Déclaration de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur le bilan des actions menées en Bretagne pour développer une agriculture repectant l'environnement et sur les mesures gouvernementales à prendre en matière de de traitement des excédents d'azote, Rennes, le 18 juillet 2002.

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Circonstance : Comité de suivi du Plan d'action pour le développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne à Rennes, le 18 juillet 2002

Texte intégral

Madame le Préfet de Région, Madame et Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à vous remercier, Madame le Préfet, pour votre accueil en ces belles terres de Bretagne, où je suis venu il y a quelques semaines pour rencontrer les pêcheurs bretons.
La visite que nous effectuons, ici aujourd'hui, avec ma collègue, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, ministre de l'Ecologie et du Développement durable, est à la fois importante et symbolique.
Importante, car nous venons, avant tout, saluer le travail que vous avez effectué, les uns et les autres, depuis de longs mois, afin d'améliorer la qualité de l'eau en Bretagne. Vous avez su rapprocher des points de vue, tous légitimes et dont nous mesurons combien ils étaient initialement éloignés.
Vous l'avez fait dans le respect de chacun.
Vous l'avez fait également - je l'ai bien compris dans les contacts que j'ai pu avoir avec vous depuis quelques semaines - animés par un profond et commun attachement à la Bretagne.
Mais notre visite est également symbolique, car nous venons aussi - comme le souhaite le Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN - mieux prendre en compte les réalités de terrain.
En signant le Plan d'action pour le développement pérenne de l'agriculture, de l'agroalimentaire et la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, vous vous êtes donnés collectivement des objectifs ambitieux :
- Vous entendiez d'abord maîtriser, adapter et mieux valoriser les productions agricoles ;
- Vous aviez également la volonté de mettre en place une " chaîne bretonne d'excellence en qualité " ;
- Vous aspiriez, enfin, à reconquérir la qualité de l'eau.
Nos concitoyens aspirent tous à une meilleure qualité de vie, à laquelle participent en effet, l'eau, l'air, le paysage, ou notre alimentation. Ces sujets suscitent chez nos compatriotes un large intérêt et déclenchent parfois les passions, car ils touchent à notre vie quotidienne.
Le dire aujourd'hui ne doit nullement empêcher quiconque d'être fiers de ce qui a été accompli ici.
Suivant une formidable dynamique collective, la Bretagne, a, en effet, connu un développement économique exemplaire, dans laquelle l'agriculture doit continuer à jouer un rôle éminent.
La qualité et la diversité de ses productions est largement reconnue et son rôle dans l'animation du territoire est déterminant.
Je suis convaincu que les agriculteurs bretons, les entreprises et unités de transformation agro-alimentaires bretonnes sauront aujourd'hui mettre ces atouts au service de nouvelles attentes de la société. Nous souhaitons qu'ils unissent leurs efforts pour mieux défendre l'environnement, garantir la sécurité alimentaire et renforcer la fonction d'équilibre que remplit l'agriculture au coeur de la société.
Aujourd'hui, nos concitoyens s'interrogent, interpellent les agriculteurs sur leurs pratiques et les techniques auxquels ils ont recours, tant il est vrai que les besoins, les attentes et les valeurs de la société ont évolué ces dernières années.
De leur coté, les agriculteurs sont inquiets. Inquiets de ce qui ressemble parfois à une remise en cause de leur fonction première, qui est de nourrir les hommes, à un moment où le progrès technique a dissipé le souvenir des disettes qui sévissaient encore au début du siècle dernier.
Mais inquiets également, et à vrai dire surtout, de l'absence de perspective claire pour l'avenir, même le plus immédiat.
Certains secteurs, comme l'aviculture ou la viande bovine, traversent des crises conjoncturelles. Mais tout les secteurs sont peu ou prou affectés par des difficultés structurelles, tenant au fonctionnement même des marchés internationaux.
C'est pourquoi Roselyne BACHELOT-NARQUIN et moi sommes aujourd'hui venus à votre rencontre pour évoquer avec vous les problèmes que vous avez rencontrés.
