Texte intégral
Messieurs les vice-présidents, Mesdames et messieurs,
Je suis heureux qu'à notre initiative conjointe, une telle réunion de travail, tournée vers la réflexion et l'échange, ait pu rassembler ce matin un large nombre de membres de vos deux corps - ingénieurs d'agronomie et ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts - appelés très bientôt à ne faire qu'un, comme j'en avais annoncé le projet en septembre 1999, à Clermont-Ferrand.
Nous pouvons être, je le crois, très heureux de l'aboutissement imminent de ce chantier dont vous avez bien voulu rappeler que j'en avais fait l'un des objectifs de notre plan pluri-annuel de modernisation.
Cette réforme va aboutir - nous pouvons le dire maintenant - dans les prochains jours puisque le décret instituant votre nouveau corps est entré dans le processus des signatures et contreseings et devrait pouvoir être publié, je l'espère, en fin de semaine prochaine. Le décret instituant un seul conseil général sera pris dans les semaines suivantes.
Avant d'en rappeler l'économie générale, qui est, je crois, conforme aux objectifs que nous nous étions fixés, je souhaiterais souligner, comme vous l'avez fait Messieurs les vice-présidents, la qualité du travail accompli par tous sur ce dossier.
Cette réussite s'explique d'abord et avant tout par la pertinence et la cohérence de notre dossier. J'en soulignerai les trois éléments essentiels :
- premièrement, une approche équilibrée de la fusion, conduite dans le respect des deux corps constitutifs ;
- deuxièmement, un souci d'ouverture et d'excellence dans les viviers et les voies de recrutement, comme dans la définition des missions et le positionnement interministériel du nouveau corps ;
- enfin, une exigence de reconnaissance et de revalorisation statutaires indispensables pour donner au grand corps des ingénieurs du vivant que vous formerez la place juste et égale qui lui revient aux côtés des autres grands corps techniques de l'Etat.
Vous le savez, sur le plan budgétaire, les bornes indiciaires des trois grades seront revalorisées en étant portées respectivement aux indices 966 pour les ingénieurs, hors-échelle B pour les en-chefs, et hors-échelle D pour les ingénieurs généraux. Ce traitement paritaire avec le corps des Ponts-et-Chaussées devrait également être appliqué aux situations des présidents de section et du vice-président.
Ce beau résultat s'accompagnera cependant d'une réduction du gabarit du corps, fixé à moins 300 sur une période de 15 ans. Les incidences budgétaires de cette réforme ont d'ores-et-déjà été intégrées dans notre budget 2002. Cette réforme a en effet un coût. En 2002, il s'élèvera à 10 millions de francs qui viendront s'imputer sur une mesure nouvelle globale concernant les personnels du ministère d'un montant total de 64 MF en 2002. La part prise par cette réforme du A+ n'est donc pas négligeable.
Certaines organisations syndicales m'en ont d'ailleurs fait le reproche. Ce reproche, je le crois infondé et injuste. Il est faux en effet de dire que la revalorisation des corps de haut-fonctionnaires du ministère aurait constitué notre première priorité au cours des dernières années ; ce serait oublier les nombreux chantiers statutaires qui ont abouti au sein des autres catégories dans la foulée des accords DURAFFOUR, y compris encore en 2002 pour la filière administrative ou les préposés sanitaires ; c'est aussi oublier l'important processus de déprécarisation mis en uvre, ainsi que les chantiers ouverts depuis la rentrée de septembre dans les diverses filières et catégories, en vue du budget 2003.
Ce reproche est de surcroît injuste dans le cas particulier des corps techniques d'encadrement supérieur de notre ministère dès lors qu'il s'est agi pour nous de réparer une forme d'injustice, je dirais même d'anomalie. Il était temps en effet que soit mis un terme à cette sorte de hiérarchisation statutaire, fondée sur une inertie historique de plus en plus en décalage avec les nouveaux enjeux que rencontre notre société.
