Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la création d'emplois dans l'artisanat, la formation professionnelle, les relations entre l'Etat et les PME, la politique de soutien à la croissance économique et les mesures de simplification administrative, Paris le 24 octobre 2002.

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Circonstance : Congrès de l'Union professionnelle artisanale (UPA) à Paris le 24 octobre 2002

Texte intégral

C'est pour moi un très grand honneur de m'exprimer, aujourd'hui, devant la première entreprise de France. Je vous le dis avec sincérité : je mesure l'importance, pour la France, de l'artisanat et je crois que c'est un devoir du Gouvernement d'être aux côtés de l'artisanat pour tracer, ensemble, les lignes de notre avenir. J'ajoute à cet honneur, cher président, un peu de bonheur : celui de vous retrouver, vous, monsieur le président de l'UPA, et vos collègues, de retrouver cette grande famille de l'artisanat dont notre pays a besoin et qui a fait les preuves de ses capacités de représentation et de propositions. Je suis heureux de voir que vous n'avez pas perdu votre malice et que vous savez bien, entre deux compliments, glisser une revendication. Cela me fait plaisir de voir que le tempérament de l'artisanat reste vivant.
Je suis très heureux d'être ici avec R. Dutreil, l'un des plus brillants de cette jeune génération qui se mobilise au service de votre cause au Gouvernement ; et je suis très heureux aussi de saluer les très nombreux parlementaires, députés et sénateurs qui se sont rassemblés, aujourd'hui, avec vous. Je vois que pour les textes de loi à venir, les relais pour les amendements de l'UPA seront nombreux. Ils seront maintenant identifiés. Un petit mot pour saluer le nouveau président de la CGPME qui est ici. Je crois qu'il est très important qu'il y ait ce dialogue entre les PME et l'UPA. Il y a des différences de cultures, d'histoires mais il y aussi des proximités. Et je trouve que c'est très bien que vous puissiez ainsi montrer les uns et les autres du respect pour les différentes organisations dont - vous le savez bien - notre pays a grand besoin.
Je voudrais commencer en saluant les artisans du Sud-Est de la France. Je voudrais le faire parce que notre pays a connu, avec les inondations, des difficultés majeures et nous avons pu apprécier, par la proximité que nous avons sur le terrain, la mobilisation des artisans. Je crois que c'est dans les difficultés que l'on voit notre maillage territorial faire preuve d'efficacité. Et dans cette crise que nous vivons encore pour le développement économique de ces départements qui ont été touchés par les inondations ; s'il n'y avait pas d'un côté les artisans et de l'autre côté les élus locaux qui ensemble ,ont pris leur courage à deux mains, peut-être que nous n'aurions pas fait face comme nous faisons face. Et je voudrais leur dire, au nom de la République, ma très sincère gratitude.
Vous le savez, l'artisan représente, pour moi, une valeur économique et humaine majeure. Nous avons en commun - j'ai construit personnellement cette conviction en travaillant avec vous - qu'au fond l'économie que nous aimons, l'économie que nous voulons c'est l'économie humaniste. Ce n'est pas l'économie du gigantisme. Ce n'est pas l'économie de la concentration. Ce n'est pas l'économie de la financiarisation. Cette économie de plus en plus distante, cette économie sur laquelle on n'a pas de prise. L'économie à laquelle nous croyons, c'est une économie humaniste c'est-à-dire une économie de valeurs, une économie dans laquelle la personne humaine trouve des repères. Et celle-là, l'artisanat en est le principal et le meilleur interprète.
Cette économie de valeurs et cette économie humaniste sont articulées autour d'un certain nombre de points forts auxquels nous sommes très attachés. D'abord le travail et il faut le dire aux Français et aux jeunes Français : notre pays a besoin, pour sa richesse, pour son bonheur, du travail. Il nous faut augmenter globalement la capacité de travail de l'ensemble de la France. S'il n'y a pas dans l'avenir d'heures travaillées en plus dans notre pays, il n'y aura pas de richesses en plus. Il faut plus de Français au travail, il faut mieux partager le travail mais globalement, la capacité de ce pays, de notre pays, doit être renforcée. Il n'y a pas de création de richesses sans travail.
