Texte intégral
Monsieur le ministre, Monsieur l'ambassadeur, Monsieur le recteur,
Monsieur le doyen,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations et de fondations,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous rencontrer à Rabat aujourd'hui dans la cadre prestigieux de l'université Mohammed V. Et je tiens à remercier très chaleureusement tous ceux qui ont concouru à l'organisation de cette rencontre, autorités rectorales et de la faculté de droit de l'université, de nombreux ministères dont ceux de M. Fathallah Oualalou, et de M. Mustapha Mansouri avec lesquels je partage de nombreuses analyses sur les enjeux et l'importance de la relation euro-méditerranéenne dans le mouvement plus vaste de la mondialisation et aussi les associations et fondations qui ont bien voulu se joindre à nous pour nourrir le débat de ce soir.
J'attache beaucoup d'importance à ce dialogue avec vous, universitaires, étudiants, chefs d'entreprises, chercheurs, journalistes, hauts fonctionnaires, car vous êtes un peu, pour reprendre un mot cher à Victor Hugo, ces phares qui éclairent la société, les guetteurs de l'avenir, dans un pays si proche de la France et de l'Europe à tant d'égards.
Ministre du commerce extérieur, chargé des négociations multilatérales, je n'oublie pas que c'est sur votre sol, il y a huit ans, qu'a été conclu l'accord commercial multilatéral le plus ambitieux depuis la guerre. L'Organisation mondiale du commerce est bel et bien née au Maroc !
Lors de la dernière conférence ministérielle de l'OMC, à Doha en novembre dernier, nous avons fixé une ambition et un but à la négociation commerciale multilatérale. L'ambition est celle d'une gouvernance qui fixe des règles à la mondialisation. Le but est celui du développement partagé par tous, sur tous les continents, et d'abord sur celui-ci.
L'ambition d'une nouvelle gouvernance mondiale pour y parvenir fait écho à l'appel lancé à Marrakech en 1994, lors de la conclusion du cycle d'Uruguay qui préconisait notamment une meilleure coordination et une plus grande cohérence des actions des institutions de Bretton-Woods et de l'OMC.
Je suis donc très heureux de pouvoir aujourd'hui rendre hommage, devant vous, au rôle important joué par le Maroc dans la construction d'une société internationale plus équilibrée et plus juste, soucieuse d'offrir à tous les Etats la possibilité d'un développement durable.
Ce projet est ambitieux à la fois en raison même des gigantesques disparités de développement, mais aussi des limites d'une société internationale encore embryonnaire sur laquelle il doit pourtant s'appuyer.
La convergence d'intérêts, de valeurs et de solidarités entre l'Europe et les pays méditerranéens, et tout spécialement entre la France et le Maroc, offre au partenariat euro-méditerranéen la possibilité de se concrétiser dans trois grands chantiers. Le premier est justement d'aider à bâtir cette société internationale qui est bien plus qu'une nouvelle société des nations ou un conglomérat d'Etats. Deuxième grand chantier : la conduite, toujours délicate, des négociations commerciales multilatérales. Troisième chantier enfin : l'approfondissement porteur d'espoir de l'initiative Euromed.
I. Comment bâtir la société internationale ?
Poursuivre la construction de la société internationale suppose trois conditions qui engagent autant les pays en développement que les pays développés. Nous avons besoin de nouvelles enceintes de concertation internationale, d'une nouvelle approche de la souveraineté et, je viens de le dire, d'un véritable partenariat pour le développement.
1. Les nouvelles enceintes de réflexion et d'action.
La production marchande, la consommation, la communication et les échanges d'idées, les sports et les loisirs, mais aussi la pollution, la criminalité, les trafics: tous ces phénomènes qui façonnent nos sociétés sont globaux. Or, cette globalisation donne à la société internationale un rôle croissant dans la définition et la conduite des politiques publiques.
Ces politiques ne peuvent être mises en oeuvre efficacement que par des organisations multilatérales spécialisées. C'est pourquoi la France s'est engagée en faveur d'une organisation mondiale de l'environnement, qui dans un premier temps au moins s'appuiera sur le Programme des Nations unies pour l'environnement. C'est aussi le sens de notre soutien aux réflexions engagées à l'UNESCO sur un instrument international pour la diversité culturelle ou bien encore à l'OMPI sur la protection des savoirs traditionnels.
Cela implique, comme l'a souligné le Premier ministre Lionel Jospin, la création d'un enceinte qui supervise et coordonne les actions de toutes ces organisations internationales, véritable " Conseil de Sécurité économique et social ", en quelque sorte.
Les organisations internationales doivent permettre à toutes les composantes de la société internationale de s'exprimer. Elles doivent aussi prendre en compte la diversité des intérêts, à la fois pour des raisons d'équité et d'efficacité.
Mon expérience de l'Organisation mondiale du commerce me donne la mesure des progrès qui restent à accomplir sur des points tels que la représentation des pays les moins avancés à l'OMC, ou la difficulté de certains pays à participer pleinement à des négociations qui portent parfois sur des sujets très techniques.
De ce point de vue, le Maroc joue et doit continuer à jouer un rôle essentiel. Carrefour naturel et historique entre l'Afrique et l'Europe, acteur influent et écouté du Groupe des 77, il a la capacité et l'autorité nécessaire pour contribuer au partage d'expérience entre pays en développement et pour porter à Genève leur sensibilité.
2. Une nouvelle approche de la souveraineté est nécessaire
Tous les pays sont traversés par une contradiction forte entre l'intérêt d'une mise en commun de leurs compétences dans les organisations internationales et l'attachement à leur souveraineté. Contradiction dont on retrouve l'écho dans les débats qui agitent en ce moment même la campagne pour les élections présidentielles en France !