Enfin, je ne crois pas que nous ayons à nous excuser chaque fois que nous ouvrons un dossier intéressant la haute fonction publique. Je suis de ceux qui, par conviction, croient fermement dans la noblesse du service de l'Etat et de l'intérêt général. Nos services publics ont besoin d'agents de qualité pour les servir, et ce à tous les niveaux de responsabilité. L'Etat doit ainsi veiller à rester attractif dans un contexte de plus en plus concurrentiel, y compris aux niveaux supérieurs où les écarts de rémunération avec la sphère privée sont les plus marqués.
Fondé sur de bons équilibres, sur des objectifs exigeants et légitimes, ce dossier a été, de plus, conduit avec détermination et responsabilité. Les conseils généraux et les organisations représentatives du corps y ont uvré dans un esprit que je qualifierais - sans je l'espère vous compromettre - de confiant et de coopératif.
Cet esprit ouvert et responsable, si nécessaire à la réussite d'une telle fusion, j'attends qu'il se prolonge, notamment aux premiers moments de la mise en uvre de cette réforme. Il sera alors important que nous soyons attentifs, chacun dans nos responsabilités, à ce que, dans les nouveaux modes de suivi et de gestion des futurs ingénieurs du GREF, nous favorisions le développement d'un réel sentiment d'appartenance à un même corps, sans laisser perdurer d'implicites et subtiles différences liées au corps d'origine. Il appartiendra au vice-président et aux présidents qui seront prochainement nommés à la tête des huit futures sections du conseil général, d'y veiller. Soyez assuré que le président du conseil général y veillera avec vous.
Vous le savez, la question s'est posée un moment du périmètre de cette fusion et de l'intérêt qu'aurait pu présenter une fusion élargie aux vétérinaires inspecteurs. Tel n'était pas initialement mon projet, comme je l'avais annoncé à Clermont-Ferrand. Pour autant, je me suis prononcé favorablement sur une telle idée, exprimée par les vétérinaires-inspecteurs eux-mêmes. Après que m'eurent été rendues les conclusions d'un groupe de travail chargé d'en examiner la faisabilité, j'ai fait le choix, à la fin de l'année 2000, d'un rapprochement et non d'une fusion entre les ingénieurs et les vétérinaires. Mon souci était alors de respecter mes objectifs de calendrier tout en veillant à maintenir la parité entre ces trois corps et en favorisant des ouvertures et des rapprochements réciproques. Faudra-t-il aller plus loin ? J'y suis pour ma part assez favorable. Mais je crois aussi que pour qu'une fusion réussisse, elle doit s'appuyer sur une envie partagée et des identités proches. Il sera donc intéressant de se reposer cette question dans quelques années après avoir pu observer le fonctionnement et les préoccupations de ces deux nouveaux corps dans leurs premières années.
Votre nouveau corps sera appelé à exercer un large ensemble de missions dans des domaines aussi stratégiques que ceux du développement économique, de l'aménagement et de la valorisation des territoires, de la qualité des produits, de la gestion environnementale des espaces et des ressources naturelles, de l'équipement rural, j'en passe. Ces missions touchent au cur des préoccupations de nos concitoyens dont la sensibilité aux questions liées à l'emploi, à l'environnement, à l'équilibre des territoires, au cadre de vie, s'affirme chaque jour davantage. Votre corps a ainsi vocation à prendre une part primordiale dans l'élaboration et la mise en uvre des politiques publiques les plus attendues par nos concitoyens.
Pour le faire, vous serez appelés à évoluer dans des structures locales, nationales et internationales, relevant potentiellement de multiples employeurs. Si le ministère de l'agriculture et de la pêche continuera à être le principal d'entre eux, il sera de moins en moins le seul. D'autres ministères s'appuient déjà largement sur votre concours et leur demande est croissante. Je pense évidemment au ministère chargé de l'environnement, mais également au ministère de l'économie et des finances ou au ministère des affaires étrangères, ainsi qu'aux nombreux organismes communautaires et internationaux.
