Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur les négociations de l'Organisation mondiale du commerce, à l'Assemblée nationale le 12 octobre 1999.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
Nous engageons effectivement à Seattle, aux Etats-Unis, à partir du début de décembre, une nouvelle phase de négociations commerciales multilatérales. Pour nous, ce cycle de négociations doit être l'occasion de mieux maîtriser ce qu'on appelle la mondialisation. Nous sommes favorables à la libéralisation des échanges, mais nous voulons que cette libéralisation s'accompagne d'un renforcement des règles du commerce international. A cette fin, et pour éviter la tentation de l'unilatéralisme, c'est-à-dire la loi du plus fort, pour prendre en compte les préoccupations et les difficultés particulières des pays en développement, nous souhaitons que le rôle de l'Organisation mondiale du commerce comme cadre international où les nations sont à égalité soit renforcé.
L'accord signé le 15 avril 1994, à l'issue du précédent cycle de négociations commerciales, à Marrakech, prévoyait la poursuite des discussions sur l'agriculture et sur les services. Avec nos partenaires européens, nous avons souhaité élargir ce périmètre de négociations à d'autres préoccupations : d'abord, la mise en oeuvre par le système commercial international des normes sociales définies par l'Organisation internationale du travail ; ensuite, une meilleure prise en compte du principe de précaution pour la sécurité sanitaire et alimentaire ; enfin, la protection de l'environnement. Nous souhaitons également une régulation plus forte, notamment dans le domaine de la concurrence, de l'investissement et des marchés publics.
Cette nouvelle négociation qui va s'ouvrir et qui durera peut-être plusieurs années, nous la voulons transparente et respectueuse des préoccupations de nos concitoyens.
Le Gouvernement a engagé depuis plus de six mois des concertations avec les organisations syndicales, les associations et les organisations non gouvernementales. Nous veillons à tenir le Parlement étroitement informé de la préparation de ces négociations. [....] Un premier débat, sur notre proposition, a eu lieu ici même le 23 juin, et j'ai pris l'engagement qu'une nouvelle discussion ait lieu, ici, le 26 octobre, avant l'ouverture de la conférence ministérielle de Seattle.
A cet égard, je voudrais vous dire que la résolution adoptée par votre Commission de la production et des échanges, sur le rapport de Mme B. Marre, servira d'utile point d'appui pour l'action du Gouvernement. Hier soir, à Luxembourg, Monsieur F. Huwart, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur et Monsieur Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, qui étaient au banc de la délégation française, ont plaidé lors du conseil Affaires générales de l'Union européenne pour que cette approche - dont j'ai rappelé les grands traits - soit mieux prise en compte par nos partenaires.
Nous avons su trouver un large accord avec nos partenaires européens sur l'essentiel de nos préoccupations et, parmi celles-ci l'agriculture - agriculture pour laquelle la position européenne s'appuiera strictement sur la préservation de notre Politique agricole commune. Sa réforme, telle qu'elle a été décidée, à Berlin, dans le cadre d'Agenda 2000, traduit notre volonté de préserver le caractère multifonctionnel de notre agriculture et accorde un rôle déterminant à l'aménagement du territoire et à la protection de l'environnement.
Dans ce secteur, je veux ajouter que nous proposons à l'Union européenne d'adopter une attitude offensive pour élargir les règles de l'Organisation mondiale du commerce aux pratiques commerciales critiquables des autres pays producteurs.
Deux problèmes majeurs subsistent encore à nos yeux. Le premier, concerne l'exception culturelle. Ici, nous voulons faire partager à nos partenaires européens cette idée simple et fondamentale que la culture ne peut être traitée comme une marchandise. C'est pourquoi, nous voulons que l'Union européenne se donne un mandat qui reconnaisse à nouveau la spécificité de ce secteur culturel, comme cela a été admis à Marrakech et nous veillerons très fermement à ce que l'Union européenne et la France puissent continuer à définir et à mettre en oeuvre des politiques de culture et audiovisuelle librement. La France restera inflexible sur la protection de la diversité culturelle. Je vous en donne l'assurance.
Le second enjeu a trait aux normes sociales. Le Gouvernement français souhaite que le nouveau cycle permette une coopération renforcée entre l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation internationale du travail et que soient trouvés les cadres institutionnels permettant que soient partout respectées les normes sociales fondamentales, telles qu'elles ont été définies par l'Organisation internationale du travail.
Je crois pouvoir vous dire que, grâce au travail accompli par les ministres en charge de ces dossiers, nos partenaires européens comprennent mieux aujourd'hui nos préoccupations. Soyez assurés de la détermination du Gouvernement à les faire partager par nos partenaires dans les discussions qui s'ouvrent."

(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 13 octobre 1999)