Point de presse conjoint de MM. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes et François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, les questions européennes, Luxembourg le 11 octobre 1999.

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Circonstance : Conseil affaires générales à Luxembourg les 10 et 11 octobre 1999

Texte intégral

M. Moscovici - La discussion du Conseil Affaires générales a été essentiellement consacrée ce soir au commerce extérieur, autour des propositions de la Présidence de l'Union européenne, avec l'objectif de donner un mandat, des orientations à la Commission pour négocier avec l'OMC. Il faut d'abord souligner que le travail qui a été fait par la Présidence finlandaise est un très bon travail qui a permis d'avancer sur toute une série de sujets importants, notamment dans le domaine agricole, où les propositions du Conseil Agriculture qui ont été retenues, nous donnent toute satisfaction. Nous souhaitons que la Commission puisse travailler sur des bases qui aient été politiquement actées de façon ferme et précise par le Conseil. C'est pourquoi nous souhaitions parvenir à donner une conclusion au Conseil Affaires générales. Nous n'y sommes pas parvenus parce que la discussion s'est cristallisée sur trois points : l'antidumping, sur lequel un accord a été trouvé ; le point des normes sociales qui posait la question de savoir s'il fallait mettre en place un groupe de travail entre l'Organisation internationale du Travail et l'OMC ou bien un forum permanent, cette dernière formule étant selon nous plus molle et moins satisfaisante. Sur ce point, nous avons été conduits à soutenir notamment la position de la délégation allemande qui était extrêmement insistante pour réclamer ce groupe de travail. Il n'y a pas eu d'accord unanime sur cette question. Enfin, nous avons présenté un texte sur la diversité culturelle, qui insistait sur trois points : d'abord, le fait que nous souhaitions la diversité culturelle ; deuxièmement, que nous voulions que l'on s'inscrive dans la poursuite des acquis de Marrakech ; troisièmement, que nous souhaitions que les Etats et l'Union européenne puissent mener librement des politiques - avec des instruments - en matière audiovisuelle et culturelle, parce que la culture et l'audiovisuel ne sont pas des marchandises comme les autres. Ils ne peuvent être soumis à une libéralisation dans le contexte que nous connaissons.
Nous connaissons aussi la sensibilité politique particulière dans notre pays, ainsi que celle de toute une série de milieux que nous comprenons et approuvons.
Nous avons proposé ce texte qui a recueilli l'accord plus ou moins explicite d'un certain nombre de délégations, notamment de la délégation allemande avec beaucoup de clarté.
La Présidence finlandaise a pris en compte l'esprit qui nous animait en nous proposant un texte dans lequel elle disait qu'elle comprenait qu'on puisse poursuivre des objectifs politiques, mais elle n'a pas pris en compte notre volonté de marquer clairement qu'il s'agissait bien de moyens, d'instruments et que nous souhaitions pouvoir continuer à agir librement dans ce domaine.
Dans ces conditions, il n'y a pas eu de conclusion adoptée ce soir. Nous avons même tenu à marquer que, à partir du moment où tout n'était pas accepté, rien n'était accepté, même si nous ne souhaitons évidemment pas rouvrir les sujets politiques qui font l'objet d'un consensus. Nous souhaitons que la Commission puisse travailler, mais nous ne souhaitons pas pour autant qu'il soit dit qu'il y a des conclusions sur tout et que deux points sont cantonnés.
Donc, il n'y a pas de conclusion ce soir, et en même temps on va essayer de travailler dans les semaines qui viennent au COREPER pour faire en sorte de préciser les orientations sur lesquelles la Commission devrait pouvoir s'appuyer.
Mais que les choses soient claires sur les deux questions qui ont été soulevées - normes sociales et diversité culturelle -, la position de la France est extrêmement ferme et elle a été exprimée comme telle avec beaucoup de calme.
R - M. Huwart - Je souscris tout à fait à la description de la situation telle que vient de la faire M. Moscovici. Je crois que notre double position sur les normes sociales fondamentales et sur la diversité culturelle ne pouvait pas être prise en compte par la présidence finlandaise ce soir. Nous avons souhaité marquer notre volonté, s'agissant de la diversité culturelle, de conserver une marge de manoeuvre importante et le droit de décider librement de nos instruments de politique culturelle et audiovisuelle. Nous avons souhaité introduire dans le texte, pour expliciter Marrakech, un certain nombre de dispositions précises. Autrement dit, c'est bien sur le fond que nous sommes intervenus et pas seulement sur l'habillage ou sur la forme.
La proposition qui a été faite était beaucoup plus vague et nous avons exprimé notre surprise, elle ne reprenait pas les acquis de Marrakech, ce qui est étonnant puisque c'était le patrimoine commun minimum qui nous guide dans cette affaire.
Sur les normes sociales, je pense qu'il ne s'agissait pas non plus d'une formule ou d'un habillage. Il n'a jamais été question pour nous de considérer que les règles sociales fondamentales ne sont pas produites par l'OIT. Mais force a été de constater que le dialogue entre l'OIT et l'OMC n'a jamais été amorcé. Nous considérons donc que c'est bien dans le cycle que doivent être prise en compte ces considérations. Notre position consiste à dire que la question du choix des mots - forum ou groupe de travail - n'est pas essentielle, mais bien la question du positionnement de ce type de programme de travail, avec un contenu précis et la garantie que nous avons dans le cycle de voir nos préoccupations effectivement prises en compte.
Q - Finalement, la Commission va à Washington, sauf erreur, avant le Conseil Affaires générales de novembre sans mandat, sans position commune ?
R - M. Moscovici - Oui, elle y va sans mandat. Mais on ne peut pas considérer que les travaux qui ont été fait en amont ne sont rien. Ils lui donnent un esprit, une inspiration sur un certain nombre de sujets.
D'autre part, ce qui apparaît clairement ce soir, c'est qu'il n'y a pas eu une délégation isolée contre toutes les autres sur un sujet qui traduirait un retour à l'esprit du village gaulois. Il n'y a pas unanimité sur des sujets qui sont des sujets lourds, importants, avec, au coeur de cela, deux délégations comme celles de la France et de l'Allemagne qui sont d'accord sur les deux points, ce qui est extrêmement important et marque bien qu'il y a encore du travail à faire.
Il ne s'agit donc pas d'une crise ou d'une crispation. Le climat de la séparation est amical et chacun voit bien qu'on a besoin de revenir avec des propositions nouvelles sur les deux thèmes.
Le texte qu'ont présenté la Présidence et la Commission était surprenant. Il ne reprenait pas beaucoup des questions essentielles qui étaient soulevées. Sa rédaction montrait toutefois que la Présidence et la Commission ont compris qu'il fallait y revenir. Nous attendons donc qu'ils effectuent le pas en avant supplémentaire pour nous permettre de conclure.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 1999)