Et ce n'est pas en faisant croire que la société de loisirs sera la société unique de l'avenir qu'on créera les richesses, qu'on créera l'avenir et qu'on pourra faire en sorte qu'il y ait ce vivre ensemble dont nous avons tous besoin et qui est au coeur de notre pacte républicain. C'est pour cela que cette valeur travail est très importante afin que l'on puisse avoir de la liberté pour le travail dans notre pays avec, naturellement, le respect du droit et qu'aujourd'hui, on puisse travailler quand on a envie de travailler et que l'on permette aux uns et aux autres d'assumer leur propre vie, tant dans la liberté du travail que dans ces revenus. C'est, je crois, un élément très important de cette valeur à laquelle nous sommes très attachés.
Je le dis ici en mesurant - et j'y reviendrai tout à l'heure - ce qu'apporte, en créations d'emplois, l'artisanat. Ce sont 100 000 emplois par an que vous portez, bon an mal an, chaque année, et qui viennent du travail et des entreprises artisanales. Ils servent l'intérêt national. Je crois que cette valeur-là est très importante au coeur de l'économie humaniste.
Deuxième valeur très importante aussi c'est la formation. Vous l'avez dit, c'est sans doute un des défis majeurs que nous avons à affronter. Cette formation tout au long de la vie est la clé de l'épanouissement de l'individu et la meilleure des protections. C'est pour demain, comme le dit le président de la République, "la véritable assurance pour l'emploi". C'est cette capacité de formation dont l'artisanat a été souvent un inventeur et un découvreur avec le compagnonnage et l'apprentissage. Avec toutes ces techniques de formation qui ont été développées par cette relation, la meilleure des relations pour la formation est cette relation de proximité entre le chef d'entreprise et le compagnon Cette proximité humaine où l'on se passe de coeur à coeur un savoir professionnel. Nous voyons bien qu'il y a, là, des valeurs très importantes auxquelles nous devons être très attachés. Et c'est pour cela que sur ces questions-là, je crois qu'il y a encore beaucoup de choses à faire. Vous avez vu que dans notre budget de 2003, nous avons stabilisé les crédits.
Nous avons même augmenté les contrats de formation en alternance. Nous avons fait développer l'apprentissage et les contrats de qualification (10 %). Je suis bien conscient qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. J'y reviendrai mais c'est un des éléments stratégiques préalables si on veut que l'artisanat continue à créer des emplois dont le pays a besoin mais aussi pour que l'artisanat lui-même se valorise, se fertilise par la formation des artisans. Cette formation-là ce n'est pas, comme c'était le cas dans le passé, une étape de la vie mais c'est, tout au long de la vie, une nécessité d'adaptation du potentiel humain à l'exigence du travail. Travail, formation et la taille humaine.
C'est aussi une de ces valeurs de l'économie humaniste à laquelle nous sommes attachés. L'individu trouve ses repères quand il est dans des structures à taille humaine. Alors, cessons de faire croire qu'il faut toujours voir plus grand parce qu'à un moment c'est tellement grand que l'individu ne sait plus où cela est. C'est vrai des villes comme des entreprises. Il y a des moments où l'individu perd ses repères dans le gigantisme. Les structures à taille humaine sont les structures de la mobilisation. Ce sont les structures de la lisibilité pour la personne. Ce sont dans ces structures-là que l'on peut, aujourd'hui, mobiliser l'énergie humaine, même appeler au dépassement de cette énergie humaine. C'est un des éléments très importants de notre tissu économique. Je voudrais dire que ces logiques de taille humaine sont essentielles dans l'ensemble de notre vie. C'est vrai de tous les grands dossiers - on le voit bien aujourd'hui que ce soit pour la santé ou pour l'aménagement du territoire, que ce soit pour les entreprises. Il faut faire en sorte que l'on ne condamne pas systématiquement des entreprises à taille humaine parce que des économies d'échelle conduiraient toujours en permanence à chercher toujours plus grand et toujours plus loin. Cette course-là est une course dangereuse pour les équilibres de la personne. Ces entreprises à taille humaine que vous représentez, avec cette diversité professionnelle qu'est la vôtre, avec vos différentes familles, avec aussi cette implantation sur l'ensemble du territoire, c'est aussi très important de voir qu'un pays comme la France, dans sa dimension humaine, a besoin d'une activité économique répartie sur l'ensemble du territoire. On le voit dans bien des domaines aujourd'hui, un coup dur économique d'une très grande entreprise blesse durablement tout un territoire.
En revanche, les petites entreprises, les artisans diffusés sur l'ensemble du territoire amortissent les conjonctures économiques difficiles et permettent cet oxygène de nos territoires sans lequel il n'y a pas d'équilibre de la France. Les structures à taille humaine sont très importantes.
