêt même de la Corse, de revenir à la situation antérieure. Toutefois, le Gouvernement n'est pas hostile à des mesures d'accompagnement et d'adaptation transitoires, pour tenir compte de la situation du droit et des pratiques juridiques et sociales en Corse. Une discussion pourra s'engager à ce sujet avec la collectivité de Corse, après la remise prochaine du rapport de la commission mixte sur la fiscalité. Je suis sûr qu'il sera possible d'aboutir à des solutions raisonnables. Il me semble également souhaitable que le Conseil exécutif de la collectivité et l'Etat travaillent ensemble sur l'importante question du financement de l'économie corse.
Mesdames et Messieurs,
Je viens en Corse au moment où se noue notre partenariat dans le cadre du contrat de plan. Le mandat que je viens d'adresser au préfet de région pour la négociation, avec vous, du contrat de plan pour les sept prochaines années rappelle les handicaps qui pèsent sur le développement de la Corse, propose une stratégie pour les surmonter et prévoit les moyens nécessaires.
Les moyens que l'Etat se propose de mettre au service de ces politiques sont importants. Le Gouvernement a décidé, lors du Comité interministériel sur l'aménagement et le développement du territoire du 23 juillet dernier, que l'Etat consacrerait, au titre du contrat de plan 2000-2006, 1.366 millions de francs pour la Corse. Les crédits de l'Etat au titre du contrat de plan ont progressé de 45 %, soit une augmentation de 421 MF. Cette progression représente le double de la plus forte augmentation régionale sur le Continent. Ce montant pourra encore être accru au titre de la seconde enveloppe, en fonction des projets présentés par la collectivité. Cette effort accru traduit la volonté du Gouvernement de compenser la sortie de l'objectif 1 et d'accorder à la Corse les moyens de son développement.
A cet effort national s'ajoutent les fonds structurels européens. La Corse ne peut plus bénéficier de l'objectif 1, dont le critère d'éligibilité demeure un PIB par habitant inférieur à 75% de la moyenne communautaire, alors que ce taux atteint aujourd'hui en Corse 82 %. Néanmoins, la France a plaidé avec succès pour un dispositif transitoire généreux de sortie de l'objectif 1, dont la Corse bénéficiera largement, ainsi que des crédits des objectifs 2 et 3.
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Le Gouvernement souhaite établir un nouveau dialogue avec la collectivité de Corse. Celle-ci dispose de compétences étendues et d'une organisation institutionnelle spécifique. Son statut est somme toute récent, puisqu'il a été mis en place il y a moins de dix ans -certains des textes d'application n'étant pas encore pris, ce qui est anormal, j'en conviens. Nous sommes en train d'y remédier. Ce statut doit en effet pouvoir s'appliquer dans toutes ses dispositions. Il vous appartient aussi d'exercer pleinement les compétences qui vous sont dévolues.
Faut-il apporter des modifications à ce statut ?
J'ai affirmé devant l'Assemblée nationale, le 25 mai dernier, lors du débat relatif à la motion de censure, que le premier problème de la Corse n'était pas aujourd'hui celui de son statut, mais celui de la violence ; qu'une modification statutaire ne résoudrait en rien la question de la violence en Corse ; que toute modification statutaire serait en revanche ruinée par la violence. Rien, depuis trois mois, n'a été de nature à changer cette appréciation. Certains Corses persistent dans la violence. D'autres dans l'ambiguïté à l'égard du recours à la violence.
Je le redis donc aujourd'hui avec la même force : aucune discussion institutionnelle ne peut avoir lieu tant que la violence est utilisée comme une arme du débat. Il n'y a pas de discussion possible sur l'organisation des institutions de la démocratie lorsque les principes sur lesquels repose toute vie démocratique sont bafoués. Il faut un engagement clair de toutes les forces politiques en Corse d'accepter les règles de la démocratie : respect de la libre expression des opinions, sans menaces ni intimidations, refus de toute violence dans le débat politique, acceptation du vote majoritaire. Et il faut qu'un tel engagement soit pris dans la clarté, qu'il soit tenu et qu'il soit définitif.
C'est ainsi que nous pourrons préparer ensemble l'avenir que les Corses réclament, un avenir de paix, de démocratie et de développement.
Un avenir au sein de la République, dans la solidarité nationale et dans la reconnaissance de l'identité de la Corse.
Le Gouvernement est prêt à travailler sur ces bases avec tous les élus de la Corse. Il a confiance dans la volonté des Corses de vivre dans la paix. A chacun maintenant de prendre ses responsabilités.
(Source:http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 06/09/1999