Dans le monde en développement, cette contradiction s'est doublée d'une tension entre, d'un côté, l'universalité des processus, illustré par le principe onusien " un Etat, une voix " et, de l'autre, le particularisme, qui pousse certains Etats à demander des droits situés, des droits spécifiques. A l'OMC, c'est ce que l'on appelle le traitement spécial et différencié.
Ces évolutions appellent une nouvelle approche de la souveraineté, dans laquelle les moyens d'action des Etats reposeraient principalement sur les principes suivants:
D'abord, la définition du bon niveau d'action : international, régional, national ou local : ici nous touchons à la manière d'articuler le partenariat euro-méditerranéen et la négociation multilatérale.
Deuxième point important : la recherche d'une complémentarité entre la réglementation publique et l'initiative privée. Je pense par exemple aux partenariats publics-privés dans la lutte contre l'effet de serre. Je pense également au développement des flux privés d'investissement et des transferts de technologie vers les pays en développement. C'est dans cet esprit que nous abordons les négociations sur l'investissement à l'OMC.
Troisièmement, le contrôle du respect de la règle du jeu. Je pense à la concurrence où aux disciplines multilatérales que nous appelons de nos voeux, et qui doivent s'appuyer sur des législations et des mécanismes de contrôle nationaux ou régionaux, selon les cas.
Il existe bien sûr des considérations sociales: le passage d'une souveraineté nationale à une souveraineté partagée dans le cadre des institutions multilatérales ne doit pas faire passer au second plan les revendications de la société civile.
Cette nouvelle approche de la souveraineté exige enfin une réflexion sur la place à donner aux ONG et à la société civile dans les institutions internationales.
En intensifiant le dialogue avec la société civile, l'objectif est de la faire participer aux politiques de développement: renforçons le pouvoir des corps intermédiaires - celui des médias, des syndicats, des associations - dans l'élaboration, le suivi, le contrôle et l'évaluation de ces politiques. Dans chaque pays, la société tout entière doit s'approprier les politiques de développement, les gouvernants en être responsables et les citoyens accéder à l'information et à l'expression. Il n'y a pas d'autre moyen de passer d'une société interétatique à une société véritablement internationale.
Pour revenir à ce que nous connaissons, les situations sont très différentes selon les organisations.
L'ONU a déjà une pratique bien établie des relations avec les ONG, venant compléter le dialogue avec la société civile au sein du Conseil économique et social.
L'Organisation internationale du travail ménage une place à la société civile, en plaçant côte à côte représentation des Etats, des syndicats patronaux et ouvriers.
La Banque mondiale et le FMI ont lancé en 1999 une initiative conjointe de lutte contre la pauvreté, qui place la participation des acteurs concernés au coeur des politiques à mettre en oeuvre.
A l'OMC, des progrès importants ont été accomplis en matière de transparence et de participation des ONG aux panels. Mais l'ampleur des enjeux et des interrogations sur la mondialisation dans l'opinion publique justifie l'approfondissement du dialogue engagé par l'organisation avec la société civile.
3. Un partenariat pour le développement.
Je voudrais insister, si vous le permettez, sur les politiques de développement.
Des études récentes indiquent que les inégalités entre pays se resserrent depuis le milieu des années 70, du fait de la croissance très rapide de pays en développement et notamment de pays très peuplés comme la Chine ou l'Inde qui ont un fort impact sur les statistiques à l'échelle de la planète.
Plus précisément, on distingue parmi les pays en développement deux camps : d'un côté, les pays qui ont les plus forts taux de croissance, comme le vôtre, sont aussi ceux qui se sont le plus ouverts aux échanges ; de l'autre, les pays qui ont des résultats médiocres sont souvent marginalisés dans l'économie mondiale.
Cela nous amène à penser que l'ouverture est une condition nécessaire du rattrapage économique par les pays en développement, même si elle n'est sans doute pas suffisante. Alors, quelle ouverture ? Et quelle aide peuvent apporter les pays riches pour que cette ouverture soit synonyme de croissance ?
Pour reprendre une expression employée par Sa Majesté Mohammed VI, nombre de pays en développement sont pris en étau entre la réserve du donateur et l'indifférence de l'investisseur.
Cet étau n'est pas une fatalité : pour un pays comme le Maroc, résolument engagé dans l'ajustement structurel et l'ouverture commerciale avec l'accompagnement du FMI et de la Banque mondiale depuis plus de dix ans, la voie suivie est la bonne. Elle donne les meilleurs résultats en termes d'amélioration de la compétitivité, de création d'activité et d'emplois.
Cette discipline des pays bénéficiant d'aides internationales et soucieux d'attirer les capitaux internationaux est donc la première condition du développement. C'est ainsi que les pays peuvent tirer parti de la mondialisation et des échanges.
Il faut donc que l'ouverture soit solide, avec un Etat fort qui maîtrise le processus d'ouverture et l'accompagne de réformes institutionnelles et de politiques internes adaptées. Elles sont nombreuses, mais je pense surtout à la nécessité d'avoir un système financier solide et réglementé, une bonne gestion macroéconomique, une affectation judicieuse des capitaux étranger et, plus important que tout peut-être, un cadre juridique, normatif et juridictionnel, qui donne aux agents économiques, un horizon prévisible et sûr.
Il est clair dans mon esprit que la réduction des inégalités Nord-Sud passe par un partenariat ambitieux. Ce partenariat repose sur plusieurs principes forts. La solidarité, tout d'abord, qui justifie le maintien du niveau de l'aide publique au développement. Cet engagement doit être réciproque : aux pays en développement de veiller à la cohérence des politiques publiques, notamment dans les domaines de la réforme réglementaire et de la politique commerciale. La soutenabilité, enfin, impose un attachement inlassable aux dimensions sociale et environnementale du développement.
C'est en sens que nous devons préparer la conférence de Johannesburg de septembre prochain sur le développement durable.
