Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur la revitalisation des centres urbains et sur le projet de loi de réforme de l'action économique des collectivités locales pour favoriser la création et le développement des petites entreprises, leur faciliter l'accès au crédit et participer au renforcement de leurs fonds propres, Paris le 5 octobre 1999.

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  • Émile Zuccarelli - Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation

Circonstance : Journée de réflexion organisée par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris sur le thème "Le rôle et la place des entreprises dans le développement local" à Paris le 5 octobre 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Député,
Mesdames, Messieurs,


C'est avec plaisir qu'à l'invitation de M. Michel Franck, j'ai accepté l'honneur d'ouvrir cette journée de réflexion, placée sous le patronage de la Commission Européenne et de l'Association des Maires de France. A travers un thème qui m'est cher, " le rôle et la place des entreprises dans le développement local ", vous avez choisi d'aborder plus particulièrement un sujet difficile, celui de la revitalisation des centre-villes.
Les commerces, auxquels je me permettrai d'ajouter les PME, ont effectivement un rôle essentiel à jouer dans une stratégie de reconquête des centres urbains qui comporte de nombreux autres volets tels que le logement, les loisirs, les transports etc. Les difficultés sociales de certaines périphéries urbaines ont quelque peu occulté dans l'opinion un phénomène, certes plus discret, mais tout aussi porteur de difficultés : l'anémie progressive d'un certain nombre de centres de grandes villes.
Certains centres villes, certains quartiers même de Paris sont quasiment frappés de désertification dès la fermeture des bureaux.

Il ne s'agit pas d'un problème purement français.
Des mécanismes identiques sont à l'oeuvre dans les pays voisins du nôtre : à telle enseigne que le traitement des déséquilibres urbains a rejoint la liste des objectifs prioritaires de la communauté européenne.
Le représentant de la DG XVI, dont je salue la présence, nous précisera l'approche de la Commission en ce domaine.
Les mécanismes déchirant le tissu urbain sont connus : le jeu spontané du marché foncier conduit tout naturellement à implanter en périphérie, là où le prix des terrains est le moins onéreux, les centres commerciaux, les entreprises et les logements des catégories les moins aisées.
Les européens, en général, et les français, en particulier, sont trop attachés à un certain modèle de société pour confier aveuglément leur sort aux seules lois des marchés.
La revitalisation des centre-villes appelle donc une intervention des pouvoirs publics en étroite concertation avec l'ensemble des milieux économiques concernés, au premier rang desquels je range les commerçants, les artisans et toutes les petites entreprises. Seul le maintien d'un maillage étroit de ces réseaux de professionnels peut garantir durablement notre équilibre urbain, et, au-delà, l'équilibre de l'ensemble de notre territoire. Il s'agit là d'un enjeu capital : la cohésion du territoire est la condition de la cohésion sociale.
Inutile de souligner que le traitement d'un problème aussi complexe que la revitalisation des centres urbains comporte de multiples entrées. Certains dispositifs sont bien connus de vous. Je songe en particulier à l'action du FISAC, fonds alimenté par une taxe sur les grandes surfaces, qui permis de traiter environ 700 dossiers de redynamisation depuis sa création, et à l'EPARECA (Etablissement Public national d'Aménagement et de Restructuration des Espaces Commerciaux et Artisanaux), récemment crée, qui interviendra en soutien des zones commerciales en difficulté.
Ma collègue Marylise Lebranchu reviendra sans doute sur ces points en concluant cette journée.
Je pense aussi aux dispositifs permettant de combattre la vacance des logements tels que les opérations programmées d'amélioration de l'habitat ou à la récente décision de diminuer la T.V.A. sur les travaux de réparation qui incitera les propriétaires à rendre plus accueillant certains appartements.
D'autres dispositions récemment adoptées à l'initiative de ce gouvernement auront des effets plus indirects mais tout aussi marquants. Tel est le cas de la suppression en 5 ans de la part salariale de la taxe professionnelle (en moyenne 35%), de la baisse des droits de mutation, prévue par la loi de finances 2000, sur les fonds de commerce et les cessions de clientèle, qui bénéficiera principalement aux PME, des nouveaux contrats de ville dotés de 8,6 milliards de francs sur sept ans, soit le double de l'enveloppe de 1993, et de l'ensemble de la politique de la ville qui pourra s'appuyer plus clairement sur les financements européens. En incitant les agglomérations à se doter d'un taux de taxe professionnelle unique, la loi Chevènement sur l'intercommunalité permettra aux collectivités d'échapper à une logique de concurrence qui conduit parfois à une multiplication inutile des zones d'activité à la périphérie des villes.
De leur côté, mes collègues Gayssot, Besson et Bartolone préparent un projet de loi sur l'habitat, l'urbanisme et les déplacements. Il comportera, notamment, une révision de nos outils de politiques urbaines pour privilégier le renouvellement urbain, ce que l'on appelle parfois la reconstruction de la ville sur elle-même et rationaliser les modes de déplacements, facilitant ainsi l'accès aux centres des villes. Ce sera l'un des chantiers essentiels des mois à venir.
Je dirai enfin quelques mots de mon propre projet de loi sur la réforme de l'action économique des collectivités locales qui viendra en discussion devant le Parlement au printemps prochain. Il bénéficiera principalement aux PME de toute catégorie qui sont les plus créatrices d'emplois et les mieux réparties sur l'ensemble du territoire.
Ce projet de loi, en remplaçant un ensemble de textes devenu inutilement complexe par un dispositif clair et mieux adapté aux besoins des collectivités et des entreprises, facilitera la prise d'initiatives en faveur de l'emploi par les régions, les départements et les communes, tout en les incitant à se regrouper pour agir. Il se situe dans une perspective résolument européenne.

