Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la politique agricole en montagne et l'application des contrats territoriaux d'exploitation dans les zones montagneuses, Clermont-Ferrand, le 20 spetembre 1999.

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Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver aujourd'hui à Clermont-Ferrand avec l'ensemble des acteurs de la zone de montagne, élus, représentants professionnels et partenaires associatifs des massifs concernés, pour vous faire part des orientations que je souhaite donner à la politique de la montagne et faire le point sur la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation dans ces zones.
La politique de la montagne : un dispositif qui a fait ses preuves
La montagne représente le cinquième de notre territoire et selon l'altitude prise en compte, pas moins de 4 à 7 millions de nos concitoyens y vivent.
Territoire de haute valeur patrimoniale tant pour la diversité de sa faune et de sa flore que la richesse de ses paysages ou la qualité de ses produits, la montagne est également un territoire fragile qu'il importe de sécuriser.
C'est d'ailleurs sur ces bases qu'ont été initiées dès le 19ème siècle au sein du Ministère de l'agriculture les actions de restauration des terrains en montagne.
Puis il a fallu attendre le début des années 70 pour que soit engagée une politique de compensation financière des handicaps naturels à travers l'instauration de l'Indemnité Spéciale Montagne (ISM), le renforcement des aides aux bâtiments d'élevage, les aides à la mécanisation et le développement de la gestion pastorale.
En effet, si la montagne dispose d'atouts elle subit également au travers des conditions d'altitude, de pente et d'éloignement, des coûts supplémentaires et enregistre souvent des rendements agricoles inférieurs à la moyenne nationale.
Mais il est apparu que la prise en compte de la seule réalité physique ne suffisait pas et que chaque massif ne devait pas être traité de façon spécifique mais globale.
Tel est le sens de la loi montagne de 1985 qui a instauré un partenariat et une concertation en élargissant la problématique du développement de la montagne à tous les secteurs d'activité.
Les Préfets coordonnateurs de Massif, et les Commissaires à l'aménagement ont ainsi pu mettre en place des actions globales car le milieu montagnard présente des spécificités indéniables.
Les agriculteurs de ces zones doivent faire preuve de réelles capacités d'adaptation et d'innovation en compensant, par une activité diversifiée, les handicaps qu'ils subissent.
Le bilan de l'action de mon Ministère a été dressé par l'instance d'évaluation de la politique de la montagne qui précise que :
" les mesures de soutien spécifiques à l'agriculture de montagne ont montré leur adéquation globale par rapport aux objectifs poursuivis ".
. le nombre d'exploitation agricoles a évolué au même rythme que la moyenne nationale ;
. le renforcement des aides à l'installation a permis un rajeunissement des chefs d'exploitation et un nombre d'installation supérieur à la moyenne nationale ;
La politique de préservation de l'environnement a été fortement encouragée puisque la montagne représente la moitié des crédits de la prime au maintien des systèmes d'élevages extensifs et plus de la moitié des mesures agri-environnementales.
Toutefois, il est clairement affirmé que l'avenir de l'agriculture de montagne est davantage lié à la répartition des soutiens publics à l'agriculture qu'aux soutiens spécifiques compensatoires.
De même, le rapporteur insiste sur le fait qu'une agriculture extensive, respectueuse de l'environnement constitue un enjeu majeur pour le maintien des biotopes et des paysages de qualité et qu'il faut engager la réflexion sur une autre répartition des aides, privilégiant la gestion de l'espace et les filières de qualité.
Ce diagnostic me semble particulièrement important.
Il ne s'agit donc pas seulement de compenser les handicaps mais de rechercher également la parité des revenus, grâce à la valorisation des atouts de la montagne parmi lesquels figure la qualité des produits, qualité reconnue par le consommateur.
La nécessaire adaptation de cette politique et sa prise en compte dans les contrats de plan Etat/Région.
J'ai décidé à la fin de l'année dernière de mettre en place un groupe de travail chargé d'examiner les différents éléments de la politique agricole en montagne et de faire des propositions.
