Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, sur Internet (www.jeunesse-sports.gouv.fr), en octobre 1999, sur le projet de loi destiné à développer la pratique sportive, la répartition des bénéfices du Comité d'organisation de la Coupe du monde de football et les actions en faveur des jeunes.

Prononcé le 1er octobre 1999

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Texte intégral

Pas de pause dans les réformes
Développer la fonction éducative et sociale du sport, tel est l'un des enjeux du projet de loi discuté à l'automne. Marie-George Buffet s'explique.

Octobre 1999
La loi sur le sport de 1984 a généralement été considérée comme satisfaisante par le mouvement sportif. Pourquoi, dans ces conditions, estimez-vous nécessaire l'adoption d'une nouvelle législation ?
Parce que la réalité du sport a considérablement changé. Dans les modes de vie, dans les rapports sociaux, dans les moyens de communication, dans l'économie, dans la politique de lutte contre l'exclusion, la place du sport n'a cessé de s'accroître. Cette évolution est autant porteuse d'espoirs que d'inquiétudes. C'est la capacité de notre société à maîtriser, à conduire, et à accompagner cette évolution qui permettra au sport de développer ses fonctions éducatives et sociales. Or, pour mener cette intervention publique, les réponses dont nous disposons avec la loi de 1984 restent justes dans leur principe, mais ne sont plus du tout adaptées aux nouveaux défis à relever.
Après la nouvelle loi sur le dopage et l'examen en cours d'une proposition de loi sur le statut des clubs professionnels, c'est le troisième texte législatif sur le sport en moins de trois ans. N'est-ce pas un peu beaucoup ?
Ces trois textes sont complémentaires. Le premier est destiné à maîtriser les progrès de la médecine sportive et de la recherche afin qu'ils ne soient pas détournés de leur finalité. Le second vise à maîtriser l'activité économique des clubs professionnels, en fixant des règles, et en maintenant une cohésion forte entre tous les niveaux de pratique.Le troisième est résolument destiné à développer la pratique sportive sous ses formes les plus diversifiées, et à donner aux associations sportives un rôle majeur dans le tissu social et citoyen de notre pays.
De quelle manière ? Pouvez-vous citer une ou deux mesures précises contenues dans votre projet ?
Par exemple, en instaurant une aide directe aux associations sportives de base, financée par un prélèvement sur les droits de télévision liés au sport. Si cette mesure était appliquée cette année, cela représenterait un fonds de 150 à 180 millions de francs. Autre exemple : la formation sportive des enseignants dans le primaire n'est plus seulement une possibilité, elle est intégrée à leur formation générale. Les missions de service public déléguées aux fédérations sportives sont élargies. La pratique sportive sur le lieu de travail est reconnue et encouragée. La présence de femmes dans les organismes dirigeants du mouvement sportif disposera d'un levier législatif. En résumé : c'est le sport des licenciés, des éducateurs, des dirigeants, des bénévoles, des clubs et des fédérations qui est au cur de ce projet de loi !
Ce projet de loi a-t-il fait l'objet d'une concertation avec le mouvement sportif ?
C'est bien plus qu'une concertation. C'est le résultat de deux années de discussions, de rencontres sur le terrain, de réunions multiples avec les fédérations, le CNOSF, les élus, et les autres ministères concernés. Entre le texte initial et celui qui va être présenté au Parlement, les changements sont nombreux. Non seulement cela ne me gêne pas, mais je revendique cette pratique politique.
A propos de redistribution, comment va s'effectuer celle concernant les bénéfices du Comité d'Organisation de la Coupe du Monde de Football, évalués à environ 300 millions de francs ?
Cet argent ira exclusivement au développement du sport associatif, sous forme d'une aide directe à des projets précis. C'était le vu de Fernand Sastre, c'est celui de Michel Platini, de la Fédération Française de Football, et du Gouvernement. Le Conseil de Gestion du " Fonds Fernand Sastre " examinera l'ensemble des projets qui lui seront soumis. Ceux qui nous sont déjà parvenus se situent bien dans cette démarche d'aide aux structures de base, au renforcement de l'encadrement, aux actions qui mettent fortement en valeur les fonctions sociales du football et du sport en général.