Mais d'ores et déjà, parmi les objectifs de la politique française d'aide publique au développement figure au premier chef l'aide au renforcement des capacités commerciales des pays les moins avancés. Nous allons donc développer avec l'AFD un plan d'aide au renforcement de ces capacités. En parallèle à ce plan, nous avons décidé d'aller plus loin que la récente recommandation de l'OCDE sur le déliement de l'aide aux PMA et de délier l'ensemble de l'aide projet de l'AFD, quels qu'en soient les pays destinataires. Cette mesure permettra d'abolir les règles d'origine s'appliquant aujourd'hui aux interventions de l'agence et ouvrira notamment ses concours financiers à l'ensemble des entreprises des zones géographiques dans lesquelles elle intervient, au delà du seul pays dans lequel se réalise le projet ou de la seule zone franc. Cette mesure contribuera ainsi au développement de synergies et d'intégrations économiques régionales.
II. Comment promouvoir nos intérêts économiques et commerciaux mutuels dans la négociation commerciale multilatérale ouverte à Doha ?
La conférence ministérielle de Doha a ouvert un vaste programme de travail et de négociation jusqu'au 1er janvier 2005. La récente mise en place des structures de négociation à Genève nous permet désormais de nous concentrer sur les questions de fond.
L'agenda pour le développement défini à Doha comprend de nombreux volets complémentaires, qu'il s'agisse de l'accès au marché, de l'aide au renforcement des capacités commerciales, des mesures spécifiques devant être adoptées vis-à-vis des PMA ou des solutions qui doivent être trouvées pour aider les pays frappés par des épidémies à conduire des politiques de santé publique efficaces, même lorsque ces pays ne disposent pas de capacités de production de médicaments suffisantes.
Un mot sur l'accès au marché, qui constitue une priorité forte pour les pays en développement, en particulier dans les secteurs où ils disposent d'avantages comparatifs - je pense en particulier au textile et à l'agriculture. La négociation sur ces sujets ne sera pas facile. La France et l'Union européenne l'abordent cependant dans un esprit ouvert, conforme aux orientations définies à Doha. Esprit d'ouverture que devront partager les autres pays développés et les plus grands des pays en développement.
1. Mettre en place des disciplines sur les nouvelles dimensions de l'échange international.
Nous devons dès aujourd'hui préparer la 5e conférence ministérielle sur les modalités des négociations relatives à l'investissement et à la concurrence, et donc en présenter les bénéfices économiques possibles pour les membres de l'OMC, et en particulier les pays en développement.
Pour l'investissement, il est manifeste que les accords bilatéraux ne peuvent constituer la seule forme d'action des Etats. L'internationalisation croissante des entreprises, par le jeu des participations croisées au capital et de la division internationale de la production, justifie à elle seule le choix des enceintes multilatérales.
Les politiques menées par le Maroc depuis plus de dix ans dans le domaine de la réforme structurelle illustrent bien la nécessité d'adresser un signal positif aux investisseurs internationaux. Le dialogue avec les pays en développement doit se poursuivre sur ce point à Genève. Je suis certain que l'expérience acquise par le Maroc pourrait être précieuse aux autres pays en développement.
Le développement et la concentration des multinationales justifient également la mise en place de disciplines à l'OMC dans le domaine de la concurrence, afin que soient clairement prohibées les " mauvaises " pratiques : je pense aux ententes de prix et aux répartitions de marché. Nous devons également poser des principes de transparence, de non discrimination, nous devons rendre les voies de recours plus accessibles et l'échange d'informations naturel.
Une récente étude annexée au rapport 2001 de la Banque mondiale montre que les pays en développement peuvent être doublement touchés par les pratiques anti-concurrentielles, à la fois comme consommateurs et comme exportateurs. Cette étude chiffre par exemple à plus de 6% la part des importations des pays en développement affectée par les pratiques de cinq cartels internationaux connus, ayant entraîné des hausses de prix pouvant aller dans certains cas jusqu'à 50%.
2. Clarifier et renforcer les règles multilatérales.
Cette clarification est une des principales attentes des pays en développement, notamment dans le domaine de l'anti-dumping. Autre sujet sur lequel nous sommes ouverts
L'exemple récent donné par les Etats-Unis dans le domaine de l'acier montre qu'une utilisation détournée des instruments de défense commerciale, à des fins protectionnistes, peut affecter l'ensemble des partenaires commerciaux.
La clarification des règles multilatérales nous tient également à coeur dans le domaine de l'environnement, où nombre de nos partenaires en développement craignent une dérive protectionniste de la négociation. Je pense que les garanties qui ont été affichées dans la déclaration de Doha en ce domaine nous encouragent vivement à poursuivre le dialogue avec nos partenaires.
Ce dialogue est d'abord indispensable avec vous, puisque nous sommes voisins et que nous partageons de surcroît un trésor unique, un grand lac salé à nul autre pareil : la Méditerranée. Sa préservation nous incite à définir des outils de coopération pour faire rimer libéralisation commerciale et protection de l'environnement.
De ce point de vue, le programme de travail est chargé : laissez-moi citer l'articulation entre les accords multilatéraux sur l'environnement et les accords commerciaux multilatéraux, la libéralisation des biens et des services environnementaux, autant de négociations à poursuivre. Tout comme le comité commerce et environnement de l'OMC doit aller de l'avant, notamment dans le domaine de l'éco-étiquetage. L'OMC a le devoir de faire face à ses responsabilités dans les questions environnementales : depuis Marrakech, la protection de l'environnement et le développement durable figurent en effet au nombre des objectifs de l'OMC !
Au delà du programme multilatéral, nous devons également renforcer nos relations régionales. Ce sont deux exercices complémentaires. Le multilatéralisme est notre socle commun et le régionalisme un cadre de coopération renforcé. Un peu, si vous me permettez la comparaison, comme l'Europe à 15 du marché unique et l'Europe à 12 de l'euro !
III. Approfondir le processus de Barcelone : oui, mais dans quelles directions ?
De nombreux efforts, européens et méditerranéens, sont encore nécessaires pour que nous puissions nous approcher de l'objectif ambitieux, défini à Barcelone, de prospérité partagée en Méditerranée.
