Texte intégral
E. Martichoux.- Pour votre première session parlementaire en tant que président du groupe UDF, vous avez au moins réussi à agacer le Gouvernement et l'UMP par vos prises de position. J. Barrot, le président du groupe UMP à l'Assemblée traite l'UDF "d'arbitre de touche" ce matin. Cela vous va comme rôle ?
- "Ce n'est pas gentil. Mais au-delà de cela, si J. Barrot s'y connaissait en football, il saurait que l'arbitre de touche est celui qui notamment lève le drapeau lorsqu'on est hors-jeu. Donc ce n'est pas si secondaire que cela."
Vous répondez par une petite pirouette. Néanmoins, on a beaucoup entendu de critiques venant de l'UMP sur le thème "ils existent pour exister", "ils sont 29 face à 365... De toute façon, ils pèsent peu sur le débat politique et si, tous les matins, l'UDF cherche à se différencier, les Français vont rapidement trouver l'exercice inutile." C'est encore signé J. Barrot ce matin.
- "Si on considère que l'Assemblée nationale est simplement une chambre d'enregistrement, bien entendu, il faut s'interdire tout débat. Nous, ce qu'on considère, c'est qu'on appartient à la majorité présidentielle, cela ne fait aucun doute dans notre esprit et dans le mien. La seule chose, c'est que, comme dans toute famille, il y a un débat. Si on considère que l'Assemblée ne doit pas être un lieu de débat, où se trouve la séparation entre l'exécutif et le législatif ? Si le fait de pouvoir faire des propositions est considéré comme un anathème insupportable, il faut le dire. Je voudrais que l'Assemblée nationale retrouve ce qu'elle doit être, c'est-à-dire un lieu où on fait des propositions, où doit s'organiser le débat. Voilà, c'est tout."
Est-ce que vous concevez votre rôle comme le fait de compliquer parfois la tâche du Gouvernement ? Est-ce cela aussi faire partie de la majorité ?
- "Très franchement, si on prend l'exemple de la semaine dernière, c'est-à-dire le salaire des ministres, le Gouvernement aurait eu intérêt à suivre notre proposition, qui était celle d'organiser une vraie réflexion sur l'ensemble des éléments du statut de l'élu et sur les conditions d'exercice de la fonction politique. J'observe que les propositions que nous avons faites..."
Il y a eu une précipitation dans ce vote de l'amendement ?
- "Oui, il y a eu précipitation. C'est vrai que les Français ont une relation compliquée avec l'argent mais je crois qu'on aurait eu intérêt à mettre les choses sur la table, en toute transparence, et ne pas faire cela le 31 juillet. J'ai fait des propositions au nom du groupe UDF au sein de l'Assemblée ; J.-L. Debré a eu exactement les mêmes propos dans Le Monde. On ne peut pas dire que J.-L. Debré soit considéré comme quelqu'un qui veuille gêner le Gouvernement."
Autrement dit, on n'est pas contre l'augmentation de la rémunération des ministres, mais on voudrait que cela s'inscrive dans une discussion plus large sur le statut de l'élu ?
- "Oui, cela ne se fait pas le 31 juillet ; on a le sentiment que c'est un peu comme une maladie honteuse ! Il faut dire aux Français les choses telles qu'elles sont : il n'y a plus de fonds secrets, il est donc logique de faire en sorte qu'un ministre soit mieux rémunéré qu'un haut fonctionnaire et qu'un cadre du secteur privé."
Donc une maladresse ?
- "Oui, c'est une vraie maladresse. C'est une erreur politique grave parce que quand on va demander aux Français des efforts, je pense qu'on remettra cela rapidement sur la table."
Néanmoins, on a parfois du mal à vous suivre. Vous ne votez pas certains textes comme l'amnistie et par exemple, sur la loi sur la justice de D. Perben, vous avez, je cite, au nom de l'UDF, "émis de fortes réserves" et vous votez le texte. Est-ce que l'abstention n'aurait pas été plus conforme à vos idées ?
- "Non parce que l'abstention ne veut rien dire. En politique, on est pour ou on est contre..."
Donc finalement, vous êtes pour malgré de fortes réserves ?