Je me permets d'insister enfin sur la légitimité et l'intérêt que votre corps peut retirer en développant encore sa présence dans les structures locales. Je pense notamment aux collectivités locales et à certains établissements publics comme les agences de l'eau. Je pense également aux fonctions dans les services déconcentrés du ministère, mais aussi dans les DIREN ou les SGAR. Je pense enfin aux fonctions d'enseignement et de recherche.
Les ingénieurs du GREF auront en effet vocation à exercer leurs fonctions d'encadrement ou d'expertise dans les domaines de la recherche et de la formation. Ce n'est en cela que la confirmation des termes de l'arbitrage que j'avais rendu et formalisé dans une note du 27 juin 2000 dont les termes avaient été soigneusement pesés.
Il est clairement reconnu aux membres de ce corps une vraie vocation à intervenir dans les domaines de la recherche et de la formation ; le contraire eût d'ailleurs été étonnant compte tenu de la forte spécialisation dans ce domaine de l'une de ses deux composantes, les ingénieurs d'agronomie. Mais il ne peut s'agir de n'importe quels emplois : il s'agit bien d'emplois de haut niveau d'expertise et d'encadrement.
On voit bien ainsi que les choses vont devoir évoluer sans toutefois marquer une rupture brutale. Oui, les ingénieurs membres de ce corps auront encore leur place dans les établissements d'enseignement technique agricole ; tout autre choix serait contraire à l'intérêt même de notre ministère dont les cadres supérieurs ont vocation à s'investir dans l'ensemble des champ d'intervention qui sont les nôtres. Mais les ingénieurs du GREF n'auront pas vocation, notamment pour ceux qui rejoindront dorénavant les établissement d'enseignement, à y exercer dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, cantonnés souvent dans des fonctions presque exclusives d'enseignement.
Cette évolution progressive est cohérente avec la revalorisation statutaire du corps qui n'a de justification elle-même qu'au regard d'une vocation réaffirmée d'encadrement supérieur. Elle concourra à renforcer l'attractivité du corps mais aussi des postes proposés dans l'enseignement agricole.
Pour y donner suite, l'observatoire des missions et des métiers a été missionné pour proposer des profils d'emplois, soit d'encadrement, soit d'expertise, notamment dans le domaine du développement. Je suis pour ma part convaincu de ce que nous saurons faire vivre cette mission de formation dans des conditions tout à fait satisfaisantes, et pour les membres du corps qui y évolueront avec intérêt, et pour nos établissements et leurs élèves qui ont besoin de cette présence d'ingénieurs.
Les établissements d'enseignement ont besoin d'ingénieurs. En réalité, ma conviction est que c'est plus généralement l'Etat et l'ensemble des organismes publics en charge de mettre en oeuvre des politiques publiques qui éprouvent ce besoin, je crois durablement.
Deux éléments fondamentaux militent en ce sens. Le premier est que l'Etat a besoin aujourd'hui, dans ses fonctions d'encadrement supérieur, de profils nouveaux, mêlant des qualités de généralistes et de spécialistes. Nous avons besoin à la fois de bons spécialistes de l'administration générale, de fins gestionnaires des ressources humaines, de cadres dotés d'une vraie capacité d'analyse et de synthèse leur permettant à la fois de distinguer l'essentiel de l'accessoire, d'organiser et d'anticiper, de comprendre et de se faire comprendre.
En plus de ces qualités dont les ingénieurs n'ont pas seuls l'exclusivité (je pense aux grands corps administratifs de l'Etat), si tant est que quiconque puisse les réunir toutes, d'autres qualités, à caractère plus technique, s'avèrent également importantes. Nous aurons, en effet, de plus en plus besoin de cadres polyvalents, dotés d'un bagage à la fois économique, juridique et scientifique. C'est le deuxième élément.
Demain, en effet, la décision publique tendra de plus en plus à évoluer vers une forme de neutralisation, voire d'externalisation de l'expertise scientifique et technique. Cela correspond à une aspiration forte de nos concitoyens qui n'acceptent plus de se voir imposer des décisions sans assurance qu'elles aient été préalablement confrontées à une forme d'expertise croisée, contradictoire, transparente et publique.