Les pays méditerranéens connaissent en effet, pour beaucoup, une croissance faible et heurtée, et parviennent difficilement à attirer les investissements étrangers. Les importantes disparités économiques perdurent et le risque de décrochage demeure inquiétant.
1. la mise en place d'une intégration régionale euro-méditerranéenne constitue donc une priorité commune.
Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler que la présidence française de l'Union européenne avait oeuvré dès le second semestre 2000 au lancement d'un dialogue approfondi à 27 sur les enjeux économiques et commerciaux de ce partenariat. J'en veux pour preuve les conclusions de la conférence de Marseille en novembre 2000.
Un peu plus d'un an après Marseille, le renforcement du dialogue économique et commercial porte ses premiers fruits, dans les domaines des règles d'origine et des services, mais aussi du dialogue économique. Lors de la prochaine réunion des ministres du commerce, le 19 mars à Tolède, nous devrions être en mesure d'adresser des signaux positifs clairs sur notre volonté commune de faire avancer le partenariat.
Les points sur lesquels nous devons progresser ne sont pas tous " spectaculaires ". Ils n'en sont pas moins essentiels pour le développement de la région Euro-méditerranée. Je veux parler, par exemple, des règles d'origine pour lesquelles nous devrions adopter le principe dit du " cumul régional ". Derrière ce vocable technique l'enjeu économique est important : il s'agit de dynamiser le commerce entre les pays méditerranéens, d'améliorer ainsi l'accès de leurs produits au marché communautaire, de permettre aux producteurs de gagner en compétitivité en offrant une échelle plus large à leurs activités, d'attirer les investissements directs étrangers.
Le partenariat euro-méditerranéen a pour objectif de créer un véritable espace économique régional, associant aux échanges Nord-Sud une intégration Sud-Sud. Il apparaît en effet indispensable de rationaliser l'espace productif régional, d'assurer la cohérence de son cadre institutionnel : à ses conditions il sera perçu comme attractif par la communauté internationale et les investisseurs.
La création d'un véritable marché intérieur doit permettre aux opérateurs économiques de poursuivre enfin une véritable stratégie régionale en Méditerranée. Il s'agit de développer les avantages comparatifs des pays méditerranéens en accélérant les transferts de technologie et en renforçant le dynamisme du tissu productif local.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous puissions créer, lors de notre réunion de Tolède, un groupe dédié à l'intégration régionale de la zone Euro-Méditerranée. Ce groupe de travail pourrait en priorité travailler à une simplification et une harmonisation des procédures douanières à l'échelle régionale afin de fluidifier et accélérer les échanges. Dans le même esprit, il pourrait par la suite consacrer ses travaux à une convergence des normes industrielles et sanitaires.
Je ne saurais conclure sur le thème de l'intégration régionale sans saluer l'initiative d'Agadir qui prévoit " d'oeuvrer pour la création d'une zone élargie de libre-échange regroupant les pays arabes méditerranéens " . La réussite du processus de Barcelone dépend très largement de la volonté des pays méditerranéens d'unifier leurs marchés afin de créer une zone attractive pour les échanges et les investissements, une zone qui fasse jeu égal avec les autres grands blocs régionaux qui se consolident sur tous les continents.
2. L'accompagnement financier communautaire et bilatéral.
L'intégration régionale Euromed signifie concrètement la facilitation des échanges entre les 27 partenaires, en complétant l'abaissement des tarifs douaniers par la mise en place d'infrastructures transversales, par une convergence vers un cadre réglementaire commun, par des efforts éducatifs communs, des échanges universitaires, ainsi que par une véritable gestion en commun de l'espace méditerranéen.
Ces efforts et ces initiatives demandent un accompagnement financier à l'échelle régionale. Le soutien aux initiatives régionales constitue l'une des priorités du programme MEDA, dont le budget total, pour la période 2000-2006, s'élève à 5.35 milliards d'euros : si la majorité des soutiens MEDA demeure acheminée au travers des programmes nationaux, le programme indicatif régional garantit la réalisation des objectifs régionaux du partenariat Euromed. Ainsi, pour la période 2000-2004, 10% des fonds disponibles sont affectés aux objectifs de coopération régionale du processus de Barcelone.
MEDA devrait notamment soutenir des études de faisabilité des infrastructures régionales ainsi qu'une assistance technique en coordination avec la BEI.
Cet engagement communautaire se double d'un effort financier bilatéral conséquent, qu'il s'agisse des instruments relevant du Fonds de solidarité prioritaire, de la Réserve pays émergents, des concours de l'Agence française de développement ou des garanties financières accordées par la COFACE.
En flux, l'aide publique française dans son ensemble vers les pays méditerranéens atteint près d'1 milliard d'euros par an.
Ce tour d'horizon du dialogue Euromed ne pourrait néanmoins être complet sans une pleine participation de la société civile. Les enceintes de rencontres existent, qu'il s'agisse du forum civil ou des conseils économiques et sociaux. A l'exemple du FEMISE (Forum euro-méditerranéen des instituts économiques), dont les travaux enrichissent le dialogue mis en place depuis la conférence de Marseille, les travaux du forum d'hommes d'affaires (UNICE/UNIMED) devront eux aussi alimenter la réflexion des ministres du commerce. Nous attachons une grande importance à ce que l'association euro-méditerranéenne puisse répondre aux aspirations de chacun des pays partenaires, de chacun des peuples.
L'Union européenne et les pays méditerranéens devront travailler ensemble à l'instauration d'un véritable marché intérieur qui réunira bientôt près de 40 pays et plus de 600 millions d'hommes. A nous de franchir le pas, à nous d'oser faire de la relation d'association un véritable modèle de développement régional pour assurer la prospérité et la paix aux peuples qui se partagent l'eau et l'histoire de la Méditerranée.