- "Oui, on est pour. Mais les réserves qu'a faites P. Albertini, député-maire de Rouen au nom du groupe, sont des réserves qui correspondent à la réalité. J'étais membre de la commission d'enquête sur les prisons : qu'on fasse en sorte que les mineurs soient sanctionnés lorsqu'il commettent des fautes graves, c'est très bien ; faut-il encore qu'on ait les conditions ensuite pour faire en sorte que la sanction ne soit pas l'école de la récidive. Aujourd'hui, on enferme des jeunes - je l'ai constaté dans les prisons - pendant une période donnée, un certain nombre de mois ; le jeune va passer son temps entre la télévision, fumer et jouer aux cartes. Vous pensez bien que lorsqu'il ressort, il est encore un peu plus perdu et que, finalement, on en fait un lion décuplé. Donc, cela ne sert à rien si c'est fait comme cela."
Texte trop répressif ?
- "Non, pas trop répressif. Dans cette hypothèse, il faut aussi que les établissements pénitentiaires ou les centres d'éducation soient des lieux où l'on redonne des repères, des valeurs, où l'on apprenne une formation, etc..."
Les centres d'éducation fermés, ils ont été votés, vous les avez votés. Est-ce que vous savez ce que c'est ? Qu'est-ce que vous avez voté ? Ce sont des prisons ? Est-ce que ce sont des centres de rééducation ? Que dit le texte ? Qu'a-t-on voté finalement ?
- "Si ce sont de vrais centres d'éducation, c'est très bien. C'est-à-dire que c'est mettre un peu plus de rigidité pour faire en sorte que ces jeunes retrouvent un certain nombre de repères et de valeurs. C'est parfait si c'est cela. Jusqu'alors, la France n'a pas franchement montré l'exemple pour faire en sorte que quelqu'un qui a perdu tout repère puisse les retrouver."
Vous ne répondez pas exactement à la question : que sont ces centres d'éducation fermés ? Ils ont été décidés sur le principe mais ils restent à définir ?
- "Les centres d'éducation fermés, comme leur nom l'indique, sont normalement des centres d'éducation dans lesquels on fixe des bornes et dans lesquels on donne un peu plus de contraintes."
Des antichambres de prison ?
- "Non, ce peut être très bien. Quand vous avez des jeunes qui ont commis des délits ou des crimes extrêmement graves et qu'on leur redonne des repères un peu par la contrainte, ce n'est pas en tant que tel quelque chose de négatif. Si on leur apprend à se lever le matin, des choses aussi simples que faire leur lit, aussi simples que d'apprendre que comme vous et moi, on se lève le matin, on a des repères, on a des critères, tout cela n'est pas grave. La seule chose, c'est que cela coûte très cher et qu'il faut s'en donner les moyens et que jusque-là la France ne l'a jamais fait."
La suspension des allocations familiales versées aux parents d'un mineur placé en centre fermé, était un amendement déposé par l'UMP C. Estrosi ; qu'en pensez-vous ? Est-ce une bonne mesure, propre à encourager cette démission des parents ? Est-ce cela ?
- "Je constate une chose : on pourra mettre toutes les sanctions du monde, tous les policiers du monde, si on n'arrête pas la machine à produire des délinquants, on ne réussira jamais. Pour cela, il y a deux choses majeures : d'une part responsabiliser les parents ; d'autre part, faire en sorte que l'Education nationale fasse que chaque Français, chaque jeune, sache lire, écrire et compter."
On responsabilise les parents quand on suspend les allocations familiales ou pas ?
- "Cela peut être un coup de semonce qui n'est pas inutile."
La semaine dernière, vous accusiez le Gouvernement de ne pas dire toute la vérité. "La situation est grave" - c'étaient vos mots dans le journal Libération -, "Il faudra engager des réformes douloureuses." Vous avez le sentiment que J.-P. Raffarin endort un peu les Français ?
- "Ce que j'ai vécu pendant la campagne électorale, c'est que les Français ont le sentiment profond du déclin de leur pays et qu'il ne sert à rien de leur cacher que la situation est assez grave. Quand vous rencontrez le ministre de la Santé, il vous explique qu'un hôpital sur deux est en déficit et vit grâce à des reports de charges, c'est-à-dire faire en sorte que les dépenses soient payées l'année suivante. Je me souviens qu'en 1992, on avait loué des Antonov pour la guerre du Golfe, on en a encore loués pour l'Afghanistan dix ans plus tard ; on dépouille des avions pour trouver des pièces détachées pour faire voler d'autres avions. La situation budgétaire du pays est assez calamiteuse puisqu'on a un déficit énorme en dépit de quatre ans de croissance. Il faut dire aux Français que, pour l'instant, durant la session extraordinaire, on a surtout voté des dépenses, c'est-à-dire des policiers en plus, des magistrats en plus.."