Et je voudrais vous dire aussi que la quatrième valeur de cette économie humaniste ce sont toutes ces structures professionnelles. Que ce soit vos organisations syndicales et professionnelles, que ce soit, monsieur le président, les chambres de métier. J'entends souvent ici ou là dire qu'il faudrait simplifier, supprimer toutes ces organisations. Faisons attention : si on supprime les lieux de rencontres entre les personnes, les personnes finiront par s'ignorer et la solitude gagne dans la société. On a besoin de ces lieux de dialogue, on a besoin de nos conseils économiques et sociaux régionaux, de notre Conseil économique et social national ; on a besoin de cette organisation professionnelle. On a besoin de tous ces lieux où les gens se parlent, se confrontent, où les idées émergent. C'est cela le vivre ensemble. Ce n'est pas chacun pour soi avec des directives qui viennent systématiquement d'en haut. Ce sont des lieux de rencontres, des espaces de décisions. La société française a besoin de ces espaces-là. Plus on les supprimera plus on brutalisera la société. Alors, par moment, on a l'impression de dépenser de l'argent, on a l'impression de perdre du temps. Mais au fond, quand les gens ne se parlent pas, quand la société fait en sorte que les uns et les autres s'ignorent, est-ce que la société est gagnante. Quand on voit ces quartiers de grande solitude de certaines de nos villes, quand on voit aujourd'hui combien notre société manque de cet échange et combien, même encore aujourd'hui, malgré les efforts des uns et des autres, d'entrepreneurs et d'artisans se sentent seuls dans leur exercice professionnel.
On a besoin de cette proximité, de cette entraide et de se tendre la main dans une société qui se veut humaniste.
Dans cette économie à laquelle je crois, et à laquelle je suis attaché, je pense que l'artisanat a une place essentielle. Cette économie humaniste est pour nous, une perspective que nous voulons développer dans la politique que le Gouvernement mène pour la France. Nous voulons remettre la France dans le bon sens.
Cela veut dire d'abord et avant tout remettre bien l'Etat à sa place. Oui à l'Etat non à l'étatisme. Oui à un l'Etat qui assume ses responsabilités, mais non pas un Etat tentaculaire qui cherche à être présent partout et, à force d'être présent partout, il n'existe nulle part. Je crois que les grandes valeurs régaliennes de notre République doivent être assumées par l'Etat et que l'Etat doit faire face à ses responsabilités. C'est vrai de la sécurité intérieure et extérieure et c'est donc vrai de la défense et de la justice, c'est vrai de la police, c'est vrai également de l'armée. Nous devons avoir, pour ce qui est des missions de l'Etat, une France qui soit à la hauteur de sa réputation. Très franchement, quand j'ai vu l'état de la France quand le président de la République m'a confié ces responsabilités, quand j'ai vu l'état de notre défense, quand j'ai vu que quatre bateaux sur dix ne pouvaient pas prendre la mer, qu'un hélicoptère sur deux ne pouvait pas décoller parce que nous manquions de pièces détachées, je me suis dit quel est ce pays qui prétend vouloir garder sa place au Conseil de sécurité si important aujourd'hui pour la sécurité du monde et la sécurité de la France ? Quel est ce pays qui n'assume même pas ces choix principaux pour être aujourd'hui présent sur la scène internationale ? Il faut que l'Etat dégage des moyens pour les priorités des Français et notamment pour la sécurité des Français et la sécurité de la France.
C'est une orientation à laquelle nous sommes très attachés. Il va de soi que nous ferons tout pour que l'Etat assume ses responsabilités régaliennes. Mais à côté de cela il faut que l'Etat, assumant sa propre politique, fasse confiance à la société civile, fasse confiance aux forces vives et travaille avec elles pour libérer et accompagner cette énergie économique. C'est là où nous avons, ensemble, un partenariat à développer et à construire.