Je vous remercie
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 mars 2002)
Monsieur le doyen,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations et de fondations,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous rencontrer à Rabat aujourd'hui dans la cadre prestigieux de l'université Mohammed V. Et je tiens à remercier très chaleureusement tous ceux qui ont concouru à l'organisation de cette rencontre, autorités rectorales et de la faculté de droit de l'université, de nombreux ministères dont ceux de M. Fathallah Oualalou, et de M. Mustapha Mansouri avec lesquels je partage de nombreuses analyses sur les enjeux et l'importance de la relation euro-méditerranéenne dans le mouvement plus vaste de la mondialisation et aussi les associations et fondations qui ont bien voulu se joindre à nous pour nourrir le débat de ce soir.
J'attache beaucoup d'importance à ce dialogue avec vous, universitaires, étudiants, chefs d'entreprises, chercheurs, journalistes, hauts fonctionnaires, car vous êtes un peu, pour reprendre un mot cher à Victor Hugo, ces phares qui éclairent la société, les guetteurs de l'avenir, dans un pays si proche de la France et de l'Europe à tant d'égards.
Ministre du commerce extérieur, chargé des négociations multilatérales, je n'oublie pas que c'est sur votre sol, il y a huit ans, qu'a été conclu l'accord commercial multilatéral le plus ambitieux depuis la guerre. L'Organisation mondiale du commerce est bel et bien née au Maroc !
Lors de la dernière conférence ministérielle de l'OMC, à Doha en novembre dernier, nous avons fixé une ambition et un but à la négociation commerciale multilatérale. L'ambition est celle d'une gouvernance qui fixe des règles à la mondialisation. Le but est celui du développement partagé par tous, sur tous les continents, et d'abord sur celui-ci.
L'ambition d'une nouvelle gouvernance mondiale pour y parvenir fait écho à l'appel lancé à Marrakech en 1994, lors de la conclusion du cycle d'Uruguay qui préconisait notamment une meilleure coordination et une plus grande cohérence des actions des institutions de Bretton-Woods et de l'OMC.
Je suis donc très heureux de pouvoir aujourd'hui rendre hommage, devant vous, au rôle important joué par le Maroc dans la construction d'une société internationale plus équilibrée et plus juste, soucieuse d'offrir à tous les Etats la possibilité d'un développement durable.
Ce projet est ambitieux à la fois en raison même des gigantesques disparités de développement, mais aussi des limites d'une société internationale encore embryonnaire sur laquelle il doit pourtant s'appuyer.
La convergence d'intérêts, de valeurs et de solidarités entre l'Europe et les pays méditerranéens, et tout spécialement entre la France et le Maroc, offre au partenariat euro-méditerranéen la possibilité de se concrétiser dans trois grands chantiers. Le premier est justement d'aider à bâtir cette société internationale qui est bien plus qu'une nouvelle société des nations ou un conglomérat d'Etats. Deuxième grand chantier : la conduite, toujours délicate, des négociations commerciales multilatérales. Troisième chantier enfin : l'approfondissement porteur d'espoir de l'initiative Euromed.
I. Comment bâtir la société internationale ?
Poursuivre la construction de la société internationale suppose trois conditions qui engagent autant les pays en développement que les pays développés. Nous avons besoin de nouvelles enceintes de concertation internationale, d'une nouvelle approche de la souveraineté et, je viens de le dire, d'un véritable partenariat pour le développement.
1. Les nouvelles enceintes de réflexion et d'action.
La production marchande, la consommation, la communication et les échanges d'idées, les sports et les loisirs, mais aussi la pollution, la criminalité, les trafics: tous ces phénomènes qui façonnent nos sociétés sont globaux. Or, cette globalisation donne à la société internationale un rôle croissant dans la définition et la conduite des politiques publiques.
Ces politiques ne peuvent être mises en oeuvre efficacement que par des organisations multilatérales spécialisées. C'est pourquoi la France s'est engagée en faveur d'une organisation mondiale de l'environnement, qui dans un premier temps au moins s'appuiera sur le Programme des Nations unies pour l'environnement. C'est aussi le sens de notre soutien aux réflexions engagées à l'UNESCO sur un instrument international pour la diversité culturelle ou bien encore à l'OMPI sur la protection des savoirs traditionnels.
Cela implique, comme l'a souligné le Premier ministre Lionel Jospin, la création d'un enceinte qui supervise et coordonne les actions de toutes ces organisations internationales, véritable " Conseil de Sécurité économique et social ", en quelque sorte.
Les organisations internationales doivent permettre à toutes les composantes de la société internationale de s'exprimer. Elles doivent aussi prendre en compte la diversité des intérêts, à la fois pour des raisons d'équité et d'efficacité.
Mon expérience de l'Organisation mondiale du commerce me donne la mesure des progrès qui restent à accomplir sur des points tels que la représentation des pays les moins avancés à l'OMC, ou la difficulté de certains pays à participer pleinement à des négociations qui portent parfois sur des sujets très techniques.
De ce point de vue, le Maroc joue et doit continuer à jouer un rôle essentiel. Carrefour naturel et historique entre l'Afrique et l'Europe, acteur influent et écouté du Groupe des 77, il a la capacité et l'autorité nécessaire pour contribuer au partage d'expérience entre pays en développement et pour porter à Genève leur sensibilité.
2. Une nouvelle approche de la souveraineté est nécessaire
Tous les pays sont traversés par une contradiction forte entre l'intérêt d'une mise en commun de leurs compétences dans les organisations internationales et l'attachement à leur souveraineté. Contradiction dont on retrouve l'écho dans les débats qui agitent en ce moment même la campagne pour les élections présidentielles en France !
Dans le monde en développement, cette contradiction s'est doublée d'une tension entre, d'un côté, l'universalité des processus, illustré par le principe onusien " un Etat, une voix " et, de l'autre, le particularisme, qui pousse certains Etats à demander des droits situés, des droits spécifiques. A l'OMC, c'est ce que l'on appelle le traitement spécial et différencié.