Ce faisant, nous voulons à la fois réaffirmer notre attachement à une agriculture qui privilégie les hommes et les territoires et favoriser un dialogue fructueux, un partenariat constructif entre les habitants des espaces ruraux.
Notre ambition est de développer une agriculture durable et responsable et forte :
- une agriculture durable, tout d'abord, en faisant évoluer les modes de production, pour mieux répondre aux attentes des consommateurs et de nos concitoyens ;
- une agriculture responsable, ensuite, dont les atouts et les contraintes doivent être mieux pris en considération ;
- enfin, une agriculture forte dont la vocation exportatrice serait confirmée.
Dans cette ville, il y a aujourd'hui un an, le Président de la République rappelait le besoin impérieux de restaurer nos équilibres environnementaux. Il soulignait combien cet effort devait être engagé avec le concours des professionnels, non contre eux, et avec tous les acteurs de la chaîne de qualification, y compris la grande distribution. C'est un effort indispensable, " d'intérêt national ", précisait-il alors.
C'est dans ce cadre que le traitement des excédents d'azote doit être considéré. Traiter les excédents d'azote n'est pas une fin en soi, mais c'est aujourd'hui une nécessité, si l'on entend porter remède à nos difficultés.
Un travail important a été entrepris pour connaître les demandes de la profession agricole et cerner les attentes des consommateurs. Les services de l'Etat placés sous votre autorité, Madame le Préfet, nous ont ainsi proposé d'adapter les textes en vigueur.
C'est pourquoi Roselyne BACHELOT-NARQUIN et moi souhaitons introduire un certain nombre d'adaptations, dont votre travail a souligné le besoin.
Sur cette base, le gouvernement publiera, dans les prochaines semaines, un certain nombre de textes modificatifs, de portée nationale :
* Désormais, les normes sont fixées à 85 kg d'azote pour une vache laitière et 6,3 kg d'azote pour une place de veaux de boucherie, quelle que soit la nature des dossiers : PMPOA ou installations classées. Le texte a été déjà signé.
Cette mesure vise à simplifier les démarches des éleveurs et à restaurer une certaine cohérence entre les différentes actions conduites. Elle traduit notre souhait de voir primer l'efficacité sur le perfectionnisme. Dans le domaine environnemental, comme souvent par ailleurs, le mieux est l'ennemi du bien.
* Les éleveurs situés en ZES pourront, sauf exception, adapter, à production d'azote égale, les espèces produites.
Cette mesure vise à une meilleure " respiration " des exploitations. Elle permettra à un éleveur de s'adapter aux réalités économiques des marchés, sans affecter d'une quelconque manière l'environnement, puisque cet assouplissement se fera dans le respect des procédures d'installations classées.
* Dans les anciennes ZES, les délais d'application des obligations sont maintenus. Des assouplissements y sont prévus pour ceux qui ont déjà satisfait aux obligations initiales, notamment celles du PMPOA 1, et qui ont souscrit des engagements plus contraignants.
Dans les nouvelles ZES, le délai sera prolongé jusqu'au 30 juin 2004 pour permettre aux plus petites exploitations produisant moins de 15 000 kg d'azote de présenter une solution de traitement.
* Les productions végétales spécialisées situées en ZES pourraient contribuer à la résorption des matières organiques et des nitrates. Des produits locaux seront substitués aux matières organiques et minérales importées de l'extérieur. Pour cela, une simplification des textes s'avère nécessaire.
* J'ai constaté par ailleurs, que la gestion des quotas laitiers et autres droits à produire n'a pas entraîné une quelconque croissance des effectifs. Entre 1988 et 2000, le nombre de vaches laitières a, en effet, diminué de 27 % en Bretagne. Une expertise juridique et opérationnelle permettra de mieux articuler les procédures de gestion des droits à produire et les objectifs de résorption, sous réserve de l'examen par les CDOA de chaque dossier et du respect de la procédures Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE).
* Enfin, une mission nationale de simplification administrative, réunissant des personnalités venant d'horizon variés, sera installée dans les prochains jours. Je demanderai à ses membres de consacrer à la Bretagne l'une de leur toute première visite de terrain.