Celui-ci s'est réuni à 10 reprises au cours du premier semestre, sans compter 12 rencontres régionales et de nombreuses réunions de travail.
Je tiens à remercier ici tous les intervenants pour la qualité du travail accompli dans le rapport qui vient de m'être transmis.
Je souhaite toutefois vous dire que vous avez été écoutés avec intérêt mais que le contexte de la réforme de la PAC et ce que j'attends de l'application de la loi d'orientation agricole font qu'il n'est pas raisonnable de penser que toutes ces propositions seront retenues.
La publication du règlement développement rural par l'Union Européenne aurait pu être l'occasion de remettre à plat l'ensemble des soutiens dont bénéficient les exploitations.
Je tiens à vous dire que la demande qui m'a été transmise a été de ne pas bousculer un système qui a fait ses preuves mais que m'ont été proposées des adaptations à la marge.
. bâtiments d'élevage et aide à la mécanisation
J'ai délégué 74 Millions de francs en févier 1999 et je m'apprête à déléguer 16 Millions de francs supplémentaires dans les prochains jours.
L'effort financier de cette année 1999 représentera donc un doublement par rapport aux 49 Millions de francs de l'année précédente.
Ce niveau élevé de crédits sera maintenu l'an prochain.
Afin de faire le point sur les files d'attentes, j'ai chargé mes corps d'inspection d'un rapport dont les conclusions me seront rendues à la fin de l'année.
. En ce qui concerne les indemnités compensatoires, vous savez que nous devons passer d'un dispositif d'aide à l'UGB aux aides à l'hectare.
Afin de ne pas compliquer la tâche des éleveurs, j'ai obtenu le report d'un an de la réforme des ICHN. Celle-ci interviendra donc au 1er janvier 2001 et j'ai demandé à mes services de travailler avec vous pour que les conditions d'éligibilité des agriculteurs allient simplicité et référence à la situation actuelle.
Je sais que l'obligation réglementaire d'être à jour de ses cotisations sociales vous préoccupe. Je vous rappelle que la loi a toujours obligé au respect de cette obligation pour percevoir les aides économiques agricoles.
Cette disposition s'appliquera également au CTE.
Je pense en effet que ce serait rendre un mauvais service à la MSA, gérée par les agriculteurs, de revenir en arrière.
Je me félicite de l'attachement des montagnards à la défense de la petite exploitation, c'est pourquoi j'ai décidé que la prime renforcée pour les 25 premières unités primables serait maintenue.
En ce qui concerne les autres demandes qui m'ont été formulées. J'ai été sensible aux propositions qui consistent à mieux prendre en compte certaines productions végétales et à une revalorisation du soutien à la haute montagne. J'ai demandé à mes services de les étudier avec attention car vous n'ignorez pas que les arbitrages définitifs sur le règlement développement rural ne sont pas rendus et qu'ils doivent l'être en concertation avec la commission et les autres départements ministériels.
Le Comité Interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire du 15 décembre 1998 a clairement réaffirmé l'objectif du Gouvernement de voir figurer un volet " montagne " dans chacun des contrats de plan avec une mise en cohérence à l'échelon interrégionale.
Cet objectif est aujourd'hui concrétisé à deux niveaux :
. dans les mandats de négociation transmis aux Préfets le 2 septembre dernier ;
. dans l'élaboration des conventions interrégionales de massif dont les actions seront prises en compte au travers de la deuxième enveloppe des contrats de plan à travers le Fonds National d'Aménagement et de Développement du Territoire et des crédits ministériels spécifiques.
J'ai d'ores et déjà obtenu pour mon ministère un montant de 8,1 Milliards de francs à comparer aux 7,5 Milliards de francs de la période précédente.
Ce montant va être renforcé au titre de la 2ème enveloppe.
Les thématiques que nous proposons à la contractualisation aux collectivités territoriales sont les suivantes :
. les aides aux bâtiments d'élevage et à la mécanisation ;
. des actions diversifiées susceptibles de valoriser les atouts de la montagne ;
. en matière forestière, la restauration des terrains en montagne dont j'ai eu l'occasion de souligner l'importance pour la prévention des risques naturels en zone de montagne.