Des promesses électorales. Cela avait été promis.
- "Oui, des engagements. Mais cela veut dire aussi qu'à un moment, il va falloir dire aux Français qu'il va falloir se serrer la ceinture. On ne peut pas constamment vivre au-dessus de ses moyens."
Vous avez dit que le Gouvernement n'aurait pas dû renoncer à la hausse des tarifs EDF. On parle d'une reprise un peu plus molle que prévu. Comment faire ? Seriez-vous favorable à une pause dans l'allégement des baisses d'impôts pour les années suivantes ?
- "Non, je ne fais pas partie de ceux-là. Au contraire, baisser les impôts est un moyen de donner un signal à celles et ceux qui créent de la richesse. Ce qui est désolant aujourd'hui, c'est qu'il y a une double exclusion. Une exclusion par le haut : ce sont nos jeunes diplômés des plus grandes écoles, formés avec nos impôts en général et qui partent vivre et travailler à l'étranger, et celles et ceux qui créent de la richesse et qui décident d'aller créer leur entreprise ou d'investir à l'étranger. Tout cela est insupportable parce que c'est, bien entendu, de l'activité, des impôts et de l'emploi en moins à terme. Et il y a l'exclusion par la base, c'est-à-dire les quatre ou cinq millions de Français qui vivent de stages parking, de petits boulots, etc... Baisser les impôts, c'est un moyen de dire à celles et ceux qui sont susceptibles de créer l'activité de demain, "restez chez nous et investissez chez nous."
Etes-vous favorable à l'allégement des charges patronales ? C'est à l'étude, on parle du...
- "Oui, patronat et salariés."
Mais ces allégements pourront-ils être financés avec les deniers de l'Etat ?
- "Mais pourquoi pas ?"
Parce que J.-P. Raffarin ne veut pas que les dépenses de l'Etat augmentent de plus de 0,2 % par rapport au collectif budgétaire de 2002 et que, comme vous l'avez dit vous-même, il y a des réformes prioritaires comme les retraites qui vont coûter très cher. Il y a un moment où il va falloir se poser la question du financement.
- "Oui, mais il y a pire que cela. Pire que cela, c'est le fait qu'un salarié qui gagne 5 600 francs par mois et qui part à 5 heures le matin travailler se dise qu'il est idiot d'aller bosser. Il faut que cette personne qui va travailler se dise qu'elle a intérêt à aller travailler. Il n'y a qu'une seule solution, c'est d'augmenter le salaire direct, c'est-à-dire ce qu'il touche la fin du mois."
On sait bien vos convictions à ce sujet. Mais comment financer ?
- "Peu importe..."
Réduire le nombre de fonctionnaires ?
- "Peu importe, si c'est un déficit provisoire. Si le déficit provisoire permet de relancer l'activité, la création de richesses, l'investissement, et que tout cela fait en sorte que les rentrées dans les caisses de l'Etat deviennent plus importantes dans deux ou trois ans, ce n'est pas très grave."
Donc lâcher un petit peu sur le déficit ?
- "Oui. Cela ne me choque pas de lâcher sur le déficit..."
Il va falloir en parler à Bruxelles...
- "...si on lâche sur le déficit pour, en quelque sorte, relancer la machine France. Si c'est lâcher le déficit pour simplement créer des dépenses supplémentaires, c'est une très mauvaises idée."
Très bonnes vacances puisque vous êtes en vacances jusqu'au 1er octobre.
- "Non, je suis en vacances jusqu'au 28 août."
F. Bayrou, on ne l'entend pas. Il est où, que fait-il ? Il prépare un parti puissant avec 29 députés à l'Assemblée ?
- "Vous n'êtes vraiment pas sympa quand vous dites ça. Non, la réalité c'est qu'il est clair que nous avons eu un certain nombre de pertes liées au passage d'un certain nombre de nos amis de l'UDF à l'UMP. Et donc F. Bayrou, lui, s'occupe de reconstituer une force politique sur l'ensemble du territoire national, parce que c'est vrai qu'on a eu, dans un certain nombre de régions, des défaillances. Il faut donc reconstituer une pépinière de jeunes talents, comme on les a à l'Assemblée parce qu'on a de jeunes députés qui sont remarquables. Je crois que les Français ont envie d'avoir une génération nouvelle. Ca, c'est son boulot."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 août 2002)
- "Ce n'est pas gentil. Mais au-delà de cela, si J. Barrot s'y connaissait en football, il saurait que l'arbitre de touche est celui qui notamment lève le drapeau lorsqu'on est hors-jeu. Donc ce n'est pas si secondaire que cela."