Par ailleurs, la priorité accordée à l'instruction des dossiers du PMPOA devra se traduire, pour permettre à nos services de travailler plus efficacement, par la mise à disposition de moyens supplémentaires. Dès début 2003, 32 postes supplémentaires doivent être créés dans les services du MAAPAR et 7 dans ceux du MEDD, afin de mieux accompagner les agriculteurs bretons.
A travers ces mesures, nous entendons rendre de la souplesse aux dispositifs de résorption des excédents d'azote, tout en maintenant les objectifs que nous nous sommes donnés, et pour lesquels une obligation de résultat nous est assignée.
Nous avons bien conscience que la gestion des excédents d'azote soulèvent de lourdes difficultés.
Je peux vous assurer que les moyens d'ingénierie et de recherche du Ministère de l'Agriculture seront mobilisés pour vous accompagner dans la recherche de solutions techniques et économiques durables.
Un bilan environnemental global sera établi projet par projet. Au-delà des choix techniques, je veillerai à ce que les plus petits élevages ne soient pas laissés au bord du chemin. Nous sommes résolus à leur apporter une solution collective. Les acteurs économiques bretons doivent y prendre toute leur part et, sans doute, assurer le portage de certaines opérations. Afin d'assurer un équilibre financier à ces projets, nous réengagerons des négociations sur le prix de rachat de l'électricité avec les ministères compétents. Toutes les voies de valorisation locale devront également être explorées (vapeur, cendre etc. ...).
Dans cette action, Madame le Préfet de Région, votre rôle est essentiel. Aussi, est-ce à vous que Roselyne BACHELOT et moi demandons d'engager toutes les concertations utiles à un règlement collectif et équitable de ces difficultés.
S'agissant de la restructuration externe des élevages, vous nous remettrez, d'ici le mois d'octobre et après concertation avec les intéressés, des propositions s'inspirant de la gestion des quotas laitiers. Le traitement des dossiers individuels devra être transparent, c'est-à-dire s'effectuer sous le contrôle des Commissions Départementales d'Orientation Agricole et dans le respect des procédures d'installations classées, lorsqu'elles l'exigeront. Le mécanisme mis en place devra à la fois contribuer efficacement à la résorption de l'azote et conforter les exploitations, prioritairement celles des jeunes et les plus petites.
Cette question est importante. Vous y êtes attachés, vos parlementaires -qui m'ont saisi de ce dossier dans toutes ses dimensions- y sont sensibles. Elle conditionne, je l'ai mieux compris grâce à eux, l'avenir des secteurs agricoles d'aval et l'emploi en Bretagne, qui est, ne l'oublions pas, la première région agro-alimentaire du pays.
Néanmoins, des adaptations sont indispensables et nécessiteront des accompagnements publics. Les engagements que l'Etat a souscris dans le cadre du plan d'action seront honorés. Je m'y engage.
Naturellement, rien n'est définitivement figé. L'évolution des technologies, la mise en uvre de pratiques nouvelles, la communication de nouveaux savoirs conduiront, sans doute, votre comité à faire évoluer ses propositions. Mais nous ne pourrons le faire sans une comptabilisation effective des résultats obtenus.

Tels sont, Mesdames et Messieurs, les premières réponses que je souhaitais vous apporter aujourd'hui.
L'amélioration de la qualité de l'eau constitue un défi pour les professionnels, mais également pour les élus et les pouvoirs publics. Comme le relève Saint-Exupéry dans Terre des hommes " l'eau n'est pas nécessaire à la vie ", elle est bien plus, " elle est la vie ". Ma conviction est que nous ne relèverons ce défi qu'ensemble et que pour autant que nous considérerons tous l'agriculture pour ce qu'elle est et doit rester, c'est à dire une activité économique à part entière, devant assurer aux exploitants, à leurs familles un revenu digne et leur permettre d'exercer pleinement leurs responsabilités économiques, sociales et environnementales.
Je vous remercie.
Roselyne BACHELOT va maintenant aborder la question essentielle de la méthode qu'adopteront nos deux Ministères sur ce dossier
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 19 juillet 2002)