Il faut que la République soit ouverte davantage aux forces vives. C'est vrai de notre économie ; c'est vrai aussi de nos territoires dont je voudrais vous dire un mot. Sur notre politique économique, on voit bien aujourd'hui que l'économie internationale est dans une phase d'incertitude. C'est pour cela qu'il faut se méfier des idéologies et se méfier des dogmes. La politique qu'a choisie le Gouvernement, c'est le pragmatisme de s'appuyer sur les deux grands volets, les deux grands moteurs de notre économie : le moteur de la consommation, le moteur des entreprises. Le moteur de la consommation, c'est-à-dire du pouvoir d'achat, participe au développement économique et au retour de la croissance. C'est pour cela que nous avons tenu à baisser les impôts, c'est pour cela que nous avons maintenu la prime pour l'emploi, c'est pour cela que nous sommes, parmi les pays européens, le pays le plus attaché à la défense du pouvoir d'achat. C'est un élément stratégique de notre développement économique. Vous avez besoin, dans vos activités économiques et artisanales du développement de la consommation. C'est pour cela que nous continuerons cette politique. Il ne s'agit pas, comme je l'entends ici ou là, de faire des cadeaux fiscaux ; il s'agit de mener une politique qui fait du consommateur un moteur pour l'ensemble de l'activité. C'est cette ligne-là que nous voulons développer ; c'est pour cela que nous avons pris ces orientations et que nous injectons en ce moment 4 milliards d'euros dans l'économie, à la fois par les allégements d'impôts et à la fois par la prime pour l'emploi. C'est pour cela aussi qu'avec l'harmonisation des SMIC, avec un certain nombre d'initiatives, nous ferons en sorte que, dans l'avenir, on puisse soutenir le pouvoir d'achat pour soutenir la consommation.
Mais à côté de cette logique de la demande, il nous faut une logique de l'offre et il faut soutenir l'activité entrepreneuriale, il faut soutenir l'activité artisanale qui est un moteur majeur de notre développement économique et du retour de la croissance. C'est pour cela que nous avons pris un certain nombre de décisions, cher président, dont vous avez parlé tout à l'heure. Je pense, notamment, à cet assouplissement des 35 heures que nous avons voulu faire rapidement de manière à ce que vous ayez accès à ce volume de 180 heures d'heures supplémentaires et que le coeur du coût de ces heures supplémentaires soit accessible aux petites entreprises de manière à permettre le développement de l'activité. Ce dispositif aujourd'hui peut être un dispositif qui permettra à la fois au salarié de pouvoir gagner plus lorsqu'il veut travailler plus et à l'entreprise artisanale de faire face à son développement. Il est très important; dans cette logique-là, que nous poursuivions les allégements de charges. C'est un des éléments très importants de la politique que nous voulons développer. C'est vrai que nous avons la nécessité d'harmoniser les Smic pour les salariés mais aussi pour les apprentis et alléger les charges pour que l'Etat vienne participer à cet effort de l'entreprise artisanale. J'ai bien noté, cher président, que vous vouliez qu'on aille à 1,7 ; ça m'aurait surpris que vous soyez complètement satisfait ; vous avez raison : il faut continuer à avoir des marges de mobilisation. C'est dans cette direction qu'il faut aller. Nous sommes vraiment persuadés, aujourd'hui, que l'avenir n'est pas à la subvention, l'avenir n'est pas aux aides, l'avenir c'est, au contraire, aux allégements et que le social et le fiscal soient moins lourds pour l'activité économique.
Il faudra aussi simplifier : la tâche est rude, vous le savez, parce que derrière chaque formulaire, il y a quelqu'un qui est installé et supprimer le formulaire, c'est supprimer l'installation. Dès que vous en supprimez un, il y en a un autre qui se crée. Mais nous allons mener une action ambitieuse sur cette question. Parce que je crois qu'il faut vraiment, pour l'ensemble des activités de notre pays, simplifier la vie des Français. C'est vrai de l'économie, c'est vrai du territoire, c'est vrai des communes : la complexité aujourd'hui, qui repose sur les acteurs, fait que nous transformons les acteurs économiques, que ce soit les artisans, que ce soit les paysans, que ce soit les maires, ils deviennent tous des bureaucrates. Ils perdent leur créativité économique majeure pour faire de plus en plus de paperasseries et de bureaucratie, ce qui est, naturellement, une perte majeure d'énergie. Nous allons engager, sur ces sujets, un dispositif important dont je vais vous dire quelques mots. Je voudrais, auparavant, vous rassurer, monsieur le président, sur la TACA budgétisée. Vous aurez, pour 2003, 4 millions d'euros supplémentaires à 2002 ; c'est-à-dire que nous veillerons bien à ce que la forme nouvelle de l'organisation administrative ne change pas pour la destination et pour le montant, qui sera même augmenté pour l'année 2003. Je suis, sur ces questions, très attentif et vous pouvez compter sur
R. Dutreil qui sait très bien que c'est quelque chose que vous ne lui pardonneriez pas. S'il est vrai qu'à Bercy et que là-dessus, il doit être votre représentant pour être d'une totale vigilance. Mais ne vous inquiétez pas, le dispositif est destiné à servir la cause des entreprises telles que les vôtres et c'est pour cela que seront maintenus et le niveau des crédits et la destination de ces crédits. J.-P. Charrier applaudit et il a raison car il m'a envoyé trois-quatre notes sur le sujet; il m'a dit : "il ne faut pas que tu ailles à l'UPA sans bien leur dire cet engagement - ; donc, je vois que Jean-Paul est rassuré ; nous sommes bien d'accord sur ce dispositif et nous serons tous très vigilants au cas où il y aurait des tentations administratives. Nous sommes, là, dans un dispositif qui doit rester en croissance pour vos entreprises.