Ces évolutions appellent une nouvelle approche de la souveraineté, dans laquelle les moyens d'action des Etats reposeraient principalement sur les principes suivants:
D'abord, la définition du bon niveau d'action : international, régional, national ou local : ici nous touchons à la manière d'articuler le partenariat euro-méditerranéen et la négociation multilatérale.
Deuxième point important : la recherche d'une complémentarité entre la réglementation publique et l'initiative privée. Je pense par exemple aux partenariats publics-privés dans la lutte contre l'effet de serre. Je pense également au développement des flux privés d'investissement et des transferts de technologie vers les pays en développement. C'est dans cet esprit que nous abordons les négociations sur l'investissement à l'OMC.
Troisièmement, le contrôle du respect de la règle du jeu. Je pense à la concurrence où aux disciplines multilatérales que nous appelons de nos voeux, et qui doivent s'appuyer sur des législations et des mécanismes de contrôle nationaux ou régionaux, selon les cas.
Il existe bien sûr des considérations sociales: le passage d'une souveraineté nationale à une souveraineté partagée dans le cadre des institutions multilatérales ne doit pas faire passer au second plan les revendications de la société civile.
Cette nouvelle approche de la souveraineté exige enfin une réflexion sur la place à donner aux ONG et à la société civile dans les institutions internationales.
En intensifiant le dialogue avec la société civile, l'objectif est de la faire participer aux politiques de développement: renforçons le pouvoir des corps intermédiaires - celui des médias, des syndicats, des associations - dans l'élaboration, le suivi, le contrôle et l'évaluation de ces politiques. Dans chaque pays, la société tout entière doit s'approprier les politiques de développement, les gouvernants en être responsables et les citoyens accéder à l'information et à l'expression. Il n'y a pas d'autre moyen de passer d'une société interétatique à une société véritablement internationale.
Pour revenir à ce que nous connaissons, les situations sont très différentes selon les organisations.
L'ONU a déjà une pratique bien établie des relations avec les ONG, venant compléter le dialogue avec la société civile au sein du Conseil économique et social.
L'Organisation internationale du travail ménage une place à la société civile, en plaçant côte à côte représentation des Etats, des syndicats patronaux et ouvriers.
La Banque mondiale et le FMI ont lancé en 1999 une initiative conjointe de lutte contre la pauvreté, qui place la participation des acteurs concernés au coeur des politiques à mettre en oeuvre.
A l'OMC, des progrès importants ont été accomplis en matière de transparence et de participation des ONG aux panels. Mais l'ampleur des enjeux et des interrogations sur la mondialisation dans l'opinion publique justifie l'approfondissement du dialogue engagé par l'organisation avec la société civile.
3. Un partenariat pour le développement.
Je voudrais insister, si vous le permettez, sur les politiques de développement.
Des études récentes indiquent que les inégalités entre pays se resserrent depuis le milieu des années 70, du fait de la croissance très rapide de pays en développement et notamment de pays très peuplés comme la Chine ou l'Inde qui ont un fort impact sur les statistiques à l'échelle de la planète.
Plus précisément, on distingue parmi les pays en développement deux camps : d'un côté, les pays qui ont les plus forts taux de croissance, comme le vôtre, sont aussi ceux qui se sont le plus ouverts aux échanges ; de l'autre, les pays qui ont des résultats médiocres sont souvent marginalisés dans l'économie mondiale.
Cela nous amène à penser que l'ouverture est une condition nécessaire du rattrapage économique par les pays en développement, même si elle n'est sans doute pas suffisante. Alors, quelle ouverture ? Et quelle aide peuvent apporter les pays riches pour que cette ouverture soit synonyme de croissance ?
Pour reprendre une expression employée par Sa Majesté Mohammed VI, nombre de pays en développement sont pris en étau entre la réserve du donateur et l'indifférence de l'investisseur.
Cet étau n'est pas une fatalité : pour un pays comme le Maroc, résolument engagé dans l'ajustement structurel et l'ouverture commerciale avec l'accompagnement du FMI et de la Banque mondiale depuis plus de dix ans, la voie suivie est la bonne. Elle donne les meilleurs résultats en termes d'amélioration de la compétitivité, de création d'activité et d'emplois.
Cette discipline des pays bénéficiant d'aides internationales et soucieux d'attirer les capitaux internationaux est donc la première condition du développement. C'est ainsi que les pays peuvent tirer parti de la mondialisation et des échanges.
Il faut donc que l'ouverture soit solide, avec un Etat fort qui maîtrise le processus d'ouverture et l'accompagne de réformes institutionnelles et de politiques internes adaptées. Elles sont nombreuses, mais je pense surtout à la nécessité d'avoir un système financier solide et réglementé, une bonne gestion macroéconomique, une affectation judicieuse des capitaux étranger et, plus important que tout peut-être, un cadre juridique, normatif et juridictionnel, qui donne aux agents économiques, un horizon prévisible et sûr.
Il est clair dans mon esprit que la réduction des inégalités Nord-Sud passe par un partenariat ambitieux. Ce partenariat repose sur plusieurs principes forts. La solidarité, tout d'abord, qui justifie le maintien du niveau de l'aide publique au développement. Cet engagement doit être réciproque : aux pays en développement de veiller à la cohérence des politiques publiques, notamment dans les domaines de la réforme réglementaire et de la politique commerciale. La soutenabilité, enfin, impose un attachement inlassable aux dimensions sociale et environnementale du développement.
C'est en sens que nous devons préparer la conférence de Johannesburg de septembre prochain sur le développement durable.