Vous répondez par une petite pirouette. Néanmoins, on a beaucoup entendu de critiques venant de l'UMP sur le thème "ils existent pour exister", "ils sont 29 face à 365... De toute façon, ils pèsent peu sur le débat politique et si, tous les matins, l'UDF cherche à se différencier, les Français vont rapidement trouver l'exercice inutile." C'est encore signé J. Barrot ce matin.
- "Si on considère que l'Assemblée nationale est simplement une chambre d'enregistrement, bien entendu, il faut s'interdire tout débat. Nous, ce qu'on considère, c'est qu'on appartient à la majorité présidentielle, cela ne fait aucun doute dans notre esprit et dans le mien. La seule chose, c'est que, comme dans toute famille, il y a un débat. Si on considère que l'Assemblée ne doit pas être un lieu de débat, où se trouve la séparation entre l'exécutif et le législatif ? Si le fait de pouvoir faire des propositions est considéré comme un anathème insupportable, il faut le dire. Je voudrais que l'Assemblée nationale retrouve ce qu'elle doit être, c'est-à-dire un lieu où on fait des propositions, où doit s'organiser le débat. Voilà, c'est tout."
Est-ce que vous concevez votre rôle comme le fait de compliquer parfois la tâche du Gouvernement ? Est-ce cela aussi faire partie de la majorité ?
- "Très franchement, si on prend l'exemple de la semaine dernière, c'est-à-dire le salaire des ministres, le Gouvernement aurait eu intérêt à suivre notre proposition, qui était celle d'organiser une vraie réflexion sur l'ensemble des éléments du statut de l'élu et sur les conditions d'exercice de la fonction politique. J'observe que les propositions que nous avons faites..."
Il y a eu une précipitation dans ce vote de l'amendement ?
- "Oui, il y a eu précipitation. C'est vrai que les Français ont une relation compliquée avec l'argent mais je crois qu'on aurait eu intérêt à mettre les choses sur la table, en toute transparence, et ne pas faire cela le 31 juillet. J'ai fait des propositions au nom du groupe UDF au sein de l'Assemblée ; J.-L. Debré a eu exactement les mêmes propos dans Le Monde. On ne peut pas dire que J.-L. Debré soit considéré comme quelqu'un qui veuille gêner le Gouvernement."
Autrement dit, on n'est pas contre l'augmentation de la rémunération des ministres, mais on voudrait que cela s'inscrive dans une discussion plus large sur le statut de l'élu ?
- "Oui, cela ne se fait pas le 31 juillet ; on a le sentiment que c'est un peu comme une maladie honteuse ! Il faut dire aux Français les choses telles qu'elles sont : il n'y a plus de fonds secrets, il est donc logique de faire en sorte qu'un ministre soit mieux rémunéré qu'un haut fonctionnaire et qu'un cadre du secteur privé."
Donc une maladresse ?
- "Oui, c'est une vraie maladresse. C'est une erreur politique grave parce que quand on va demander aux Français des efforts, je pense qu'on remettra cela rapidement sur la table."
Néanmoins, on a parfois du mal à vous suivre. Vous ne votez pas certains textes comme l'amnistie et par exemple, sur la loi sur la justice de D. Perben, vous avez, je cite, au nom de l'UDF, "émis de fortes réserves" et vous votez le texte. Est-ce que l'abstention n'aurait pas été plus conforme à vos idées ?
- "Non parce que l'abstention ne veut rien dire. En politique, on est pour ou on est contre..."
Donc finalement, vous êtes pour malgré de fortes réserves ?