Ce que je vous propose, au fond, monsieur le président, chers amis artisans, c'est que, ensemble, nous bâtissions un contrat d'objectif. On voit bien que vous avez besoin d'un certain nombre de mesures qui sont des mesures qui sont liées à la formation, qui sont liées aux charges, qui sont liées au développement de la qualification, qui sont des mesures de simplification, etc. Moi, ce que je vous propose, c'est qu'ensemble nous fassions un contrat pour la législature, un contrat d'objectif. Non pas un contrat de moyens, mais un contrat d'objectif pour 500 000 emplois. C'est le rythme que vous pouvez atteindre ; c'est votre rythme de un million sur dix ans mais on est élu pour cinq ans. On va s'occuper des cinq ans. Je vous rassure, on ne fera pas de dissolution cette fois-ci. Donc, on est bien là pour cinq ans. Alors, je vous propose un contrat pour 500 000 emplois. Et ce contrat "500 000 emplois", je suis prêt à discuter avec vous : il y a la colonne "artisanat - 500 000 emplois" et il y a la colonne "Etat - quels sont les moyens qu'il faut mettre à la disposition de l'artisanat pour qu'il atteigne cet objectif ?". D'ores et déjà, je vous propose trois textes, trois moyens important.
Premièrement, une ordonnance de simplification. On va travailler par ordonnances parce qu'il va falloir tailler dans le vif. Donc, on va aller dans le dispositif avec une logique d'ordonnances de simplification. R. Dutreil, avec les parlementaires, travaille sur cette question. Là, il faut qu'ensemble, on regarde bien les mesures de simplification auxquelles vous êtes très attachés pour que l'on puisse les décider et passer ça sous forme d'ordonnances. Deuxièmement, nous voulons que le projet de loi qui sera présenté avant la fin de l'année en Conseil des ministres concernant l'initiative économique puisse intégrer un grand nombre de vos 55 propositions - il y en a déjà plusieurs qui sont dedans. Un autre texte en préparation concerne le statut de la petite entreprise, avec le travailleur indépendant, l'ensemble de cette logistique entrepreneuriale pour lequel vous avez un certain nombre de propositions.
Donc, il y a là, dans l'année 2003, trois textes qui doivent nous permettre de pouvoir intégrer vos propositions : le texte sur l'initiative économique, le texte sur le statut de la petite entreprise et le texte sur la simplification administrative. A cela nous ajouterons ensemble ce qui est sans doute le plus important, le dispositif de formation, qu'il nous faut renforcer. Je connais la problématique des centres de formation, je connais les difficultés d'un certain nombre de chambres des métiers. Avec vous, je crois qu'il nous faut bâtir un dispositif renforcé pour permettre la formation des jeunes. On atteindra les objectifs de l'emploi - je crois que vous l'avez dit très clairement tout à l'heure - si on est capable de bâtir ensemble cette démarche de qualification. D'ailleurs, sur la qualification, il y a quelques extraits d'une loi que nous avons faite ensemble qu'il faudrait pouvoir publier rapidement parce que cinq ans après, ce serait un bon temps pour sortir des décrets. Mais puisque nous sommes revenus, on va sortir les décrets. Donc, sur ce dispositif-là, je crois qu'il y a possibilité, monsieur le président, de bâtir ce contrat entre l'Etat, le Gouvernement et l'artisanat sur les cinq qui viennent avec les objectifs d'emplois et avec un certain nombre d'autres décisions qui vous permettront d'atteindre cet objectif de 500 000 emplois. Je crois que c'est très important pour l'ensemble des Français de bien mesurer combien dans une situation économique incertaine, l'artisanat reste le moteur de l'emploi qualifié parce que c'est souvent un emploi " formé ". Mais c'est aussi un emploi qui est réparti sur l'ensemble du territoire. Il y a là, je crois, une possibilité de travailler ensemble, avec des objectifs précis et avec les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs.