Mais d'ores et déjà, parmi les objectifs de la politique française d'aide publique au développement figure au premier chef l'aide au renforcement des capacités commerciales des pays les moins avancés. Nous allons donc développer avec l'AFD un plan d'aide au renforcement de ces capacités. En parallèle à ce plan, nous avons décidé d'aller plus loin que la récente recommandation de l'OCDE sur le déliement de l'aide aux PMA et de délier l'ensemble de l'aide projet de l'AFD, quels qu'en soient les pays destinataires. Cette mesure permettra d'abolir les règles d'origine s'appliquant aujourd'hui aux interventions de l'agence et ouvrira notamment ses concours financiers à l'ensemble des entreprises des zones géographiques dans lesquelles elle intervient, au delà du seul pays dans lequel se réalise le projet ou de la seule zone franc. Cette mesure contribuera ainsi au développement de synergies et d'intégrations économiques régionales.
II. Comment promouvoir nos intérêts économiques et commerciaux mutuels dans la négociation commerciale multilatérale ouverte à Doha ?
La conférence ministérielle de Doha a ouvert un vaste programme de travail et de négociation jusqu'au 1er janvier 2005. La récente mise en place des structures de négociation à Genève nous permet désormais de nous concentrer sur les questions de fond.
L'agenda pour le développement défini à Doha comprend de nombreux volets complémentaires, qu'il s'agisse de l'accès au marché, de l'aide au renforcement des capacités commerciales, des mesures spécifiques devant être adoptées vis-à-vis des PMA ou des solutions qui doivent être trouvées pour aider les pays frappés par des épidémies à conduire des politiques de santé publique efficaces, même lorsque ces pays ne disposent pas de capacités de production de médicaments suffisantes.
Un mot sur l'accès au marché, qui constitue une priorité forte pour les pays en développement, en particulier dans les secteurs où ils disposent d'avantages comparatifs - je pense en particulier au textile et à l'agriculture. La négociation sur ces sujets ne sera pas facile. La France et l'Union européenne l'abordent cependant dans un esprit ouvert, conforme aux orientations définies à Doha. Esprit d'ouverture que devront partager les autres pays développés et les plus grands des pays en développement.
1. Mettre en place des disciplines sur les nouvelles dimensions de l'échange international.
Nous devons dès aujourd'hui préparer la 5e conférence ministérielle sur les modalités des négociations relatives à l'investissement et à la concurrence, et donc en présenter les bénéfices économiques possibles pour les membres de l'OMC, et en particulier les pays en développement.
Pour l'investissement, il est manifeste que les accords bilatéraux ne peuvent constituer la seule forme d'action des Etats. L'internationalisation croissante des entreprises, par le jeu des participations croisées au capital et de la division internationale de la production, justifie à elle seule le choix des enceintes multilatérales.
Les politiques menées par le Maroc depuis plus de dix ans dans le domaine de la réforme structurelle illustrent bien la nécessité d'adresser un signal positif aux investisseurs internationaux. Le dialogue avec les pays en développement doit se poursuivre sur ce point à Genève. Je suis certain que l'expérience acquise par le Maroc pourrait être précieuse aux autres pays en développement.
Le développement et la concentration des multinationales justifient également la mise en place de disciplines à l'OMC dans le domaine de la concurrence, afin que soient clairement prohibées les " mauvaises " pratiques : je pense aux ententes de prix et aux répartitions de marché. Nous devons également poser des principes de transparence, de non discrimination, nous devons rendre les voies de recours plus accessibles et l'échange d'informations naturel.
Une récente étude annexée au rapport 2001 de la Banque mondiale montre que les pays en développement peuvent être doublement touchés par les pratiques anti-concurrentielles, à la fois comme consommateurs et comme exportateurs. Cette étude chiffre par exemple à plus de 6% la part des importations des pays en développement affectée par les pratiques de cinq cartels internationaux connus, ayant entraîné des hausses de prix pouvant aller dans certains cas jusqu'à 50%.
2. Clarifier et renforcer les règles multilatérales.
Cette clarification est une des principales attentes des pays en développement, notamment dans le domaine de l'anti-dumping. Autre sujet sur lequel nous sommes ouverts
L'exemple récent donné par les Etats-Unis dans le domaine de l'acier montre qu'une utilisation détournée des instruments de défense commerciale, à des fins protectionnistes, peut affecter l'ensemble des partenaires commerciaux.
La clarification des règles multilatérales nous tient également à coeur dans le domaine de l'environnement, où nombre de nos partenaires en développement craignent une dérive protectionniste de la négociation. Je pense que les garanties qui ont été affichées dans la déclaration de Doha en ce domaine nous encouragent vivement à poursuivre le dialogue avec nos partenaires.
Ce dialogue est d'abord indispensable avec vous, puisque nous sommes voisins et que nous partageons de surcroît un trésor unique, un grand lac salé à nul autre pareil : la Méditerranée. Sa préservation nous incite à définir des outils de coopération pour faire rimer libéralisation commerciale et protection de l'environnement.
De ce point de vue, le programme de travail est chargé : laissez-moi citer l'articulation entre les accords multilatéraux sur l'environnement et les accords commerciaux multilatéraux, la libéralisation des biens et des services environnementaux, autant de négociations à poursuivre. Tout comme le comité commerce et environnement de l'OMC doit aller de l'avant, notamment dans le domaine de l'éco-étiquetage. L'OMC a le devoir de faire face à ses responsabilités dans les questions environnementales : depuis Marrakech, la protection de l'environnement et le développement durable figurent en effet au nombre des objectifs de l'OMC !
Au delà du programme multilatéral, nous devons également renforcer nos relations régionales. Ce sont deux exercices complémentaires. Le multilatéralisme est notre socle commun et le régionalisme un cadre de coopération renforcé. Un peu, si vous me permettez la comparaison, comme l'Europe à 15 du marché unique et l'Europe à 12 de l'euro !
III. Approfondir le processus de Barcelone : oui, mais dans quelles directions ?
De nombreux efforts, européens et méditerranéens, sont encore nécessaires pour que nous puissions nous approcher de l'objectif ambitieux, défini à Barcelone, de prospérité partagée en Méditerranée.