Face à cette tendance de fond - que je crois inéluctable et saine pour notre démocratie -, l'Etat ne doit pas cependant commettre l'erreur de s'affaiblir lui-même dans le domaine de l'expertise en se recentrant sur une fonction d'arbitrage et d'organisation de la prise de décision. Les décisions publiques doivent certes se fonder sur plus de consultations, sur plus de débats, sans que l'expertise soit en quelque sorte monopolisée, confisquée, par celui qui organise le débat ; pour autant, l'Etat ne peut non plus devenir aveugle et sans avis propre, notre administration devenant elle-même prisonnière des experts et des lobbies. Je crois pour ma part à l'importance de maintenir une fonction d'expertise forte au sein des services de l'Etat, fonction d'expertise certes non exclusive, mais indispensable pour maintenir notre capacité d'orientation, d'anticipation et d'arbitrage que suppose le service de l'intérêt général.
Pour toutes ces raisons, oui, l'Etat a et aura besoin d'ingénieurs. C'est en tous cas le cas du ministère de l'agriculture et de la pêche. Notre ministère disposera ainsi d'un vivier privilégié avec ce nouveau corps du GREF qui doit se positionner d'une manière complémentaire et harmonieuse par rapport aux autres corps d'ingénieurs de notre ministère, les ingénieurs des travaux, avec lesquels une concertation sur leur déroulement de carrière est d'ailleurs engagée depuis quelques semaines.
Les ingénieurs du GREF ont à mon sens les atouts pour occuper pleinement une place éminente dans l'encadrement supérieur de l'Etat, a fortiori, dans les matières qui relèvent de leurs missions. Je le dis d'autant plus sincèrement qu'après plus de trois ans à la tête de ce ministère, je souhaiterais vous dire le plaisir que j'ai eu à travailler quotidiennement avec de nombreux ingénieurs d'agronomie et ingénieurs du GREF. Ce plaisir tient à une disposition d'esprit que j'ai retrouvée chez beaucoup d'entre vous et qui ne me semble pas sans lien avec la matière qui caractérise vos champ d'intervention.
Le vivant est une matière qui, pour être appréhendée dans sa réalité complexe et mouvante, requiert deux qualité : d'abord, une forme d'humilité ou plutôt de disponibilité à remettre en cause ses certitudes, ce qui n'interdit pas d'avoir des idées ; ensuite, un goût pour le travail collectif car face à la complexité, lorsqu'il faut innover, inventer, concilier, sans pouvoir forcément se raccrocher aux fondamentaux des " sciences dures ", l'échange et le dialogue semblent les plus adaptées.
J'ai retrouvé dans cette maison un tel état d'esprit, ouvert et prêt au changement. Le ministère de l'agriculture a une grande chance : celle de disposer de fonctionnaires issus de corps administratifs et techniques divers, de grande qualité et bien repérés au sein de la Fonction publique de l'Etat.
Notre ministère qui ne déteste pas régulièrement se poser la question de son devenir, occupe historiquement une place à part dans l'appareil d'Etat : notre ministère intègre dans ses compétences l'essentiel des politiques s'adressant à l'agriculture et, dans une moindre mesure, au monde rural : économie agricole, sécurité sanitaire des aliments, protection sociale et emploi, enseignement agricole, valorisation des espaces ruraux et forestiers, protection des ressources, gestion de la pêche et de l'aquaculture, etc.
Ce positionnement original est parfois remis en cause. Je ne crois pas qu'il soit réellement menacé ; à une condition cependant : celle de faire chaque jour la démonstration que la gestion intégrée de toutes ces politiques au sein d'un même ministère, plutôt que séparée entre plusieurs ministères, est facteur de plus d'efficacité, de plus de synergies et de plus de cohérence.