- "Oui, on est pour. Mais les réserves qu'a faites P. Albertini, député-maire de Rouen au nom du groupe, sont des réserves qui correspondent à la réalité. J'étais membre de la commission d'enquête sur les prisons : qu'on fasse en sorte que les mineurs soient sanctionnés lorsqu'il commettent des fautes graves, c'est très bien ; faut-il encore qu'on ait les conditions ensuite pour faire en sorte que la sanction ne soit pas l'école de la récidive. Aujourd'hui, on enferme des jeunes - je l'ai constaté dans les prisons - pendant une période donnée, un certain nombre de mois ; le jeune va passer son temps entre la télévision, fumer et jouer aux cartes. Vous pensez bien que lorsqu'il ressort, il est encore un peu plus perdu et que, finalement, on en fait un lion décuplé. Donc, cela ne sert à rien si c'est fait comme cela."
Texte trop répressif ?
- "Non, pas trop répressif. Dans cette hypothèse, il faut aussi que les établissements pénitentiaires ou les centres d'éducation soient des lieux où l'on redonne des repères, des valeurs, où l'on apprenne une formation, etc..."
Les centres d'éducation fermés, ils ont été votés, vous les avez votés. Est-ce que vous savez ce que c'est ? Qu'est-ce que vous avez voté ? Ce sont des prisons ? Est-ce que ce sont des centres de rééducation ? Que dit le texte ? Qu'a-t-on voté finalement ?
- "Si ce sont de vrais centres d'éducation, c'est très bien. C'est-à-dire que c'est mettre un peu plus de rigidité pour faire en sorte que ces jeunes retrouvent un certain nombre de repères et de valeurs. C'est parfait si c'est cela. Jusqu'alors, la France n'a pas franchement montré l'exemple pour faire en sorte que quelqu'un qui a perdu tout repère puisse les retrouver."
Vous ne répondez pas exactement à la question : que sont ces centres d'éducation fermés ? Ils ont été décidés sur le principe mais ils restent à définir ?
- "Les centres d'éducation fermés, comme leur nom l'indique, sont normalement des centres d'éducation dans lesquels on fixe des bornes et dans lesquels on donne un peu plus de contraintes."
Des antichambres de prison ?
- "Non, ce peut être très bien. Quand vous avez des jeunes qui ont commis des délits ou des crimes extrêmement graves et qu'on leur redonne des repères un peu par la contrainte, ce n'est pas en tant que tel quelque chose de négatif. Si on leur apprend à se lever le matin, des choses aussi simples que faire leur lit, aussi simples que d'apprendre que comme vous et moi, on se lève le matin, on a des repères, on a des critères, tout cela n'est pas grave. La seule chose, c'est que cela coûte très cher et qu'il faut s'en donner les moyens et que jusque-là la France ne l'a jamais fait."
La suspension des allocations familiales versées aux parents d'un mineur placé en centre fermé, était un amendement déposé par l'UMP C. Estrosi ; qu'en pensez-vous ? Est-ce une bonne mesure, propre à encourager cette démission des parents ? Est-ce cela ?
- "Je constate une chose : on pourra mettre toutes les sanctions du monde, tous les policiers du monde, si on n'arrête pas la machine à produire des délinquants, on ne réussira jamais. Pour cela, il y a deux choses majeures : d'une part responsabiliser les parents ; d'autre part, faire en sorte que l'Education nationale fasse que chaque Français, chaque jeune, sache lire, écrire et compter."
On responsabilise les parents quand on suspend les allocations familiales ou pas ?
- "Cela peut être un coup de semonce qui n'est pas inutile."
La semaine dernière, vous accusiez le Gouvernement de ne pas dire toute la vérité. "La situation est grave" - c'étaient vos mots dans le journal Libération -, "Il faudra engager des réformes douloureuses." Vous avez le sentiment que J.-P. Raffarin endort un peu les Français ?
- "Ce que j'ai vécu pendant la campagne électorale, c'est que les Français ont le sentiment profond du déclin de leur pays et qu'il ne sert à rien de leur cacher que la situation est assez grave. Quand vous rencontrez le ministre de la Santé, il vous explique qu'un hôpital sur deux est en déficit et vit grâce à des reports de charges, c'est-à-dire faire en sorte que les dépenses soient payées l'année suivante. Je me souviens qu'en 1992, on avait loué des Antonov pour la guerre du Golfe, on en a encore loués pour l'Afghanistan dix ans plus tard ; on dépouille des avions pour trouver des pièces détachées pour faire voler d'autres avions. La situation budgétaire du pays est assez calamiteuse puisqu'on a un déficit énorme en dépit de quatre ans de croissance. Il faut dire aux Français que, pour l'instant, durant la session extraordinaire, on a surtout voté des dépenses, c'est-à-dire des policiers en plus, des magistrats en plus.."