De façon non spécifique, d'autres thématiques sont également proposées à la contractualisation : amélioration de la valeur ajoutée de l'agriculture, renforcement de la qualité des produits et gestion durable des milieux, en cohérence avec la loi d'orientation agricole et la future loi d'orientation forestière.
En ce qui concerne les conventions interrégionales de massif, la balle est dans le camp des régions et donc entre les mains des professionnels également, pour établir des propositions solides autour de projets cohérents.
De même, les contrats territoriaux d'exploitation sont un outil essentiel. Je ne doute pas un seul instant que les montagnards sauront s'en saisir. Ils ont déjà montré par le passé qu'ils avaient développé des réflexions globales autour de l'exploitation, du territoire et de l'environnement.
L'agriculture de montagne, comme les autres, doit pouvoir répondre aux nouvelles attentes de la société qui a une demande de plus en plus marquée de biens agro-alimentaires de qualité, d'un territoire entretenu et équilibré, et du respect de l'environnement. Ces attentes exigent la mise en oeuvre de systèmes de production qui ne peuvent être, dans un premier temps, directement rémunérés par le marché et exigent une participation financière de la collectivité en contrepartie d'engagements pris.
. Fondé sur la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture, le CTE est un outil d'orientation et de développement qui doit permettre aux agriculteurs de s'adapter aux nouvelles donnes des marchés et aux nouvelles attentes de la société. Il repose sur une démarche contractuelle empreinte de modernité et de responsabilité.
.Le CTE constituera un réel projet portant sur l'ensemble de l'exploitation, par lequel l'agriculteur volontaire s'engage à développer une activité agricole bien conduite qui contribue en même temps à la production agricole, à la création de valeur ajoutée, mais aussi à la protection et au renouvellement des ressources naturelles, à l'équilibre des territoires et à l'emploi.
.
Le législateur a voulu que le CTE soit compatible avec un ou plusieurs contrats types d'exploitation arrêtés par le préfet de département après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA).
. Le CTE individuel comportera simultanément deux parties : une partie économique et relative à l'emploi et une partie environnementale et économique. Le niveau et les modalités de rémunération et chacune de ces parties contribueront à la viabilité économique de l'exploitation.
. La montagne, qui a souvent été présentée comme un laboratoire d'idées en matière de politique agricole et rurale, saura sans aucun doute profiter de ce nouvel instrument pour construire des projets cohérents et exemplaires.
. Le groupe de travail sur la politique agricole de la montagne a étudié certaines réflexions déjà menées dans les différents départements. Un certain nombre de points méritent d'être signalés et d'être soutenus.
A l'occasion de l'élaboration des contrats territoriaux d'exploitation, une dynamique d'échanges d'information entre massifs et de mise à la connaissance des autres de réflexions sur des thèmes pouvant constituer les cahiers des charges des futurs CTE a été enclenchée. J'appelle de mes souhaits la création d'un réseau permanent entre zones de montagnes.
Beaucoup d'innovations ont déjà été réalisées. Il s'agit de s'en inspirer pour les conforter, les amplifier, voire les relancer dans des CTE. Ainsi, la recherche de l'autonomie fourragère à base d'herbe, la reconquête des territoires en friches, les ateliers de transformation qui ont une politique d'embauche peuvent figurer aux cahiers des charges. Les partenariats entre les organisations professionnelles agricoles, les élus et l'administration existent. Il faut que cela continue.
La démarche collective d'utilisation raisonnée de certains espaces par les groupements pastoraux a vocation à s'intégrer dans un CTE. Je les y encourage.
La DEPSE apportera un appui technique particulier aux porteurs de projets et administrations concernées afin d'accélérer les opérations phares. En effet, le CTE doit devenir un puissant outil de valorisation des atouts de la montagne.