Ce défi repose sur chacun de nous, sur chacun des agents et des corps qui forment ce ministère. Face à ce défi, le futur corps que vous formerez bientôt, investis de missions qui précisément recouvrent assez largement, sinon totalement, le champ d'intervention de notre ministère aura, Mesdames et Messieurs, un rôle déterminant à jouer.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr le 15 février 2002)
Je suis heureux qu'à notre initiative conjointe, une telle réunion de travail, tournée vers la réflexion et l'échange, ait pu rassembler ce matin un large nombre de membres de vos deux corps - ingénieurs d'agronomie et ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts - appelés très bientôt à ne faire qu'un, comme j'en avais annoncé le projet en septembre 1999, à Clermont-Ferrand.
Nous pouvons être, je le crois, très heureux de l'aboutissement imminent de ce chantier dont vous avez bien voulu rappeler que j'en avais fait l'un des objectifs de notre plan pluri-annuel de modernisation.
Cette réforme va aboutir - nous pouvons le dire maintenant - dans les prochains jours puisque le décret instituant votre nouveau corps est entré dans le processus des signatures et contreseings et devrait pouvoir être publié, je l'espère, en fin de semaine prochaine. Le décret instituant un seul conseil général sera pris dans les semaines suivantes.
Avant d'en rappeler l'économie générale, qui est, je crois, conforme aux objectifs que nous nous étions fixés, je souhaiterais souligner, comme vous l'avez fait Messieurs les vice-présidents, la qualité du travail accompli par tous sur ce dossier.
Cette réussite s'explique d'abord et avant tout par la pertinence et la cohérence de notre dossier. J'en soulignerai les trois éléments essentiels :
- premièrement, une approche équilibrée de la fusion, conduite dans le respect des deux corps constitutifs ;
- deuxièmement, un souci d'ouverture et d'excellence dans les viviers et les voies de recrutement, comme dans la définition des missions et le positionnement interministériel du nouveau corps ;
- enfin, une exigence de reconnaissance et de revalorisation statutaires indispensables pour donner au grand corps des ingénieurs du vivant que vous formerez la place juste et égale qui lui revient aux côtés des autres grands corps techniques de l'Etat.
Vous le savez, sur le plan budgétaire, les bornes indiciaires des trois grades seront revalorisées en étant portées respectivement aux indices 966 pour les ingénieurs, hors-échelle B pour les en-chefs, et hors-échelle D pour les ingénieurs généraux. Ce traitement paritaire avec le corps des Ponts-et-Chaussées devrait également être appliqué aux situations des présidents de section et du vice-président.
Ce beau résultat s'accompagnera cependant d'une réduction du gabarit du corps, fixé à moins 300 sur une période de 15 ans. Les incidences budgétaires de cette réforme ont d'ores-et-déjà été intégrées dans notre budget 2002. Cette réforme a en effet un coût. En 2002, il s'élèvera à 10 millions de francs qui viendront s'imputer sur une mesure nouvelle globale concernant les personnels du ministère d'un montant total de 64 MF en 2002. La part prise par cette réforme du A+ n'est donc pas négligeable.
Certaines organisations syndicales m'en ont d'ailleurs fait le reproche. Ce reproche, je le crois infondé et injuste. Il est faux en effet de dire que la revalorisation des corps de haut-fonctionnaires du ministère aurait constitué notre première priorité au cours des dernières années ; ce serait oublier les nombreux chantiers statutaires qui ont abouti au sein des autres catégories dans la foulée des accords DURAFFOUR, y compris encore en 2002 pour la filière administrative ou les préposés sanitaires ; c'est aussi oublier l'important processus de déprécarisation mis en uvre, ainsi que les chantiers ouverts depuis la rentrée de septembre dans les diverses filières et catégories, en vue du budget 2003.
Ce reproche est de surcroît injuste dans le cas particulier des corps techniques d'encadrement supérieur de notre ministère dès lors qu'il s'est agi pour nous de réparer une forme d'injustice, je dirais même d'anomalie. Il était temps en effet que soit mis un terme à cette sorte de hiérarchisation statutaire, fondée sur une inertie historique de plus en plus en décalage avec les nouveaux enjeux que rencontre notre société.