Dans l'enthousiasme de la Coupe du Monde vous avez lancé, avec Aimé Jacquet et de nombreuses personnalités, l'initiative " 1,2,3 à vous de jouer". Quel bilan en faites-vous ?
Le premier bilan à tirer de cette initiative tient en deux constatations. La société française peut se rassembler dans sa diversité. Le sport joue un rôle positif dans l'exercice de la citoyenneté.Il y a un an, sous l'enthousiasme de la réussite de la Coupe du monde, de très nombreuses associations sportives et de jeunesse souhaitaient une initiative qui permettrait de cultiver cette générosité rencontrée autour du Mondial.De cette volonté est née " 1,2,3 à vous de jouer ". 1600 projets ont ainsi vécu.1 600 lieux de citoyenneté et d'expression, 1600 espaces de rencontres et de fraternité. En associant le sport à la culture, la solidarité sociale et l'ouverture au monde, ces initiatives ont témoigné des interactions qui se jouent aujourd'hui entre les pratiques sportives et l'évolution de la société. Cette dynamique s'est poursuivie avec la Fête des sports, qui s'est tenue dans toute la France les 25 et 26 septembre. J'y ai vu l'enthousiasme et la créativité des nombreuses associations mobilisées à cette occasion. Initiatives, démonstrations, compétitions amicales et pour que la fête soit complète, des spectacles, ont rassemblé des milliers de personnes dont de nombreux jeunes. Plus de 300 événements se sont déroulés sur deux jours, grâce à la participation des clubs, de nombreuses communes, et des services déconcentrés du ministère. Nous allons poursuivre cette dynamique. Comme pour la Fête de la musique ou les Journées du patrimoine, le sport a désormais sa fête annuelle.
L'action contre les discriminations dont sont victimes les jeunes est particulièrement bien relayée par les collectivités, et toutes les structures de loisirs où d'information accueillant des jeunes. Qu'attendez-vous des suites de cette campagne ?
Face à ces injustices, je souhaite que les jeunes puissent se faire entendre. Pour cela il faut d'abord les écouter, leur donner la parole, c'est l'objectif du concours d'idées de scénarios contre les discriminations en vue de réaliser des courts-métrages. La publication au début de l'année 2000 du guide des droits des jeunes avec également un site Internet va faciliter l'accès et l'utilisation du droit pour le plus grand nombre. L'action engagée par le ministère contre les discriminations s'inscrit dans la durée, et sollicite de très nombreux partenaires. L'objectif est d'enclencher une dynamique qui prenne appui sur la volonté d'agir des jeunes, et d'aboutir concrètement à faire reculer les discriminations. Des débats, des initiatives diverses sont à imaginer avec tous ceux qui sont concernés. Nous n'en sommes qu'au tout début.
A votre initiative ont été créés le conseil permanent et les conseils départementaux de la jeunesse. Ces espaces de citoyenneté réunissent 3 000 jeunes en France. Quel bilan en faites-vous et quelles sont les perspectives pour les mois à venir ?
Les conseils de la jeunesse sont nés dans l'élan des rencontres de la jeunesse qui, de juin à novembre 1997 avaient permis à des milliers de jeunes d'exprimer leurs attentes au gouvernement. Depuis, les conseils départementaux et le conseil permanent ont permis d'asseoir ce dialogue entre jeunes et institutions. De nombreuses propositions nouvelles ont pu être concrétisées dans les domaines du logement, de la santé, des formations, des emplois-jeunes Les 4 et 5 décembre, un rassemblement national des conseils sera l'occasion de préparer un festival de la citoyenneté en mars 2000. Lors de cette rencontre de décembre, les jeunes pourront échanger leurs expériences et formuler des propositions au gouvernement. Enfin, je souhaite que cette démarche d'association des jeunes aux décisions qui les concernent puisse rencontrer les attentes des collectivités publiques soucieuses du développement de la démocratie locale. J'ai prévu qu'une mesure budgétaire puisse en 2000, faciliter l'émergence de conseils locaux de la jeunesse en liaison avec l'ensemble des conseils déjà créés.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 11 octobre 1999)