Je voudrais vous dire que dans la logique qui est la nôtre, de cette ouverture de la société, à côté des missions régaliennes de l'Etat, pour tout notre effort de décentralisation, je compte vraiment sur les artisans pour participer à cette dynamique territoriale. Vous êtes très impliqués dans la vie locale. Je pense aux Chambres de métiers et à vos organisations professionnelles. Participez à ces débats ! La société civile doit participer à l'expression des territoires. Notre démarche n'est pas une démarche qui ne concerne que les élus, ce n'est pas une démarche qui concerne les collectivités locales. Il ne s'agit pas de remplacer l'étatisation par une autre forme de collectivisation. Il s'agit de faire en sorte que les territoires puissent s'exprimer et que ceux qui, habituellement, n'ont pas voix au chapitre, puissent avoir voix au chapitre parce que, justement, on libère la parole et l'énergie des territoires. Je crois qu'il y a des expérimentations, il y a des transferts de compétences pour lesquels on peut construire un certain nombre de partenariats, notamment grâce aux assemblées consulaires qui sont des établissements publics, qui peuvent avoir des missions de proximité utiles aux entreprises. L'action de décentralisation, c'est être au plus près du citoyen, il ne s'agit pas là, aujourd'hui, de répartir les responsabilités mais d'inverser la vapeur : au lieu que les choses tombent de Paris et d'en haut, il faut qu'elles partent du citoyen, du terrain et que le service public ait comme satisfaction principale le service du citoyen. De ce point de vue vous, les artisans, votre participation au tissu local, votre capacité de proximité doit pouvoir trouver sa place dans notre démarche de décentralisation. Je compte sur vous pour y prendre toute votre part.
Voilà, mesdames et messieurs le message que je voulais vous adresser aujourd'hui. Mais d'abord, je voudrais vous remercier de votre mobilisation, au moment de conclure,. Remercier toutes celles et ceux qui passent beaucoup de temps dans les organisations professionnelles, qui passent beaucoup de temps au service des autres. Le temps, c'est cette rareté, aujourd'hui, que beaucoup de gens refusent aux autres et donc nous devons avoir un profond respect pour ceux qui donnent de leur temps pour l'organisation professionnelle, pour la vie syndicale, pour faire en sorte qu'un certain nombre d'idées puissent avancer. Je suis conscient de ces efforts, parce que je sais que pendant que vous êtes dans vos organisations professionnelles, pendant que vous êtes dans les réunions, vous n'êtes pas dans vos ateliers, vous n'êtes pas là où se fait le chiffre d'affaires de votre entreprise. J'ai donc un petit mot, une pensée, pour vos épouses qui font souvent le travail pendant que vous êtes partis et qui sont sans doute restées à la maison aujourd'hui. C'est cela aussi l'économie humaniste, c'est cette capacité à participer à notre vivre ensemble, à faire en sorte qu'on se mobilise pour nos métiers mais au fond, pour notre pays. C'est cela qui me paraît très important aujourd'hui, c'est que celui qui s'engage dans la vie professionnelle dépasse son seul intérêt personnel et il va se mobiliser pour l'intérêt général.
Aujourd'hui, c'est ce dont la France a besoin, c'est que les Français se mobilisent pour l'intérêt général. Qu'on pense certes à soi mais qu'on pense aussi à la France, qu'on pense aussi à la mobilisation nationale parce que l'avenir de notre pays dépend de ce dont nous sommes capables, les uns et les autres, de lui donner. C'est aussi cette mobilisation d'un peuple pour son pays qui compte aujourd'hui pour la France. Moi, je veux que l'on parle dans ce pays de la France. La France, c'est plus que la somme de 60 millions d'égoïsmes et d'individualismes ; la France, c'est un patrimoine commun, ce sont des valeurs qui nous viennent de l'histoire, de notre géographie, ce sont des valeurs auxquelles nous sommes tous très attachés. Et nous devons, pour nos enfants, assurer l'avenir de la France. Nous le ferons simplement en conjuguant certes notre intérêt personnel mais aussi l'intérêt général. C'est pour cela que je suis venu vous dire merci, vous qui êtes les artisans de la France."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 4 novembre 2002)