Enfin, je ne crois pas que nous ayons à nous excuser chaque fois que nous ouvrons un dossier intéressant la haute fonction publique. Je suis de ceux qui, par conviction, croient fermement dans la noblesse du service de l'Etat et de l'intérêt général. Nos services publics ont besoin d'agents de qualité pour les servir, et ce à tous les niveaux de responsabilité. L'Etat doit ainsi veiller à rester attractif dans un contexte de plus en plus concurrentiel, y compris aux niveaux supérieurs où les écarts de rémunération avec la sphère privée sont les plus marqués.
Fondé sur de bons équilibres, sur des objectifs exigeants et légitimes, ce dossier a été, de plus, conduit avec détermination et responsabilité. Les conseils généraux et les organisations représentatives du corps y ont uvré dans un esprit que je qualifierais - sans je l'espère vous compromettre - de confiant et de coopératif.
Cet esprit ouvert et responsable, si nécessaire à la réussite d'une telle fusion, j'attends qu'il se prolonge, notamment aux premiers moments de la mise en uvre de cette réforme. Il sera alors important que nous soyons attentifs, chacun dans nos responsabilités, à ce que, dans les nouveaux modes de suivi et de gestion des futurs ingénieurs du GREF, nous favorisions le développement d'un réel sentiment d'appartenance à un même corps, sans laisser perdurer d'implicites et subtiles différences liées au corps d'origine. Il appartiendra au vice-président et aux présidents qui seront prochainement nommés à la tête des huit futures sections du conseil général, d'y veiller. Soyez assuré que le président du conseil général y veillera avec vous.
Vous le savez, la question s'est posée un moment du périmètre de cette fusion et de l'intérêt qu'aurait pu présenter une fusion élargie aux vétérinaires inspecteurs. Tel n'était pas initialement mon projet, comme je l'avais annoncé à Clermont-Ferrand. Pour autant, je me suis prononcé favorablement sur une telle idée, exprimée par les vétérinaires-inspecteurs eux-mêmes. Après que m'eurent été rendues les conclusions d'un groupe de travail chargé d'en examiner la faisabilité, j'ai fait le choix, à la fin de l'année 2000, d'un rapprochement et non d'une fusion entre les ingénieurs et les vétérinaires. Mon souci était alors de respecter mes objectifs de calendrier tout en veillant à maintenir la parité entre ces trois corps et en favorisant des ouvertures et des rapprochements réciproques. Faudra-t-il aller plus loin ? J'y suis pour ma part assez favorable. Mais je crois aussi que pour qu'une fusion réussisse, elle doit s'appuyer sur une envie partagée et des identités proches. Il sera donc intéressant de se reposer cette question dans quelques années après avoir pu observer le fonctionnement et les préoccupations de ces deux nouveaux corps dans leurs premières années.
Votre nouveau corps sera appelé à exercer un large ensemble de missions dans des domaines aussi stratégiques que ceux du développement économique, de l'aménagement et de la valorisation des territoires, de la qualité des produits, de la gestion environnementale des espaces et des ressources naturelles, de l'équipement rural, j'en passe. Ces missions touchent au cur des préoccupations de nos concitoyens dont la sensibilité aux questions liées à l'emploi, à l'environnement, à l'équilibre des territoires, au cadre de vie, s'affirme chaque jour davantage. Votre corps a ainsi vocation à prendre une part primordiale dans l'élaboration et la mise en uvre des politiques publiques les plus attendues par nos concitoyens.
Pour le faire, vous serez appelés à évoluer dans des structures locales, nationales et internationales, relevant potentiellement de multiples employeurs. Si le ministère de l'agriculture et de la pêche continuera à être le principal d'entre eux, il sera de moins en moins le seul. D'autres ministères s'appuient déjà largement sur votre concours et leur demande est croissante. Je pense évidemment au ministère chargé de l'environnement, mais également au ministère de l'économie et des finances ou au ministère des affaires étrangères, ainsi qu'aux nombreux organismes communautaires et internationaux.