Les pays méditerranéens connaissent en effet, pour beaucoup, une croissance faible et heurtée, et parviennent difficilement à attirer les investissements étrangers. Les importantes disparités économiques perdurent et le risque de décrochage demeure inquiétant.
1. la mise en place d'une intégration régionale euro-méditerranéenne constitue donc une priorité commune.
Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler que la présidence française de l'Union européenne avait oeuvré dès le second semestre 2000 au lancement d'un dialogue approfondi à 27 sur les enjeux économiques et commerciaux de ce partenariat. J'en veux pour preuve les conclusions de la conférence de Marseille en novembre 2000.
Un peu plus d'un an après Marseille, le renforcement du dialogue économique et commercial porte ses premiers fruits, dans les domaines des règles d'origine et des services, mais aussi du dialogue économique. Lors de la prochaine réunion des ministres du commerce, le 19 mars à Tolède, nous devrions être en mesure d'adresser des signaux positifs clairs sur notre volonté commune de faire avancer le partenariat.
Les points sur lesquels nous devons progresser ne sont pas tous " spectaculaires ". Ils n'en sont pas moins essentiels pour le développement de la région Euro-méditerranée. Je veux parler, par exemple, des règles d'origine pour lesquelles nous devrions adopter le principe dit du " cumul régional ". Derrière ce vocable technique l'enjeu économique est important : il s'agit de dynamiser le commerce entre les pays méditerranéens, d'améliorer ainsi l'accès de leurs produits au marché communautaire, de permettre aux producteurs de gagner en compétitivité en offrant une échelle plus large à leurs activités, d'attirer les investissements directs étrangers.
Le partenariat euro-méditerranéen a pour objectif de créer un véritable espace économique régional, associant aux échanges Nord-Sud une intégration Sud-Sud. Il apparaît en effet indispensable de rationaliser l'espace productif régional, d'assurer la cohérence de son cadre institutionnel : à ses conditions il sera perçu comme attractif par la communauté internationale et les investisseurs.
La création d'un véritable marché intérieur doit permettre aux opérateurs économiques de poursuivre enfin une véritable stratégie régionale en Méditerranée. Il s'agit de développer les avantages comparatifs des pays méditerranéens en accélérant les transferts de technologie et en renforçant le dynamisme du tissu productif local.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous puissions créer, lors de notre réunion de Tolède, un groupe dédié à l'intégration régionale de la zone Euro-Méditerranée. Ce groupe de travail pourrait en priorité travailler à une simplification et une harmonisation des procédures douanières à l'échelle régionale afin de fluidifier et accélérer les échanges. Dans le même esprit, il pourrait par la suite consacrer ses travaux à une convergence des normes industrielles et sanitaires.
Je ne saurais conclure sur le thème de l'intégration régionale sans saluer l'initiative d'Agadir qui prévoit " d'oeuvrer pour la création d'une zone élargie de libre-échange regroupant les pays arabes méditerranéens " . La réussite du processus de Barcelone dépend très largement de la volonté des pays méditerranéens d'unifier leurs marchés afin de créer une zone attractive pour les échanges et les investissements, une zone qui fasse jeu égal avec les autres grands blocs régionaux qui se consolident sur tous les continents.
2. L'accompagnement financier communautaire et bilatéral.
L'intégration régionale Euromed signifie concrètement la facilitation des échanges entre les 27 partenaires, en complétant l'abaissement des tarifs douaniers par la mise en place d'infrastructures transversales, par une convergence vers un cadre réglementaire commun, par des efforts éducatifs communs, des échanges universitaires, ainsi que par une véritable gestion en commun de l'espace méditerranéen.
Ces efforts et ces initiatives demandent un accompagnement financier à l'échelle régionale. Le soutien aux initiatives régionales constitue l'une des priorités du programme MEDA, dont le budget total, pour la période 2000-2006, s'élève à 5.35 milliards d'euros : si la majorité des soutiens MEDA demeure acheminée au travers des programmes nationaux, le programme indicatif régional garantit la réalisation des objectifs régionaux du partenariat Euromed. Ainsi, pour la période 2000-2004, 10% des fonds disponibles sont affectés aux objectifs de coopération régionale du processus de Barcelone.
MEDA devrait notamment soutenir des études de faisabilité des infrastructures régionales ainsi qu'une assistance technique en coordination avec la BEI.
Cet engagement communautaire se double d'un effort financier bilatéral conséquent, qu'il s'agisse des instruments relevant du Fonds de solidarité prioritaire, de la Réserve pays émergents, des concours de l'Agence française de développement ou des garanties financières accordées par la COFACE.
En flux, l'aide publique française dans son ensemble vers les pays méditerranéens atteint près d'1 milliard d'euros par an.
Ce tour d'horizon du dialogue Euromed ne pourrait néanmoins être complet sans une pleine participation de la société civile. Les enceintes de rencontres existent, qu'il s'agisse du forum civil ou des conseils économiques et sociaux. A l'exemple du FEMISE (Forum euro-méditerranéen des instituts économiques), dont les travaux enrichissent le dialogue mis en place depuis la conférence de Marseille, les travaux du forum d'hommes d'affaires (UNICE/UNIMED) devront eux aussi alimenter la réflexion des ministres du commerce. Nous attachons une grande importance à ce que l'association euro-méditerranéenne puisse répondre aux aspirations de chacun des pays partenaires, de chacun des peuples.
L'Union européenne et les pays méditerranéens devront travailler ensemble à l'instauration d'un véritable marché intérieur qui réunira bientôt près de 40 pays et plus de 600 millions d'hommes. A nous de franchir le pas, à nous d'oser faire de la relation d'association un véritable modèle de développement régional pour assurer la prospérité et la paix aux peuples qui se partagent l'eau et l'histoire de la Méditerranée.
Je vous remercie
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 mars 2002)