Des promesses électorales. Cela avait été promis.
- "Oui, des engagements. Mais cela veut dire aussi qu'à un moment, il va falloir dire aux Français qu'il va falloir se serrer la ceinture. On ne peut pas constamment vivre au-dessus de ses moyens."
Vous avez dit que le Gouvernement n'aurait pas dû renoncer à la hausse des tarifs EDF. On parle d'une reprise un peu plus molle que prévu. Comment faire ? Seriez-vous favorable à une pause dans l'allégement des baisses d'impôts pour les années suivantes ?
- "Non, je ne fais pas partie de ceux-là. Au contraire, baisser les impôts est un moyen de donner un signal à celles et ceux qui créent de la richesse. Ce qui est désolant aujourd'hui, c'est qu'il y a une double exclusion. Une exclusion par le haut : ce sont nos jeunes diplômés des plus grandes écoles, formés avec nos impôts en général et qui partent vivre et travailler à l'étranger, et celles et ceux qui créent de la richesse et qui décident d'aller créer leur entreprise ou d'investir à l'étranger. Tout cela est insupportable parce que c'est, bien entendu, de l'activité, des impôts et de l'emploi en moins à terme. Et il y a l'exclusion par la base, c'est-à-dire les quatre ou cinq millions de Français qui vivent de stages parking, de petits boulots, etc... Baisser les impôts, c'est un moyen de dire à celles et ceux qui sont susceptibles de créer l'activité de demain, "restez chez nous et investissez chez nous."
Etes-vous favorable à l'allégement des charges patronales ? C'est à l'étude, on parle du...
- "Oui, patronat et salariés."
Mais ces allégements pourront-ils être financés avec les deniers de l'Etat ?
- "Mais pourquoi pas ?"
Parce que J.-P. Raffarin ne veut pas que les dépenses de l'Etat augmentent de plus de 0,2 % par rapport au collectif budgétaire de 2002 et que, comme vous l'avez dit vous-même, il y a des réformes prioritaires comme les retraites qui vont coûter très cher. Il y a un moment où il va falloir se poser la question du financement.
- "Oui, mais il y a pire que cela. Pire que cela, c'est le fait qu'un salarié qui gagne 5 600 francs par mois et qui part à 5 heures le matin travailler se dise qu'il est idiot d'aller bosser. Il faut que cette personne qui va travailler se dise qu'elle a intérêt à aller travailler. Il n'y a qu'une seule solution, c'est d'augmenter le salaire direct, c'est-à-dire ce qu'il touche la fin du mois."
On sait bien vos convictions à ce sujet. Mais comment financer ?
- "Peu importe..."
Réduire le nombre de fonctionnaires ?
- "Peu importe, si c'est un déficit provisoire. Si le déficit provisoire permet de relancer l'activité, la création de richesses, l'investissement, et que tout cela fait en sorte que les rentrées dans les caisses de l'Etat deviennent plus importantes dans deux ou trois ans, ce n'est pas très grave."
Donc lâcher un petit peu sur le déficit ?
- "Oui. Cela ne me choque pas de lâcher sur le déficit..."
Il va falloir en parler à Bruxelles...
- "...si on lâche sur le déficit pour, en quelque sorte, relancer la machine France. Si c'est lâcher le déficit pour simplement créer des dépenses supplémentaires, c'est une très mauvaises idée."
Très bonnes vacances puisque vous êtes en vacances jusqu'au 1er octobre.
- "Non, je suis en vacances jusqu'au 28 août."
F. Bayrou, on ne l'entend pas. Il est où, que fait-il ? Il prépare un parti puissant avec 29 députés à l'Assemblée ?
- "Vous n'êtes vraiment pas sympa quand vous dites ça. Non, la réalité c'est qu'il est clair que nous avons eu un certain nombre de pertes liées au passage d'un certain nombre de nos amis de l'UDF à l'UMP. Et donc F. Bayrou, lui, s'occupe de reconstituer une force politique sur l'ensemble du territoire national, parce que c'est vrai qu'on a eu, dans un certain nombre de régions, des défaillances. Il faut donc reconstituer une pépinière de jeunes talents, comme on les a à l'Assemblée parce qu'on a de jeunes députés qui sont remarquables. Je crois que les Français ont envie d'avoir une génération nouvelle. Ca, c'est son boulot."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 août 2002)