Je me permets d'insister enfin sur la légitimité et l'intérêt que votre corps peut retirer en développant encore sa présence dans les structures locales. Je pense notamment aux collectivités locales et à certains établissements publics comme les agences de l'eau. Je pense également aux fonctions dans les services déconcentrés du ministère, mais aussi dans les DIREN ou les SGAR. Je pense enfin aux fonctions d'enseignement et de recherche.
Les ingénieurs du GREF auront en effet vocation à exercer leurs fonctions d'encadrement ou d'expertise dans les domaines de la recherche et de la formation. Ce n'est en cela que la confirmation des termes de l'arbitrage que j'avais rendu et formalisé dans une note du 27 juin 2000 dont les termes avaient été soigneusement pesés.
Il est clairement reconnu aux membres de ce corps une vraie vocation à intervenir dans les domaines de la recherche et de la formation ; le contraire eût d'ailleurs été étonnant compte tenu de la forte spécialisation dans ce domaine de l'une de ses deux composantes, les ingénieurs d'agronomie. Mais il ne peut s'agir de n'importe quels emplois : il s'agit bien d'emplois de haut niveau d'expertise et d'encadrement.
On voit bien ainsi que les choses vont devoir évoluer sans toutefois marquer une rupture brutale. Oui, les ingénieurs membres de ce corps auront encore leur place dans les établissements d'enseignement technique agricole ; tout autre choix serait contraire à l'intérêt même de notre ministère dont les cadres supérieurs ont vocation à s'investir dans l'ensemble des champ d'intervention qui sont les nôtres. Mais les ingénieurs du GREF n'auront pas vocation, notamment pour ceux qui rejoindront dorénavant les établissement d'enseignement, à y exercer dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui, cantonnés souvent dans des fonctions presque exclusives d'enseignement.
Cette évolution progressive est cohérente avec la revalorisation statutaire du corps qui n'a de justification elle-même qu'au regard d'une vocation réaffirmée d'encadrement supérieur. Elle concourra à renforcer l'attractivité du corps mais aussi des postes proposés dans l'enseignement agricole.
Pour y donner suite, l'observatoire des missions et des métiers a été missionné pour proposer des profils d'emplois, soit d'encadrement, soit d'expertise, notamment dans le domaine du développement. Je suis pour ma part convaincu de ce que nous saurons faire vivre cette mission de formation dans des conditions tout à fait satisfaisantes, et pour les membres du corps qui y évolueront avec intérêt, et pour nos établissements et leurs élèves qui ont besoin de cette présence d'ingénieurs.
Les établissements d'enseignement ont besoin d'ingénieurs. En réalité, ma conviction est que c'est plus généralement l'Etat et l'ensemble des organismes publics en charge de mettre en oeuvre des politiques publiques qui éprouvent ce besoin, je crois durablement.
Deux éléments fondamentaux militent en ce sens. Le premier est que l'Etat a besoin aujourd'hui, dans ses fonctions d'encadrement supérieur, de profils nouveaux, mêlant des qualités de généralistes et de spécialistes. Nous avons besoin à la fois de bons spécialistes de l'administration générale, de fins gestionnaires des ressources humaines, de cadres dotés d'une vraie capacité d'analyse et de synthèse leur permettant à la fois de distinguer l'essentiel de l'accessoire, d'organiser et d'anticiper, de comprendre et de se faire comprendre.
En plus de ces qualités dont les ingénieurs n'ont pas seuls l'exclusivité (je pense aux grands corps administratifs de l'Etat), si tant est que quiconque puisse les réunir toutes, d'autres qualités, à caractère plus technique, s'avèrent également importantes. Nous aurons, en effet, de plus en plus besoin de cadres polyvalents, dotés d'un bagage à la fois économique, juridique et scientifique. C'est le deuxième élément.
Demain, en effet, la décision publique tendra de plus en plus à évoluer vers une forme de neutralisation, voire d'externalisation de l'expertise scientifique et technique. Cela correspond à une aspiration forte de nos concitoyens qui n'acceptent plus de se voir imposer des décisions sans assurance qu'elles aient été préalablement confrontées à une forme d'expertise croisée, contradictoire, transparente et publique.