Une loi est en effet nécessaire car les textes en vigueur sont devenus inadaptés à la réalité : sur 14 milliards de francs d'aides locales dispensées l'an dernier, les deux tiers ont été versés par les communes et les départements, parfois en toute illégalité. La distinction traditionnelle entre aides directes et indirectes a perdu toute signification et n'est pas reconnue par Bruxelles.
Le texte que j'ai préparé en étroite concertation avec des élus de toutes sensibilités politiques est attendu avec impatience par un très grand nombre de maires, de présidents de conseils généraux et de professionnels.

Ce projet de loi, qui est en cours d'examen par la Commission Européenne, répond à trois objectifs :

  • favoriser la création et le développement des petites et moyennes entreprises par les aides à l'innovation et à l'investissement,
  • faciliter l'accès des entreprises au crédit,
  • participer au renforcement des fonds propres des entreprises par l'intermédiaire de sociétés de capital risque.

Les départements, communes et groupements de communes se voient reconnaître le droit d'intervenir et pourront donc agir en toute légalité.

Les régions conserveront un rôle moteur puisqu'elles pourront consacrer à l'action économique jusqu'à 20 % de leurs recettes, détenir la moitié du capital de sociétés de capital-investissement, soit beaucoup plus que les départements.
Les collectivités auront bien évidemment la possibilité de se grouper pour réaliser une même opération et, dans ce cas, de désigner par convention un chef de file. Rien ne leur interdit de s'organiser pour constituer non pas un guichet unique mais une " entrée unique " facilitant l'accès des entreprises aux dispositifs d'aides.
Certains jugent cette réforme incomplète : c'est possible, elle est certainement perfectible. Mais, comme beaucoup d'entre vous, je suis issu du monde de l'entreprise où j'ai acquis une certitude : on ne fera pas entrer de force la réalité dans des schémas théoriques préétablis.
Quant au débat sur le nombre de niveaux de collectivités et leurs compétences respectives, c'est une question qu'il n'appartient pas à mon projet de loi de trancher. Si une réflexion est nécessaire, il faut bien reconnaître l'absence de consensus à ce sujet. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a proposé la mise en place d'une commission pluraliste composée notamment des grandes associations d'élus et, bien sur de parlementaires, pour que cette question soit traitée dans tous ses aspects et en toute clarté.

Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, le gouvernement travaille déjà très activement sur les questions qui vont aujourd'hui retenir votre attention. Je me réjouis donc que vos réflexions puissent venir enrichir notre action car, j'en suis convaincu, les problèmes d'aménagement urbain ne pourront trouver leur solution que dans le cadre d'une large concertation et d'une stratégie d'ensemble.
Il nous appartient à tous de rechercher les voies de l'égalité d'accès au logement, à l'éducation, à l'emploi, à l'ensemble des services publics et privés pour refaire des centres villes d'authentiques lieux de rencontre.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie et vous souhaite donc de fructueux travaux.

(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 7 octobre 1999).