Comme vous le savez, j'ai l'intention de signer des CTE dès le mois de novembre prochain. Je souhaite fortement que les territoires de montagne prennent une large part dans les CTE exemplaires de cette année, emblématiques de la nouvelle politique qui se met en place en France. Je pense également que les années à venir verront une forte proportion de CTE en montagne.
La valorisation des atouts de la montagne passe par une reconnaissance officielle de la qualité des produits issus de ces régions. Le décret montagne était à ce sujet particulièrement attendu.
Cependant, les agriculteurs de montagne doivent se mobiliser pour que l'image positive véhiculée par les produits montagnards ne soit pas récupérée par d'autres opérateurs de la filière afin que la valeur ajoutée leur revienne.
Le décret montagne est très attendu. Il est en effet préférable pour les éleveurs d'avoir une stratégie de rémunération par le prix de vente plutôt que par des soutiens sous forme d'aides. Le consommateur assuré de l'origine et de la qualité du produit acceptera durablement de le payer plus cher. Après l'arrêt de la Cour européenne de justice qui a refusé le dispositif préparé antérieurement, le décret montagne a été remis en chantier. Les différents partenaires, dont les organisations professionnelles ont été consultées. Le Conseil d'Etat va être saisi ainsi que la Commission européenne. En substance, le décret précisera que l'autorisation d'utilisation du terme montagne sera délivrée par le Préfet de région, le contenu du cahier des charges est précisé. Enfin, l'aire géographique de production, de fabrication et de conditionnement doit se situer en montagne.
. La transformation industrielle des produits vise une régularité de la qualité des produits, une standardisation par traitement approprié de la matière première.
. Au contraire, la variation et la diversité des produits artisanaux, qui peuvent être un inconvénient si elles ne sont pas correctement maîtrisées, permettent au consommateur de disposer de produits à caractéristiques organoleptiques incomparables. Les producteurs doivent ainsi maîtriser parfaitement les processus d'élaboration du produit, et cela en toute transparence par rapport au consommateur.
. L'une des caractéristiques fortes de la production en montagne concerne la petitesse des exploitations qui génèrent de faibles quantités de produits à mettre en marché et une offre atomisée. Il en résulte des moyens financiers limités peu à même de permettre un développement individuel ainsi qu'une forte variabilité des produits. Je ne dirais jamais assez combien est nécessaire la structuration collective des producteurs afin de peser sur la filière de transformation et de distribution. Les CTE peuvent être mobilisés pour soutenir cette nécessaire évolution.
. Les coûts d'approvisionnement des exploitations de montagne, les coûts de collecte sont plus importants du fait du contexte géographique. Si une réflexion sur des compensations de surcoûts peut être entendue, il faut aussi que les agriculteurs se créent les conditions d'accès à la filière de transformation. Des initiatives en matière d'ateliers collectifs de transformation, de vente directe ou des magasins associés, de fermes-auberges existent. Les CTE sont sans doute un moyen de les développer.
. Je souhaite enfin dire un mot sur le pastoralisme. Entretenir les espaces d'estive est essentiel au maintien des paysages ouverts, à leur beauté et participe à la protection des humains, notamment en sécurisant le manteau neigeux en hiver ou en entretenant des sous-bois dans les zones classées à risque du point de vue des incendies. Utiliser les estives est également essentiel pour les éleveurs de montagne.
Leurs exploitations sont de fait de petites structures, il leur faut donc rechercher une autonomie fourragère plus complète en pratiquant le pastoralisme. Les CTE, comme je l'indiquais plus haut, peuvent aider les éleveurs des groupements pastoraux. Ils sont l'outil qui permettra d'améliorer les parcours techniques d'utilisation rationnelle de ces territoires notamment dans les zones d'accès difficiles comme les pentes. L'utilisation rationnelle doit aussi éviter les surpâturages propices aux érosions et à la diminution de la bio-diversité ou les sous-pâturages sources d'enfrichement. Les groupements pastoraux sont aussi générateurs de valeur ajoutée pour ses membres et par la même utiles au maintien, voire à l'embauche, de salariés, bergers en particulier.
(source http://www.agriculture.gouv.fr 22 septembre 1999)