Face à cette tendance de fond - que je crois inéluctable et saine pour notre démocratie -, l'Etat ne doit pas cependant commettre l'erreur de s'affaiblir lui-même dans le domaine de l'expertise en se recentrant sur une fonction d'arbitrage et d'organisation de la prise de décision. Les décisions publiques doivent certes se fonder sur plus de consultations, sur plus de débats, sans que l'expertise soit en quelque sorte monopolisée, confisquée, par celui qui organise le débat ; pour autant, l'Etat ne peut non plus devenir aveugle et sans avis propre, notre administration devenant elle-même prisonnière des experts et des lobbies. Je crois pour ma part à l'importance de maintenir une fonction d'expertise forte au sein des services de l'Etat, fonction d'expertise certes non exclusive, mais indispensable pour maintenir notre capacité d'orientation, d'anticipation et d'arbitrage que suppose le service de l'intérêt général.
Pour toutes ces raisons, oui, l'Etat a et aura besoin d'ingénieurs. C'est en tous cas le cas du ministère de l'agriculture et de la pêche. Notre ministère disposera ainsi d'un vivier privilégié avec ce nouveau corps du GREF qui doit se positionner d'une manière complémentaire et harmonieuse par rapport aux autres corps d'ingénieurs de notre ministère, les ingénieurs des travaux, avec lesquels une concertation sur leur déroulement de carrière est d'ailleurs engagée depuis quelques semaines.
Les ingénieurs du GREF ont à mon sens les atouts pour occuper pleinement une place éminente dans l'encadrement supérieur de l'Etat, a fortiori, dans les matières qui relèvent de leurs missions. Je le dis d'autant plus sincèrement qu'après plus de trois ans à la tête de ce ministère, je souhaiterais vous dire le plaisir que j'ai eu à travailler quotidiennement avec de nombreux ingénieurs d'agronomie et ingénieurs du GREF. Ce plaisir tient à une disposition d'esprit que j'ai retrouvée chez beaucoup d'entre vous et qui ne me semble pas sans lien avec la matière qui caractérise vos champ d'intervention.
Le vivant est une matière qui, pour être appréhendée dans sa réalité complexe et mouvante, requiert deux qualité : d'abord, une forme d'humilité ou plutôt de disponibilité à remettre en cause ses certitudes, ce qui n'interdit pas d'avoir des idées ; ensuite, un goût pour le travail collectif car face à la complexité, lorsqu'il faut innover, inventer, concilier, sans pouvoir forcément se raccrocher aux fondamentaux des " sciences dures ", l'échange et le dialogue semblent les plus adaptées.
J'ai retrouvé dans cette maison un tel état d'esprit, ouvert et prêt au changement. Le ministère de l'agriculture a une grande chance : celle de disposer de fonctionnaires issus de corps administratifs et techniques divers, de grande qualité et bien repérés au sein de la Fonction publique de l'Etat.
Notre ministère qui ne déteste pas régulièrement se poser la question de son devenir, occupe historiquement une place à part dans l'appareil d'Etat : notre ministère intègre dans ses compétences l'essentiel des politiques s'adressant à l'agriculture et, dans une moindre mesure, au monde rural : économie agricole, sécurité sanitaire des aliments, protection sociale et emploi, enseignement agricole, valorisation des espaces ruraux et forestiers, protection des ressources, gestion de la pêche et de l'aquaculture, etc.
Ce positionnement original est parfois remis en cause. Je ne crois pas qu'il soit réellement menacé ; à une condition cependant : celle de faire chaque jour la démonstration que la gestion intégrée de toutes ces politiques au sein d'un même ministère, plutôt que séparée entre plusieurs ministères, est facteur de plus d'efficacité, de plus de synergies et de plus de cohérence.
Ce défi repose sur chacun de nous, sur chacun des agents et des corps qui forment ce ministère. Face à ce défi, le futur corps que vous formerez bientôt, investis de missions qui précisément recouvrent assez largement, sinon totalement, le champ d'intervention de notre ministère aura, Mesdames et Messieurs, un rôle déterminant à jouer.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr le 15 février 2002)